Pensées diverses III – Fragment n° 9 / 85 – Papier original : RO 440-4
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 117 p. 367 v° / C2 : p. 323 v°
Éditions de Port-Royal : Chap. XXIX - Pensées morales : 1669 et janvier 1670 p. 278 / 1678 n° 13 p. 273
Éditions savantes : Faugère I, 204, LXXVIII / Havet V.16 / Brunschvicg 333 / Tourneur p. 97 / Le Guern 550 / Lafuma 650 (série XXV) / Sellier 535
N’avez‑vous jamais vu des gens qui, pour se plaindre du peu d’état que vous faites d’eux, vous étalent l’exemple de gens de condition qui les estiment ? Je leur répondrais à cela : Montrez‑moi le mérite par où vous avez charmé ces personnes et je vous estimerai de même.
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Pascal aborde dans ce fragment le problème de l’estime d’un point de vue qui est purement celui du moraliste. Non sans un certain humour : on imagine les situations que pourrait engendrer un pareil dialogue dans la réalité.
Fragments connexes
Vanité 19 (Laf. 31, Sel. 65). Les villes par où on passe on ne se soucie pas d’y être estimé. Mais quand on y doit demeurer un peu de temps on s’en soucie. Combien de temps faut-il ? Un temps proportionné à notre durée vaine et chétive.
Dossier de travail (Laf. 411, Sel. 30). Grandeur de l’homme.
Nous avons une si grande idée de l’âme de l’homme que nous ne pouvons souffrir d’en être méprisé, et de n’être pas dans l’estime d’une âme. Et toute la félicité des hommes consiste dans cette estime.
Preuves par les Juifs VI (Laf. 470, Sel. 707). La plus grande bassesse de l’homme est la recherche de la gloire, mais c’est cela même qui est la plus grande marque de son excellence ; car, quelque possession qu’il ait sur la terre, quelque santé et commodité essentielle qu’il ait, il n’est pas satisfait, s’il n’est dans l’estime des hommes. Il estime si grande la raison de l’homme, que, quelque avantage qu’il ait sur la terre, s’il n’est placé avantageusement aussi dans la raison de l’homme, il n’est pas content. C’est la plus belle place du monde, rien ne le peut détourner de ce désir, et c’est la qualité la plus ineffaçable du cœur de l’homme.
Pensées diverses (Laf. 628, Sel. 521). Du désir d’être estimé de ceux avec qui on est.
Amour propre (Laf. 978, Sel. 743). La nature de l’amour propre et de ce moi humain est de n’aimer que soi et de ne considérer que soi. Mais que fera-t-il ? Il ne saurait empêcher que cet objet qu’il aime ne soit plein de défauts et de misère ; il veut être grand, et il se voit petit ; il veut être heureux, et il se voit misérable ; il veut être parfait, et il se voit plein d’imperfections ; il veut être l’objet de l’amour et de l’estime des hommes, et il voit que ses défauts ne méritent que leur aversion et leur mépris. Cet embarras où il se trouve produit en lui la plus injuste et la plus criminelle passion qu’il soit possible de s’imaginer ; car il conçoit une haine mortelle contre cette vérité qui le reprend, et qui le convainc de ses défauts.