Fragment Loi figurative n° 12 / 31 – Papier original : RO 17-1
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Loi figurative n° 299 p. 127 / C2 : p. 153
Éditions de Port-Royal : Chap. X - Juifs : 1669 et janvier 1670 p. 79-80 / 1678 n° 7 p. 80
Éditions savantes : Faugère II, 362, XX / Havet XV.4 / Michaut 31 / Brunschvicg 662 / Tourneur p. 258-1 / Le Guern 240 / Lafuma 256 / Sellier 288
Les Juifs charnels n’entendaient ni la grandeur ni l’abaissement du Messie prédit dans leurs prophéties. Ils l’ont méconnu dans sa grandeur prédite, comme quand il dit que le Messie sera seigneur de David, quoique son fils, et qu’il est devant qu’Abraham et qu’il l’a vu. Ils ne le croyaient pas si grand qu’il fût éternel, et ils l’ont méconnu de même dans son abaissement et dans sa mort. Le Messie, disaient-ils, demeure éternellement, et celui‑ci dit qu’il mourra. Ils ne le croyaient donc ni mortel, ni éternel ; ils ne cherchaient en lui qu’une grandeur charnelle.
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Pascal approfondit ici la nature de l’incompréhension qui a empêché les Juifs charnels de reconnaître dans Jésus-Christ le Messie qu’Israël attendait.
Les incrédules ont de tout temps argué que l’abaissement du Christ, notamment par sa mort sur la croix, n’était pas compatible avec la majesté et la grandeur d’un dieu. Pascal répond à cette objection dans le fragment Preuves de Jésus-Christ 11 (Laf. 308, Sel. 339), en soutenant que ce qui est apparu aux esprits qui ne connaissent que les grandeurs charnelles, la mort apparemment honteuse du Christ sur la croix est en réalité une extrême grandeur dans l’ordre de la charité.
Dans le présent fragment, Pascal montre que, dès l’époque du Christ, les Juifs charnels étaient dans des erreurs semblables, mais plus graves encore, qui leur faisaient méconnaître à la fois la grandeur du Messie et son abaissement. Comme ils espéraient dans le Messie un prince politique et un conquérant puissant, ils ne pouvaient concevoir qu’il serait à la fois beaucoup plus grand et plus abaissé qu’ils ne l’attendaient. Le Christ était plus grand, puisqu’en Fils de Dieu, il existait de toute éternité, alors qu’ils attendaient un homme. Et il fut plus abaissé qu’ils ne l’attendaient, puisque Jésus-Christ est mort sur la croix, alors que les Juifs charnels attendaient un prince Messie qui demeurerait éternellement. D’une manière très originale, Pascal montre que les Juifs charnels ont tout à la fois surestimé et sous-estimé le Messie que leur peuple attendait.
Les deux passages prophétiques de l’ancien Testament que Pascal évoque étaient cependant suffisants pour qu’ils arrivent à comprendre que le Dieu humilié était une clé qui ouvrait le sens spirituel des prophéties.
Fragments connexes
Loi figurative 19 (Laf. 264, Sel. 295). Les Juifs étaient accoutumés aux grands et éclatants miracles et ainsi ayant eu les grands coups de la mer Rouge et la terre de Canaan comme un abrégé des grandes choses de leur Messie ils en attendaient donc de plus éclatants, dont ceux de Moïse n’étaient que l’échantillon.
Perpétuité 8 (Laf. 286, Sel 318). Deux sortes d’hommes en chaque religion.
Parmi les païens des adorateurs de bêtes, et les autres adorateurs d’un seul Dieu dans la religion naturelle.
Parmi les Juifs les charnels et les spirituels qui étaient les chrétiens de la loi ancienne.
Parmi les chrétiens les grossiers qui sont les Juifs de la loi nouvelle.
Les Juifs charnels attendaient un Messie charnel et les chrétiens grossiers croient que le Messie les a dispensés d’aimer Dieu. Les vrais Juifs et les vrais chrétiens adorent un Messie qui leur fait aimer Dieu.
Perpétuité 9 (Laf. 287, Sel. 319). Le Messie selon les Juifs charnels doit être un grand prince temporel. J.-C. selon les chrétiens charnels est venu nous dispenser d’aimer Dieu, et nous donner des sacrements qui opèrent tout sans nous ; ni l’un ni l’autre n’est la religion chrétienne, ni juive.
Mots-clés : Abaissement – Abraham – Charnel – David – Éternité – Fils – Grandeur – Juif – Messie – Mort (voir Mourir) – Prédiction – Prophétie – Seigneur.