Pensées - page 172
avec présomption.
Car enfin, qu’est-ce que l’homme
dans la nature ? Un néant à l’égard de
l’infini, un tout à l’égard du néant,
un milieu entre rien et tout. Il est infiniment
éloigné des deux extrêmes ;
et son être n’est pas moins distant du
néant d’où il est tiré, que de l’infini
où il est englouti.
Son intelligence tient dans l’ordre
des choses intelligibles le même rang
que son corps dans l’étendue de la
nature ; et tout ce qu’elle peut faire
est d’apercevoir quelque apparence
du milieu des choses, dans un désespoir
éternel d’en connaître ni le
principe ni la fin. Toutes choses sont
sorties du néant, et portées jusqu’à
l’infini. Qui peut suivre ces étonnantes
démarches ? L’auteur de ces merveilles
les comprend ; nul autre ne le
peut faire.
Cet état qui tient le milieu entre
les extrêmes, se trouve en toutes nos
puissances.
Nos sens n’aperçoivent rien d’extrême.
Trop de bruit nous assourdit ;
trop de lumière nous éblouit ; trop de
distance, et trop de proximité empêchent |