Pensées - page 5
sans penser à cette dernière fin de la
vie, et qui par cette seule raison qu’ils
ne trouvent pas en eux-mêmes des
lumières qui les persuadent, négligent
d’en chercher ailleurs, et d’examiner
à fond si cette opinion est de celles
que le peuple reçoit par une simplicité
crédule, ou de celles qui quoiqu’obscures
d’elles-mêmes ont néanmoins
un fondement très solide, je les considère
d’une manière toute différente.
Cette négligence en une affaire où il
s’agit d’eux-mêmes, de leur éternité,
de leur tout, m’irrite plus qu’elle ne
m’attendrit ; elle m’étonne et m’épouvante ;
c’est un monstre pour moi. Je
ne dis pas ceci par le zèle pieux d’une
dévotion spirituelle. Je prétends
au contraire que l’amour propre, que
l’intérêt humain, que la plus simple
lumière de la raison nous doit donner
ces sentiments. Il ne faut voir pour cela
que ce que voient les personnes les
moins éclairées.
Il ne faut pas avoir l’âme fort élevée
pour comprendre qu’il n’y a point
ici de satisfaction véritable et solide,
que tous nos plaisirs ne sont que vanité,
que nos maux sont infinis, et
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