L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 344

V.

Ô mon Dieu, qu’un cœur est heureux

qui peut aimer un objet si charmant

qui ne le déshonore point, et

dont l’attachement lui est si salutaire !

Je sens que je ne puis aimer le monde

sans vous déplaire, sans me nuire,

et sans me déshonorer ; et néanmoins

le monde est encore l’objet de mes délices.

Ô mon Dieu, qu’une âme est

heureuse dont vous êtes les délices ;

puisqu’elle peut s’abandonner à vous

aimer, non seulement sans scrupule,

mais encore avec mérite ! Que son

bonheur est ferme et durable, puisque

son attente ne sera point frustrée, parce

que vous ne serez jamais détruit,

et que ni la vie, ni la mort ne la sépareront

jamais de l’objet de ses désirs ;

et que le même moment qui entraînera

les méchants avec leurs idoles

dans une ruine commune, unira les

justes avec vous dans une gloire commune ;

et que comme les uns périront

avec les objets périssables auxquels

ils se sont attachés, les autres

subsisteront éternellement dans l’objet

éternel et subsistant par soi-même

auquel ils se sont étroitement unis.

 

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