Pensées diverses III – Fragment n° 22 / 85 – Papier original : RO 427-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 123 p. 369 v° / C2 : p. 327 v°

Éditions savantes : Faugère I, 248, V / Havet XXIV.95 / Brunschvicg 188 / Tourneur p. 99-3 / Le Guern 563 / Lafuma 669 (série XXV) / Sellier 548

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Bibliographie

 

 

HONG Ran-E, Le Dialogue chez Pascal., Thèse, Université de Paris-Sorbonne, 1986.

JOUSLIN Olivier, « Rien ne nous plaît que le combat ». La campagne des Provinciales de Pascal. Étude d’un dialogue polémique, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2007, 2 vol.

MOREAU Denis, Deux cartésiens. La polémique Arnauld-Malebranche, Vrin, Paris, 1999.

PASCAL Blaise, Œuvres complètes, III, éd. J. Mesnard, Paris, Desclée de Brouwer, 1991, p. 543 sq.

SELLIER Philippe, “Les premières Provinciales et le dialogue d’idées au XVIIe Siècle”, Équinoxe, 6, été 1990, p. 21-30.

 

 

Éclaircissements

 

Il faut en tout dialogue et discours qu’on puisse dire [à] ceux qui s’en offensent : De quoi vous plaignez‑vous ?

 

Voir le dossier thématique sur le dialogue.

Offenser : blesser, choquer, incommoder. S’offenser : se sentir blessé (Furetière).

Se plaindre : demander raison ou réparation de quelque tort ou de quelque injustice, en faire des reproches (Furetière). Le mot a aussi un sens juridique : intenter une action en justice contre une personne dont on estime avoir reçu quelque outrage.

Pascal envisage donc la situation où un interlocuteur estime avoir été victime d’un raisonnement vicieux ou trompeur.

Si les interlocuteurs se plaignent, c’est que l’on a heurté soit leurs principes de raisonnement, soit leurs principes d’agrément. Il faut donc, conformément aux règles de l’art de persuader, veiller à ce que l’on ne choque ni les uns ni les autres.

Pour Pascal, il n’est pas permis dans un dialogue d’affaiblir la vérité, ni de lui prêter des caractères faussement plaisants. Il faut en revanche conduire la discussion sans concession sophistique, mais se mettre à même de répondre adéquatement à toute objection sincère et raisonnable que l’on présente.

On sait que c’est de ce principe que Pascal s’inspirait pour entreprendre d’expliquer clairement au public la doctrine augustinienne de la grâce. Voir ce qu’écrit Nicole dans le Traité de la grâce générale, le passage cité dans OC I, éd. J. Mesnard, p. 1002 : quoique Pascal « fût la personne du monde la plus roide et la plus inflexible pour les dogmes de la grâce, il disait néanmoins que s’il avait à traiter cette matière, il espérait de réussir à rendre cette doctrine si plausible, et de la dépouiller tellement d’un certain air farouche qu’on lui donne, qu’elle serait proportionnée au goût de toutes sortes d’esprits. Et je ne dissimulerai point qu’il trouvait un peu à redire à quantité d’écrits, de ce qu’il ne voyait pas qu’on y eût gardé ce tempérament, et qu’il voyait au contraire certaines expressions qu’il semble qu’on aurait pu éviter ». Voir le commentaire de Jean Mesnard dans son introduction aux Écrits sur la grâce, OC III, éd. J. Mesnard, p. 594 sq.

On trouve dans les Pensées des exemples de la manière dont Pascal répond aux plaintes et aux objections d’interlocuteurs divers.

Preuves par discours I (Laf. 418, Sel. 680). Qui blâmera donc les chrétiens de ne pouvoir rendre raison de leur créance, eux qui professent une religion dont ils ne peuvent rendre raison ? Ils déclarent en l’exposant au monde que c’est une sottise, stultitiam : et puis, vous vous plaignez de ce qu’ils ne la prouvent pas ! S’ils la prouvaient, ils ne tiendraient pas parole. C’est en manquant de preuve qu’ils ne manquent pas de sens. ‑ Oui, mais encore que cela excuse ceux qui l’offrent telle, et que cela les ôte du blâme de la produire sans raison, cela n’excuse pas ceux qui la reçoivent.

Preuves par les Juifs VI (Laf. 472, Sel. 709). Grandeur. La religion est une chose si grande, qu’il est juste que ceux qui ne voudraient pas prendre la peine de la chercher, si elle est obscure, en soient privés. De quoi se plaint-on donc, si elle est telle qu’on la puisse trouver en la cherchant ?

En fait, la règle formulée dans le présent fragment revient à celle du fragment Laf. 701, Sel. 579. Quand on veut reprendre avec utilité et montrer à un autre qu’il se trompe il faut observer par quel côté il envisage la chose car elle est vraie ordinairement de ce côté-là et lui avouer cette vérité, mais lui découvrir le côté par où elle est fausse. Il se contente de cela car il voit qu’il ne se trompait pas et qu’il manquait seulement à voir tous les côtés. Or on ne se fâche pas de ne pas tout voir, mais on ne veut pas être trompé, et peut-être que cela vient de ce que naturellement l’homme ne peut tout voir, et de ce que naturellement il ne se peut tromper dans le côté qu’il envisage, comme les appréhensions des sens sont toujours vraies.

La règle vaut dans la vie civile, pour montrer aux fâcheux l’importunité de leurs plaintes.

Laf. 650, Sel. 535N’avez-vous jamais vu des gens qui pour se plaindre du peu d’état que vous faites d’eux vous étalent l’exemple de gens de condition qui les estiment ? Je leur répondrais à cela : montrez-moi le mérite par où vous avez charmé ces personnes et je vous estimerai de même.

Dans l’ensemble de l’œuvre de Pascal ce principe commande l’argumentation de plusieurs Provinciales, qui ont peut-être inspiré le présent fragment.

Les lettres XII à XIV répondent à la plainte des jésuites sur la falsification des citations des casuistes par Pascal : celui-ci leur répond en justifiant ses imputations par les citations.

La XIe lettre répond aux polémistes jésuites sur le fait qu’il répète des reproches qui leur ont été déjà plusieurs fois adressés :

« Enfin, mes Pères, pour conclure par un autre reproche que vous me faites de ce qu'entre un si grand nombre de vos maximes que je rapporte, il y en a quelques-unes qu'on vous avait déjà objectées, sur quoi vous vous plaignez de ce que je redis contre vous ce qui avait été dit ; je réponds, que c'est au contraire, parce que vous n'avez pas profité de ce qu'on vous l'a déjà dit, que je vous le redis encore. Car quel fruit a-t-il paru de ce que de savants Docteurs, et l'Université entière vous en ont repris par tant de livres ? Qu'ont fait vos Pères Annat, Caussin, Pinthereau, et Le Moyne dans les réponses qu'ils y ont faites, sinon de couvrir d'injures ceux qui leur avaient donné ces avis si salutaires ? Avez-vous supprimé les livres où ces méchantes maximes sont enseignées ? En avez-vous réprimé les Auteurs ? En êtes-vous devenus plus circonspects ? Et n'est-ce pas depuis ce temps-là qu'Escobar a tant été imprimé de fois en France, et aux Pays-Bas, et que vos Pères Cellot, Bagot, Bauny, Lamy, Le Moyne, et les autres ne cessent de publier tous les jours les mêmes choses, et de nouvelles encore aussi licencieuses que jamais ? Ne vous plaignez donc plus, mes Pères, ni de ce que je vous ai reproché des maximes que vous n'avez point quittées, ni de ce que je vous en ai objecté de nouvelles, ni de ce que j'ai ri de toutes. Vous n'avez qu'à les considérer pour y trouver votre confusion et ma défense. Qui pourra voir sans en rire la décision du Père Bauny pour celui qui fait brûler une grange : celle du P. Cellot pour la restitution : le règlement de Sanchez en faveur des sorciers : la manière dont Hurtado fait éviter le péché du duel, en se promenant dans un champ, et y attendant un homme : les compliments du P. Bauny pour éviter l'usure : la manière d'éviter la simonie par un détour d'intention, et celle d'éviter le mensonge en parlant tantôt haut, tantôt bas ; et le reste des opinions de vos Docteurs les plus graves. En faut-il davantage, mes Pères, pour me justifier, et y a-t-il rien de mieux dû à la vanité et à la faiblesse de ces opinions, que la risée, selon Tertullien ? »

La XIIe Provinciale répond de même sur la plainte des jésuites relative aux maximes sur le devoir de donner le superflu aux pauvres :

« Vous vous plaignez ensuite hautement, de ce qu'après avoir rapporté cette maxime de Vasquez : À peine se trouvera-t-il que les gens du monde, et même les Rois aient jamais de superflu, j'en ai conclu, que les riches sont donc à peine obligés de donner l'aumône de leur superflu ». L’auteur anonyme montre ensuite que la plainte des jésuites n’a pas lieu d’être : « Mais que voulez-vous dire, mes Pères ? S'il est vrai que les riches n'ont presque jamais de superflu, n'est-il pas certain qu'ils ne seront presque jamais obligés de donner l'aumône de leur superflu. Je vous en ferais un argument en forme, si Diana, qui estime tant Vasquez qu'il l'appelle le Phénix des esprits, n'avait tiré la même conséquence du même principe. Car après avoir rapporté cette maxime de Vasquez, il en conclut : Que dans la question, savoir si les riches sont obligés de donner l'aumône de leur superflu, quoique l'opinion qui les y oblige fût véritable, il n'arriverait jamais, ou presque jamais, qu'elle obligeât dans la pratique. Je n'ai fait que suivre mot à mot tout ce discours ».

Ce premier mouvement de réponse est suivi par un retour sur les intentions des polémistes jésuites qui font à Pascal un mauvais procès :

« Que veut donc dire ceci, mes Pères, Quand Diana rapporte avec éloge les sentiments de Vasquez ; quand il les trouve probables, et très commodes pour les riches, comme il le dit au même lieu, il n'est ni calomniateur, ni faussaire, et vous ne vous plaignez point qu'il lui impose : au lieu que quand je représente ces mêmes sentiments de Vasquez, mais sans le traiter de phénix, je suis un imposteur, un faussaire, et un corrupteur de ses maximes. Certainement, mes Pères, vous avez sujet de craindre, que la différence de vos traitements envers ceux qui ne diffèrent pas dans le rapport, mais seulement dans l'estime qu'ils font de votre doctrine, ne découvre le fond de votre cœur, et ne fasse juger que vous avez pour principal objet de maintenir le crédit et la gloire de votre compagnie ; puisque tandis que votre théologie accommodante passe pour une sage condescendance, vous ne désavouez point ceux qui la publient, et vous les louez au contraire comme contribuant à votre dessein : mais quand on la fait passer pour un relâchement pernicieux ; alors le même intérêt de votre Société vous engage à désavouer des maximes, qui vous font tort dans le monde : et ainsi vous les reconnaissez ou les renoncez, non pas selon la vérité qui ne change jamais ; mais selon les divers changements des temps, suivant cette parole d'un ancien : Omnia pro tempore, nihil pro veritate. »

Le passage s’achève sur une mise en garde adressée aux jésuites, pour éviter qu’ils ne récidivent dans leur mauvaise plainte :

« Prenez-y garde, mes Pères, et afin que vous ne puissiez plus m'accuser d'avoir tiré du principe de Vasquez une conséquence qu'il eût désavouée, sachez qu'il l'a tirée lui-même c. I, n. 27. À peine est-on obligé de donner l'aumône, quand on n'est obligé de la donner que de son superflu, selon l'opinion de Cajetan ET SELON LA MIENNE, et secundum nostram. Confessez donc, mes Pères, par le propre témoignage de Vasquez, que j'ai suivi exactement sa pensée, et considérez avec quelle conscience vous avez osé dire, que si l'on allait à la source, on verrait avec étonnement qu'il y enseigne tout le contraire. »

En revanche, lorsque Pascal se plaint lui-même des procédés polémiques violents des jésuites, il apporte en même temps la justification de cette plainte : voir par exemple le début de la XIIe lettre :

« J'étais prêt à vous écrire sur le sujet des injures que vous me dites depuis si longtemps dans vos écrits, où vous m'appelez Impie, Bouffon, Ignorant, Farceur, Imposteur, Calomniateur, Fourbe, Hérétique, Calviniste déguisé, Disciple de Du Moulin, Possédé d'une légion de Diables, et tout ce qu'il vous plaît. Je voulais faire entendre au monde pourquoi vous me traitez de la sorte : car je serais fâché qu'on crût tout cela de moi ; et j'avais résolu de me plaindre de vos calomnies et de vos impostures, lorsque j'ai vu vos réponses, où vous m'en accusez moi-même. Vous m'avez obligé par là de changer mon dessein ; et néanmoins, mes Pères, je ne laisserai pas de le continuer en quelque sorte, puisque j'espère en me défendant vous convaincre de plus d'impostures véritables, que vous ne m'en avez imputé de fausses. En vérité, mes Pères, vous en êtes plus suspects que moi. Car il n'est pas vraisemblable, qu'étant seul, comme le suis, sans force et sans aucun appui humain, contre un si grand corps, et n'étant soutenu que par la vérité et la sincérité, je me sois exposé à tout perdre, en m'exposant à être convaincu d'imposture. Il est trop aisé de découvrir les faussetés dans les questions de fait, comme celle-ci. Je ne manquerais pas de gens pour m'en accuser, et la justice ne leur en serait pas refusée. Pour vous, mes Pères, vous n'êtes pas en ces termes, et vous pouvez dire contre moi ce que vous voulez, sans que je trouve à qui m'en plaindre. Dans cette différence de nos conditions je ne dois pas être peu retenu, quand d'autres considérations ne m'y engageraient pas. Cependant vous me traitez comme un imposteur insigne, et ainsi vous me forcez à repartir : mais vous savez que cela ne se peut faire, sans exposer de nouveau, et même sans découvrir plus à fond les points de votre Morale ; en quoi je doute que vous soyez bons politiques. La guerre se fait chez vous, et à vos dépens ; et quoique vous ayez pensé qu'en embrouillant les questions par des termes d'École, les réponses en seraient si longues, si obscures, et si épineuses, qu'on en perdrait le goût, cela ne sera peut-être pas tout à fait ainsi : car j'essaierai de vous ennuyer le moins qu'il se peut en ce genre d'écrire. Vos maximes ont je ne sais quoi de divertissant qui réjouit toujours le monde. Souvenez-vous au moins que c'est vous qui m'engagez d'entrer dans cet éclaircissement ; et voyons qui se défendra le mieux. »

Dans ce cas-là, Pascal ajoute que la discussion tournera au détriment des accusateurs dont il se plaint.

La XVe Provinciale exprime la plainte de Pascal contre les polémistes jésuites qui le calomnient sans croire déchoir de l’état de grâce.

La XIe Provinciale défend Pascal contre la plainte qu’ont faite les polémistes jésuites de l’entendre rire des choses saintes. Il répond d’abord en justifiant son procédé par les règles que les Pères de l’Église ont appliquées dans leurs controverses, puis en montrant que les jésuites eux-mêmes contreviennent constamment à ces mêmes règles.

Les Provinciales sont en ce sens justiciables d’une analyse à l’aide des règles de la rhétorique judiciaire.

On trouvera une étude détaillée des manières dont Pascal conduit un dialogue polémique dans le livre de Jouslin Olivier, « Rien ne nous plaît que le combat ». La campagne des Provinciales de Pascal. Étude d’un dialogue polémique.

Dans les Pensées, Pascal applique le même procédé dans le contexte moins polémique d’un dialogue : répondant à la protestation d’un incrédule qu’il est incroyable que Dieu s’unisse à nous, il commence par accorder à l’interlocuteur le point sur lequel il a raison, mais poursuit en appelant à sa sincérité pour lui faire voir par quel côté sa réflexion est insuffisante et demande à être complétée.

Cette méthode est illustrée par le fragment A P. R. 2 (Laf. 149, Sel. 182). Incroyable que Dieu s’unisse à nous. Cette considération n’est tirée que de la vue de notre bassesse, mais si vous l’avez bien sincère, suivez-la aussi loin que moi et reconnaissez que nous sommes en effet si bas que nous sommes par nous-mêmes incapables de connaître si sa miséricorde ne peut pas nous rendre capables de lui. Car je voudrais savoir d’où cet animal qui se reconnaît si faible a le droit de mesurer la miséricorde de Dieu et d’y mettre les bornes que sa fantaisie lui suggère. Il sait si peu ce que c’est que Dieu qu’il ne sait pas ce qu’il est lui-même. Et tout troublé de la vue de son propre état il ose dire que Dieu ne le peut pas rendre capable de sa communication. Mais je voudrais lui demander si Dieu demande autre chose de lui sinon qu’il l’aime et le connaisse, et pourquoi il croit que Dieu ne peut se rendre connaissable et aimable à lui puisqu’il est naturellement capable d’amour et de connaissance, Il est sans doute qu’il connaît au moins qu’il est et qu’il aime quelques choses. Donc s’il voit quelque chose dans les ténèbres où il est et s’il trouve quelque sujet d’amour parmi les choses de la terre, pourquoi si Dieu lui découvre quelque rayon de son essence, ne sera-t-il pas capable de le connaître et de l’aimer en la manière qu’il lui plaira se communiquer à nous. Il y a donc sans doute une présomption insupportable dans ces sortes de raisonnements, quoiqu’ils paraissent fondés sur une humilité apparente, qui n’est ni sincère, ni raisonnable si elle ne nous fait confesser que ne sachant de nous-mêmes qui nous sommes nous ne pouvons l’apprendre que de Dieu.

La plainte de l’interlocuteur doit ensuite laisser place à une disposition toute contraire. Par exemple :

Dossier de travail (Laf. 394, Sel. 13). Au lieu de vous plaindre de ce que Dieu s’est caché vous lui rendrez grâces de ce qu’il s’est tant découvert et vous lui rendrez grâces encore de ce qu’il ne s’est pas découvert aux sages superbes indignes de connaître un Dieu si saint.

Il s’agit toujours, dans les cas que nous venons d’évoquer, de dialogues. Dans quelle mesure la règle s’applique-t-elle aux discours ?

Le discours diffère du dialogue en ce qu’il suppose une situation dans laquelle un des interlocuteurs demeure silencieux, et se trouve, au moins dans la forme rhétorique, hors d’état de répondre. Pascal connaît cette distinction, puisque la suite chronologique des Écrits sur la grâce s’ouvre sur une lettre dans laquelle les objections et les interrogations du destinataire sont explicitement présentées, à un Discours, puis à un Traité, énoncés de manière plus dogmatique. Voir sur ce point l’introduction de Jean Mesnard sur les Écrits sur la grâce dans OC III, p. 543 sq. La structure du dernier en date des Écrits, le Traité de la prédestination et de la grâce, montre que Pascal, après avoir eu recours à une forme de réponse aux plaintes que suscitait la doctrine augustinienne de la grâce, tend à préférer un exposé synthétique de la vérité, propre à montrer que celle-ci dépasse et comprend les doctrines des calvinistes et des molinistes, d’une manière qui prévient les objections et les plaintes.

Les membres du groupe de Port-Royal sont bien conscients des risques que fait courir l’exercice solitaire du raisonnement. Sur ce sujet, voir les analyses de Moreau Denis, Deux cartésiens. La polémique Arnauld-Malebranche, p. 42 sq. Arnauld prend position contre le caractère méditatif, c’est-à-dire solitaire, de la réflexion de Malebranche. « Il est bon de méditer, mais c’est quelquefois aussi une voie bien périlleuse », car certaines pensées éblouissent sans rien avoir de solide, « et à force de s’en entretenir soi-même, on s’accoutume tellement à les regarder comme vraies qu’on n’est plus capable d’en découvrir la fausseté ». « L’esprit humain, abandonné à soi-même, peut trouver partout des écueils [...]. Il en peut trouver autant et plus que partout ailleurs dans ses propres méditations ». Pour éviter une telle dérive, il n’y a pas selon Arnauld d’autre moyen que de sortir de la solitude et de solliciter les avis et remarques d’autrui. Arnauld indique qu’il fait relire ses ouvrages avant de les publier, et sa correspondance atteste que ces relectures étaient suivies de corrections tenant compte de ce qu’on lui avait suggéré. La rédaction de La Logique et de la Grammaire, voir p. 45. Sur l’écart entre Arnauld et Descartes relativement à l’alternative rigide que pose ce dernier entre évidence personnelle et consensus universel, voir p. 47.