L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 173

la vue ; trop de longueur, et

trop de brièveté obscurcissent un discours ;

trop de plaisir incommode ;

trop de consonnances déplaisent. Nous

ne sentons ni l’extrême chaud, ni

l’extrême froid. Les qualités excessives

nous sont ennemies, et non pas

sensibles. Nous ne les sentons plus,

nous les souffrons. Trop de jeunesse

et trop de vieillesse empêchent l’esprit ;

trop et trop peu de nourriture

troublent ses actions ; trop et trop

peu d’instruction l’abêtissent. Les

choses extrêmes sont pour nous comme

si elles n’étaient pas ; et nous ne

sommes point à leur égard. Elles nous

échappent, ou nous à elles.

Voilà notre état véritable. C’est

ce qui resserre nos connaissances en

de certaines bornes que nous ne passons

pas ; incapables de savoir tout,

et d’ignorer tout absolument. Nous

sommes sur un milieu vaste, toujours

incertains et flottants entre l’ignorance

et la connaissance ; et si nous pensons

aller plus avant, notre objet

branle, et échappe nos prises ; il se

dérobe, et fuit d’une fuite éternelle :

rien ne le peut arrêter. C’est notre

 

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