Pensées diverses I – Fragment n° 25 / 37 – Papier original : RO 117-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 100 p. 339 v°  / C2 : p. 293

Éditions savantes : Faugère II, 265, XXXV / Havet XXV.159 / Brunschvicg 651  / Tourneur p. 80-1 / Le Guern 492 / Lafuma 575 (série XXIII) / Sellier 478

______________________________________________________________________________________

 

 

Bibliographie

 

 

DELASSAULT Geneviève, Le Maistre de Saci et son temps, Paris, Nizet, 1957.

FORCE Pierre, Le problème herméneutique chez Pascal, Paris, Vrin, 1989.

GUSDORF, La révolution galiléenne, II, Payot, Paris, 1969.

LABROUSSE Elisabeth, L’entrée de Saturne au Lion. L’éclipse de soleil du 12 août 1654, Nijhoff, The Hague, 1974.

LA PEYRÈRE Isaac de, Preadamitae, sive exercitatio super versibus 12, 13, 14 capitis 5 epistolae Pauli ad Romanos, primi homines ante Adamum conditi, sl, 1655.

LHERMET J. Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931.

McKENNA Antony, Pierre Bayle, témoin et conscience de son temps, Paris, Champion, 2001, p. 340 sq. Voir l’article La Peyrère, p. 374 sq.

MAIRE Catherine, De la cause de Dieu à la cause de la Nation. Le jansénisme au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1998.

ODDOS Jean-Paul, Isaac de Lapeyrère (1596-1676). Un intellectuel sur les routes du monde, Paris, Champion, 2012.

PINTARD René, “Les problèmes de l’histoire du libertinage, notes et réflexions”, in Aspects et contours du libertinage, XVIIe siècle n° 127, avril-juin 1980, p. 131-161.

PINTARD René, Le libertinage érudit dans la première moitié du XVIIe siècle, Boivin, Paris, 1943, 766 p.

POPKIN Richard, Histoire du scepticisme d’Erasme à Spinoza, Paris, Presses Universitaires de France, 1995.

POULOUIN Claudine, Le temps des origines. L’Eden, le Déluge et les “temps reculés” de Pascal à l’Encyclopédie, Champion, Paris, 1998.

QUENNEHEN Élisabeth, “L’auteur des Préadamites, Isaac La Peyrère. Essai biographique”, in HARRY P., MOTHU A. et SELLIER Ph. (dir.), Autour de Cyrano de Bergerac, Paris, Champion, 2006, p. 349-373.

SIMON M. et BENOIT A., Le Judaïsme et le Christianisme antique, Paris, Presses Universitaires de France, 1968.

WETSEL David, “Isaac de La Peyrère and his Preadamites”, in HARRY P., MOTHU A. et SELLIER Ph. (dir.), Autour de Cyrano de Bergerac, Paris, Champion, 2006, p. 375-382.

 

On peut aussi consulter utilement les dictionnaires suivants :

Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, Paris, Cerf, 1993.

Dictionnaire de théologie catholique, art. Préadamites.

Encyclopédie saint Augustin, Paris, Cerf, 2005.

Bibliographie sur le millénarisme dans Saint AUGUSTIN, La Cité de Dieu, Œuvres, Bibliothèque européenne, t. 37, p. 771.

Voir la bibliographie du dossier Loi figurative.

 

 

Éclaircissements

 

Ce fragment exploite un programme que Pascal a résumé dans le fragment Loi figurative 10 (Laf. 254, Sel. 286). Parler contre les trop grands figuratifs. Il mentionne trois exemples de délires visionnaires fondés sur une interprétation déréglée des textes de la Bible.

La liasse Loi figurative a donné des règles d’interprétation restrictives qui sont destinées à couper court à ces délires herméneutiques.

L’excès de figurisme conduit à des excès extravagants. Voir Lhermet J. Pascal et la Bible, p. 401 sq.

Le jansénisme du XVIIIe siècle a souvent donné dans des excès de figurisme qui dépassent de très loin les bornes indiquées par Pascal. Sur l’avenir du figurisme à Port-Royal, voir Maire Catherine, De la cause de Dieu à la cause de la Nation. Le jansénisme au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1998.

 

Extravagances des apocalyptiques

 

Pascal fait allusion aux apocalyptiques dans le fragment Fausseté 15 (Laf. 217, Sel. 250). Il y a des figures claires et démonstratives, mais il y en a d’autres qui semblent un peu tirées par les cheveux, et qui ne prouvent qu’à ceux qui sont persuadés d’ailleurs. Celles-là sont semblables aux apocalyptiques. Mais la différence qu’il y a c’est qu’ils n’en ont point d’indubitables tellement qu’il n’y a rien de si injuste que quand ils montrent que les leurs sont aussi bien fondées que quelques-unes des nôtres. Car ils n’en ont pas de démonstratives comme quelques-unes des nôtres. La partie n’est donc pas égale. Il ne faut pas égaler et confondre ces choses parce qu’elles semblent être semblables par un bout, étant si différentes par l’autre. Ce sont les clartés qui méritent, quand elles sont divines, qu’on révère les obscurités.

Semblables aux apocalyptiques : de ceux qui, comme dit Port-Royal, « fondent des prophéties sur l’Apocalypse, qu’ils expliquent à leur fantaisie ». Voir Pensées, éd. Havet, II, Delagrave, 1866, p. 1 et 11. Ces prophéties proviennent du chapitre XX de l’Apocalypse, v. 4 : « Et vidi sedes, et sederunt super eas, et judicium datium est illis : et animas decollatorum propter testimonium Jesu, et propter verbum Dei, et qui non adoraverunt bestiam, neque imaginem ejus, nec acceperunt characterem ejus in frontibus aut in manibus suis, et vixerunt, et regnaverunt cum Christo mille annis ». Tr. de Sacy : « Je vis aussi des trônes, et des personnes qui s’assirent dessus, et la puissance de juger leur fut donnée. Je vis encore les âmes de ceux à qui on a coupé le cou pour avoir rendu témoignage à Jésus, et pour la parole de Dieu, et qui n’ont point adoré la bête ni reçu son caractère sur le front ou aux mains : et ils ont vécu et régné avec Jésus-Christ pendant mille ans ». Les notes de Sacy soulignent la difficulté de l’interprétation de ce passage : Sacy ne s’engage dans son explication qu’en suivant saint Augustin « et tous les autres interprètes qui l’ont suivi sur le sujet des mille ans qui font la principale difficulté », mille ans qui sont ceux durant lesquels Satan demeurera enchaîné jusqu’à la venue de l’Antéchrist, avant que ne se déclare le grand combat qui doit précéder la fin du monde et le jugement dernier. Avec précaution, Sacy remarque que les mille ans ne doivent pas, selon le style des prophètes, être pris comme un « nombre préfix », mais désignent seulement « le plus grand nombre ». Il expose ensuite des opinions relatives à ces mille années. Plusieurs anciens « tant Grecs que Latins, entre lesquels ont été saint Irénée, Saint Justin, Tertullien et plusieurs autres, ont cru que ces mille ans, et l’enchaînement de Satan ne devaient commencer qu’après la mort de l’Antéchrist, et qu’il se ferait après le second avènement de Jésus-Christ une résurrection particulière de tous les justes qui demeureraient avec lui sur la terre durant mille ans ; que la ville de Jérusalem serait rebâtie de nouveau et embellie, que les saints, les patriarches et les prophètes vivraient pendant ce temps avec Jésus-Christ dans des délices toutes spirituelles, qu’à la fin néanmoins les saints seraient attaqués et leurs ennemis consumés par le feu du ciel, après quoi se ferait la résurrection générale et le jugement dernier ». Sacy passe alors au cas des interprètes abusifs de l’Apocalypse : « Mais il y en avait d’autres, qui s’égarant dans des fables ridicules, prétendaient que les saints passeraient tout ce temps dans des festins tout charnels, et dans tous les autres plaisirs corporels. Ce sentiment dont Cerinthe est considéré comme le premier auteur, a toujours été en abomination dans l’Église, au lieu qu’on a toujours eu un grand respect pour ceux qui ont été dans l’autre opinion, quoique l’Église l’ait rejetée. Il semble que l’auteur ait été Papias disciple de saint Jean ; et ce fut sans doute l’autorité de cet apôtre dont on crut que Papias avait reçu cette opinion, qui le rendit d’abord si considérable. » Après avoir réduit l’autorité de Papias à sa juste mesure, Sacy conclut : « Le règne des martyrs avec Jésus-Christ consiste en deux choses : premièrement dans la gloire qu’ils ont au ciel avec Jésus-Christ qui les y a reçus pour les y faire régner avec lui, et secondement dans la manifestation de cette gloire sur la terre parmi les honneurs qu’on leur a rendus dans l’Église. Ce règne doit durer pendant mille ans, c’est-à-dire durant toute l’étendue des siècles jusqu’au jour du jugement, mais cela se doit entendre de la gloire dont Dieu les relève sur la terre et dans l’Église ; car celle dont ils jouissent dans le ciel ne finira jamais, non plus que le règne de Jésus-Christ ».

Simon M. et Benoit A., Le Judaïsme et le Christianisme antique, p. 65 sq. La littérature apocalyptique à l’aube du christianisme. Les auteurs visionnaires annoncent que l’ordre divin a été ébranlé par les forces du mal, mais que l’ordre et le royaume de Dieu seront rétablis dans leur intégrité ; après une période de grandes calamités, Jérusalem libérée sera restaurée dans une splendeur inouïe. Dans une seconde étape, la résurrection aura lieu dans les temps ultimes, soit pour les justes, soit pour tous les hommes, avec le jugement dernier.

Sur les apocalyptiques, juifs, consulter le Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, art. Apocalypse, p. 81 sq. L’Apocalypse est un genre littéraire de réflexions eschatologiques sur les mystères du monde surnaturel. L’apocalyptique se fonde sur l’espoir d’un ordre social radicalement nouveau, qui reflète les réalités historiques de l’époque où les textes ont été écrits. Les apocalypses juives sont des pseudépigraphes : elles ne donnent pas les noms de leurs auteurs véritables, mais prétendent rapporter les révélations prophétiques passées (Énoch, Abraham, Moïse). Les apocalyptiques, dans la croyance qu’ils sont la « dernière génération » entre ce monde et le nouveau monde où règnera la justice, imaginent la fin du monde comme un processus cosmique accompagné de bouleversements naturels, où les événements sur terre ne seraient qu’un écho de l’affrontement final entre les forces du bien et du mal. Les apocalyptiques ne pensent pas être inspirés comme les prophètes l’ont été : ils font face à la réalité de leur temps dans l’espoir d’une intervention divine soudaine et miraculeuse qui restaurerait Israël : p. 82.

Sur les courants apocalyptiques dans le christianisme, voir Encyclopédie saint Augustin, p. 60 sq. Les enseignements des lettres de saint Paul et des évangiles, avec les enseignements chrétiens sur la parousie ont été mêlés à des attentes juives traditionnelles (bataille finale entre le bien et le mal, désastres célestes et sociaux, résurrection corporelle des saints et renouvellement de Jérusalem). Les avatars latins du gnosticisme et les manichéens furent condamnés. Mais les courants apocalyptiques subsistent au IVe siècle. Les premiers chrétiens avaient une idée claire de ce qu’il fallait attendre : le pouvoir persécuteur de Rome serait vaincu, puis détruit ; avec la Parousie du Christ, les souffrances des saints s’effaceraient au profit de leur justification. Le Christ régnerait pour une période de mille ans ; après le dernier jugement, la Jérusalem céleste paraîtrait, et la mort serait abolie. Au début du IIe siècle s’est répandu un doute à l’égard des prédictions apocalyptiques : p. 62 sq.

La prise de Rome par les Goths en 410 a libéré un torrent de spéculations apocalyptiques : p. 64. Augustin écrit La cité de Dieu dans ce contexte de la chute de l’empire romain en 410, il est contraint de redéfinir les croyances apocalyptiques orthodoxes. Augustin s’en prend aux conceptions matérialistes et millénaristes de ceux qui interprètent des versets d’Apocalypse XX, 1-6 et du Psaume XC, 4, rejetant l’interprétation littérale de 1000 : le nombre 1000 indique une qualité spirituelle, et non une quantité empirique. Cela permet une nouvelle explication des mille ans, de nature spirituelle : p. 65. Idée originale de saint Augustin : même si le Royaume inclut les saints ressuscités dans la chair, il ne surviendra pas dans une terre transformée, mais dans les cieux. Réinterprétation des âges du monde : les six premiers pages du monde sont historiques, mais le grand sabbat, le 7e jour eschatologique, n’est autre que les saints eux-mêmes, vivant dans la Jérusalem céleste : p. 66.

 

et préadamites,

 

La Peyrère Isaac de, Preadamitae, sive exercitatio super versibus 12, 13, 14 capitis 5 epistolae Pauli ad Romanos, primi homines ante Adamum conditi, sl, 1655, 52 p. in-12.

Sur la personne de La Peyrère, voir Oddos Jean-Paul, Isaac de Lapeyrère (1596-1676). Un intellectuel sur les routes du monde, 2012. La parution des Préadamites : p. 75 sq. Le premier manuscrit des Préadamites : p. 129 sq.

McKenna Antony, Pierre Bayle, témoin et conscience de son temps, p. 340 sq., l’article La Peyrère, p. 374 sq, art. La Peyrère du Dictionnaire.

Sur la théorie des préadamites, voir Dictionnaire de théologie catholique, art. Préadamites.

Pintard René, Le libertinage érudit dans la première moitié du XVIIe siècle, Boivin, Paris, 1943.

Popkin Richard, Histoire du scepticisme d’Érasme à Spinoza, Paris, Presses Universitaires de France, 1995, p. 141, et p. 277 sq., insiste sur le caractère sceptique de la pensée de La Peyrère.

Quennehen Élisabeth, “L’auteur des Préadamites”, Isaac La Peyrère. Essai biographique, in Harry P., Mothu A. et Sellier Ph. (dir.), Autour de Cyrano de Bergerac, Paris, Champion, 2006, p. 349-373.

Quennehen Elisabeth, “Lapeyrère et Calvin : libre pensée et Réforme”, in Libertinage et philosophie au XVIIe siècle, p. 69-74.

Wetsel David, “Isaac de La Peyrère and his Preadamites”, in Harry P., Mothu A. et Sellier Ph. (dir.), Autour de Cyrano de Bergerac, Paris, Champion, 2006, p. 375-382.

Sur la théorie de La Peyrère sur les préadamites, voir Pluquet, Dictionnaire des hérésies, art. Préadamites. Le mot désigne soit les hommes qu’on prétend avoir vécu avant Adam, soit les hommes qui soutiennent que ces hommes ont existé. La Peyrère établit deux créations faites dans des temps éloignés l’un de l’autre. La première est la création générale. Longtemps après, Dieu voulut se former un peuple particulier et créa Adam pour en être le premier homme et le chef. Le Déluge conté dans l’Écriture n’a pas submergé le monde entier, mais la Judée seule ; tous les peuples du monde ne descendent donc pas de Noé. Il y a donc eu des hommes avant Adam à qui la loi n’était pas donnée, et auxquels les péchés n’étaient pas imputés.

Voir aussi Dictionnaire de théologie catholique, art. Préadamites.

Gusdorf Georges, La révolution galiléenne, II, p. 374. Théorie de La Peyrère.

Delassault Geneviève, Le Maistre de Saci et son temps, p. 175. La Peyrère se prononce pour l’éternité du monde ; quoiqu’il la distingue de “l’éternité pure” de Dieu, qui n’admet ni distinction d’années, ni composition. Sa conception de l’homme est empruntée à G. Bruno (les Juifs seraient descendus d’Adam et les autres peuples de deux autres hommes qui auraient paru sur le globe deux jours avant Adam. Pour La Peyrère, les préadamites ou Gentils ont été créés dans toutes les terres bien avant Adam. La création des préadamites serait ébauchée au ch. I de la Genèse, celle d’Adam et d’Ève exposée plus longuement dans le ch. II (Systema theologicum ex praeadamitarum hypothesi, L. IV, ch. II, p. 161). L’apparition des premiers hommes sur le globe remonterait à une époque indéterminée, plusieurs siècles avant Adam : ils seraient nés de la matière première avec laquelle Dieu a façonné la terre, créés par la parole de Dieu comme le reste de la création ; Adam seul aurait été façonné par la main de Dieu même (Lib. II, ch. XI, p. 93 ; Lib. III, ch. II, p. 85, 97 et 101). La Peyrère modifie certaines données bibliques : Adam aurait évolué comme tout homme de l’enfance à l’âge mûr ; Ève n’aurait pas été créée le même jour, elle aurait été conduite à Adam adulte. Ils auraient péché dès leur première rencontre (L. III, ch. I-II, p. 102-108). La Peyrère contredit les dogmes : p. 176. Il s’oppose à l’universalité du Déluge, qui n’aurait châtié que les Juifs, et conteste certains récits (l’arrêt du soleil par Josué).

Poulouin Claudine, Le temps des origines. L’Éden, le Déluge et les “temps reculés” de Pascal à l’Encyclopédie, p. 128 sq. La Peyrère avoue avoir beaucoup pris à Saumaise : p. 129. Il prend en compte l’histoire de peuples qui préoccupaient depuis longtemps les chronologistes, qui cherchaient des systèmes de calcul permettant de réduire les anomalies gênantes qui faisaient reculer la création du monde à plusieurs millénaires avant Adam : p. 131. L’idée vient du fait que lorsque la Bible dit que Caïn se défiait des brigands, elle semble supposer que la terre était déjà peuplée. De la thèse de La Peyrère découle que les autres nations de la terre ont une origine différente de celle du peuple juif ; il confirme cela par la trace d’une double création dans la Genèse ; l’une dans laquelle la race humaine ne se distingue pas des races animales, l’autre dans laquelle Dieu crée Adam de ses propres mains, et puis Ève ensuite : p. 132. Les Gentils n’ont donc pas la même origine que les Juifs ; leurs traditions montrent que les hommes ignorent leurs origines historiques : p. 133.

Quennehen Elisabeth, “Lapeyrère et Calvin : libre pensée et Réforme”, in Libertinage et philosophie au XVIIe siècle, p. 69-74. Abjuration de La Peyrère : p. 69. Il affirme avoir été calviniste lorsqu’il a conçu l’idée des Préadamites, et, conformément à la doctrine de Calvin, fondé son hypothèse sur l’Écriture, tout en sachant qu’elle est contraire aux Pères et à la croyance universelle des docteurs de l’Église : p. 69-71. Indices tirés de la Bible donnés par La Peyrère : voir les versets 12 à 14 de l’Épître aux Romains, ch. 5 : p. 71. Autres sources de l’hypothèse, auteurs profanes anciens ou modernes : p. 73.

Encyclopédie théologique, Migne, art. Préadamites. La Peyrère a été réfuté par Desmarais, théologien de Groningue, dès 1656. Il donne le nom d’adamites aux Juifs supposés descendus d’Adam, et de préadamites aux gentils qui existaient selon lui longtemps avant Adam. De ses thèses résultait que le péché d’Adam n’avait pas été communiqué aux peuples différents des Hébreux.

Busson Henri, La religion des classiques, p. 332, n. 1, renvoie à Ph. Le Prieur, abbé de Saint Pierre de Romazé, auteur en 1657 des Animadversiones in libros Prae-Adamitarum, 1657.

 

millénaires, etc.

 

Il faut lire millénaires et non millénaristes. On dit aussi chiliastes.

Voir la bibliographie sur le millénarisme dans Saint Augustin, La Cité de Dieu, Œuvres, Bibliothèque européenne, t. 37, p. 771.

Bouyer Louis, Dictionnaire théologique, p. 433. On appelle Millenium la période énigmatique de 1 000 ans dont parle l’Apocalypse, XX, au cours de laquelle Satan doit être lié, après une première résurrection, limitée à ceux qui ont été fidèles au Christ jusqu’à la mort. Après quoi viendra une dernière lutte avec le démon, sa défaite définitive, et la résurrection universelle. Cette hérésie remonte aux premiers siècles.

GEF XIV, p. 91, signale que « les Apocalyptiques et les Millénaires se confondent parfois », à cause du texte de l’Apocalypse cité plus haut. Pascal distingue peut-être les Apocalyptiques chrétiens des Millénaires juifs qui interprétaient le récit de la Genèse d’après Psaumes, XC, 4, et prédisaient six mille ans de combat suivis d’un Sabbat millénaire.

Bartmann Bernard, Précis de théologie dogmatique, II, p. 509-510. Le millénarisme est un aspect de la question du sort des âmes entre le jugement particulier et le jugement dernier. Les millénaristes s’appuient sur l’Apocalypse, XX. Ils furent combattus par Origène, les Cappadociens et surtout saint Augustin, qui déracina dogmatiquement l’ancien millénarisme et l’ébranla, en appliquant les passages concernant le millenium à l’Église de la terre et à la souveraineté spirituelle du Christ dans le monde actuel. C’est le trait fondamental de « la cité de Dieu ».

Dictionnaire de théologie catholique, art. Millénarisme. Voir aussi Pluquet, Dictionnaire des hérésies, art. Millénaires.

Nom donné à ceux qui ont cru que Jésus-Christ régnerait d’un règne temporel sur la terre avec ses saints dans une nouvelle Jérusalem pendant mille ans avant le jour du jugement.

Ont donné dans le millénarisme Papias d’Alexandrie, saint Irénée, qui pense qu’il est conforme à l’enseignement traditionnel, Tertullien (voir le Contre Marcion, livre IV). S’y opposent le prêtre Caius à Rome, Origène, saint Denys, qui s’oppose aux auteurs du traité Réfutation des allégoristes qui prétend que l’Écriture doit être comprise en son sens le plus littéral. Le De repromissionibus de saint Denys constitue une réfutation en forme du millénarisme. Au IVe siècle, le millénarisme est en perte de vitesse. Saint Augustin donne un temps dans cette erreur, mais il en ruine lui-même ensuite les fondements par une interprétation orthodoxe de l’Apocalypse et surtout par la rédaction de La cité de Dieu (XX, VII sq.).

Les origines du millénarisme sont antérieures au christianisme et remontent aux espérances d’Israël sur le règne terrestre du Messie, liées à la manière dont les prophètes avaient annoncé la venue du Messie comme ouvrant une ère de prospérité et de bonheur pour un Israël régénéré. Les prophètes avaient promis aux Juifs que Dieu les rassemblerait d’entre toutes les nations, et que lorsqu’il aurait exercé ses jugements sur tous leurs ennemis ils jouiraient sur la terre d’un bonheur parfait : Dieu annonça par Isaïe qu’il créerait de nouveaux cieux une terre nouvelle. Jérusalem deviendra une cité d’allégresse et son peuple un peuple de joie. Ezéchiel fait aussi des promesses magnifiques, disant que Dieu fera sortir le peuple des sépulcres.

Des milieux judaïques, la croyance au règne messianique passe au christianisme par l’intermédiaire de l’Apocalypse, qui admet aussi une durée de 1 000 ans. Les Juifs qui ont reconnu que Jésus était le Messie n’ont pas perdu de vue ces promesses. Ils crurent qu’après la venue de l’Antéchrist et la ruine de toutes les nations qui le suivront, il se ferait une première résurrection qui ne serait que pour les justes, mais que ceux qui se trouveront alors sur la terre, bons et méchants, seront conservés en vie, les bons pour obéir aux justes ressuscités, comme à leurs princes, les méchants pour être vaincus par les justes et leur être assujettis. Jésus-Christ descendra alors du ciel dans sa gloire ; la ville de Jérusalem sera rebâtie de nouveau, augmentée et embellie ; le temple sera rebâti. Satan est relégué dans l’abîme pour 1 000 ans. Les apocalyptiques appliquent à cette Jérusalem ce qui est dit dans l’Apocalypse, XXI, et au temple tout ce qui est dit dans Ézéchiel. Les auteurs des apocalypses apocryphes peignent sous des couleurs éclatantes le bonheur des justes pendant le règne du Messie. Jésus règnera mille ans sur la terre d’un règne temporel, et durant ces mille ans, les saints, les patriarches et les prophètes vivront avec lui dans un contentement parfait ; Jésus rendrait aux saints le centuple de ce qu’ils auront quitté pour lui. Ils se promettaient, dans cette nouvelle Jérusalem, une abondance inépuisable d’or, d’argent, d’animaux, et tous les biens propres à satisfaire la volupté du corps.

Les justes règneront alors avec le Christ, mais au bout du millénaire, Satan sortira de sa prison pour une seconde lutte : il assemblera les peuples de Scythie de Gog et de Magog, qui avec d’autres nations infidèles viendront attaquer les saints dans la Judée. Dieu les arrêtera par une pluie de feu, après quoi les méchants ressusciteront ; le règne de mille ans sera suivi de la résurrection éternelle et du jugement ; la défaite définitive de Satan suivra la descente de la Jérusalem nouvelle où les élus vivront éternellement avec Dieu.

Saint Augustin, La Cité de Dieu, XX, Bibliothèque augustinienne, p. 211 et p. 768. Les millénaristes conjecturent d’après l’Apocalypse que la première résurrection sera corporelle. Millénaire du bonheur messianique, qui précède le renouveau définitif. Voir p. 771, l’interprétation allégorique.

Labrousse Elisabeth, L’entrée de Saturne au Lion. L’éclipse de soleil du 12 août 1654, p. 64 sq. mentionne des spéculations millénaristes autour de 1656.

 

Qui voudra fonder des opinions extravagantes sur l’Écriture en fondera par exemple sur cela :

Il est dit que cette génération ne passera point jusqu’à ce que tout cela se fasse. Sur cela je dirai qu’après cette génération il viendra une autre génération et toujours successivement.

 

Il s’agit de paroles prophétiques prononcées par le Christ, rapportées par les évangélistes. Voir Luc, XXI, 32. « Je vous dis en vérité, que cette génération d’hommes ne finira point, que toutes ces choses ne soient accomplies. » Voir aussi Marc, XIII, 30, et Matthieu, XXIV, 34. Commentaire de Port-Royal : « Il faut entendre par cette race, non pas les hommes du même temps, ou les seuls fidèles [...], mais les Juifs, qu’il a souvent désignés par cette sorte d’expression. Il assure donc que cette race de Juifs ne finirait point, que ce qu’il avait prédit de la ruine de Jérusalem et du temple, des faux Christs, de l’apparition de Jésus-Christ dans les airs, du gémissement des tribus, du son de la trompette, etc. n’arrivât exactement ; c’est-à-dire qu’ils se perpétueraient de race en race jusqu’à la fin du monde ; puisqu’en ce temps-là plusieurs d’entre eux doivent même, selon la créance de l’Église, se convertir à la foi ».

 

-------

Il est parlé dans le 2 Paralip. de Salomon et de roi comme si c’étaient deux personnes diverses. Je dirai que c’en étaient deux.

 

Les Paralipomènes sont les livres des Chroniques. La référence de Pascal est IIe livre des Chroniques, I, 14.

La Bible de Louvain donne le texte suivant : « Congregavitque sibi currus et équités, et facti sunt ei mille quadringenti currus, et duodecim millia equitum et fecit eos esse in urbibus quadrigarum, et cum rege in Jerusalem ». Traduction de Louvain : « Et [Salomon] assembla pour soi des chariots et des chevaucheurs, et eut mille et quatre cents chariots, et douze mille chevaucheurs. Et les mit ès villes des chariots, et avec le roi en Jérusalem ».

La Bible de Port-Royal supprime l’équivoque : « Il amassa un grand nombre de chariots de guerre et de cavalerie ; il eut mille quatre cents chariots, et douze mille hommes de cavalerie ; il en fit mettre une partie dans les villes destinées à loger les équipages, et le reste à Jérusalem, près de sa personne. »

Pascal veut dire que dans ce passage, le roi et Salomon ne sont qu’une et même personne, mais qu’en chicanant on peut soutenir qu’il s’agit en fait de deux hommes différents.

En fait, le texte latin est un cas de la règle formulée dans le fragment Géométrie-Finesse I (Laf. 509, Sel. 669), qui pose que l’on peut désigner une même personne en termes différents, selon le contexte littéraire ou historique : Masquer la nature et la déguiser. Plus de roi, de pape, d’évêque, mais auguste monarque, etc. Point de Paris, capitale du royaume. Il y a des lieux où il faut appeler Paris, Paris et d’autres où il la faut appeler capitale du royaume.