L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 207

ambitieux. L’un et l’autre supposait

que l’homme se pût contenter de soi-

même et de ses biens présents, sans

remplir le vide de son cœur d’espérances

imaginaires ; ce qui est faux.

Pyrrhus ne pouvait être heureux ni

devant ni après avoir conquis le

monde. Et peut-être que la vie molle

que lui conseillait son ministre était

encore moins capable de le satisfaire,

que l’agitation de tant de guerres et

de tant de voyages qu’il méditait.

On doit donc reconnaître, que

l’homme est si malheureux, qu’il s’ennuierait

même sans aucune cause étrangère

d’ennui, par le propre état

de sa condition naturelle : et il est avec

cela si vain et si léger, qu’étant

plein de mille causes essentielles d’ennui,

la moindre bagatelle suffit pour

le divertir. De sorte qu’à le considérer

sérieusement, il est encore plus à

plaindre de ce qu’il se peut divertir à

des choses si frivoles et si basses, que

de ce qu’il s’afflige de ses misères effectives ;

et ses divertissements sont

infiniment moins raisonnables que

son ennui.

2.  D’où vient que cet homme

 

Page de titrePréfaceApprobationsTable des TitresAvertissementPenséesTable des Matières