Miracles II  – Fragment n° 11 / 15 – Papier original : RO 469-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 192 p. 449 v°-451 / C2 : p. 248-249

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVII - Pensées sur les miracles : 1669 et janv. 1670 p. 231 / 1678 n° 15 p. 224

Éditions savantes : Faugère II, 231, XXIV / Havet XXV.151 / Brunschvicg 842 / Tourneur p. 149 / Le Guern 690 / Lafuma 851 (série XXXIII, notée XXXII par erreur) / Sellier 432

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Bibliographie

 

 

NICOLE Pierre, Des diverses manières dont on tente Dieu, in Essais de morale, éd. L. Thirouin, Paris, Presses Universitaires de France, 1999, p. 417-440.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

SELLIER Philippe, Port-Royal et la littérature, II, 2e éd., Paris, Champion, 2012.

SHIOKAWA Tetsuya, Pascal et les miracles, Paris, Nizet, 1977.

THIROUIN Laurent, “Tenter ou chercher Dieu ? Une alternative au cœur des Pensées de Pascal”, Revue de langue et littérature françaises, 49, Université de Tokyo, octobre 2016, p. 613-639.

Voir le dossier sur l’Antéchrist.

 

 

Éclaircissements

 

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 611. Pascal a accumulé des notes sur saint Jean, qui auraient pu aboutir à un traité sur les miracles, dont saint Augustin parle peu.

Sur la manière dont Pascal constitue des recueils de citations et les adapte à ses propres textes, voir dans OC III, éd. J. Mesnard, p. 554 sq., sur le cas des Écrits sur la grâce. La comparaison avec les recueils de citations (excerpta) permet de comprendre le sens de ceux des Pensées.

 

Si tu es Christus dic nobis.

Opera quæ ego facio in nomine patris mei.

Hæc testimonium perhibent de me.

Sed vos non creditis, quia non estis ex ovibus meis. Oves meæ vocem meam audiunt.

 

Jean, X, 24-27. « Les Juifs s’assemblèrent autour de lui, et lui dirent : Jusqu’à quand nous tiendrez-vous l’esprit en suspens ? Si vous êtes le Christ, dites-le nous clairement. 25. Jésus leur répondit : Je vous parle, et vous ne me croyez pas. Les œuvres que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi ; 26. Mais pour vous, vous ne me croyez pas, parce que vous n’êtes pas de mes brebis. 27. Mes brebis entendent ma voix ; je les connais et elles me suivent ».

Thirouin Laurent, “Tenter ou chercher Dieu ? Une alternative au cœur des Pensées de Pascal”, Revue de langue et littérature françaises, 49, Université de Tokyo, octobre 2016, p. 617 sq. Le Christ ne remet pas en cause la nécessité des miracles pour croire, mais il condamne le désir abusif d’en être personnellement témoin. Le miracle constitue une épreuve adressée aux hommes, une tentation : p. 620.

 

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J., 6, 30. Quod ergo tu facis signum, ut videamus et credamus tibi. Non dicunt : quam doctrinam prædicas ?

 

Jean, VI, 30. « Ils lui dirent : Quel miracle donc faites-vous, afin que, le voyant, nous vous croyions ? Que faites-vous d’extraordinaire ? ».

La deuxième partie est un commentaire de Pascal. Traduction : Ils ne demandent pas : Quelle doctrine prêches-tu ?

Ut videamus et credamus tibi est en addition.

 

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Nemo potest facere signa quæ tu facis, nisi Deus fuerit cum illo.

 

Parole de Nicodème en Jean, III, 2 : « [Nicodème] vint la nuit trouver Jésus, et lui dit : Maître, nous savons que vous êtes venu de la part de Dieu pour nous instruire, comme un docteur ; car personne ne saurait faire les miracles que vous faites, si Dieu n’est avec lui ».

Texte cité en Miracles II (Laf. 846, Sel. 429).

Signa est en addition, pour préciser le relatif quae.

 

2, Mach., 14, 15. Deus qui signis evidentibus suam portionem protegit.

 

Deuxième livre des Maccabées, XIV, 15 (La partie prélevée dans le texte latin par Pascal est en italique). « Les Juifs, ayant appris l’arrivée de Nicanor, et que cette multitude de nations s’était unie contre eux, se couvrirent le tête de terre, et offrirent leurs prières à celui qui s’était choisi un peuple pour le conserver éternellement, et qui s’était déclaré par tant de marques éclatantes le protecteur de ce peuple qu’il avait pris pour son partage ».

 

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Volumus signum videre, de cælo tentantes eum. Luc, 11, 16.

 

Luc, XI, 16. « Et d’autres, le voulant tenter, lui demandaient qu’il leur fît voir un prodige dans l’air ».

Voir sur ce que signifie tenter Dieu, le commentaire du fragment Miracles II (Laf. 850, Sel. 431). Il y a bien de la différence entre tenter et induire en erreur. Dieu tente mais il n’induit pas en erreur. Tenter est procurer les occasions que n’imposant point de nécessité, si on n’aime pas Dieu, on fera une certaine chose. Induire en erreur est mettre l’homme dans la nécessité de conclure et suivre une fausseté.

 

Generatio prava signum quærit, et non dabitur.

 

Matthieu, XII, 38-39. « Alors quelques-uns des scribes et des pharisiens lui dirent : Maître, nous voudrions bien que vous nous fissiez voir quelque prodige. 39. Mais il leur répondit : Cette race méchante et adultère demande un prodige ; et on ne lui en donnera point d’autre que celui du prophète Jonas ». (traduction du texte cité en latin en italique).

Le signe de Jonas, auquel il est fait allusion plus bas, se trouve dans le livre de Jonas à propos de Marc VI, 5. Voir plus bas le commentaire de la Bible de Port-Royal, qui explique comment l’engloutissement de Jonas comme la figure du Christ, commentaire qui invoque saint Augustin, Lettre 49, et Paul, Éph, III, 5, qui figure la conversion des païens.

 

Et ingemiscens ait : quid generatio ista signum quærit ? Mar., 8, 12. Elle demandait signe à mauvaise intention.

 

Marc, VIII, 12. « Mais Jésus, jetant un soupir du fond du cœur, leur dit : Pourquoi ces gens-là demandent-ils un prodige ? Je vous dis en vérité qu’il ne sera point donné de prodige à ces gens-là ».

Elle demandait signe à mauvaise intention : commentaire de Pascal.

 

Et non poterat facere.

 

Marc, VI, 5. « Et il ne put faire en ce lieu-là aucun miracle, sinon qu’il y guérit un petit nombre de malades, en leur imposant les mains ». Le lieu en question est Nazareth, patrie de Jésus.

 

Et néanmoins il leur promet le signe de Jonas, de sa résurrection, le grand et l’incomparable.

 

Commentaire de Pascal, qui renvoie à la citation de Matthieu, XII, 38-39, faite plus haut.

Le grand et l’incomparable qualifie le substantif signe, qu’il faut associer à de sa résurrection. Avec de sa résurrection, les mots le plus grand et l’incomparable sont en addition sous la dernière ligne.

En fait, le signe de Jonas ne diffère du signe de la résurrection que comme la figure de la réalité, car Jonas est la figure du Christ. Le commentaire de la Bible de Port-Royal indique que « Jonas a été une excellente figure de Jésus-Christ » ; on ne le dit pas « par des conjectures vraisemblables, [...] mais c’est le Fils de Dieu lui-même qui nous en assure dans l’Évangile ». Voir Matth. XII, 40 : « Car comme Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, ainsi le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le cœur de la terre ».

 

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Nisi videritis signa, non creditis. Il ne les blâme pas de ce qu’ils ne croient pas sans qu’il y ait de miracles, mais sans qu’ils en soient eux‑mêmes les spectateurs.

 

Jean, IV, 48. « Jésus leur dit : Si vous ne voyez des miracles et des prodiges, vous ne croyez point ».

Le commentaire de Pascal diffère des précédents, en ce qu’il insiste sur le fait que son interlocuteur est surtout intéressé à ce qu’un miracle soit accompli en sa faveur. Cette explication correspond sans doute au fait que l’officier qui lui présente sa demande le fait dans l’intérêt de son fils mourant.

 

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L’Antéchrist. In signis mendacibus, dit saint Paul. 2, Thess., 2. Secundum operationem Satanæ. In seductione iis qui pereunt eo quod charitatem veritatis non receperunt ut salvi fierent. Ideo mittet illis Deus operationes erroris ut credant mendacio.

 

Voir le dossier thématique sur l’Antéchrist.

Paul, II Thess., II, 9-11 : « Cet impie qui doit venir accompagné de la puissance de Satan, avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges trompeurs, 10. Et avec toutes les illusions qui peuvent porter à l’iniquité ceux qui périssent, parce qu’ils n’ont par reçu et aimé la vérité pour être sauvés. 11. C’est pourquoi Dieu leur enverra des illusions si efficaces qu’ils croiront au mensonge ».

 

Comme au passage de Moïse : Tentat enim vos Deus utrum diligatis eum.

 

Deutéronome XIII, 3. « Vous n’écouterez point les paroles de ce prophète ou de cet inventeur de visions et de songes, parce que le Seigneur votre Dieu vous éprouve, afin qu’il paraisse clairement si vous l’aimez de tout votre cœur et de toute votre âme, ou si vous ne l’aimez pas de cette sorte. »

Miracles II (Laf. 854, Sel. 434). Il avait été dit aux Juifs aussi bien qu’aux chrétiens qu’ils ne crussent pas toujours les prophètes ; mais néanmoins les pharisiens et les scribes font grand état de ses miracles, et essayent de montrer qu’ils sont faux ou faits par le diable, étant nécessités d’être convaincus s’ils reconnaissent qu’ils sont de Dieu.

Sur la manière dont Dieu tente les hommes, au sens où il les met à l’épreuve, voir Miracles II (Laf. 850, Sel. 431). Il y a bien de la différence entre tenter et induire en erreur. Dieu tente mais il n’induit pas en erreur. Tenter est procurer les occasions que n’imposant point de nécessité, si on n’aime pas Dieu, on fera une certaine chose. Induire en erreur est mettre l’homme dans la nécessité de conclure et suivre une fausseté.

 

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Ecce praedixi vobis.

 

Matthieu, XXIV, 25. « J’ai voulu vous en avertir auparavant » (sc. qu’il y aura de faux christs et de faux prophètes).

 

Vos ergo videte.

 

Ibid., v. 33. « De même, lorsque vous verrez toutes ces choses, sachez que le royaume de Dieu est proche, et qu’il est comme à la porte ». Et v. 42 : « Veillez donc, parce que vous ne savez pas à quelle heure votre Seigneur doit venir ».