Pensées - page 171
Qu’il y voie une infinité
de mondes, dont chacun a son firmament,
ses planètes, sa terre, en la
même proportion que le monde visible ;
dans cette terre des animaux, et
enfin des cirons, dans lesquels il retrouvera
ce que les premiers ont donné,
trouvant encore dans les autres la
même chose, sans fin et sans repos.
Qu’il se perde dans ces merveilles
aussi étonnantes par leur petitesse,
que les autres par leur étendue. Car,
qui n’admirera que notre corps,
qui tantôt n’était pas perceptible
dans l’univers, imperceptible lui-même
dans le sein du tout ; soit maintenant
un colosse, un monde, ou plutôt
un tout, à l’égard de la dernière
petitesse où l’on ne peut arriver ?
Qui se considérera de la sorte, s’effraiera
sans doute, de se voir comme
suspendu dans la masse que la nature
lui a donnée entre ces deux abîmes
de l’infini et du néant, dont il est également
éloigné. Il tremblera dans la
vue de ces merveilles ; et je crois que
sa curiosité se changeant en admiration,
il sera plus disposé à les contempler
en silence, qu’à les rechercher |