Pensées - page 206
et à se figurer toujours, que
la satisfaction qu’ils n’ont point leur
arrivera, si, en surmontant quelques
difficultés qu’ils envisagent, ils peuvent
s’ouvrir par là la porte au repos.
Ainsi s’écoule toute la vie. On cherche
le repos en combattant quelques
obstacles ; et si on les a surmontés, le
repos devient insupportable. Car,
ou l’on pense aux misères qu’on a,
ou à celles dont on est menacé. Et
quand on se verrait même assez à
l’abri de toutes parts, l’ennui, de son
autorité privée, ne laisserait pas de
sortir du fond du cœur, où il a des
racines naturelles, et de remplir l’esprit
de son venin.
C’est pourquoi lorsque Cineas disait
à Pyrrhus, qui se proposait de jouir
du repos avec ses amis après avoir
conquis une grande partie du monde,
qu’il ferait mieux d’avancer lui-même
son bonheur, en jouissant dès lors
de ce repos, sans l’aller chercher par
tant de fatigues ; il lui donnait un
conseil qui recevait de grandes difficultés,
et qui n’était guère plus raisonnable
que le dessein de ce jeune |