Fragment Loi figurative n° 19 / 31  – Papier original : RO 39-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Loi figurative n° 305 p. 131 / C2 : p. 158

Éditions de Port-Royal : Chap. X - Juifs : 1669 et janvier 1670 p. 77-78  / 1678 n° 4 p. 78

Éditions savantes : Faugère II, 203, XXV / Brunschvicg 746 / Tourneur p. 261-3 / Le Guern 247 / Lafuma 264 / Sellier 295

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Bibliographie

 

 

Voir le dossier Preuves de Moïse.

 

ADAM Michel, “La signification du miracle dans la pensée de Pascal”, Revue philosophique de la France et de l’étranger, n° 4, octobre-décembre 1981, Paris, Presses Universitaires de France, p. 401-423.

LODS Adolphe, Les prophètes d’Israël, Paris, A. Michel, 1969.

SHIOKAWA Tetsuya, Pascal et les miracles, Paris, Nizet, 1977.

Port-Royal et le royaume d'Israël, Chroniques de Port-Royal, 53, Paris, Bibliothèque Mazarine, 2004.

 

 

Éclaircissements

 

Les Juifs étaient accoutumés aux grands et éclatants miracles et ainsi ayant eu les grands coups de la mer Rouge et la terre de Canaan comme un abrégé des grandes choses de leur Messie ils en attendaient donc de plus éclatants, dont ceux de Moïse n’étaient que l’échantillon.

 

Sur l’histoire et les livres de Moïse, voir le dossier Preuves de Moïse.

Sur l’idée de miracle, voir Miracles I (Laf. 830, Sel. 419).

Lods Adolphe, Les prophètes d’Israël, 1969. Les Juifs attendent de Dieu des biens terrestres que Dieu réserve en récompense aux justes. Ils attendent du messie de plus grands miracles que Moïse, et ils voient en lui un grand prince terrestre.

Genèse, Préface de Sacy, §. I. Moïse Auteur de la Genèse. Autorité de Moïse confirmée par ses miracles.

« L’Écriture sainte est une source de vie et de lumière : et ce que saint Paul a dit du Verbe de Dieu, se peut dire de sa parole : que tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu y sont renfermés [Coloss. 3. 3]. Le premier des livres de l’Écriture est la Genèse ; et l’auteur qui l’a écrit est Moïse.

Si l’on considère la personne de cet homme de Dieu, on n’y trouvera rien que de grand et d’extraordinaire. Il a été élevé comme le fils adoptif d’une princesse, qui avait dessein de le rendre digne d’être roi [Act. 7.22] ; et il a été instruit de toutes les sciences des sages d’Égypte, dont la réputation était alors célèbre parmi les savants.

Si l’on a égard à l’Antiquité, il a été sans comparaison plus ancien que tous ces auteurs si illustres dans le monde, qui ont acquis à la Grèce le nom de mère des sciences et des arts. Car il a été près de cinq cents ans avant Homère, huit cents avant le philosophe Thalès qui a traité le premier de la nature, neuf cents ans avant Pythagore, et plus d’onze cents ans avant Socrate, Platon et Aristote, qui ont été comme les chefs et les maîtres de toute la sagesse des Grecs.

Si l’on considère ce qui paraît de grand dans ses écrits et dans toute la suite de sa vie, on trouvera que n’ayant pu tirer aucune lumière de toute l’Antiquité profane, avant laquelle il a éclaté dans le monde, il a été en même temps, orateur, poète, historien, philosophe, législateur, théologien, prophète, plus que pontife, puisqu’il a sacré le grand prêtre, ministre de Dieu, avec lequel il a traité comme un ami avec son ami, conducteur de son peuple ; enfin pour dire tout en un mot, maître et arbitre de la nature, interprète du ciel, vainqueur des rois, Dieu de Pharaon [Exod. 7.1].

Toutes ces qualités et humaines et divines ont été rassemblées en Moïse, afin qu’il possédât une autorité à laquelle les hommes fussent obligés de déférer, comme à celle de Dieu même [Act. 7.22].

L’Écriture dit de lui, qu’il a été puissant en œuvres et en paroles. Ses œuvres sont ses miracles, par lesquels il a paru un homme visiblement envoyé de Dieu. Ces plaies effroyables et pleines de merveilles, par lesquelles il a frappé tout un grand royaume, non une fois, mais dix fois de suite, sont des voix éclatantes par lesquelles Dieu lui a rendu témoignage, et s’est expliqué aux hommes plus par des tonnerres que par des paroles.

Quelques-uns objectent que les Magiciens de Pharaon ont fait aussi des miracles. Il est vrai, dit saint Augustin, que le démon agissant par ces Magiciens, a voulu disputer contre Dieu de la gloire des miracles [August. de civit. Dei, lib. 10. c. 8]. Il a changé par eux d’abord l’eau en sang, et la terre en des grenouilles. Mais la troisième plaie par laquelle Moïse remplit toute l’Égypte de moucherons, le démon après s’être efforcé en vain par toute la puissance de l’art magique d’imiter Moïse, fut obligé de témoigner lui-même sa confusion, et de rendre gloire à Dieu par la bouche des magiciens, lorsqu’ils dirent à Pharaon : Le doigt de Dieu est ici. Digitus Dei est hic [Exod. 8.19] comme s’ils lui eussent dit : Jusqu’ici l’enfer a combattu contre Dieu, mais maintenant il se confesse vaincu, et il faut qu’il cède au Tout-puissant.

« Dieu permit à ces magiciens », ajoute saint Augustin, « de combattre quelque temps contre Moïse, afin qu’il les vainquît avec plus de gloire », Magi Pharaonis facere quædam mira permissi sunt, ut mirabilius vincerentur [August. de Civit. Dei. lib. 10. c. 8]. Aussi Moïse les frappa ensuite eux-mêmes d’ulcères effroyables comme le reste de tous les Égyptiens, et les mit hors d’état de pouvoir paraître devant Pharaon [Exod. 9.11] sans que toute leur magie les en pût défendre.

Le Saint-Esprit nous apprend la même chose par la bouche du Sage, lorsqu’après avoir représenté les spectres et les fantômes horribles qui se mêlèrent aux ténèbres épaisses, dont Dieu frappa par Moïse toute l’Égypte, il ajoute : « C’est alors que toutes les illusions de l’art des Magiciens furent déshonorées honteusement, et devinrent inutiles, que toute cette sagesse dont ils se vantaient, tomba dans l’opprobre. Car au lieu qu’ils faisaient profession de guérir le trouble des âmes abattues par la crainte, ils se trouvèrent eux-mêmes dans une peur et un abattement ridicule, à la vue des objets effroyables qui se présentaient à eux » [Sapient. 17.7].

Moïse a fait ces miracles devant Pharaon ; et l’on sait assez ceux qu’il a faits à la sortie de l’Égypte et dans le désert [Exod. 14.17]. Il a divisé quand il lui a plu les eaux de la mer pour faire un passage aux Israélites ; et il a fait revenir ces mêmes eaux où elles étaient auparavant, quand il le leur a commandé, pour y abîmer les Égyptiens [Ibid. 25].

Il a puni la désobéissance des Israélites en leur envoyant par l’ordre de Dieu, ou des serpents, ou des flammes qui les dévoraient [Numer. 21.6].

Lorsque tout le peuple mourait de soif dans le désert, il a fait sortir d’une pierre des torrents d’eau [Ibid. 20.8]. Et quand les principaux de la Synagogue ont voulu soulever les Israélites contre lui, il a commandé à la terre de s’entrouvrir sous leurs pieds, et il les a fait descendre tout vivants dans l’enfer à la vue de tout le peuple [Ibid. 36.31].

Ces miracles sont très grands, et ils méritent par eux-mêmes d’être respectés comme étant certainement des œuvres de Dieu. Mais la preuve qui les autorise est encore plus grande, qui est que Moïse a été prophète, et que c’est de Jésus-Christ même que nous apprenons la déférence et la vénération qui lui est due. »

Voir Deutéronome XXXIV, 10-12. « 10. Et il ne s’est plus élevé dans Israël de prophète semblable à Moïse, à qui le Seigneur ait parlé, comme à lui, face à face : 11. Ni qui ait fait des signes et des prodiges comme ceux que le Seigneur envoya faire par Moïse dans l’Égypte contre Pharaon, contre ses serviteurs, et contre tout son royaume ; 12. Ni qui ait agi avec un bras si puissant, qui ait fait des œuvres aussi grandes et aussi merveilleuses que  celles que Moïse a faites devant tout Israël. » Le commentaire de Sacy insiste sur la grandeur des actes de Moïse : « Tout sa vie depuis son berceau a été comme un miracle continuel, ou comme un enchaînement de miracles et de prodiges les plus surprenants. La mer, le ciel, et la terre obéissaient à sa voix, comme à la voix de Dieu même. Il avait en même temps une principauté temporelle et spirituelle sur tout un grand peuple. Il parlait à Dieu face à face, autant qu’un homme mortel est capable de s’entretenir avec un Dieu tout-puissant ; et jamais, comme le dit l’Écriture, il ne se leva depuis dans Israël de prophète qui lui fût semblable. »  Le commentaire insiste ensuite sur l’attachement inviolable de Moïse à Dieu.

Loi figurative 25 (Laf. 270, Sel. 301). Figures. Les Juifs avaient vieilli dans ces pensées terrestres : que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortait, que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples sans souffrir qu’ils s’y mêlassent, que quand ils languissaient dans l’Égypte il les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur, qu’il les nourrit de la manne dans le désert, qu’il les mena dans une terre bien grasse, qu’il leur donna des rois et un temple bien bâti pour y offrir des bêtes, et, par le moyen de l’effusion de leur sang qu’ils seraient purifiés, et qu’il leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout le monde, et il a prédit le temps de sa venue.

Le monde ayant vieilli dans ces erreurs charnelles. J.-C. est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l’éclat attendu, et ainsi ils n’ont pas pensé que ce fût lui. Après sa mort saint Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étaient arrivées en figure, que le royaume de Dieu ne consistait pas en la chair, mais en l’esprit, que les ennemis des hommes n’étaient pas leurs Babyloniens, mais leurs passions, que Dieu ne se plaisait pas aux temples faits de main, mais en un cœur pur et humilié, que la circoncision du corps était inutile, mais qu’il fallait celle du cœur, que Moïse ne leur avait pas donné le pain du ciel, etc.

L’idée de Pascal est que Jésus-Christ a en effet produit des miracles supérieurs à ceux de Moïse, mais dans son ordre, qui est surnaturel et non pas naturel.

La mention du passage de la mer Rouge par les Juifs, poursuivis par les Égyptiens durant leur exode, est rapporté dans Exode, XIV, 1-31. Pascal remarque dans deux fragments que cet épisode est la figure de la rédemption des hommes pécheurs par le Christ. Il pense visiblement que la rédemption est un miracle beaucoup plus grand que le passage de la mer Rouge, qui n’en est que la figure.

Loi figurative 30 (Laf. 275, Sel. 306). Isaïe, 51. la mer Rouge image de la rédemption.

Prophéties VIII (Laf. 503, Sel. 738). Isaïe, 51 dit que la rédemption sera comme le passage de la mer Rouge.

Isaïe, LI, 10 « N’est-ce pas vous qui avez desséché la mer, et la profondeur de l’abîme ; qui avez fait un chemin au fond de ses eaux, pour y faire passer ceux dont vous étiez le libérateur ? »

Canaan : hapax dans les Pensées. Canaan est la Terre promise par Dieu à son peuple. Moïse n’est pas entré dans le royaume de Canaan. Deutéronome III, 26 sq. conte que Dieu lui refusa d’entrer dans la Terre promise. Le chapitre XXXIV conte sa mort.