L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 9

qu’en sortant de ce monde je tombe

pour jamais ou dans le néant, ou dans

les mains d’un Dieu irrité, sans savoir

à laquelle de ces deux conditions

je dois être éternellement en partage.

Voilà mon état plein de misère, de

faiblesse, d’obscurité. Et de tout cela

je conclus que je dois donc passer

tous les jours de ma vie sans songer à

ce qui me doit arriver, et que je n’ai

qu’à suivre mes inclinations sans réflexion

et sans inquiétude, en faisant

tout ce qu’il faut pour tomber dans le

malheur éternel au cas que ce qu’on

en dit soit véritable. Peut-être que je

pourrais trouver quelque éclaircissement

dans mes doutes ; mais je n’en

veux pas prendre la peine, ni faire un

pas pour le chercher ; et en traitant

avec mépris ceux qui se travailleraient

de ce soin, je veux aller sans

prévoyance et sans crainte tenter un

si grand événement, et me laisser mollement

conduire à la mort dans l’incertitude

de l’éternité de ma condition

future.

En vérité il est glorieux à la Religion

d’avoir pour ennemis des hommes

si déraisonnables ; et leur opposition

 

 

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