Pensées - page 12
Religion, mais aussi l’aveuglement
de ceux qui ne le cherchent pas,
et qui vivent dans cette horrible négligence.
Il faut qu’il y ait un étrange
renversement dans la nature de
l’homme pour vivre dans cet état, et
encore plus pour en faire vanité.
Car quand ils auraient une certitude
entière qu’ils n’auraient rien
à craindre après la mort que de tomber
dans le néant, ne serait-ce pas
un sujet de désespoir plutôt que de vanité ?
N’est-ce donc pas une folie inconcevable,
n’en étant pas assurés, de
faire gloire d’être dans ce doute ?
Et néanmoins il est certain que
l’homme est si dénaturé qu’il y a dans
son cœur une semence de joie en cela.
Ce repos brutal entre la crainte de
l’enfer, et du néant semble si beau, que
non seulement ceux qui sont véritablement
dans ce doute malheureux s’en
glorifient ; mais que ceux-même[s] qui
n’y sont pas croient qu’il leur est glorieux
de feindre d’y être. Car l’expérience
nous fait voir que la plupart
de ceux qui s’en mêlent sont de ce
dernier genre ; que ce sont des gens
qui se contrefont, et qui ne sont pas
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