Pensées diverses II – Fragment n° 17 / 37 – Papier original : RO 1-4

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 107 p. 355 v°  / C2 : p. 313

Éditions savantes : Faugère II, 260, XXVI / Havet XXV.156 / Brunschvicg 664 / Tourneur p. 90-2 / Le Guern 521 / Lafuma 614 (série XXIV) / Sellier 507

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Bibliographie

 

 

FERREYROLLES Gérard, “De la causalité historique chez Pascal”, in DESCOTES Dominique, MCKENNA Antony et THIROUIN Laurent (éd.), Le rayonnement de Port-Royal, Mélanges en l'honneur de Philippe Sellier, Paris, Champion, 2001, p. 309-332.

FERREYROLLES Gérard, “Augustinisme et concupiscence les chemins de la réconciliation”, in Littérature et séduction. Mélanges Versini, Paris, Klincksieck, 1997, p. 171-182.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, I, Les vérités de la grâce, Paris, Presses Universitaires de France, 1923, 1 vol., et II, La morale, Paris, Vrin, 1951, 2 vol.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

STIKER-MÉTRAL Charles-Olivier, Narcisse contrarié. L’amour propre dans le discours moral en France (1650-1715), Paris Champion, 2007, p. 112 sq. 

 

 

Éclaircissements

 

Figuratif.

 

Voir plus bas : le fragment est lié à la doctrine des figures de la Bible.

Voir la liasse Loi figurative.

 

Dieu s’est servi de la concupiscence des Juifs pour les faire servir à Jésus-Christ.

 

Voir le dossier thématique sur la concupiscence.

L’idée que Dieu se sert de ce qui est mauvais pour le bien des élus est formulée dans le fragment Laf. 566, Sel. 472. Tout tourne en bien pour les élus. Jusqu’aux obscurités de l’Écriture, car ils les honorent à cause des clartés divines, et tout tourne en mal pour les autres jusqu’aux clartés, car ils les blasphèment à cause des obscurités qu’ils n’entendent pas.

Claudel Paul, Le soulier de satin. « Etiam peccata ». Même le péché sert.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970, p. 168 sq. et p. 249 sq.

Saint Augustin, La cité de Dieu, I, Bibliothèque augustinienne, t. 35, p. 223. Voir XI, p. 85 : Dieu se sert des volontés mauvaises, du diable même, pour le bien. Voir XII, p. 159, et XIII, p. 403 : Dieu a permis au mal d’exister pour montrer combien la justice du Créateur peut en faire bon usage. Voir XIV, p. 417 : il est utile aux orgueilleux de tomber en quelque péché évident qui les amène à se déplaire.

Saint Augustin, De nuptiis et concupiscentia, et Contra duas epistulas pelagianorum, in Premières polémiques contre Julien, Œuvres de saint Augustin, t. 23, Bibliothèque augustinienne, p. 690 sq.

Ferreyrolles Gérard, “De la causalité historique chez Pascal”, in Descotes Dominique, Mckenna Antony et Thirouin Laurent (éd.), Le rayonnement de Port-Royal, Mélanges en l'honneur de Philippe Sellier, p. 309-332, remarque que c’est un cas où l’action humaine se retourne contre les intentions de ses promoteurs dans l’histoire.

La concupiscence des Juifs a fait qu’ils ont méconnu le Messie en Jésus-Christ, parce qu’ils ont compris les prophéties en un sens charnel.

Perpétuité 8 (Laf. 286, Sel. 318). Deux sortes d’hommes en chaque religion.

Parmi les païens des adorateurs de bêtes, et les autres adorateurs d’un seul Dieu dans la religion naturelle.

Parmi les juifs les charnels et les spirituels qui étaient les chrétiens de la loi ancienne.

Parmi les chrétiens les grossiers qui sont les Juifs de la loi nouvelle.

Les juifs charnels attendaient un Messie charnel et les chrétiens grossiers croient que le Messie les a dispensés d’aimer Dieu. Les vrais Juifs et les vrais chrétiens adorent un Messie qui leur fait aimer Dieu.

Les Juifs attendaient en effet un Messie qui fût un prince puissant, conforme à leur manière de penser charnelle.

Loi figurative 12 (Laf. 256, Sel. 288). Les Juifs charnels n’entendaient ni la grandeur, ni l’abaissement du Messie prédit dans leurs prophéties. Ils l’ont méconnu dans sa grandeur prédite, comme quand il dit que le Messie sera seigneur de David, quoique son fils et qu’il est devant qu’Abraham et qu’il l’a vu. Ils ne le croyaient pas si grand qu’il fût éternel, et ils l’ont méconnu de même dans son abaissement et dans sa mort. Le Messie, disaient-ils, demeure éternellement et celui-ci dit qu’il mourra. Ils ne le croyaient donc ni mortel, ni éternel ; ils ne cherchaient en lui qu’une grandeur charnelle.

Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, p. 201. Rapprochement avec le fragment Laf. 615, Sel. 508. Figuratif. Rien n’est si semblable à la charité que la cupidité et rien n’y est si contraire. Ainsi les Juifs pleins des biens qui flattaient leur cupidité étaient très conformes aux chrétiens et très contraires. Et par ce moyen ils avaient les deux qualités qu’il fallait qu’ils eussent d’être très conformes au Messie, pour le figurer, et très contraires pour n’être point témoins suspects.

C’est ce qui justifie le titre figuratif : le fragment est lié à la doctrine des figures de la Bible.

 

Pourquoi Pascal a-t-il barré la proposition subordonnée qui portait le remède à la concupiscence ?

 

La relative avait l’intérêt de décrire un paradoxe : la concupiscence a permis un événement qui joue contre elle.

Voir ci-dessus Ferreyrolles Gérard, "De la causalité historique chez Pascal", p. 327 sq.

Paradoxe intéressant, que Pascal supprime, quoiqu’il ne recule pas toujours devant de telles figures de rhétorique.

La raison de cette suppression est peut-être que ce n’est pas dans le même sens qu’est mentionnée la concupiscence : dans la première proposition, il s’agit de la concupiscence particulière des Juifs ; mais dans le second membre de phrase, c’est de la concupiscence dans l’humanité entière qu’il est question. Le rapport n’est pas assez évident pour être vraiment solide. Ce paradoxe risquait de n’être qu’une fausse fenêtre, dont on sait que Pascal les réprouve.

Laf. 559, Sel. 466. Langage. Ceux qui font les antithèses en forçant les mots sont comme ceux qui font de fausses fenêtres pour la symétrie. Leur règle n’est pas de parler juste mais de faire des figures justes.