Miracles II  – Fragment n° 7 / 15 – Papier original : RO 473 (feuille complète)

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 192 p. 445 v° à 447 v° / C2 : p. 243 à 245

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVII - Pensées sur les miracles : 1669 et janv. 1670 p. 223-226, 227-228 et 219 / 1678 n° 7 p. 217-219, n° 8 p. 221, n° 1 p. 213

Éditions savantes : Faugère II, 221, XII / Havet XXIII.9, 1 bis, 1 ter, 32, 11 / Brunschvicg 843 / Tourneur p. 143 / Le Guern 684 / Lafuma 840 (série XXXIII, notée XXXII par erreur) / Sellier 428

______________________________________________________________________________________

 

 

Bibliographie

 

 

DAVIDSON Hugh, Pascal end the arts of mind, Cambridge, 1993.

DROZ Édouard, Étude sur le scepticisme de Pascal, Paris, Alcan, 1886.

LAPORTE Jean, Le cœur et la raison selon Pascal, Paris, Elzévir, 1950, p. 86 sq.

MESNARD Jean, “Pascal et la vérité”, Chroniques de Port-Royal, n° 17-18, 1969, p. 21-40.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, 1993.

SHIOKAWA Tetsuya, Pascal et les miracles, Paris, Nizet, 1977.

 

 

Éclaircissements

 

Il y a un devoir réciproque entre Dieu et les hommes. Il faut pardonner ce mot, Quod debui.

 

Isaïe, V, 4. « Quid est quod debui ultra facere vineae meae, et non feci ei ? an quod expectavi ut faceret uvas, et feci labruscas ? ». Tr. de Port-Royal : « Qu’ai-je dû faire de plus à ma vigne que je n’aie point fait ? Est-ce que je lui ai fait tort d’attendre qu’elle portât de bons raisins, au lieu qu’elle n’en a produit que de mauvais ? »

La vigne du Seigneur est le peuple d’Israël.

Droz Édouard, Étude sur le scepticisme de Pascal, Paris, Alcan, 1886, p. 131 sq. Pascal, loin de croire que la religion peut se passer de preuves, fait au contraire un devoir à Dieu d’en fournir, sous forme de miracles, pour confirmer la vraie doctrine.

Il faut pardonner ce mot, quod debui : voir la note de l’éd. Pascal, Les Provinciales, Pensées et opuscules divers, éd. Ph. Sellier et G. Ferreyrolles, La Pochothèque, p. 1049 : il est audacieux de parler d’un devoir de Dieu à l’égard des hommes, car Dieu n’a proprement de devoir qu’envers lui-même.

 

Accusez‑moi, dit Dieu dans Isaïe.

 

Isaïe, I, 18. « Et venite, et arguite me, dicit Dominus ». Port-Royal traduit : « Et après cela venez et soutenez votre cause ». Mais le sens exact serait plutôt inculper, accuser. Le traducteur a apparemment reculé devant un terme choquant. La Bible de Louvain est plus juste lorsqu’elle propose : « Puis venez, et me reprenez, dit le Seigneur ». Vatable explique en note : « et increpemus nos, et disceptemus inter nos, id est argumentis mutuis causam notram tueamur, et videamus vestrane causa sit melior, an mea ». Il reconstitue le genre d’accusation qui pourrait être proférée comme suit : « Dicunt homines, cur de nobis sumis poenas, quum nos creaveris ad scelera propensos ». La réponse de Dieu est, toujours selon Vatable : « At petite veniam, dicit Dominus, et agite paenitentiam : et peccata vobis condonabo ». Pascal a apparemment raison de traduire accusez, mais il semble tirer le texte dans un sens très éloigné. En fait, la raison du choix de cette citation d’Isaïe n’est pas très claire.

GEF XIV, p. 278. Jansénius commente ce passage dans l’Augustinus, De gratia Christi salvatoris, III, 18, Solvuntur quaedam Scripturae loca, quae pro asserenda gratia sufficienti proferuntur, ut, Quid debui ultra facere vineae meae etc. Et, Si non venissem, et locutus eis fuissem, peccatum non haberent, éd. de Louvain, 1640, col. 361-364. Mais le commentaire va dans une tout autre direction que le présent fragment de Pascal.

 

1. Dieu doit accomplir ses promesses, etc.

 

Le nombre 1 figure dans Lafuma, mais non dans Sellier. Il se trouve dans le manuscrit. Mais il n’a pas de suite.

Quelles promesses ? Sur les promesses divines, voir Fries H., Encyclopédie de la foi, art. Promesse, III, Paris, Cerf, 1966, p. 488-496. Les promesses divines apparaissent presque toujours dans l’Ancien Testament, en liaison avec l’idée d’alliance. Comme l’alliance, les promesses de Yahvé dépendent uniquement de son bon vouloir ; mais une fois que Dieu a accordé promesse et alliance, il se lie lui-même volontairement de telle sorte que non seulement il exige la fidélité de son partenaire, mais il demeure fidèle, même lorsque l’autre partie est défaillante : p. 489-490. Dans le Nouveau Testament, c’est essentiellement la promesse du salut qui est en cause : p. 493.

Le Nouveau Testament manifeste aussi que le promesse faite à Abraham a inauguré un nouveau régime de rapports entre Dieu et l’homme après la faute. Les biens promis selon la Genèse, XIII, 15-17 et XV, XVII, notamment 7, 10 sq., 19, et XXII, 17-18, Lévitique, XXVI, 3-8, Deutéronome, XXVIII, 1-4, concernent l’abondante descendance annoncée à Israël, la possession d’une terre et la paix.

 

Les hommes doivent à Dieu de recevoir la religion qu’il leur envoie.

 

C’est parce que les Juifs n’ont pas reçu le Christ et n’ont pas cru ses paroles qu’ils sont rejetés et que les chrétiens prennent leur place dans la promesse. Voir Fries H., Encyclopédie de la foi, art. Promesse, III, p. 493.

 

Dieu doit aux hommes de ne les point induire en erreur.

Or ils seraient induits en erreur si les faiseurs [de] miracles annonçaient une doctrine qui ne paraît pas visiblement fausse aux lumières du sens commun, et si un plus grand faiseur de miracles n’avait déjà averti de ne les pas croire.

Ainsi s’il y avait division dans l’Église, et que les ariens, par exemple, qui se disaient fondés en l’Écriture comme les catholiques, eussent fait des miracles, et non les catholiques, on eût été induit en erreur.

 

Miracles II (Laf. 840, Sel. 425). Qui n’est point contre, qui serait ennemi couvert, Dieu ne permettrait pas qu’il fît des miracles ouvertement. Jamais en une dispute publique où les deux partis se disent à Dieu, à Jésus-Christ, à l’Église, les miracles ne sont du côté des faux chrétiens, et l’autre côté sans miracle.

Si la fausseté de l’hérésie d’Arius n’avait pas été visible, ce qui semble avoir été le cas, à considérer l’ampleur des controverses auxquelles elle a donné lieu, et si des miracles avaient été produits chez ses partisans, et non chez les catholiques, on eût été induit en erreur.

Les ariens ne sont allégués ici que comme exemple. L’argumentation de Pascal ne porte pas sur leur doctrine, mais sur son mode d’opposition à la vérité catholique.

Sur l’arianisme, voir Encyclopédie saint Augustin, Paris, Cerf, 2005, p. 108 sq.

Maraval Pierre, Le christianisme de Constantin à la conquête arabe, Paris, P. U. F., 1997, p. 313-348.

Simon Marcel et Benoit André, Le judaïsme et le christianisme antique, Nouvelle Clio, Paris, P. U. F., 1968, p. 170 sq. La crise de l’arianisme naît à Alexandrie, vers 318-320, entre l’évêque Alexandre et l’un des prêtres d’Alexandrie, savant et pieux, à propos de la nature du Fils. Chassé d’Alexandrie, Arius entreprend de répandre ses idées auprès des évêques des grandes villes comme Césarée et Nicomédie. Constantin décide de réunir un grand concile pour régler définitivement le conflit.

Arius se situe dans la tradition subordinatianiste dont Origène a été le représentant. Il défend un monothéisme strict, « un seul Dieu, seul inengendré, seul éternel, seul sans commencement, seul véritable, seul possédant l’immortalité ». Mais pour lui, le Fils n’est pas éternel : c’est une créature tirée du néant. Il est non le Dieu, mais un dieu, en position secondaire.

Bartmann Bernard, Précis de Théologie dogmatique, I, p. 201. Arius soutient la séparation du Père, le Dieu unique et très haut que sa perfection absolue rend inaccessible, avec le Fils, être divin du second ordre que Dieu produit librement, avant tous les temps, comme sa créature, et l’Esprit, qui est aussi une créature. Condamnations ecclésiastiques : p. 201.

Simon Marcel et Benoit André, Le judaïsme et le christianisme antique, Nouvelle Clio, Paris, P. U. F., 1968, p. 170-171. Dieu étant unique, le Logos ne peut selon Arius qu’être une créature, alors que l’orthodoxie distingue création et engendrement. Mais Arius récuse cette distinction. La Trinité prend chez lui une allure particulière : la monade divine reste seule et repliée sur elle-même ; elle crée une créature parfaite, le Logos, qui crée à son tour une autre créature parfaite, le Saint-Esprit. Le Fils n’est donc pas Dieu ; ce n’est plus qu’un être parfait qui propose son exemple. Le concile de Nicée règlera la question doctrinale : p. 171 sq.

Chassé d’Alexandrie, Arius entreprend de répandre ses idées dans les grandes villes comme Césarée et Nicomédie. Constantin décide de réunir un grand concile pour régler ce conflit. L’arianisme a longtemps été un rival du catholicisme.

Hanson R. P. C., The search of the christian doctrine of God. The arian controversy, 318-381, Grand Rapid, Michigan, Baker Academic, 2e éd., 2007.

Rubenstein Richard E., Le jour où Jésus devint Dieu. L’ « affaire Arius » ou la grande querelle sur la divinité du Christ au dernier siècle de l’empire romain, Paris, La découverte, 2004.

 

-------

Car comme un homme qui nous annonce les secrets de Dieu n’est pas digne d’être cru sur son autorité privée, et que c’est pour cela que les impies en doutent,

 

Jean, V, 31 sq. « Si je rends témoignage de moi, mon témoignage n’est pas véritable. 32. Il y en a un autre qui rend témoignage de moi, et je sais que le témoignage qu’il rend de moi est véritable. 33. Vous avez envoyé à Jean, et il a rendu témoignage à la vérité. 34. Pour moi, ce n’est pas d’un homme que je reçois le témoignage ; mais je dis ceci afin que vous soyez sauvés. 35. Jean était une lampe ardente et luisante, et vous avez voulu vous réjouir pour un peu de temps à la lueur de sa lumière. »

Domat Jean, Les lois civiles, III, sect. III, § XIII, p. 375. « Dans tous les cas où la preuve par témoins peut être reçue, il en faut au moins deux, et ils peuvent suffire, si ce n’est dans le cas où la Loi demande un plus grand nombre. Mais un seul témoin de quelque qualité qu’il puisse être, ne fait point de preuve ». Références : « ubi numerus testium non adjicitur, etiam duo sufficient. Pluralis enim elocution duorum numero contenta est. l. 12 ss de testib. Simili modo sanximus, ut unius testimonium nemo judicum in quacunque causa facile patiatur admitti. Et nunc manifeste sancimus ut unius omnimodo testis responsio non audiatur, etiamsi praeclare Curiae honore fulgeat. l. 9. § 1. C de sestib. »

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 494. Sur “l’homme seul” : Sellier renvoie à Manès, qui intitulait ses œuvres “Manès, apôtre de Jésus-Christ” et proférait seul des prophéties qui ne se sont jamais réalisées. Saint Augustin oppose à ce faux prophète le témoignage massif de tout le peuple d’Israël, Contra Faustum, XIII, 4. Pascal reprend dans le fragment 793 l’idée que « ce n’est pas un homme qui le dit ». Mais selon p. 494, n. 52, Pascal n’aurait pas pressenti en Israël l’existence d’une véritable tradition prophétique dont les prophètes ne seraient que l’expression privilégiée. Mais sachant que Manès ne peut plus intéresser personne, Pascal s’est demandé s’il n’existait pas parmi les ennemis de l’Église de son temps des gens que certains arguments antimanichéens puissent frapper. Or Mahomet offre les mêmes caractéristiques que Manès.

 

aussi un homme qui, pour marque de la communication qu’il a avec Dieu, ressuscite les morts, prédit l’avenir, transporte les mers, guérit les maladies, il n’y a point d’impie qui ne s’y rende. Et l’incrédulité de Pharaon et des pharisiens est l’effet d’un endurcissement surnaturel.

 

L’incrédulité de Pharaon : voir Exode, VII et XII, notamment VII, 1 sq., « Alors le Seigneur dit à Moïse : Je vous ai établi le Dieu de Pharaon ; et Aaron votre frère sera votre prophète. 2. Vous direz à Aaron tout ce que je vous ordonne de dire ; et Aaron parlera à Pharaon, afin qu’il permette aux enfants d’Israël de sortir de son pays. 3. Mais j’endurcirai son cœur, et je signalerai ma puissance dans l’Égypte par un grand nombre de prodiges et de merveilles ; 4. Et Pharaon ne vous écoutera point : j’étendrai ma main sur l’Égypte, et après y avoir fait éclater la sévérité de mes jugements, j’en ferai sortir mon armée et mon peuple, qui sont les enfants d’Israël ». Sept plaies s’abattront ensuite sur l’Égypte.

Pascal veut dire que si les impies se rendent généralement aux miracles spectaculaires que peut accomplir un « homme qui nous annonce les secrets de Dieu », le contre-exemple de l’obstination de Pharaon à désobéir aux commandements que Dieu lui adresse par la bouche d’Aaron a quelque chose qui dépasse la mesure ordinaire, au point qu’on ne peut lui assigner une cause naturelle, mais seulement un endurcissement surnaturel.

Sur l’histoire des pharisiens, voir la synthèse de Pelletier Marcel, Les Pharisiens. Histoire d’un parti méconnu, Paris, Cerf, 1990.

Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, article Pharisiens, Paris, Cerf, 1993, p. 877 sq. Chefs spirituels du peuple juif en terre d’Israël à l’époque du second Temple ; c’est l’une des trois ou quatre écoles philosophiques décrites par Flavius Josèphe, à côté des sadducéens, des esséniens et de la faction des zélotes. La doctrine des pharisiens a pris racine au Ve siècle avant le Christ, à l’époque d’Esdras et de Néhémie, qui avaient instauré un judaïsme fondé sur la Torah parmi les habitants juifs de Judée et de l’empire perse. Les pharisiens représentent l’essentiel des dirigeants religieux laïques du peuple ; leur enracinement est essentiellement populaire, en opposition aux sadducéens qui représentent la mince couche de la haute aristocratie juive. Ils disposent d’une influence politique importante. Après la prise du pouvoir par les Romains, en 63 avant Jésus-Christ, ils retournèrent à leur rôle initial d’interprètes de la loi juive et d’arbitres de la communauté. Ils n’en prennent pas moins parti dans la révolte de R. Siméon ben Gamaliel, et la révolte de Barcosba. Le monde des pharisiens se caractérise par l’existence d’académies d’études religieuses. La description que fait le Nouveau Testament du souci des pharisiens d’une application sèche et minutieuse de la loi est récusée par le corpus de littérature talmudique qui montre la simplicité de l’attitude des sages dans leur conduite.

Les Évangiles présentent les pharisiens comme les ennemis jurés du Christ, qui ont refusé de le reconnaître pour le Messie, et ont travaillé à sa mort. Pascal veut dire que l’aveuglement et la haine dont ils ont poursuivi Jésus est comparable à l’endurcissement de Pharaon contre Moïse, et qu’il ne s’explique que par une cause surnaturelle.

Cet exemple couvre peut-être une allusion aux jésuites contemporains de Pascal. Les jésuites eux-mêmes se présentaient comme les pharisiens de la loi nouvelle : le jésuite Louis Cellot, dans son De hierarchia et hierarchicis, 1641, dit : « Ego novae legis pharisaeus ». Arnauld cite cette expression dans L’innocence et la vérité défendues, 1652, et la Remontrance aux PP. jésuites, 1651.

Pontchâteau, Morale pratique des jésuites, in Arnauld, Œuvres, XXXII, p. 95. Pharisiens de la loi nouvelle. « C’est cet esprit de pharisien, qui leur a fait composer de gros volumes, seulement pour se louer eux-mêmes, et pour prouver qu’ils ne sont pas comme le reste des hommes. Si Jésus-Christ reprochait aux pharisiens de son temps, qu’ils affectaient les premières places dans les assemblées, et voulaient être honorés comme les principaux docteurs du peuple, personne n’ignore que les jésuites s’élèvent au-dessus de tous les autres ordres religieux, qu’ils marchent partout les premiers, et se qualifient les maîtres du monde, magistros orbis. Si les anciens pharisiens prenaient l’autorité de dispenser les hommes des principaux commandements de la loi, il faut avouer que les nouveaux pharisiens sont infiniment plus habiles en cet art [...] » : p. 95-96.

Pascal y fait allusion dans le Second écrit des curés de Paris, in Les Provinciales, éd. Cognet, Garnier, p. 424 : « Après avoir semé le désordre de toutes parts, par la publication de leur détestable morale, ils traitent de perturbateurs du repos public ceux qui ne se rendent pas complaisants à leurs desseins, et qui ne peuvent souffrir que ces Pharisiens de la loi nouvelle, comme ils se sont appelés eux-mêmes, établissent leurs traditions humaines sur la ruine des traditions divines. »

 

-------

Quand donc on voit les miracles et la doctrine non suspecte tout ensemble d’un côté, il n’y a pas de difficulté, mais quand on voit les miracles et [la] doctrine suspecte d’un même côté, alors il faut voir quel est le plus clair. Jésus-Christ était suspect.

 

Le passage est rendu difficile par l’aspect complexe du manuscrit.

La difficulté principale tient au fait que Pascal semble avoir écrit mais quand on voit les miracles et doctrines suspecte. Les éditeurs ont cherché à remédier à cette incohérence de plusieurs manières.

On peut mentionner (c’est nous qui soulignons)

l’édition préoriginale de 1669, qui propose « mais quand on voit les miracles et la doctrine suspecte »,

l’édition Havet, qui propose « mais les miracles et doctrine(s) suspects »,

l’édition Sellier, qui propose une version assez proche de l’édition de Port-Royal, mais plus précise : « mais quand on voit les miracles et [une] doctrine suspecte ».

on peut aussi proposer « les miracles et doctrines suspectes ».

Il est indispensable de se reporter aux éditions diplomatique et savante, où sont fournies les différentes transcriptions qui ont été proposées de ce passage.

La leçon mais quand on voit les miracles et [la] doctrine suspecte que nous proposons dans l’édition moderne s’appuie sur les arguments suivants :

La lecture « les miracles et doctrines suspectes » semble être exclue : si l’adjectif « suspect » portait sur miracles et sur doctrines à la fois, on devrait avoir un masculin pluriel, alors que suspectes est un féminin. Du reste, dans les cas où miracles et doctrine seraient tout deux suspects, on les rejetterait ensemble sans voir quel est le plus clair.

L’incohérence de l’expression « les miracles et doctrines suspecte », qui est réelle, engendre un dilemme :

ou bien c’est la finale au pluriel doctrines qui est juste, et le singulier suspecte qui est une faute,

ou bien c’est le pluriel doctrines qui est un lapsus, et le singulier suspecte qui est pertinent.

Comme dans les fragments où il est question des miracles et de la doctrine, doctrine est généralement au singulier (une personne peut avoir fait plusieurs miracles, mais elle ne peut avoir qu’une doctrine), le second terme de l’alternative paraît le plus cohérent et le plus accordé au sens du passage.

Il faut voir quel est le plus clair : entendre, il faut examiner de près...

Jésus-Christ suspect : voir dans la comparaison du manuscrit et de l’édition de 1670 les compléments que les éditeurs ont apporté au texte pour éviter les interprétations malveillantes.

 

Barjésu aveuglé. La force de Dieu surmonte celle de ses ennemis.

 

Actes des Apôtres, XIII, 6-12. Barjésu est un magicien faux prophète qui s’efforçait d’empêcher le proconsul Sergius Paulus « d’embrasser la foi ». Saint Paul frappe de cécité cet « homme plein de toute sorte de tromperie et de fourberie », ce qui entraîne immédiatement la conversion du proconsul. C’est l’opposition d’un magicien et d’un véritable thaumaturge qui intéresse ici Pascal : Barjésu ne fait pas le poids face à saint Paul.

 

-------

Les exorcistes juifs, battus par les diables, disant : Je connais Jésus et Paul, mais vous qui êtes‑vous ?

 

Ce sont les diables qui parlent.

Actes des Apôtres, XIX, 13-15. « Or quelques-uns des exorcistes juifs qui allaient de ville en ville entreprirent d’invoquer le nom du Seigneur Jésus sur ceux qui étaient possédés des malins esprits, en leur disant : Nous vous conjurons par Jésus que Paul prêche. 14. Ceux qui faisaient cela étaient sept fils d’un juif prince des prêtres, nommé Sceva. 15. Mais le malin esprit leur répondit : Je connais Jésus, et je sais qui est Paul : mais vous, qui êtes-vous ? 16. Aussitôt l’homme qui était possédé d’un démon très méchant, se jeta sur deux de ces exorcistes, et s’en étant rendu maître, il les traita si mal, qu’ils furent contraints de s’enfuir de cette maison tout nus et blessés. »

 

-------

Les miracles sont pour la doctrine et non pas la doctrine pour les miracles.

 

La fin dernière est toujours pour Pascal la vérité. Pascal donne le même principe sous une énonciation différente dans Miracles II (Laf. 832, Sel. 421) : La vérité, qui est la fin principale des miracles. Voir plus bas.

Sur Pascal et la vérité, voir la bibliographie fournie dans le commentaire du fragment Miracles II (Laf. 840, Sel. 425).

 

-------

Si les miracles sont vrais pourra‑t‑on persuader toute doctrine ? Non, car cela n’arrivera pas.

 

Il faut sous-entendre qu’il s’agit des miracles accomplis par les ennemis du Christ, qui seraient vrais et plus extraordinaires que ceux des vrais chrétiens : dans ce cas, faudrait-il croire ces thaumaturges ? Pascal soutient que ce cas ne peut se présenter, car Dieu doit aux hommes de ne les point induire en erreur.

 

Si angelus.

 

Saint Paul, Épitre aux Galates, I, 8. « Quand nous vous annoncerions nous-mêmes, ou quand un ange du ciel vous annoncerait un Évangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ».

Ce qui vaut pour les anges vaut a fortiori pour les prophètes :

Deutéronome, XIII, 1-3. « 1. Si surrexerit in medio tui prophetes aut qui somnium vidisse se dicat et praedixerit signum atque portentum, 2. et evenerit quod locutus est et dixerit tibi eamus et sequamur deos alienos quos ignoras et serviamus ei, 3 non audies verba prophetae illius aut somniatoris, quia temptat vos Dominus Deus vester ut palam fiat utrum diligatis eum an non in toto corde et in tota anima vestra ».

Traduction de Sacy : « 1. S’il s’élève au milieu de vous un prophète qui dise qu’il a eu une vision en songe, ou qui prédise quelque signe ou quelque prodige, 2. et que ce qu’il avait prédit soit arrivé ; et qu’il vous dise en même temps : Allons, honorons des dieux étrangers qui nous étaient inconnus, et servons-les ; 3. vous n’écouterez point les paroles de ce prophète et de cet inventeur de visions et de songes, parce que le Seigneur votre Dieu vous tente, afin qu’il paraisse clairement si vous l’aimez de tout votre cœur et de toute votre âme, ou si vous ne l’aimez pas de cette sorte. »

La référence se trouve dans le texte Miracles II (Laf. 832, Sel. 421) : Les miracles discernent la doctrine, et la doctrine discerne les miracles. Il y a de faux et de vrais. Il faut une marque pour les connaître, autrement ils seraient inutiles. Or ils ne sont pas inutiles et sont au contraire fondement. Or il faut que la règle qu’il nous donne soit telle qu’elle ne détruise la preuve que les vrais miracles donnent de la vérité, qui est la fin principale des miracles. Moïse en a donné deux, que la prédiction n’arrive pas (Deutér.,18) et qu’ils ne mènent point à l’idolâtrie (Deut., 13), et Jésus-Christ une.

 

-------

Règle.

 

Il faut juger de la doctrine par les miracles. Il faut juger des miracles par la doctrine. Tout cela est vrai mais cela ne se contredit pas.

-------

Car il faut distinguer les temps.

 

Miracles II (Laf. 832, Sel. 421). Les miracles discernent la doctrine, et la doctrine discerne les miracles.

Il y a de faux et de vrais. Il faut une marque pour les connaître, autrement ils seraient inutiles.

Or ils ne sont pas inutiles et sont au contraire fondement. Or il faut que la règle qu’il nous donne soit telle qu’elle ne détruise la preuve que les vrais miracles donnent de la vérité, qui est la fin principale des miracles.

Miracles II (Laf. 846, Sel. 429). Jésus-Christ a vérifié qu’il était le Messie, jamais en vérifiant sa doctrine sur l’Écriture ou les prophéties, et toujours par ses miracles.

Il prouve qu’il remet les péchés par un miracle.

Ne vous éjouissez point de vos miracles, dit Jésus-Christ, mais de ce que vos noms sont écrits aux cieux.

S’ils ne croient point Moïse, ils ne croiront pas un ressuscité.

Nicodème reconnaît par ses miracles que sa doctrine est de Dieu. Scimus quia venisti a Deo magister, nemo enim potest facere quae tu facis nisi deus fuerit cum illo. Il ne juge pas des miracles par la doctrine, mais la doctrine par les miracles.

L’édition de Pascal, Les Provinciales, Pensées et opuscules divers, Pochothèque, 2004, p. 1040, n. 1, indique qu’il faut considérer comme équivalents dans ce contexte les verbes discerner et juger de.

Le verbe discerner vient souvent sous la plume de Pascal. Dans le Numericarum Potestatum generalis resolutio, OC II, p. 1225 sq., Pascal l’emploie pour l’opération qui consiste, lorsqu’une méthode conduit à trouver plusieurs nombres entre lesquels un seul est une racine cherchée, à rejeter les nombres qui ne répondent pas aux conditions posées, et à déterminer la seule qui soit la racine cherchée. Il s’agit bien, en l’occurrence d’une opération de tri par lequel on sélectionne un nombre cherché.

On trouve quelques indications sur ce point dans Davidson Hugh, Pascal end the arts of mind, Cambridge, 1993, p. 69 sq.

On peut admettre que juger et discerner sont équivalents, à condition de préciser que l’opération de discernement est une espèce du jugement.

 

-------

Que vous êtes aise de savoir les règles générales, pensant par là jeter le trouble et rendre tout inutile. On vous en empêchera, mon Père. La vérité est une et ferme.

 

Les casuistes et les jésuites savent énoncer des règles générales qui jettent la confusion dans la morale chrétienne.

Provinciale VIII, éd. Cognet, Garnier, p. 144-145. « C'est ce qu'Escobar ramasse de nos auteurs, et qu'il assemble au tr. 3, ex. I, num. 23, où il fait cette règle générale : Les biens acquis par des voies honteuses, comme par un meurtre, une sentence injuste, une action déshonnête, etc., sont légitimement possédés, et on n'est point obligé à les restituer. »

Provinciale IX, éd. Cognet, p. 160. « C'est par ce moyen qu'il enseigne la vertu et la philosophie chrétiennes, selon le dessein qu'il en avait dans cet ouvrage, comme il le déclare dans l'avertissement. Et, en effet, on ne peut nier que cette méthode de traiter de la dévotion n'agrée tout autrement au monde que celle dont on se servait avant nous. Il n'y a point de comparaison, lui dis-je, et je commence à espérer que vous me tiendrez parole. Vous le verrez bien mieux, dans la suite, dit-il ; je ne vous ai encore parlé de la piété qu'en général. Mais, pour vous faire voir en détail combien nos Pères en ont ôté de peines, n'est-ce pas une chose pleine de consolation pour les ambitieux, d'apprendre qu'ils peuvent conserver une véritable dévotion avec un amour désordonné pour les grandeurs ? »

Provinciale IX, éd. Cognet, p. 165. « Écoutez donc Escobar au tr. 3, ex. 3, n. 48, où il donne cette règle générale : Les promesses n'obligent point, quand on n'a point intention de s'obliger en les faisant. Or il n'arrive guère qu'on ait cette intention, à moins que l'on les confirme par serment ou par contrat : de sorte que, quand on dit simplement : Je le ferai, on entend qu'on le fera si l'on ne change de volonté : car on ne veut pas se priver par là de sa liberté. Il en donne d'autres que vous y pouvez voir vous-même ; et il dit à la fin, que tout cela est pris de Molina et de nos autres auteurs : Omnia ex Molina et aliis. Et ainsi on n'en peut pas douter. »

Provinciale XII, éd. Cognet, p. 321-322. « Enfin, vous faites valoir, par-dessus tout, ce que vous dites que, si Vasquez n'oblige pas les riches de donner l'aumône de leur superflu, il les oblige en récompense de la donner de leur nécessaire. Mais vous avez oublié de marquer l'assemblage des conditions qu'il déclare être nécessaires pour former cette obligation, lesquelles j'ai rapportées, et qui la restreignent si fort, qu'elles l'anéantissent presque entièrement : et au lieu d'expliquer ainsi sincèrement sa doctrine, vous dites généralement, qu'il oblige les riches à donner même ce qui est nécessaire à leur condition. C'est en dire trop, mes Pères : la règle de l'Évangile ne va pas si avant ; ce serait une autre erreur, dont Vasquez est bien éloigné. Pour couvrir son relâchement, vous lui attribuez un excès de sévérité qui le rendrait répréhensible, et par là vous vous ôtez la créance de l'avoir rapporté fidèlement. Mais il n'est pas digne de ce reproche, après avoir établi, comme je l'ai fait voir, que les riches ne sont point obligés, ni par justice, ni par charité, de donner de leur superflu, et encore moins du nécessaire dans tous les besoins ordinaires des pauvres, et qu'ils ne sont obligés de donner du nécessaire qu'en des rencontres si rares, qu'elles n'arrivent presque jamais. »

Provinciale XII, éd. Cognet, p. 226-227. « Voilà, mes Pères, votre doctrine de la simonie enseignée par vos meilleurs auteurs, qui se suivent en cela bien exactement. Il ne me reste donc qu'à répondre à vos impostures. Vous n'avez rien dit sur l'opinion de Valentia, et ainsi sa doctrine subsiste après votre réponse. Mais vous vous arrêtez sur celle de Tannerus, et vous dites qu'il a seulement décidé que ce n'était pas une simonie de droit divin, et vous voulez faire croire que j'ai supprimé de ce passage ces paroles de droit divin. Sur quoi vous n'êtes pas raisonnables, mes Pères, car ces termes, de droit divin, ne furent jamais dans ce passage. Vous ajoutez ensuite que Tannerus déclare que c'est une simonie de droit positif. Vous vous trompez, mes Pères : il n'a pas dit cela généralement, mais sur des cas particuliers, in casibus a jure expressis, comme il le dit en cet endroit. En quoi il fait une exception de ce qu'il avait établi en général dans ce passage, que ce n'est pas simonie en conscience ; ce qui enferme que ce n'en est pas aussi une de droit positif, si vous ne voulez faire Tannerus assez impie pour soutenir qu'une simonie de droit positif n'est pas simonie en conscience. Mais vous recherchez à dessein ces mots de droit divin, droit positif, droit naturel, tribunal intérieur et extérieur, cas exprimés dans le droit, présomption externe, et les autres qui sont peu connus, afin d'échapper sous cette obscurité, et de faire perdre la vue de vos égarements. Vous n'échapperez pas néanmoins, mes Pères, par ces vaines subtilités, car je vous ferai des questions si simples, qu'elles ne seront point sujettes au distinguo. »

Provinciale XIII, éd. Cognet, p. 250. « Si vous aviez voulu condamner sincèrement ces homicides, vous auriez laissé subsister l'ordre de Dieu qui les défend ; et si vous aviez osé permettre d'abord ces homicides, vous les auriez permis ouvertement, malgré les lois de Dieu et des hommes. Mais, comme vous avez voulu les permettre insensiblement, et surprendre les magistrats qui veillent à la sûreté publique, vous avez agi finement en séparant vos maximes, et proposant d'un côté qu'il est permis, dans la spéculative, de tuer pour des médisances (car on vous laisse examiner les choses dans la spéculation), et produisant d'un autre côté cette maxime détachée, que ce qui est permis dans la spéculation l'est bien aussi dans la pratique. Car quel intérêt l'État semble-t-il avoir dans cette proposition générale et métaphysique ? Et ainsi, ces deux principes peu suspects étant reçus séparément, la vigilance des magistrats est trompée ; puisqu'il ne faut plus que rassembler ces maximes pour en tirer cette conclusion où vous tendez, qu'on peut donc tuer dans la pratique pour de simples médisances. »

 

-------

Il est impossible, par le devoir de Dieu, qu’un homme, cachant sa mauvaise doctrine et n’en faisant paraître qu’une bonne et se disant conforme à Dieu et à l’Église, fasse des miracles pour couler insensiblement une doctrine fausse et subtile. Cela ne se peut.

 

Pascal envisage ici le cas d’un ennemi couvert.

Voir sur ce cas le commentaire du fragment Miracles II (Laf. 840, Sel. 425). Jésus-Christ ne parlait ni contre Dieu, ni contre Moïse.

L’Antéchrist et les faux prophètes prédits par l’un et l’autre Testament parleront ouvertement contre Dieu et contre Jésus-Christ. Qui n’est point contre, qui serait ennemi couvert, Dieu ne permettrait pas qu’il fît des miracles ouvertement.

Jamais en une dispute publique où les deux partis se disent à Dieu, à Jésus-Christ, à l’Église, les miracles ne sont du côté des faux chrétiens, et l’autre côté sans miracle.

Miracles II (Laf. 839, Sel. 424). Jamais en la contention du vrai Dieu, de la vérité de la religion il n’est arrivé de miracle du côté de l’erreur et non de la vérité.

Généralisation du principe précédent : lorsque la situation oppose deux partis qui l’un et l’autre se disent à Dieu, de sorte que l’un parle pour Dieu, et l’autre est un ennemi couvert, c’est-à-dire un faux chrétien, Dieu, pour éviter les équivoques, ne fera des miracles en faveur des seconds.

Qui, selon Pascal, seront ces « ennemis couverts » ? Il ne s’agit pas des athées ou des païens, qui sont ouvertement contre Dieu. Ce ne sont pas non plus des hérétiques, puisqu’ils se disent « à l’Église ». Il s’agit donc de catholiques dont les doctrines ne sont pas conformes à celles de l’Église catholique, autrement dit des ennemis de l’intérieur, ou si l’on préfère des Tartuffe.

Pascal pense sans doute à la situation de Port-Royal à l’égard des jésuites. Il considère toujours que la Compagnie de Jésus, a sur les protestants qu’elle a su demeurer au sein de l’Église, son seul tort étant d’y répandre des doctrines contraires à la vérité. Voir sur ce point le Cinquième écrit des curés de Paris, § 15, in Les Provinciales, éd. Cognet, Garnier, p. 439 : « Nous ne voulons donc pas que ceux que Dieu nous a commis s’emportent tellement dans la vue des excès des Jésuites, qu’ils oublient qu’ils sont leurs frères, qu’ils sont dans l’unité de l’Église, qu’ils sont membres de notre corps, et qu’ainsi nous avons intérêt à les conserver ; au lieu que les hérétiques sont des membres retranchés qui composent un corps ennemi du nôtre ; ce qui met une distance infinie entre eux, parce que le schisme est un si grand mal, que non seulement il est le plus grand des maux, mais qu’il ne peut y avoir aucun bien où il se trouve, selon tous les Pères de l’Église ». Mais dans le même écrit, § 4, p. 432, il déclare nettement en quoi les jésuites de son temps sont bien des ennemis couverts de la vérité, qui font grand tort à l’Église : « Voilà l’état où les Jésuites ont mis l’Église. Ils l’ont rendue le sujet du mépris et de l’horreur des hérétiques : elle, dont la sainteté devrait reluire avec tant d’éclat, qu’elle remplît tous les peuples de vénération et d’amour. De sorte qu’elle peut dire à ces Pères ce que Jacob disait à ses enfants cruels : Vous m’avez rendu odieux aux peuples qui nous environnent ; ou ce que Dieu dit dans ses Prophètes à la Synagogue rebelle : Vous avez rempli la terre de vos abominations, et vous êtes cause que mon saint nom est blasphémé parmi les Gentils, lorsqu’en voyant vos profanations ils disent de vous : C’est là le peuple du Seigneur, c’est celui qui est sorti de la terre d’Israël qu’il leur avait donnée en héritage. C’est ainsi que les hérétiques parlent de nous, et qu’en voyant cette horrible morale, qui afflige le cœur de l’Église, ils comblent sa douleur, en disant, comme ils font tous les jours : C’est là la doctrine de l’Église Romaine, et que tous les Catholiques tiennent ; ce qui est la proposition du monde la plus injurieuse à l’Église. »

Ce texte montre aussi comment Pascal conçoit la complicité de fait des ennemis ouverts de la religion (les calvinistes) avec ses ennemis couverts (les jésuites).

 

-------

Et encore moins que Dieu, qui connaît les cœurs, fasse des miracles en faveur d’un tel.

 

Dieu qui connaît les cœurs : le lien entre Dieu est les hommes est ainsi symétrique : voir le fragment Preuves par discours I (Laf. 424, Sel. 680). C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison. Dieu connaît les hommes par leur cœur, les hommes connaissent Dieu par le cœur.

Laporte Jean, Le cœur et la raison selon Pascal, Paris, Elzévir, 1950, p. 86 sq.