Fragment Loi figurative n° 21 / 31 – Papier original : RO 39-3
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Loi figurative n° 307 p. 131-131 v° / C2 : p. 159
Éditions savantes : Faugère II, 272, VI / Havet XXV.162 / Brunschvicg 719 / Tourneur p. 261-5 / Le Guern 249 / Lafuma 266 / Sellier 297
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Bibliographie ✍
BOULENGER Abbé A., Manuel d’apologétique, Introduction à la doctrine catholique, Paris-Lyon, Vitte, 1923. EUSÈBE DE CÉSARÉE, Histoire ecclésiastique, I, V, éd. Gustave Bardy, Sources chrétiennes, Paris, Cerf, 2001, p. 22 sq. FORCE Pierre, Le problème herméneutique chez Pascal, Paris, Vrin, 1989, p. 75. GROTIUS Hugo, De veritate religionis christianae, V, c. XV et XVIII. SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970. SELLIER Philippe, Port-Royal et la littérature, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010. |
✧ Éclaircissements
On pourrait peut-être penser que quand les prophètes ont prédit que le sceptre ne sortirait point de Juda jusqu’au roi éternel, l’évènement ils se seraient ils auraient parlé pour flatter le peuple
Manifestement, Pascal a d’abord pensé à une forme faible de cet argument. Après les mots On pourrait peut-être penser que quand les prophètes ont prédit que le sceptre ne sortirait point de Juda jusqu’au roi éternel, il a d’abord écrit l’événement, sans doute pour poursuivre avec des mots comme les aurait démentis. Il a rayé le mot événement, puis a commencé une proposition nouvelle, Ils se seraient, qui aurait probablement continué par trompés. Le manuscrit montre que le trait qui barre les mots l’événement est distinct de celui qui barre Ils se seraient. Ensuite seulement, Pascal a poursuivi avec ils auraient parlé pour flatter le peuple. Pascal ajoute alors une idée nouvelle, celle selon laquelle les prophètes auraient agi par démagogie. La correction enrichit donc l’argument originel prévu par Pascal. Voir la transcription diplomatique.
La fourberie des prophètes, notamment de Moïse, est une thèse importante du Traité des trois imposteurs. Pascal a abordé à plusieurs reprises la défense de la sincérité des hommes qui portaient la Révélation, avant et après Jésus-Christ.
Preuves de Moïse 2 (Laf. 291, Sel. 323). Cette religion si grande en miracles, saints, purs, irréprochables, savants et grands témoins, martyrs ; rois - David - établis ; Isaïe prince du sang ; si grande en science après avoir étalé tous ses miracles et toute sa sagesse, elle réprouve tout cela et dit qu’elle n’a ni sagesse, ni signe, mais la croix et la folie.
Preuves de Jésus-Christ 17 (Laf. 315, Sel. 346). David grand témoin. Roi, bon, pardonnant, belle âme, bon esprit, puissant. Il prophétise et son miracle arrive. Cela est infini.
Dans le cas présent, il ne s’agit pas de Moïse, mais de Jacob.
Preuves de Jésus-Christ 13 (Laf. 310, Sel. 341). Preuves de J.-C. L’hypothèse des apôtres fourbes est bien absurde.
Genèse, XLIX, 10. « Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu’à ce que celui qui doit être envoyé soit venu ; et c’est lui qui sera l’attente des nations » (tr. Sacy). Passage cité dans le fragment Prophéties I (Laf. 483, Sel. 718). Vous, Juda, vous serez loué de vos frères, et vainqueur de vos ennemis ; les enfants de votre père vous adoreront. Juda, faon de lion, vous êtes monté à la proie, ô mon fils ! et vous êtes couché comme un lion, et comme une lionnesse qui s’éveillera. Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le législateur d’entre ses pieds, jusqu’à ce que Silo vienne ; et les nations s’assembleront à lui, pour lui obéir.
Loi figurative 18 (Laf. 263, Sel. 294). Le sceptre jusqu’au Messie sans roi ni prince.
Preuves de Jésus-Christ 19 (Laf. 317, Sel. 348). J.-C. prédit quant au temps et à l’état du monde. Le duc ôté de la cuisse, et la 4e monarchie.
et que leur prophétie se serait trouvée fausse à Hérode.
Hérode n’était en effet pas de Juda. La lignée royale était donc interrompue.
Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 489, n. 22 et 223. Référence à Saint Augustin, La Cité de Dieu, XVIII, 45. Juifs et chrétiens donnaient au texte de la Genèse une portée messianique. Il régna en Judée des princes judéens jusqu’à Aristobule II (67-63), comme le remarque Augustin, Cité de Dieu, XVIII, 36 et 45. Une période troublée suivit et se termina par l’avènement de l’Iduméen Hérode (37-4 avant Jésus-Christ). Saint Augustin insiste bien sur le fait qu’il était étranger iduméen, Cité de Dieu, XVIII, 45. La royauté n’était plus entre les mains de Juda. Les temps prévus par la prophétie étaient là, le Messie était imminent. Jésus naquit sous le règne d’Hérode, en l’an 7 ou 6 avant l’ère qui porte son nom.
Pascal précise aussi que la captivité de Babylone n’avait pas interrompu le règne des Judéens, parce qu’elle était brève (70 années), et que son caractère temporaire avait été prédit. Voir Prophéties 21 (Laf. 342, Sel. 374) : Prophéties. Le sceptre ne fut point interrompu par la captivité de Babylone à cause que leur retour était prompt et prédit ; et Preuves de Jésus-Christ 16 (Laf. 314, Sel. 345) : Quand Nabuchodonosor emmena le peuple de peur qu’on ne crût que le sceptre fût ôté de Juda il leur dit auparavant qu’ils y seraient peu, et qu’ils y seraient, et qu’ils seraient rétablis.
En revanche, la continuité du règne de Juda a bel et bien été rompue à la veille de l’avènement du Christ :
Prophéties 18 (Laf. 339, Sel. 371). Les prophètes ayant donné diverses marques qui devaient toutes arriver à l’avènement du Messie il fallait que toutes ces marques arrivassent en même temps. Ainsi il fallait que la quatrième monarchie fût venue lorsque les septante semaines de Danielseraient accomplies et que le sceptre fût alors ôté de Juda. Et tout cela est arrivé sans aucune difficulté et qu’alors il arrivât le Messie et J.-C. est arrivé alors qui s’est dit le Messie et tout cela est encore sans difficulté et cela marque bien la vérité des prophéties.
De Hérode, Pascal écrit que le fait qu’il n’était pas de Juda exclut qu’il ait pu être le Messie : voir Prophéties 16 (Laf. 337, Sel. 369) : Comment fallait-il que fût le Messie, puisque par lui le sceptre devait être éternellement en Juda et qu’à son arrivée le sceptre devait être ôté de Juda. Voir Ernst Pol, Approches pascaliennes, p. 462. Pascal relève cependant le fait que, malgré cela, Hérode a été pris pour le Messie par une partie du peuple. Voir Prophéties 16 : Hérode cru le Messie. Il avait ôté le sceptre de Juda, mais il n’était pas de Juda. Cela fit une secte considérable.
Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, I, V, éd. Gustave Bardy, Sources chrétiennes, Paris, Cerf, 2001, p. 22 sq. En son temps, conformément aux prophéties, ont fait défaut les chefs du peuple juif, pris jusqu’alors dans la succession ancestrale, et Hérode est le premier étranger qui règne sur eux. « À ce moment, Hérode, le premier étranger par la race, reçut la royauté du peuple juif et la prophétie faite par Moïse reçut son accomplissement : elle annonçait qu’un chef issu de Juda ne ferait pas défaut, ni un prince sorti de sa race, jusqu’à ce que vienne celui à qui il est réservé, celui qu’il montre comme devant être l’attente des nations. Les termes de la prédiction ne furent pas accomplis durant le temps où il fut permis aux Juifs de vivre sous des chefs de leur race en commençant dans le passé par Moïse lui-même et en descendant jusqu’au règne d’Auguste, au temps duquel le premier étranger, Hérode, gouverna les Juifs sous l’autorité des Romains. À ce que rapporte Josèphe, il était iduméen par son père et arabe par sa mère ; mais selon Africain qui fut aussi un historien et non un homme quelconque, ceux qui ont écrit sur lui avec exactitude, disent qu’Antipater, c’est-à-dire le père d’Hérode, était né lui-même d’un certain Hérode d’Ascalon, un des hiérodules du temple d’Apollon. Cet Antipater, emmené tout enfant en captivité par des brigands iduméens, resta avec eux parce que son père qui était pauvre ne pouvait pas payer sa rançon ; après avoir été élevé selon leurs usages, il fut aimé plus tard par Hyrcan, le grand-prêtre des Juifs. De lui naquit Hérode, au temps de notre Sauveur. La royauté des Juifs étant donc passée entre ses mains, l’attente des nations conformément à la prophétie était déjà aux portes, étant donné qu’à partir de lui les chefs et les princes qui depuis Moïse s’étaient succédé chez les Juifs vinrent à manquer. Avant leur captivité et leur exil à Babylone, les Juifs avaient eu des rois à partir de Saül, le premier, et puis David, et, avant les rois, des chefs les avaient commandés, ceux qu’on appelle juges : ceux-ci étaient venus après Moïse et son successeur Josué. Après le retour de Babylone, ils ne cessèrent pas d’avoir un gouvernement aristocratique et oligarchique – les prêtres en effet présidaient aux affaires – jusqu’à ce que Pompée, général des Romains, eut assiégé et pris Jérusalem par la force, souillé les lieux saints, pénétré dans les parties sacrées du sanctuaire, envoyé en captivité à Rome avec ses enfants celui qui, par succession ancestrale, avait été jusqu’à ce temps roi et grand-prêtre et qui s’appelait Aristobule, et finalement donné le pontificat suprême à son frère Hyrcan et soumis toute la nation des Juifs à payer le tribut aux Romains. Or Hyrcan, en qui s’achève la succession des grands-prêtres, fut fait prisonnier, par les Parthes ; et le premier, comme je l’ai déjà dit, l’étranger Hérode, sous l’autorité du Sénat romain et de l’empereur Auguste, prit en mains la nation des Juifs. De son temps s’établit manifestement la présence du Christ qu’accompagnèrent le salut attendu des nations et leur vocation, conformément à la prophétie. Car à partir de ce temps, le chef et les princes sortis de Juda, je veux dire issus du peuple juif, vinrent à manquer, et semblablement aussi le souverain sacerdoce, qui passait régulièrement des ancêtres à leurs descendants immédiats, selon les générations, fut troublé dans sa succession » : p. 23-24. Eusèbe invoque la garantie de Josèphe, Antiquités judaïques, XX, 247, 249.
Mais pour montrer que ce n’est pas leur sens, et qu’ils savaient bien au contraire que ce royaume temporel devait cesser, ils disent qu’ils seront sans roi et sans prince et longtemps durant. Osée.
Osée, III. « 1. Le Seigneur me dit : Allez, et aimez encore une femme adultère, qui est aimée d’un autre que de son mari, comme le Seigneur aime les enfants d’Israël, pendant qu’ils mettent leur confiance en des dieux étrangers, et qu’ils aiment le marc du vin, au lieu du vin même. 2. Je donnai donc à cette femme quinze pièces d’argent, et une mesure et demie d’orge. 3. Alors je lui dis : Vous m’attendrez pendant plusieurs jours ; vous ne vous abandonnerez cependant à personne ; vous n’épouserez point un autre mari ; et je vous attendrai aussi moi-même ; 4. C’est l’état où les enfants d’Israël seront pendant un long temps, sans roi, sans prince, sans sacrifice, sans autel, sans éphod, et sans théraphins ; 5. Et après cela les enfants d’Israël reviendront, et ils chercheront le Seigneur leur Dieu, et David, leur roi ; et dans les derniers jours ils recevront avec une frayeur respectueuse le Seigneur, et les grâces qu’il doit leur faire » (tr. Sacy).
Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, article Osée, Paris, Cerf, 1993, p. 836-838.
Sur la prophétie d’Osée, voir Loi figurative 14 (Laf. 259, Sel. 290).
Force Pierre, Le problème herméneutique…, p. 75. Sur le rapport entre prophétie d’Osée, qui annonce la fin de la monarchie de Juda, et la prophétie de Jacob qui promet la royauté éternelle à Juda.
Loi figurative 18 (Laf. 263, Sel. 294). Contrariétés. Le sceptre jusqu’au Messie sans roi ni prince.
Preuve par les Juifs III (Laf. 453, Sel. 693). Pour montrer que les vrais juifs et les vrais chrétiens n’ont qu’une même religion.
La religion des juifs semblait consister essentiellement en la paternité d’Abraham, en la circoncision, aux sacrifices, aux cérémonies, en l’arche, au temple, en Jérusalem, et enfin en la loi et en l’alliance de Moïse.
Je dis qu’elle ne consistait en aucune de ces choses, mais seulement en l’amour de Dieu et que Dieu réprouvait, toutes les autres choses.
[...] Que Dieu fera une nouvelle alliance par le Messie et que l’ancienne sera rejetée.
[...] Que les Juifs devaient être sans prophètes. Amos.
Sans roi, sans prince, sans sacrifice, sans idole.
Que les Juifs subsisteraient toujours néanmoins en peuple. Jér. 31. 36.