Pensées - page 205
qu’ils ne se connaissent pas eux-mêmes.
Un Gentilhomme croit sincèrement
qu’il y a quelque chose de grand
et de noble dans la chasse : il dira, que
c’est un plaisir royal. Il en est de
même des autres choses dont la
plupart des hommes s’occupent. On
s’imagine qu’il y a quelque chose de
réel et de solide dans les objets mêmes.
On se persuade que si l’on avait
obtenu cette charge, on se reposerait
ensuite avec plaisir : et l’on ne sent
pas la nature insatiable de sa cupidité.
On croit chercher sincèrement le
repos ; et l’on ne cherche en effet que
l’agitation.
Les hommes ont un instinct secret
qui les porte à chercher le divertissement
et l’occupation au-dehors, qui
vient du ressentiment de leur misère
continuelle. Et ils ont un autre instinct
secret qui reste de la grandeur
de leur première nature, qui leur fait
connaître, que le bonheur n’est en
effet que dans le repos. Et de ces deux
instincts contraires, il se forme en eux
un projet confus, qui se cache à leur
vue dans le fond de leur âme, qui
les porte à tendre au repos par l’agitation,
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