Fragment Soumission et usage de la raison n° 2 / 23  – Papier original : RO 402-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Soumission n° 227 p. 81 / C2 : p. 107

Éditions savantes : Faugère II, 372, XXXVI / Havet XXV.53 / Brunschvicg 224 / Tourneur p. 228-5 / Le Guern 157 / Lafuma 168 / Sellier 199

 

 

 

Que je hais ces sottises de ne pas croire l’Eucharistie, etc.

Si l’Évangile est vrai, si Jésus-Christ est Dieu, quelle difficulté y a‑t‑il là ?

 

 

Pascal prend dans ce fragment pour exemple de la manière dont l’attitude de soumission et usage de la raison dirige le raisonnement sur un dogme confirmé par le concile de Trente, et que Port-Royal a défendu avec fermeté, celui de la transsubstantiation et de la présence réelle dans l’Eucharistie. Dogme également récusé, de manière différente, par les protestants et par les incrédules. La réponse de Pascal consiste à partir du double principe que Jésus-Christ est Dieu, et qu’il est véridique. Du premier principe, qui enferme la toute-puissance, découle que la transsubstantiation n’est pas impossible. Du second principe découle qu’il dit vrai lorsqu’il prononce les paroles Ceci est mon corps, et Ceci est mon sang. La présence réelle du Christ dans l’hostie en découle sans difficulté.

Pascal n’entre pas ici dans l’explication du dogme de la présence réelle lui-même. Il vise en fait à montrer, sur un exemple significatif, que l’attitude de soumission et usage de la raison ne correspond pas à une conduite superstitieuse et dépourvue de justification, mais à une manière de raisonner saine et cohérente : c’est, d’une certaine manière, la manière de penser d’un habile, par opposition à celle d’un demi-habile qui refuserait de croire l’Eucharistie parce qu’elle semble contredire le sens commun.

Dans La Logique ou l’art de penser et dans leurs écrits contre les protestants (notamment La Perpétuité de la Foy de l'Eglise catholique touchant l'Eucharistie, 1669-1674), Antoine Arnauld et Pierre Nicole approfondiront le sens des paroles du Christ dans l’institution de l’Eucharistie, dans un sens proche de celui de Pascal, en montrant que s’il existe bien un mystère de l’Eucharistie, il est raisonnable de croire ce mystère, et que, quelque paradoxales qu’elles paraissent, les paroles de la consécration ont une signification qui ne contredit nullement la raison.

 

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Fragments connexes

 

A P. R. 2 (Laf. 149, Sel. 182). Tout ce qui est incompréhensible ne laisse pas d’être.

Fondement 4 (Laf. 227, Sel. 259). Qu’ont-ils à dire contre la résurrection, et contre l’enfantement d’une Vierge ? Qu’est-il plus difficile de produire un homme ou un animal, que de le reproduire. Et s’ils n’avaient jamais vu une espèce d’animaux pourraient-ils deviner s’ils se produisent sans la compagnie les uns des autres ?

Miracles III (Laf. 872, Sel. 440). Miracles. Que je hais ceux qui font les douteux de miracles. Montaigne en parle comme il faut dans les deux endroits. On voit en l’un combien il est prudent et néanmoins il croit en l’autre et se moque des incrédules.

Miracles III (Laf. 882, Sel. 444). Athées. Quelle raison ont-ils de dire qu’on ne peut ressusciter ? Quel est plus difficile de naître ou de ressusciter, que ce qui n’a jamais été soit, ou que ce qui a été soit encore ? Est-il plus difficile de venir en être que d’y revenir. La coutume nous rend l’un facile, le manque de coutume rend l’autre impossible. Populaire façon de juger.

Pourquoi une vierge ne peut-elle enfanter ? une poule ne fait-elle pas des œufs sans coq ? Quoi les distingue par dehors d’avec les autres ? Et qui nous a dit que la poule n’y peut former ce germe aussi bien que le coq ?

Miracles III (Laf. 896, Sel. 448) : Mon Dieu que ce sont de sots discours. Dieu aurait-il fait le monde pour le damner, demanderait‑il tant de gens si faibles, etc. Pyrrhonisme est le remède à ce mal et rabattra cette vanité.

 

Texte connexe

 

Lettre à Melle de Roannez datée du 29 octobre 1656 (Lettre n° 4), OC III, éd. J. Mesnard, p. 1005.

 

Mots-clés : DieuEucharistieÉvangileJésus-ChristSottise.