L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 209

ses maux, ce qui est réel. Mais ils ne

l’occupent, que parce que l’esprit s’y

forme un objet imaginaire de passion

auquel il s’attache.

Quel pensez-vous que soit l’objet

de ces gens qui jouent à la paume

avec tant d’application d’esprit, et

d’agitation du corps ? Celui de se vanter

le lendemain avec leurs amis qu’ils

ont mieux joué qu’un autre. Voilà la

source de leur attachement. Ainsi les

autres suent dans leurs cabinets, pour

montrer aux savants qu’ils ont résolu

une question d’Algèbre qui ne l’avait

pu être jusques ici. Et tant d’autres

s’exposent aux plus grands périls, pour

se vanter ensuite d’une place qu’ils

auraient prise, aussi sottement à mon

gré. Et enfin les autres se tuent pour

remarquer toutes ces choses, non

pas pour en devenir plus sages, mais

seulement pour montrer qu’ils en connaissent

la vanité : et ceux-là sont les

plus sots de la bande, puisqu’ils le

sont avec connaissance ; au lieu qu’on

peut penser des autres, qu’ils ne le

seraient pas, s’ils avaient cette connaissance.

3.  Tel homme passe sa vie sans

 

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