Pensées - page 158
vrai, tous nos sentiments étant alors
des illusions, qui sait si cette autre
moitié de la vie où nous pensons veiller
n’est pas un sommeil un peu différent
du premier, dont nous nous éveillons
quand nous pensons dormir,
comme on rêve souvent qu’on rêve,
en entassant songes sur songes ?
Je laisse les discours que font les
Pyrrhoniens contre les impressions de
la coutume, de l’éducation, des mœurs,
des pays, et les autres choses semblables,
qui entraînent la plus grande
partie des hommes qui ne dogmatisent
que sur ces vains fondements.
L’unique fort des Dogmatistes, c’est
qu’en parlant de bonne foi et sincèrement
on ne peut douter des principes
naturels. Nous connaissons, disent-
ils, la vérité, non seulement par raisonnement,
mais aussi par sentiment,
et par une intelligence vive et lumineuse ;
et c’est de cette dernière
sorte que nous connaissons les premiers
principes. C’est en vain que le
raisonnement qui n’y a point de part
essaie de les combattre. Les Pyrrhoniens
qui n’ont que cela pour objet y
travaillent utilement. Nous savons |