L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 208

qui a perdu depuis peu son fils unique,

et qui, accablé de procès et de querelles,

était ce matin si troublé, n’y pense

plus maintenant ? Ne vous en étonnez

pas : il est tout occupé à voir

par où passera un cerf que ses chiens

poursuivent avec ardeur depuis six

heures. Il n’en faut pas davantage

pour l’homme, quelque plein de tristesse

qu’il soit. Si l’on peut gagner sur

lui de le faire entrer en quelque divertissement,

le voilà heureux pendant ce

temps-là, mais d’un bonheur faux et

imaginaire, qui ne vient pas de la possession

de quelque bien réel et solide,

mais d’une légèreté d’esprit qui lui

fait perdre le souvenir de ses véritables

misères, pour s’attacher à des

objets bas et ridicules, indignes de

son application, et encore plus de son

amour. C’est une joie de malade et

de frénétique, qui ne vient pas de la

santé de son âme, mais de son dérèglement.

C’est un ris de folie et d’illusion.

Car c’est une chose étrange

que de considérer ce qui plaît aux

hommes dans les jeux et les divertissements.

Il est vrai qu’occupant l’esprit,

ils le détournent du sentiment de

 

Page de titrePréfaceApprobationsTable des TitresAvertissementPenséesTable des Matières