Pensées - page 6
qu’enfin la mort qui nous menace à
chaque instant nous doit mettre dans
peu d’années, et peut-être en peu de
jours dans un état éternel de bonheur,
ou de malheur, ou d’anéantissement.
Entre nous et le ciel, l’enfer, ou le
néant il n’y a donc que la vie qui est
la chose du monde la plus fragile ; et
le ciel n’étant pas certainement pour
ceux qui doutent si leur âme est immortelle,
ils n’ont à attendre que l’enfer
ou le néant.
Il n’y a rien de plus réel que cela ni
de plus terrible. Faisons tant que nous
voudrons les braves, voilà la fin qui
attend la plus belle vie du monde.
C’est en vain qu’ils détournent leur
pensée de cette éternité qui les attend,
comme s’ils la pouvaient anéantir en
n’y pensant point. Elle subsiste malgré
eux, elle s’avance, et la mort qui
la doit ouvrir les mettra infailliblement
dans peu de temps dans l’horrible
nécessité d’être éternellement ou
anéantis, ou malheureux.
Voilà un doute d’une terrible conséquence ;
et c’est déjà assurément un
très grand mal que d’être dans ce
doute ; mais c’est au moins un devoir
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