Pensées - page 209
ses maux, ce qui est réel. Mais ils ne
l’occupent, que parce que l’esprit s’y
forme un objet imaginaire de passion
auquel il s’attache.
Quel pensez-vous que soit l’objet
de ces gens qui jouent à la paume
avec tant d’application d’esprit, et
d’agitation du corps ? Celui de se vanter
le lendemain avec leurs amis qu’ils
ont mieux joué qu’un autre. Voilà la
source de leur attachement. Ainsi les
autres suent dans leurs cabinets, pour
montrer aux savants qu’ils ont résolu
une question d’Algèbre qui ne l’avait
pu être jusques ici. Et tant d’autres
s’exposent aux plus grands périls, pour
se vanter ensuite d’une place qu’ils
auraient prise, aussi sottement à mon
gré. Et enfin les autres se tuent pour
remarquer toutes ces choses, non
pas pour en devenir plus sages, mais
seulement pour montrer qu’ils en connaissent
la vanité : et ceux-là sont les
plus sots de la bande, puisqu’ils le
sont avec connaissance ; au lieu qu’on
peut penser des autres, qu’ils ne le
seraient pas, s’ils avaient cette connaissance.
3. Tel homme passe sa vie sans |