Fragment Religion aimable n° 1 / 2  – Papier original : RO 227-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Religion aimable n° 276 p. 113 / C2 : p. 139

Éditions de Port-Royal : Chap. XIV - Jésus-Christ : 1669 et janvier 1670 p. 113 / 1678 n° 12 p. 113

Éditions savantes : Faugère II, 313, II / Havet XVII.12 / Brunschvicg 774 / Tourneur p. 249-3 / Le Guern 207 / Lafuma 221 / Sellier 254

 

 

 

Jésus-Christ pour tous.

Moïse pour un peuple.

Les Juifs bénis en Abraham. Je bénirai ceux qui te béniront, mais toutes nations bénies en sa semence.

Parum est ut, etc. Isaïe.

Lumen ad revelationem gentium.

Non fecit taliter omni nationi, disait David, en parlant de la Loi. Mais en parlant de Jésus-Christ il faut dire : Fecit taliter omni nationi, Parum est ut, etc. Isaïe.

Aussi c’est à Jésus-Christ d’être universel. L’Église même n’offre le sacrifice que pour les fidèles. Jésus-Christ a offert celui de la croix pour tous.

 

 

Ce qui rend la religion chrétienne aimable, c’est sa vocation catholique. Voir Bartmann Bernard, Précis de théologie dogmatique, II, § 151, p. 211 sq. La catholicité est à la fois une propriété intérieure de l’Église et une de ses marques extérieures. Catholique signifie en grec universel. On distingue l’extension actuelle de l’Église, qui est de fait, et sa destinée universelle, qui est de droit : l’Église a reçu de son fondateur la faculté interne et la mission de se répandre dans tous les peuples du monde, jusqu’à devenir réellement universelle.

Pascal n’entend pas nécessairement l’universalité en ce sens. Il semble même, d’après le Projet de mandement qu’il a rédigé pour un évêque inconnu, qu’il pense que, dans les derniers temps du monde, les vrais chrétiens seront rares, et qu’au moment du jugement dernier, l’Église sera dans un assez triste état. Voir sur ce point Sellier Philippe, “Pascal et l’histoire de l’Église dans la campagne des Provinciales (1656-1658)”, in Port-Royal et la littérature, Pascal, 2e éd., p. 325-340, qui montre à quel point Pascal est éloigné de l’esprit épique qui anime la Société de Jésus et présente l’histoire comme celle de la progression triomphale de l’Église. Mais c’est l’universalité de l’appel du Christ et du sacrifice de la croix qui lui paraît propre à rendre la religion aimable.

Aussi, dans le présent fragment, quoiqu’il ne traite plus de la fausseté des autres religions, s’emploie-t-il à montrer que même la religion des Juifs, qui est pourtant la source de la chrétienne, lui est inférieure en universalité. Or cette universalité fait que le souverain bien que la religion chrétienne promet remplit une attente que ni les philosophes ni les autres religions ne pouvaient satisfaire : offrir, comme l’indiquait le fragment Souverain bien 2 (Laf. 148, Sel. 181), un vrai bien [...] tel que tous pussent le posséder à la fois sans diminution et sans envie, et que personne ne le pût perdre contre son gré.

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

Souverain bien 2 (Laf. 148, Sel. 181). D’autres, qui en ont en effet plus approché, ont considéré qu’il est nécessaire que ce bien universel que tous les hommes désirent ne soit dans aucune des choses particulières qui ne peuvent être possédées que par un seul et qui, étant partagées, affligent plus leur possesseur par le manque de la partie qu’ils n’ont pas qu’elles ne le contentent par la jouissance de celle [qui] lui appartient. Ils ont compris que le vrai bien devait être tel que tous pussent le posséder à la fois sans diminution et sans envie, et que personne ne le pût perdre contre son gré.

Prophéties 1 (Laf. 323, Sel. 354). Ruine des Juifs et des païens par Jésus-Christ : omnes gentes venient et adorabunt eum. Parum est ut, etc. Postula a me.

Adorabunt eum omnes reges.

Prophéties 24 (Laf. 345, Sel. 377). Parum est ut. Isaïe. Vocation des gentils.

Prophéties I (Laf. 483, Sel. 718). Écoutez, peuples éloignés, et vous habitants des îles de la mer : le Seigneur m’a appelé par mon nom dès le ventre de ma mère, il me protège sous l’ombre de sa main, il a mis mes paroles comme un glaive aigu, et m’a dit : Tu es mon serviteur ; c’est par toi que je ferai paraître ma gloire. Et j’ai dit : Seigneur, ai-je travaillé en vain ? est-ce inutilement que j’ai consommé toute ma force ? faites-en le jugement, Seigneur, mon travail est devant vous. Lors le Seigneur, qui m’a formé lui-même dès le ventre de ma mère pour être tout à lui, afin de ramener Jacob et Israël, m’a dit : Tu seras glorieux en ma présence, et je serai moi-même ta force ; c’est peu de chose que tu convertisses les tribus de Jacob ; je t’ai suscité pour être la lumière des Gentils, et pour être mon salut jusqu’aux extrémités de la terre. Ce sont les choses que le Seigneur a dites à celui qui a humilié son âme, qui a été en mépris et en abomination aux Gentils et qui s’est soumis aux puissants de la terre. Les princes et les rois t’adoreront, parce que le Seigneur qui t’a élu est fidèle.

Miracles III (Laf. 911, Sel. 451). J.-C. rédempteur de tous. Oui, car il a offert comme un homme qui a racheté tous ceux qui voudront venir à lui. Ceux qui mourront en chemin c’est leur malheur, mais quant à lui il leur offrait rédemption. Cela est bon en cet exemple où celui qui rachète et celui qui empêche de mourir font deux, mais non pas en J.-C. qui fait l’un et l’autre. Non car J.-C. en qualité de rédempteur n’est pas peut-être maître de tous, et ainsi en tant qu’il est en lui il est rédempteur de tous.

 

Mots-clés : AbrahamBénirCroixDavidÉgliseFidèleJésus-ChristIsaïeJuifsLoiLumièreMoïseNationPeupleRévélationSacrificeSemenceTousUniversalité.