L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 197

choses extérieures, à perdre le souvenir

de son état véritable. Sa joie

consiste dans cet oubli ; et il suffit

pour la rendre misérable, de l’obliger

de se voir, et d’être avec soi.

On charge les hommes dès l’enfance

du soin de leur honneur, de leurs

biens, et même du bien et de l’honneur

de leurs parents et de leurs amis.

On les accable de l’étude des langues,

des sciences, des exercices, et

des arts. On les charge d’affaires :

on leur fait entendre, qu’ils ne sauraient

être heureux, s’ils ne font en

sorte par leur industrie et par leur soin,

que leur fortune, leur honneur, et

même la fortune et l’honneur de

leurs amis soient en bon état, et

qu’une seule de ces choses qui manque

les rend malheureux. Ainsi on

leur donne des charges et des affaires

qui les font tracasser dès la pointe du

jour. Voilà, direz-vous, une étrange

manière de les rendre heureux. Que

pourrait-on faire de mieux pour les

rendre malheureux ? Demandez-vous

ce qu’on pourrait faire ? Il ne faudrait

que leur ôter tous ces soins.

Car alors ils se verraient, et ils penseraient

 

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