Pensées - page 170
petit cachot où il se trouve logé, c’est-
à-dire ce monde visible, il apprenne
à estimer la Terre, les Royaumes,
les villes, et soi-même son juste prix.
Qu’est-ce qu’un homme dans l’infini ?
Qui le peut comprendre ? Mais
pour lui présenter un autre prodige
aussi étonnant, qu’il recherche dans ce
qu’il connaît les choses les plus délicates.
Qu’un ciron, par exemple,
lui offre dans la petitesse de son corps
des parties incomparablement plus petites,
des jambes avec des jointures,
des veines dans ces jambes, du sang
dans ces veines, des humeurs dans ce
sang, des gouttes dans ces humeurs,
des vapeurs dans ces gouttes. Que divisant
encore ces dernières choses, il
épuise ses forces, et ses conceptions ;
et que le dernier objet où il peut arriver
soit maintenant celui de notre
discours. Il pensera peut-être, que
c’est là l’extrême petitesse de la nature.
Je veux lui faire voir là-dedans
un abîme nouveau. Je veux lui peindre
non seulement l’univers visible,
mais encore tout ce qu’il est capable
de concevoir de l’immensité de la nature,
dans l’enceinte de cet atome imperceptible. |