Pensées - page 207
ambitieux. L’un et l’autre supposait
que l’homme se pût contenter de soi-
même et de ses biens présents, sans
remplir le vide de son cœur d’espérances
imaginaires ; ce qui est faux.
Pyrrhus ne pouvait être heureux ni
devant ni après avoir conquis le
monde. Et peut-être que la vie molle
que lui conseillait son ministre était
encore moins capable de le satisfaire,
que l’agitation de tant de guerres et
de tant de voyages qu’il méditait.
On doit donc reconnaître, que
l’homme est si malheureux, qu’il s’ennuierait
même sans aucune cause étrangère
d’ennui, par le propre état
de sa condition naturelle : et il est avec
cela si vain et si léger, qu’étant
plein de mille causes essentielles d’ennui,
la moindre bagatelle suffit pour
le divertir. De sorte qu’à le considérer
sérieusement, il est encore plus à
plaindre de ce qu’il se peut divertir à
des choses si frivoles et si basses, que
de ce qu’il s’afflige de ses misères effectives ;
et ses divertissements sont
infiniment moins raisonnables que
son ennui.
2. D’où vient que cet homme |