Pensées - page 9
qu’en sortant de ce monde je tombe
pour jamais ou dans le néant, ou dans
les mains d’un Dieu irrité, sans savoir
à laquelle de ces deux conditions
je dois être éternellement en partage.
Voilà mon état plein de misère, de
faiblesse, d’obscurité. Et de tout cela
je conclus que je dois donc passer
tous les jours de ma vie sans songer à
ce qui me doit arriver, et que je n’ai
qu’à suivre mes inclinations sans réflexion
et sans inquiétude, en faisant
tout ce qu’il faut pour tomber dans le
malheur éternel au cas que ce qu’on
en dit soit véritable. Peut-être que je
pourrais trouver quelque éclaircissement
dans mes doutes ; mais je n’en
veux pas prendre la peine, ni faire un
pas pour le chercher ; et en traitant
avec mépris ceux qui se travailleraient
de ce soin, je veux aller sans
prévoyance et sans crainte tenter un
si grand événement, et me laisser mollement
conduire à la mort dans l’incertitude
de l’éternité de ma condition
future.
En vérité il est glorieux à la Religion
d’avoir pour ennemis des hommes
si déraisonnables ; et leur opposition
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