Pensées - page 66
tâcherais seulement à découvrir la
vérité.
Ainsi considérant combien il y a
d’apparence qu’il y a autre chose que
ce que je vois, j’ai recherché si ce
Dieu dont tout le monde parle n’aurait
point laissé quelques marques de
lui. Je regarde de toutes parts, et ne
vois partout qu’obscurité. La nature
ne m’offre rien qui ne soit matière
de doute et d’inquiétude. Si je n’y
voyais rien qui marquât une divinité,
je me déterminerais à n’en rien croire.
Si je voyais partout les marques d’un
Créateur, je reposerais en paix dans
la foi. Mais voyant trop pour nier, et
trop peu pour m’assurer, je suis dans
un état à plaindre, et où j’ai souhaité
cent fois que si un Dieu soutient la
nature, elle le marquât sans équivoque,
et que si les marques qu’elle
en donne sont trompeuses, elle les
supprimât tout à fait ; qu’elle dît
tout, ou rien ; afin que je visse quel
parti je dois suivre. Au lieu qu’en l’état
où je suis, ignorant ce que je suis,
et ce que je dois faire, je ne connais
ni ma condition, ni mon devoir. Mon
cœur tend tout entier à connaître où |