Fragment Preuves de Jésus-Christ n° 19 / 24  – Papier original : RO 485-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Preuves de J.-C. n° 348-349 p. 163 / C2 : p. 193-194

Éditions de Port-Royal : Chap. XVI - Diverses preuves de Jésus-Christ : 1669 et janvier 1670 p. 132  / 1678 n° 10 p. 132

Éditions savantes : Faugère II, 309, XXXV / Havet XIX.6 / Brunschvicg 701 / Tourneur p. 281-1 / Le Guern 298 / Lafuma 317 / Sellier 348

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Bibliographie

 

 

BOSSUET, Discours sur l’histoire universelle, IIe Partie, ch. V, éd. Velat et Champailler, Pléiade, Paris, NRF, Gallimard, 1961.

BOUCHER Jean, Les triomphes de la religion chrétienne, contenant les résolutions de trois cent soixante et dix questions sur le sujet de la foi, de l’Écriture sainte, de la création du monde, de la rédemption du genre humain, de la divine providence, et de l’immortalité de l’âme, proposées par Typhon, maître des impies et libertins de ce temps et répondues par Dulithée, Paris, Charles Roulliard, 1628.

FERREYROLLES Gérard, “De la causalité historique chez Pascal”, in Le rayonnement de Port-Royal, Paris, Champion, 2001, p. 330-331.

FLAVIUS JOSÈPHE, Histoire de la Guerre des Juifs contre les Romains, Réponse à Appion, Martyre des Maccabées, par Flavius Josèphe et sa vie écrite par lui-même. Avec ce que Philon a écrit de son ambassade vers l’empereur Caïus Caligula. Traduit du grec par Monsieur Arnauld d’Andilly. Troisième édition. Paris, chez Pierre Le Petit, MDCLXX.

MARTIN Raymond, Pugio Fidei, Pars II, ch. IV, § 16, 17, Paris, Henault, 1651, p. 312.

MESNARD Jean, “La théorie des figuratifs dans les Pensées de Pascal”, La culture du XVIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1992, p. 426-453.

PHILON d’Alexandrie, Les Œuvres de Philon Juif, auteur très éloquent et philosophe très grave, contenant l’exposition littérale et morale des livres sacrés de Moïse et des autres prophètes, et de plusieurs divins mystères, pour l’instruction d’un chacun en la piété et aux bonnes mœurs, translatées en français sur l’original grec, revues et corrigées de nouveau, et augmentées d’un 2e tome, dédiées au Roi très chrétien Louis XIII, par Fédéric Morel, Paris, chez Jacques Bessin, au Mont-Saint-Hilaire, à la cour d’Albret, 1619, 2 vol.

SELLIER Philippe, “La chute et l’ascension”, in Essais sur l’imaginaire classique, Paris, Champion, 2003, p. 129-140.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

 

 

Éclaircissements

 

Le zèle des Juifs pour leur loi et leur temple. Josèphe

 

Voir le dossier thématique sur Le Temple.

Flavius Josèphe : historien juif, né vers 38, mort vers 100 après Jésus-Christ. De famille aristocratique, il prit part aux guerres contre Rome, et dut se rendre à Vespasien, qui devint son protecteur. À la demande de l’empereur, il composa l’histoire de la guerre des Juifs et des Antiquités juives. Il composa aussi une Autobiographie et un Contre Apion. Ses œuvres ont été traduites par Arnauld d’Andilly (voir l’édition Lidis-Brepols, 1968-1981).

Sur Josèphe, voir

Hadas-Lebel Mireille, Flavius Josèphe. Le Juif de Rome, Paris, Fayard, 1989.

Poznanski Lucien, La chute du temple de Jérusalem, Paris, Complexe, 1991, p. 111 sq. Vie, personnalité et œuvre de Flavius Josèphe.

Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, article Flavius Josèphe, Paris, Cerf, 1993, p. 583-584.

Josèphe, Contre Apion, éd. T. Reinach et L. Blum, coll. Budé, Paris, Belles Lettres, 1972.

Flavius Josèphe rapporte l’histoire de l’ambassade envoyée par les Juifs d’Alexandrie à l’empereur Caligula dans son Histoire des Juifs et dans la Relation faite par Philon de l’ambassade dont il était le chef.

Flavius Josèphe, Histoire de la Guerre des Juifs contre les Romains, Réponse à Appion, Martyre des Maccabées, par Flavius Josèphe et sa vie écrite par lui-même. Avec ce que Philon a écrit de son ambassade vers l’empereur Caïus Caligula. Traduit du grec par Monsieur Arnauld d’Andilly. Troisième édition. Paris, chez Pierre Le Petit, MDCLXX. Dans les Œuvres, p. 467-542, on trouve la Relation faite par Philon de l’ambassade dont il était le chef envoyée par les Juifs d’Alexandrie vers l’empereur Caïus Caligula. Le tome I est achevé d’imprimer le 10 juillet 1668.

Flavius Josèphe, Histoire des Juifs, in Œuvres, II, Livre XVIII, ch. X, p. 702-703. Contestation entre les Juifs et les Grecs d’Alexandrie. Ils députent vers l’empereur Caïus, et Philon était chef de la députation des Juifs. Apion accusa les Juifs de plusieurs choses, et principalement de ce que n’y ayant point alors de lieu dans toute l’étendue de l’empire romain où l’on ne bâtît des temples et des autels en l’honneur de l’empereur, et où on ne le révérât comme un dieu, les Juifs étaient les seuls qui refusaient de lui rendre cet honneur ». Le chapitre XI, p. 703 sq., reprend l’histoire.

Flavius Josèphe, Œuvres, I, Relation faite par Philon de l’ambassade dont il était le chef envoyé par les Juifs d’Alexandrie vers l’empereur Caïus Caligula, p. 467-570. Chapitre XII, p. 498 sq. Philon et ses collègues apprennent que Caïus avait ordonné à Petrone gouverneur de Syrie de faire mettre sa statue dans le temple de Jérusalem.

Chapitre XIII, p. 501 sq. Extrême peine où se trouve Petrone touchant l’exécution de l’ordre que Caïus lui avait donné de mettre sa statue dans le temple de Jérusalem, parce qu’il en connaissait l’injustice et en voyait les conséquences.

Chapitre XIV, p. 503. Petrone fait travailler à cette statue, mais lentement. Il s’efforce en vain de persuader aux principaux Juifs de la recevoir. Tous abandonnent les villes et la campagne pour l’aller trouver et le conjurer de ne point exécuter un ordre qui leur était plus insupportable que la mort ; mais de leur permettre d’envoyer des députés vers l’empereur.

Chapitre XV, p. 505. Petrone touché des raisons des Juifs et ne jugeant pas qu’on les dût mettre au désespoir écrit à Caïus d’une manière qui allait à gagner du temps. Ce cruel prince entre en fureur ; mais il la dissimule dans sa réponse à Petrone.

Chapitre XVI. p. 507. Le roi Agrippa vient à Rome, et ayant appris de la bouche de Caïus qu’il voulait faire mettre sa statue dans le temple de Jérusalem, il s’évanouit. Après être revenu de cette faiblesse, et de l’assoupissement dont elle fut suivie, il écrivit à ce prince.

Chapitre XVII, p. 515. Caïus touché de la lettre d’Agrippa mandé à Petrone de ne rien changer dans le temple de Jérusalem. Mais il se repent bientôt de lui avoir accordé cette grâce, et fait faire une statue dans Rome pour l’envoyer secrètement à Jérusalem dans le même temps qu’il irait à Alexandrie où il voulait se faire reconnaître pour Dieu. Injustices et cruautés de ce prince.

Chapitre XVIII, p. 517. Avec quelle fureur Caïus traite Philon et les autres ambassadeurs des Juifs d’Alexandrie sans vouloir écouter leurs raisons.

 

et Philon Juif, ad Caium.

 

Philon d’Alexandrie, Les Œuvres de Philon Juif, auteur très éloquent et philosophe très grave, contenant l’exposition littérale et morale des livres sacrés de Moïse et des autres prophètes, et de plusieurs divins mystères, pour l’instruction d’un chacun en la piété et aux bonnes mœurs, translatées en français sur l’original grec, revues et corrigées de nouveau, et augmentées d’un 2e tome, dédiées au Roi très chrétien Louis XIII, par Fédéric Morel, Paris, chez Jacques Bessin, au Mont-Saint-Hilaire, à la cour d’Albret, 1619, 2 vol.

Sur Philon, voir

Dictionnaire des philosophes, article Philon d’Alexandrie, Encyclopaedia universalis, Paris, Albin Michel, 1998, p. 1187 sq.

Simon M. et Benoit A., Le Judaïsme et le Christianisme antique, p. 72 sq.

En raison de persécutions subies par les Juifs d’Alexandrie de la part des Alexandrins, la communauté décida vers la fin de l’année 39 d’envoyer à l’empereur Caïus Caligula une délégation de cinq membres, dont Philon fut désigné président. Pour informer et gagner Caligula malgré l’hostilité de son entourage, Philon rédigea un mémoire apologétique en faveur des Juifs contre leurs persécuteurs et contre leur accusateur Apion. Caligula rejeta leur requête, mais il fut assassiné par Chaerea peu de temps après (24 janvier 41). Philon retourna en Égypte.

Philon le Juif, Traité des vertus et de l’ambassade faite à Caïus, in Œuvres, I, p. 1028 sq. Persécution des Juifs : p. 1062. « Les oratoires mis par terre », p. 1065. « Les statues de Caïus dressées dans les oratoires des Juifs ». Les Romains dressent « des images et portraits de Caïus, au plus grand et apparent desquels ils posèrent une statue de bronze, aussi sur un chariot de quatre chevaux... » « Caïus veut faire dresser dedans le grand temple sa statue et le titre de Jupiter » : p. 1080. « De ce rapport nous fûmes si étonnés et transis de frayeur, que nous ne nous pouvions ravoir : car nous demeurâmes tous muets, ayant le cœur failli, et étant toutes nos forces corporelles abattues. Sur ces entrefaites, survindrent d’autres, qui nous annoncèrent les mêmes fâcheries. Ces nouvelles ouïes, nous nous retirâmes et enfermâmes tous ensemble, plaignant et pleurant nos maux tant particuliers que communs [...]. : p. 1080. « Caïus par lettres autorise la statue dressée en dépit des Juifs » : p. 1086. Il commande à Petronius, gouverneur de Syrie, d’amener la moitié de l’armée qui « était par delà l’Euphrate », « contre les Juifs », pour « accompagner sa statue, non qu’il voulût par là magnifier la dédicace de cette statue, mais à celle fin que, si quelqu’un eût donné empêchement, il eût été incontinent dépêché » : p. 1086-1087. Petronius doute et hésite, pris entre l’ordre de Caïus et l’idée qu’il « n’était pas aisé à entreprendre tel affaire, parce qu’il savait que les Juifs pour une mort endureraient des millions s’il se pouvait faire plutôt qu’ils souffrissent une chose qui leur était défendue. Aussi tous les hommes sont observateurs de leurs lois, mais singulièrement et par dessus tous les autres les Juifs : car ils croient fermement que leurs lois sont oracles divins prononcés de la bouche de Dieu, et les apprennent dès leur jeune âge, de manière qu’ils portent en leurs âmes les portraits de ces ordonnances, dont puis après contemplant les évidents patrons et formes, sont tout étonnés du sens et de la raison qui se trouvent en icelles : qui est cause qu’ils caressent les étrangers qui les ont en honneur et révérence, ne plus ne moins que leurs propres citoyens : comme au contraire ils se déclarent ennemis de ceux qui les abolissent ou s’en moquent ; avec ce ils ont en si grand honneur [sic] ce qui leur est défendu, que pour tous les biens du monde, ou pour tout le bonheur, du monde, appelle l’on comme on voudra, ne transgresseront le moindre de leur commandement : mais sur tout il n’y a rien dont ils fassent plus de compte, que de leur temple : pour preuve de ce, c’est la mort très certaine, qu’encourent ceux qui entrent au dedans du clos d’icelui : car ils reçoivent au dehors tous ceux de leur nation, de quelque côté qu’ils viennent. Pensant à cela Petronius était tout refroidi [...] : enfin trouva [...] de ne remuer rien de ce qui avait été autrefois saintement ordonné et établi » : p. 1087-1088. Petronius fait entendre aux Juifs le vouloir de l’empereur : p. 1091. Plaintes et doléances des Juifs : p. 1092. Ceux de Jérusalem viennent faire leurs plaintes à Petronius. « Octroyé à Agrippa que la statue ne serait érigée au Temple » : p. 1120.

Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, IIe Partie, ch. V, La vie et le ministère prophétique : les jugements de Dieu déclarés par les prophéties, éd. Velat et Champailler, Pléiade, p. 810 sq. « Dieu n’épargna point son sanctuaire. Ce beau temple, l’ornement du monde, qui devait être éternel si les enfants d’Israël eussent persévéré dans la piété, fut consumé par le feu des Assyriens. C’était en vain que les Juifs disaient sans cesse : le temple de Dieu, le temple de Dieu, le temple de Dieu est parmi nous ; comme si ce temple sacré eût dû les protéger tout seul. Dieu avait résolu de leur faire voir qu’il n’était point attaché à un édifice de pierre, mais qu’il voulait trouver des cœurs fidèles. Ainsi il détruisit le temple de Jérusalem ; il en donna le trésor au pillage ; et tant de riches vaisseaux, consacrés par des rois pieux, furent abandonnés à un roi impie ».

 

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Quel autre peuple a un tel zèle, il fallait qu’ils l’eussent.

 

La formule souligne un paradoxe : il y a fort peu de peuples qui aient fait preuve d’un zèle grand à l’égard de leur temple et de leur religion. Il fallait donc une puissante nécessité pour arriver à un tel effet.

 

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Jésus-Christ prédit quant au temps et à l’état du monde.

 

Selon Pascal, les prophéties messianiques sont obscures quant à la manière dont le Christ devait paraître parmi les hommes : les Juifs attendaient un prince puissant, et n’ont pas compris que la grandeur de Jésus-Christ était d’un ordre différent du politique. Mais ces prophéties étaient claires quant à l’époque de l’avènement du Messie, et sur l’état qui serait alors celui du monde à ce moment. Les indices chronologiques et politiques fournis par les prophètes, par leur concordance, permettent de confirmer que le Christ répondait bien à l’annonce.

Prophéties 18 (Laf. 339, Sel. 371). Les prophètes ayant donné diverses marques qui devaient toutes arriver à l’avènement du Messie, il fallait que toutes ces marques arrivassent en même temps. Ainsi il fallait que la quatrième monarchie fût venue lorsque les septante semaines de Daniel seraient accomplies et que le sceptre fût alors ôté de Juda. Et tout cela est arrivé sans aucune difficulté et qu’alors il arrivât le Messie et J.-C. est arrivé alors qui s’est dit le Messie et tout cela est encore sans difficulté et cela marque bien la vérité de prophétie.

 

Le duc ôté de la cuisse,

 

Allusion à la prédiction de Jacob, Genèse, XLIX, 10, « Non auferetur sceptrum de Iuda et baculus ducis de pedibus ejus, donec veniat ille, cuius est, et cui erit oboedientia gentium ». Texte de la Vulgate : « Le sceptre ne sera pas ôté de Juda, ni le chef ne sera pas pris hors de sa race, jusqu’à ce que vienne celui qui doit être envoyé et qui doit être l’attente des nations » (voir Pensées, éd. Havet, II, p. 13). Traduction de Sacy : « Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le Prince de sa postérité, jusqu’à ce que celui qui doit être envoyé soit venu ; et c’est lui qui sera l’attente des nations. »

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 442. Voir p. 480, n. 68 et p. 489, n. 22 et 23. Référence à Saint Augustin, La Cité de Dieu, XVIII, 45. Juifs et chrétiens donnaient au texte de la Genèse une portée messianique (Prophéties I - Laf. 483, Sel. 718 et Prophéties II - Laf. 484, Sel. 719). Il régna en Judée des princes judéens jusqu’à Aristobule II (67-63), comme le remarque Augustin, Cité de Dieu, XVIII, 36 et 45. Une période troublée suivit et se termina par l’avènement de l’Iduméen Hérode (374 avant Jésus-Christ). Les temps prévus par la prophétie étaient donc là. La royauté n’était plus entre les mains de Juda, le Messie était imminent. Jésus naquit sous le règne d’Hérode, en l’an 7 ou 6 avant l’ère qui porte son nom. Sur Prophéties 16 (Laf. 337, Sel. 369) : Hérode n’était pas de Juda. Pascal précise aussi que la captivité de Babylone n’avait pas interrompu le règne des Judéens, parce qu’elle était brève (70 années), et que son caractère temporaire avait été prédit (Prophéties 21 - Laf. 342, Sel. 374 et Preuves de Jésus-Christ 16 - Laf. 314, Sel. 345).

Boucher Jean, Triomphes de la religion chrétienne, II, Q. 4. p. 158 sq. « Jacob étant sur le point de mourir prédit la venue du Messie dix-huit cents ans devant sa naissance, remarquant dans sa prédiction la circonstance du temps, disant que le sceptre royal et dignité de Duc ne sortiraient point de la maison de Juda jusques au temps de la venue du Messie. »

Martin Raymond, Pugio Fidei, Pars II, ch. IV, p. 250 sq. Probatio quod Messias jam venit continuatur per prophetiam Jacobi.

Petau, Rationarium temporum, partis secundae, Liber III, p. 170 sq. « De Jacobi patriarchae celebri illo vaticinio, quod est Genes. Cap. 49. de Christo Domino, cujus probabilis adducitur interpretatio ? » Chap. XVI. « Quidam ex antiquis [En marge : Vide Hieron. In c. 9. Dan. Prosper. 2. de Prom. C. 40.], cum alienum esse ab Jacobi, sive Israëlis sanguine Herodem animadverterent, peregrinaeque stirpis, et originis, in eo finem habere crediderunt verus ilud oraculum Jacob. Gen. 40. 10. « Non auferetur sceptrum de Iuda, et dux de femoris ejus, donec veniat, qui mittendus est : et ipse erit expellatio gentium ». Hinc Herodiani, quae fuit secta Judaeorum sub Christi tempus exorta, Herodem dicebant fuisse Messiam ; quoniam ad eum usque principatus penes Iudae tribum extiterat. At Graece it conceptum est Jacobi vaticinium : [...] Non deficiet princeps à Juda, donec venerit, qui reposituum est. Hoc est cui repositum est ut sit Christus, ait Epiphanius [En marge : Epiph. In Herod.]. Ea quippe de caussa dictos herodianos, quod herodem profitebantur esse Christum, magis probamus quam quae alii commenti sunt. »

Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, éd. Pléiade, p. 784 sq. La prophétie de Jacob. Le sceptre, c’est-à-dire l’autorité, ne sortira point de Juda, jusqu’à ce que vienne celui qui doit être envoyé. Le mot sceptre : en français, il signifie royauté, mais dans la langue sainte, il veut dire en général puissance, autorité, magistrature : p. 785. La prophétie marque un double changement, d’une part le royaume de Juda est menacé de ruine ; d’autre part doit s’élever un nouveau royaume, non d’un seul peuple, mais de tous les peuples, dont le Messie est le chef. Interprétation des Juifs, p. 883 : opinion répandue chez les Rabbins (Talmud, Gemara, Tr. Sanhedr. c. 11) que dans le temps où le Christ viendrait, il n’y aurait plus de magistrature, « de sorte qu’il n’y avait rien de plus important, pour connaître le temps de leur Messie, que d’observer quand ils tomberaient dans cet état malheureux ». À cette époque, changement de la république judaïque. La puissance de vie et de mort leur fut ôtée ; cas du Christ présenté à Pilate : p. 883. Un ancien auteur juif remarque qu’à l’époque du Christ, le sceptre était éloigné de Juda, et que l’autorité n’était pas dans les chefs du peuple ; « ainsi, selon eux-mêmes, il était temps que le Christ parût ».

Sur le fait que les prédictions mal comprises ont pu faire croire que Hérode remplissait les conditions pour être reconnu comme le Messie, voir Prophéties 16 (Laf. 337, Sel. 369). Hérode cru le Messie. Il avait ôté le sceptre de Juda, mais il n’était pas de Juda. Cela fit une secte considérable.

Loi figurative 18 (Laf. 263, Sel. 294). Contrariétés.

Le sceptre jusqu’au Messie sans roi - ni prince.

Loi éternelle, changée.

Alliance éternelle, alliance nouvelle.

Loi bonne, préceptes mauvais. Ézé. 20.

Loi figurative 21 (Laf. 266, Sel. 297). On pourrait peut-être penser que quand les prophètes ont prédit que le sceptre ne sortirait point de Juda jusqu’au roi éternel ils auraient parlé pour flatter le peuple et que leur prophétie se serait trouvée fausse à Hérode. Mais pour montrer que ce n’est pas leur sens, et qu’ils savaient bien au contraire que ce royaume temporel devait cesser, ils disent qu’ils seront sans roi et sans prince. Et longtemps durant. Osée.

Preuves de Jésus-Christ 16 (Laf. 314, Sel. 345). Sur Jérémie XXIX, 10. Nabuchodonosor et le sceptre. Quand Nabuchodonosor emmena le peuple de peur qu’on ne crût que le sceptre fût ôté de Juda il leur fut dit auparavant qu’ils y seraient peu, et qu’ils y seraient, et qu’ils seraient rétablis. Ils furent toujours consolés par les prophètes ; leurs rois continuèrent [...].

Prophéties II (Laf. 484, Sel. 719). Prédictions des choses particulières. Ils étaient étrangers en Égypte sans aucune possession en propre ni en ce pays-là ni ailleurs. - (Il n’y avait pas la moindre apparence ni de la royauté qui y a été si longtemps après, ni de ce conseil souverain de 70 juges, qu’ils appelaient le synedrin, qui ayant été institué par Moïse a duré jusqu’au temps de Jésus-Christ. Toutes ces choses étaient aussi éloignées de leur état présent qu’elles le pouvaient être) lorsque Jacob mourant et bénissant ses 12 enfants, leur déclare qu’ils seront possesseurs d’une grande terre, et prédit particulièrement à la famille de Juda, que les rois qui les gouverneraient un jour seraient de sa race, et que tous ses frères seraient de ses sujets. (Et que le Messie qui devait être l’attente des nations, naîtrait de lui, et que la royauté ne serait point ôtée de Juda, ni le gouverneur et le législateur de ses descendants, jusqu’à ce que ce Messie attendu arrivât dans sa famille).

Commentaire de Sacy : « Cette prophétie, selon le consentement des plus savants Interprètes, enferme certainement le terme de la venue du Messie, comme la plupart des Hébreux le reconnaissent, aussi bien que la Paraphrase Chaldaïque.

Le sens qui paraît le plus simple et le plus autorisé, est que le mot de Juda se prend ici au sens qu’il se prenait communément au temps d’Hérode, et de la venue de Notre-Seigneur, et longtemps encore auparavant, c’est-à-dire, pour la Judée et pour l’état des Juifs. Car depuis que les dix tribus eurent été emmenées (p. 924.) captives par les Chaldéens, elle ne revinrent plus, et elles ne composèrent plus un corps et une Monarchie particulière. Il n’y eut que la tribu de Juda qui revint en cette manière avec celle de Benjamin, qui en faisait comme une partie ; en sorte qu’au lieu qu’autrefois tous les Hébreux s’appelaient Israélites, et que le royaume des dix tribus portait le nom d’Israël, depuis le retour de la captivité, le pays s’appela la Judée, et les peuples s’appelèrent Juifs.

Il semble même que ce soit une marque de la vérité de cette prédiction, que Jacob qui avait appris de Dieu que ses descendants se devaient appeler Israélites de son nom Israël, ait prévu tant de siècles auparavant, qu’au temps où le Messie devait naître ils s’appelleraient Juifs, et que leur terre se nommerait la Judée.

Depuis ce changement de nom et leur retour de la captivité, le commandement se conserva toujours parmi eux sous divers noms, ou de Juges, ou de souverains Pontifes, ou de Princes et de Rois, jusqu’à ce qu’Hérode étranger s’empara de la Couronne de Judée par une usurpation manifeste, et par la ruine de la race royale.

C’est pourquoi il ne régna que comme un tyran par le pouvoir qu’il en avait reçu de l’Empereur Auguste ; et à sa mort même il voulut que le royaume fût partagé entre ses enfants, selon qu’il plairait à cet Empereur.

Un savant Interprète remarque avec raison. Que cette prophétie a été vérifiée à la lettre en la personne d’Archelaüs fils d’Hérode le Grand, lorsque après avoir succédé à son père, le royaume lui fut ôté, et que la Judée devint ensuite une (p. 925) province de l’Empire Romain, sans qu’elle ait jamais depuis recouvré le sceptre et la puissance royale [Grotius] : Archelao ereptum regnum ; ac Judæa provincia Romanorum facta nunquam postea sceptrum recuperavit. »

 

et la 4e monarchie.

 

Ernst Pol, Approches pascaliennes, p. 436. Prophétie de Daniel. Le Messie devait venir pendant la quatrième monarchie, à la fin de laquelle il devait être tué.

La prophétie des quatre monarchies vient de Daniel, II, 37-38. Voir le commentaire de la Bible de Port-Royal :

« Vous êtes le roi des rois ; et le Dieu du ciel vous a donné le royaume, la force, l’empire, et la gloire... C’est donc vous qui êtes la tête d’or.

Cette statue si prodigieuse que vit en songe le roi Nabuchodonosor, représentait par ses membres différents les divers empires qui devaient se succéder les uns aux autres. Sa tête était d’or : et lorsque Daniel dit à ce prince qu’il était lui-même cette tête d’or, ce n’est pas tant à sa personne qu’il donne ce nom, qu’à son empire, qui est celui des Babyloniens. Il l’appelle tête, parce que c’est la première des quatre grandes monarchies ; et il l’appelle tête d’or, à cause qu’elle surpassait de beaucoup en gloire et magnificence tous les royaumes de la terre. Aussi Babylone, la capital de cet empire, est nommé dans Isaïe [Isaïe, cap. 13. 19] la gloire des royaumes, et l’orgueil éclatant des Chaldéens.

39. Il s’élèvera après vous un autre royaume moindre que le vôtre, qui sera d’argent.

Le même Isaïe dit encore que cette grande Babylone se voit détruite, comme le Seigneur renversa Sodome et Gomorrhe. Ainsi, après la destruction de l’empire des Chaldéens, figuré par la tête d’or de cette statue si mystérieuse, il s’est élevé un autre empire, qui a été celui des Perses et des Mèdes, figuré par la poitrine et les bras d’argent de la statue, à cause de la réunion de ces deux royaumes avec celui des Chaldéens en un même corps d’État. Il est comparé à l’argent, qui est moindre que l’or ; non que l’empire des Perses ait été inférieur à celui des Chaldéens, soit en grandeur ou en puissance ou en richesses, depuis l’union de ces trois monarchies en une seule ; mais parce que, selon la nature des choses humaines qui vont d’ordinaire en dégénérant, le gouvernement du premier empire fut beaucoup plus équitable et plus heureux, et dura même sans comparaison plus longtemps que le second.

Et ensuite un troisième royaume, qui sera d’airain, et qui commandera à toute la terre.

Ce troisième empire est celui du grand Alexandre et des Grecs, qui est comparé au ventre et aux cuisses d’airain de la statue ; soit pour remarquer qu’il serait encore pire que le second, et aussi différent de celui des Perses, que l’airain l’est de l’argent ; ou pour faire entendre qu’il briserait tout par la force de ses armes, à cause qu’anciennement les meilleures armes se faisaient d’airain trempé ; ou même, selon saint Jérôme, pour exprimer par le son de ce métal éclatant, l’éloquence de ces peuples qui fit tant de bruit dans tout l’Univers. Le ventre peut bien signifier aussi, selon quelques-uns, les débauches et l’avarice insatiable des princes qui se succédèrent les uns aux autres dans le gouvernement de cet empire. Il est dit qu’il commanderait à toute la terre [Daniel. cap. 8. 5. I. Mach. cap. 1. 3. I Esdr. cap. 1. 2] : ce qui est une manière de parler assez ordinaire dans l’Écriture, qui signifie seulement, toute la terre de ce pays-là, ou la plus grande partie de la terre qui était connue du peuple de Dieu.

40-41, etc. Le quatrième royaume sera comme le fer : il brisera, et il réduira tout en poudre, comme le fer brise et dompte toutes choses... Et quoique prenant son origine du fer, il sera divisé, selon que vous avez vu que le fer était mêlé avec la terre et l’argile, etc.

Ce quatrième royaume, selon l’opinion commune, est l’empire des Romains, comparé aux jambes de la statue, et à ses pieds, dont une partie était de fer, et l’autre d’argile. Ce règne est donc appelé le règne de fer, pour la raison qu’en apporte le prophète, qui est, que comme le fer par sa grande dureté écrase et brise tout, aussi le gouvernement des Romains devait détruire les trois monarchies précédentes, avant même qu’il fût établi en monarchie sous Auguste. Ce mélange de fer et d’argile qui était aux pieds et aux doigts des pieds de la statue, marquait, selon l’explication de Daniel, la division et les différentes fractions de l’État, et sa faiblesse ou sa force, selon la bonne ou la mauvaise intelligence qui unissaient ou qui divisaient ses citoyens. Il peut encore marquer, que cet empire, quoique solide et affermi comme le fer, serait néanmoins souvent affaibli, tant par l’inondation des barbares que par le soulèvement de plusieurs peuples, qui lassés de la tyrannie des Romains, se feraient des rois, selon qu’il est dit dans l’Apocalypse [Apocal. cap. 13. 1], que dix rois devaient sortir de cet empire, comme autant de cornes de la bête ; ou, selon l’expression de Daniel même, comme autant de doigts des pieds de la statue, dont les uns sont grands et les autres plus petits. Ce même prophète explique encore ce mélange de fer et d’argile, des alliances inégales qui se feraient par des mariages, et qui ne pourraient établir une solide union, non plus que le fer ne peut bien se lier ni s’unir avec l’argile.

Mais quoique cette explication qu’on donne communément à ce passage de Daniel, en entendant de l’empire des Romains, ce quatrième royaume, paraisse assez littérale, il semble qu’il y a encore plus de fondement, de l’entendre de celui que Daniel même a encore représenté sous différentes figures en divers chapitres, où l’on verra assez clairement qu’il n’es point parlé, au moins selon le sens premier et littéral, de l’empire des Romains, mais de celui des successeurs d’Alexandre, qui ont régné en Syrie et en Égypte [Daniel. cap. 7. v. 7. 8. cap. 8. v. 8. 9. 10. cap. 11. v. 4. 5. 31]. Ils ont été avant la naissance de Jésus-Christ les derniers et les plus cruels persécuteurs du peuple de Dieu, dont ils avaient résolu d’abolir entièrement la religion, en y substituant le paganisme : et ce fut la cause de la guerre des Machabées.

Pour donner ici une idée de cet empire des successeurs d’Alexandre, dont la connaissance est nécessaire pour entendre les prophéties de Daniel, il faut savoir qu’après la mort de ce prince la souveraine puissance passa à quatre des principaux officiers de son armée, qui sont désignés par le prophète dans ses visions mystérieuses, et qui régnèrent en différentes provinces ; savoir Ptolémée en Égypte, Séleucus en Babylone et en Syrie, Cassandre en macédoine et en Grèce, Antigonus en Asie. Mais entre ces rois, ceux d’Égypte et de Syrie sont d’une considération particulière pour l’intelligence de l’Histoire sacrée, comme ayant la plus grande part aux prophéties de Daniel. Leur empire est donc figuré par les jambes et les pieds de la statue. Il est dit que ce devrait être un règne de fer, non seulement parce qu’il ne s’est établi que par la violence, mais encore parce qu’il n’a rien eu de cette ancienne splendeur des empires précédents ; soit qu’on envisage l’extraction de ces princes, ou leur manière de régner, plus digne de petits tyrans, que de grands rois. Le prophète dit encore qu’il brisera tout comme le fer : ce qu’on a vu ariver jusques dans le Temple de Jéusalem, dont le sanctuaire fut renversé et foulé aux pieds [Daniel. cap. 7. v. 7. 25. cap. 8. v. 11. cap. 11. v. 31]. Il ajoute qu’il devait être divisé, et que cette division était marquée par les pieds et les doigts des pieds composés d’argile et de fer ; comme en effet ce royaume fut divisé en Séleucides, et en Lagides, dont les premiers sont nommés dans Daniel, Rois du Nord ; et les seconds Rois du Midi [Idem. cap. 11. v. 5. 6]. Il devait être comme le fer et l’agile : car en effet ces deux royaumes d’Égypte et de Syrie furent tantôt élevés, tantôt abattus ; soit l’un par l’autre, soit par les Juifs sous les Machabées, soit enfin par les Romains. L’Écriture ajoute qu’ils se mêleraient par des alliances hiumaines, comme le fer était mêlé avec de l’argile dans la statue, mais qu’ils ne demeureraient point unis, non plus que le fer ne peut bien s’unir à la terre [Daniel. c. 11. 6. I Mach. cap. 10. v. 54. cap. 11. v. 9. 10] ; ce qui marquait les alliances qui se firent inutilement entre les princes de ces royaumes dont le prophète parle clairement ailleurs, et dont nous voyons l’accomplissement dans l’histoire des Machabées.

Il paraît donc très naturel d’entendre cette prophétie plutôt du royaume divisé des Séleucides et des Lagides, que de l’empire romain ; quoique ce qui est dit du premier, puisse aussi fort bien être entendu du dernier, par une figure prophétique assez ordinaire dans les saintes Écritures. C’est ainsi que Daniel lui-même, qui était l’un des prophètes du vieux testament, ayant prédit plusieurs choses qui se devaient accomplir avant Jésus-Christ, saint Jean qui a été le prophète du nouveau, a appliqué ces mêmes choses dans l’Apocalypse à Rome païenne et au règne de l’Antéchrist. Ainsi les premières étaient en un sens les figures des secondes ; et l’on doit alors distinguer comme deux sens littéraux, dont le premier se rapporte à la figure qui doit précéder, et le second à la chose qui doit suivre. »

Havet, Pensées, 1866, t. 2, p. 34, indique que les quatre monarchies sont celles des Assyriens, des Mèdes, des Perses et des Grecs ou des successeurs d’Alexandre. La pierre qui les brise est l’empire romain. C’est ce qui est indiqué dans la Bible de Jérusalem.

L’article Daniel de l’Encyclopédie théologique de Migne donne la liste suivante :

Le règne de Nabuchodonosor

La monarchie des Mèdes, règne d’argent

La monarchie des Perses, royaume d’airain

La monarchie d’Alexandre et des Grecs, royaume de fer.

La destruction de ces royaumes est l’œuvre des Romains.

Il semble donc que ce soit l’interprétation ordinaire.

Voir aussi la prophétie des quatre bêtes, dans Daniel, VII, qui correspondrait aux quatre royaumes suivants : l’empire de Babylone, le royaume des Mèdes, le royaume des Perses, et le royaume d’Alexandre et de ses successeurs. Traduction et commentaire de la Bible de Sacy, Daniel, VII v. 4 sq. :

« La première était comme une lionne, et elle avait des ailes d’aigle : et comme je la regardais, ses ailes lui furent arrachées. Elle fut ensuite relevée de terre, et elle se tint sur ses pieds comme un homme ; on lui donna un cœur d’homme.

Comme on ne peut point douter que quatre empires ne soient figurés par ces quatre bêtes, puisque l’Écriture l’explique ainsi elle-même dans la suite [Daniel. c. 7. 17], il est visible qu’on doit entendre par la première l’empire des Chaldéens où régnait Nabuchodonosor, à qui les prophètes ont souvent donné le nom de lion [Isa. cap. 5. v. 29]. Cette bête est représenté avec des ailes d’aigle [Jérém. cap. 4. 7], qui marquaient l’extrême vitesse avec laquelle ce prince avait, pour le dire ainsi, volé partout, en s’assujettissant toutes les nations voisines. Mais ses ailes lui sont ensuite arrachées ; parce qu’au lieu qu’il s’élevait auparavant comme un aile, il fut réduit, en punition de son orgueil, au rang des bêtes qui rampent à terre.

Enfin il est relevé de terre [Synops.] ; parce qu’au bout de sept ans Dieu lui fit miséricorde ; qu’il fut rétabli, comme on l’a vu dans le même état qu’auparavant ; et qu’au lieu de ce naturel ion et d’une bête farouche qui avait paru en lui jusqu’alors, il recouvra l’usage de l’esprit et du cœur de l’homme, pour mener une vie civile parmi les hommes : ou, selon l’explication d’un ancien père [Theodor.], ayant appris par une expérience si sensible à avoir des sentiments plus conformes à son état, il reconnut qu’il était homme, et cessa de s’élever au-dessus des bornes de la faiblesse et de la fragilité de sa nature.

5. Une autre bête qui ressemblait à un ours parut ensuite à côté : elle avait trois rangs de dents dans la gueule, et on lui disait : Levez-vous promptement, et rassasiez-vous de carnage.

L’empire des Mèdes et des Perses nous est figuré par cette seconde bête. L’Écriture les appelle en un autre endroit des voleurs et des brigands [Jérém. cap. 51. v. 48. 56]. C’étaient des peuples cruels ; et au lieu que ceux-ci habitaient la plus belle et la plus délicieuse partie du monde, ceux-là demeuraient dans leurs tanières comme des bêtes. Il est marqué que cet ours parut à côté, c’est-à-dire vers l’Orient, d’où les Perses vinrent fondre sur l’empire des Babyloniens. Les trois rangs de dents que cette bête avait dans sa gueule pouvaient figurer la réunion des trois puissances, des Chaldéens, des Perses et des Mèdes, qui furent bientôt confondues en un seul empire ; ou peut-être l’avidité insatiable dont cet ours était la figure, à cause des grandes conquêtes dont ils parurent extraordinairement altérés. Aussi on leur dit de se lever promptement, et de manger beaucoup de chair ; c’est-à-dire que la puissance lui ayant été donnée de Dieu, elle trouva une grande facilité à réussir dans ses conquêtes. Ce qui néanmoins ne put se faire sans l’effusion de beaucoup de sang.

6. Après cela comme je regardais, j’en vis une autre qui était comme un léopard, et elle avait au-dessus de soi quatre ailes, comme les ailes d’un oiseau : cette bête avait quatre têtes, et la puissance lui fut donnée.

Le troisième empire est celui de Macédoine, ou d’Alexandre le Grand. La rapidité de ses victoires est figurée par la vitesse extraordinaire du léopard, et par ces quatre ailes qu’il avait au-dessus de soi, c’est-à-dire sur son dos. Aussi est-il dit ailleurs, lorsqu’on le compare à une autre bête [Daniel, cap. 8. 5] : qu’il ne touchait point à la terre, tant il se portait rapidement partout où ses conquêtes l’appelaient. Les quatre têtes que ce léopard avait nous marquaient les quatre princes qui divisèrent entre eux cet empire d’Alexandre après sa mort.

7-8. Je vis paraître une quatrième bête qui était terrible... Elle avait dix cornes... Je vis une petite corne qui sortait du milieu des autres... cette corne avait des yeux comme les yeux d’un homme, et une bouche qui disait de grandes choses.

Il paraît par le huitième chapitre de Daniel [Daniel. cap. 8. v. 21. 22. 23. etc.] que selon le premier sens littéral dont on a déjà parlé dans les explications du second chapitre, on doit entendre par cette quatrième bête le royaume des Séleucides en Syrie et des Lagides en Égypte : quoique selon un autre sens plus éloigné, mais qui n’est ni moins littéral, ni moins conforme à l’intention du Saint-Esprit, on peut bien entendre aussi l’empire romain à cause de la ressemblance qu’eurent entre eux ces deux empires, pour ce qui regarde la persécution des saints. Car de même que la grande persécution du peuple de Dieu devait se faire par les Séleucides avant la venue de Jésus-Christ, c’était aussi l’empire romain qui devait la faire après sa venue, comme ce sera l’Antéchrist qui doit faire la dernière, qui précédera la fin du monde. Cette bête est représentée comme plus terrible que toutes les autres ; ce qu’on doit entendre principalement à l’égard des Juifs et des chrétiens, dont les premiers n’avaient point été maltraités sous aucun régime comme ils le furent sous celui des Séleucides, et les seconds furent exposés à d’effroyables persécutions sous l’empire des Romains. Elle était donc vraiment terrible par rapport aux fidèles serviteurs de Dieu, étant certain que l’Écriture ne parle jamais des empires du monde, que par rapport à l’Eglise et à l’état dans lequel elle s’est trouvée sous la domination des princes qui la gouvernaient.

Elle était aussi fort différente des autres bêtes, en ce que les autres empires figurés par ces autres bêtes, n’avaient exercé leur violence que sur les corps ; au lieu que celui-là devait l’exercer d’une manière plus redoutable sur les consciences, pour les forcer à apostasier en renonçant au culte du vrai Dieu ; ce qui paraîtra par les chapitres suivants.

Les dix cornes qu’elle avait, marquaient dix rois tant de Syrie que de l’Égypte, qui ont beaucoup affligé l’Église de Dieu avant la venue de Jésus-Christ. La petite corne qui sortait du milieu des autres figurait assez clairement Antiochus Épiphane, ou l’Illustre, qui était le plus petit de tous ses frères, à qui le royaume n’appartenait point de droit, et dont les mœurs fanatiques, qui le firent appeler par plusieurs Epimanes, c’est-à-dire insensé [Daniel. c. 11. 21], le rendaient fort méprisable, comme l’Écriture a eu soi de la marquer en un autre endroit. Il est dit que cette corne avait des yeux : ce qui désigne la vivacité de l’esprit d’Antiochus, qui était fort éclairé, mais grand fourbe [Daniel. c. 8. 25. c. 11. 23]. Enfin elle avait une bouche qui proférait de grandes choses [I Mach. cap. 1. 25. Daniel. c. 7. 25. c. 8. 25] : car ce prince qu’elle figurait était très superbe et insolent en paroles, et un grand blasphémateur du nom de Dieu, et son ennemi déclaré.

Il est dit encore que trois des premières cornes de la bête furent arrachées de devant la petite corne dont nous venons de parler, c’est-à-dire que trois rois du nombre des dix que l’Écriture a marqués furent détruits par Antiochus. Et ce sont peut-être Ptolomée Philometor roi d’Égypte, qu’il dépouilla de son royaume ; Ptolomée Evergetes son frère, qu’il défit dans un combat naval à Damiette ; et Demetrius fils de Seleucus, dont il usurpa des Etats. »

La chronologie n’est pas la même que celle qui a été proposée plus haut. Les quatre royaumes sont donc, suivant l’interprétation de Port-Royal :

Le règne de Nabuchodonosor

L’empire des Mèdes et des Perses

L’empire d’Alexandre le Grand

Le royaume des Séleucides en Syrie et des Lagides en Égypte, ou peut-être l’empire romain.

Ce n’est apparemment pas comme cela que l’entend Bossuet. Voir Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, Seconde partie, Ch. IX, éd. Velat et Champailler, Pléiade, p. 816. « Durant la captivité, et surtout vers les temps qu’elle allait finir, Daniel révéré pour sa piété même par les rois infidèles, et employé pour sa prudence aux plus grandes affaires de leur État, vit par ordre, à diverses fois, et sous des figures différentes, quatre monarchies sous lesquelles devaient vivre les Israélites. Il les marque par leurs caractères propres. On voit passer comme un torrent l’empire d’un roi des Grecs : c’était celui d’Alexandre. Par sa chute, on voit établir un autre empire moindre que le sien, et affaibli par ses divisions. C’est celui de ses successeurs parmi lesquels il y en a quatre marqués dans la prophétie. Antipater, Séleucus, Ptolémée et Antigonus sont visiblement désignés. Il est constant par l’histoire qu’ils furent plus puissants que les autres, et les seuls dont la puissance ait passé à leurs enfants. [...] On voit naître enfin sur la fin, et comme dans le sein de ces monarchies, le règne du Fils de l’Homme ».

Pascal donne le texte de Daniel et son interprétation dans Prophéties III (Laf. 485, Sel. 720). Daniel 2.

Tous vos devins et vos sages ne peuvent vous découvrir le mystère que vous demandez.

[Il fallait que ce songe lui tînt bien au cœur.]

Mais il y a un Dieu au ciel qui le peut et qui vous a révélé dans votre songe les choses qui doivent arriver dans les derniers temps.

Et ce n’est pas par ma propre science que j’ai eu la connaissance de ce secret, mais par la révélation de ce même Dieu qui me l’a découvert pour la rendre manifeste en votre présence.

Votre songe était donc de cette sorte. Vous avez vu une statue grande, haute, et terrible qui se tenait debout devant vous. La tête était en or, la poitrine et les bras étaient d’argent, le ventre et les cuisses étaient d’airain, et les jambes étaient de fer mais les pieds mêlés de fer et de terre [argile].

Vous la contempliez toujours de cette sorte, jusqu’à ce que la pierre taillée sans mains a frappé la statue par les pieds mêlés de fer et de terre et les a écrasés.

Et alors s’en sont allés en poussière, et le fer, et la terre, et l’airain et l’argent, et l’or, et se sont dissipés en l’air, mais cette pierre qui a frappé la statue, est crue, en une grande montagne et elle a rempli toute la terre. Voilà quel a été votre songe et maintenant je vous en donnerai l’interprétation.

Vous qui êtes le plus grand des rois et à qui Dieu a donné une puissance si étendue, que vous êtes redoutable à tous les peuples, vous êtes représenté par la tête d’or de la statue que vous avez vue.

Mais un autre empire succédera au vôtre qui ne sera pas si puissant et ensuite il en viendra un autre d’airain qui s’étendra par tout le monde.

Mais le quatrième sera fort comme le fer, et de même que le fer brise et perce toutes choses, ainsi cet empire brisera et écrasera tout.

Et ce que vous avez vu que les pieds et les extrémités des pieds étaient composés en partie de terre et en partie de fer. Cela marque que cet empire sera divisé et qu’il tiendra en partie de la fermeté du fer et en partie de la fragilité de la terre.

Mais comme le fer ne peut s’allier solidement avec la terre de même ceux qui sont représentés par le fer et par la terre ne pourront faire d’alliance durable quoiqu’ils s’unissent par des mariages.

Or ce sera dans le temps de ces monarques que Dieu suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit ni jamais transporté à un autre peuple. Il dissipera et finira tous ces autres empires, mais pour lui il subsistera éternellement. Selon ce qui vous a été révélé de cette pierre qui n’étant point taillée de main est tombée de la montagne et a brisé le fer, la terre, et l’argent et l’or.

Voilà ce que Dieu vous a découvert des choses qui doivent arriver dans la suite des temps. Ce songe est véritable et l’interprétation en est fidèle.

Lors Nabuchodonosor tomba le visage contre terre, etc.

Pascal fait allusion à cette prophétie dans plusieurs fragments.

Prophéties 17 (Laf. 338, Sel. 370). Prédiction. Qu’en la 4e monarchie, avant la destruction du 2e temple, avant que la domination des Juifs fût ôtée en la 70e semaine de Daniel, pendant la durée du 2e temple les païens seraient instruits et amenés à la connaissance du Dieu adoré par les Juifs, que ceux qui l’aiment seraient délivrés de leurs ennemis, remplis de sa crainte et de son amour.

Et il est arrivé qu’en la 4e monarchie avant la destruction du 2e temple etc. les païens en foule adorent Dieu et mènent une vie angélique.

D’autres points de repère sont fournis dans les prophéties. Voir dans Prophéties 17 (Laf. 338, Sel. 370), la destruction du deuxième Temple.

 

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Figures.

Qu’on est heureux d’avoir cette lumière dans cette obscurité.

 

Ordre 3 (Laf. 5, Sel. 39)Ordre. Une lettre d’exhortation à un ami pour le porter à chercher. Et il répondra : mais à quoi me servira de chercher, rien ne paraît. Et lui répondre : ne désespérez pas. Et il répondrait qu’il serait heureux de trouver quelque lumière.

A P. R. 1 (Laf. 149, Sel. 182). Il y a assez de lumière pour ceux qui ne désirent que de voir, et assez d’obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire.

Fondement 21 (Laf. 244, Sel. 277). Objection des athées. Mais nous n’avons nulle lumière.

Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). Ainsi ceux qui ne font que feindre ces sentiments seraient bien malheureux de contraindre leur naturel pour se rendre les plus impertinents des hommes. S’ils sont fâchés dans le fond de leur cœur de n’avoir pas plus de lumière, qu’ils ne le dissimulent pas : cette déclaration ne sera point honteuse.

Laf. 781, Sel. 644. C’est ce que l’Écriture nous marque quand elle dit en tant d’endroits que ceux qui cherchent Dieu le trouvent. Ce n’est point de cette lumière qu’on parle comme le jour en plein midi. On ne dit point que ceux qui cherchent le jour en plein midi ou de l’eau dans la mer en trouveront et ainsi il faut bien que l’évidence de Dieu ne soit pas telle dans la nature. Aussi elle nous dit ailleurs : vere tu es Deus absconditus.

 

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Qu’il est beau de voir par les yeux de la foi, Darius et Cyrus, Alexandre, les Romains, Pompée et Hérode, agir sans le savoir pour la gloire de l’Évangile.

 

Prophéties VIII (Laf. 500, Sel. 737)Beau de voir des yeux de la foi l’histoire d’Hérode, de César.

Sel. 778. (manuscrit Joly de Fleury) : L’Écriture renvoie l’homme aux fourmis : grande marque de la corruption de sa nature. Qu’il est beau de voir le maître du monde renvoyé aux bêtes comme aux maîtres de la sagesse ! Voir Blaise Pascal, textes inédits, recueillis et présentés par Jean Mesnard, extraits de l’édition du Tricentenaire (Bibliothèque européenne, Desclée de Brouwer), p. 32.

Sellier Philippe, “La chute et l’ascension”, in Essais sur l’imaginaire classique, Paris, Champion, 2003, p. 139. Dans les rêveries d’ascension, a noté Bachelard, La Terre et les rêveries de la volonté, Paris, Corti, 1948, p. 380, « la contemplation institue à la fois l’œil et le monde, un être qui voit, qui jouit de voir, qui trouve beau de voir – et devant lui un immense spectacle, la terre immense, un univers qui est beau à voir ». La Révélation chrétienne, poursuit Ph. Sellier à propos du présent fragment, « permet de dominer de haut le cours tumultueux et obscur de l’histoire humaine ».

Ferreyrolles Gérard, “De la causalité historique chez Pascal”, in Le rayonnement de Port-Royal, p. 330-331. Cas où les actions des hommes se retournent contre les intentions de leurs promoteurs. Comme les païens ont agi sans le vouloir pour la grandeur de l’Évangile, les Juifs ont été pour le Messie des instruments de sa gloire, responsables car agissants autant qu’agis.

Nicole Pierre, Essais de morale, I, De la soumission à la volonté de Dieu, Deuxième partie, ch. II, Que la vue de la volonté de Dieu change à notre égard toute la face du monde… : « Le récit des choses passées, qui n’est en quelque sorte, pour ceux qui les regardent par une lumière purement humaine, que l’histoire du diable et des réprouvés, parce que les personnes qui paraissent le plus sur le théâtre du monde, et qui ont plus de part aux événements qui le remuent, sont pour l’ordinaire des citoyens de Babylone, dans lesquels le démon habite et par lesquels il agi, est à l’égard de ceux qui les considèrent par une vue plus haute l’histoire de Dieu, parce qu’on n’y voit que l’exécution de ses volontés, que les arrêts de sa justice, que les effets de sa puissance. Tout y est édifiant, parce que tout y est juste ».

La formule il est beau de voir est curieuse : en principe, ce n’est pas l’acte de voir qui est beau, mais le spectacle que l’on voit. On comprendrait que Pascal dise que le spectacle de la grande comédie de l’Histoire universelle, comme dit Jansénius, est beau à voir. Mais pourquoi dire qu’il est beau de le voir ?

Le spectacle de l’Histoire universelle est aussi beau à voir parce que, avec les yeux de la foi, on y voit Dieu accomplir ses desseins en faisant agir les hommes qui travaillent à son service sans s’en apercevoir.

Mesnard Jean, “La théorie des figuratifs dans les Pensées de Pascal”, La culture du XVIIe siècle, Paris, P. U. F., 1992, p. 432. Jansénius, Augustinus, t. III, l. III, ch. VI : « nihil aliud fuisse Testamentum illud perspicuum est nisi magnam quasi comoediam, quae non tam propter per seipsam quam propter id cui praefigurando serviebat ». Voir aussi ch. VI-IX.

On est à peu près dans la situation évoquée dans le fragment (Laf. 635, Sel. 528), sur la reine Cléobuline : On aime à voir l’erreur, la passion de Cléobuline parce qu’elle ne la connaît pas : elle déplairait si elle n’était trompée.

Ferreyrolles Gérard, “L’influence de la conception augustinienne de l’histoire au XVIIe siècle”, XVIIe Siècle, n° 135, avril-juin 1982, p. 216-241.

Ferreyrolles Gérard, “Pascal et l’histoire”, Port-Royal et l’Histoire, Chroniques de Port-Royal, 46, Bibliothèque Mazarine, Paris, 1997, p. 53-74.

Ferreyrolles Gérard, “De la causalité historique chez Pascal”, in Le rayonnement de Port-Royal, p. 309-332.

Voir les notes prises par Pascal dans Prophéties III (Laf. 485, Sel. 720), sur la prophétie de Daniel : Daniel, 11.

L’ange dit à Daniel : Il y aura (après Cyrus sous lequel ceci est écrit) encore trois rois de Perse (Cambyse, Smerdis, Darius) et le quatrième (Xerxès) qui viendra ensuite sera plus puissant en richesses et en forces et élèvera tous ses peuples contre les Grecs.

Mais il s’élèvera un puissant roi (Alexandre) dont l’empire aura une étendue extrême et qui réussira en toutes ses entreprises selon son désir mais quand sa monarchie sera établie elle périra et sera divisée en quatre parties vers les quatre vents du ciel - (Comme il avait dit auparavant VII. 6. VIII. 8) - mais non pas à des personnes de sa race et ses successeurs n’égaleront point sa puissance, car même son royaume sera dispersé à d’autres, outre ceux-ci. (ces quatre principaux successeurs.)

Ces souverains remplissent les promesses des prophètes, mais ils ne comprennent pas eux-mêmes le sens profond de leur action.

Darius : après la constitution de l’empire perse par Cyrus, Darius l’étend et l’organise. Après l’intermède de l’imposteur Gaumatâ, Darius se présente comme le restaurateur de la monarchie légitime et de la vraie religion. Pour apaiser les troubles engendrés par l’imposteur, il dompte la Chaldée, la Médie et la Perse (521-519) ; il continue ensuite les guerres de Cyrus, d’abord vers l’Inde, puis, à l’ouest, contre les Scythes du Danube et du Don. Mais les Scythes épuisèrent son armée, qui dut revenir en Asie. Darius rencontre son premier échec à Marathon, contre les Grecs. Darius meurt en 485, sans avoir vengé sa défaite. Son fils Xerxès hérite de ses projets.

Cyrus : sous sa conduite, les Perses attaquent les Mèdes, et Cyrus remplace leur roi, puis entreprend la conquête du monde asiatique occidental. Il s’attaque d’abord à Crésus, roi de Lydie en Asie mineure. Puis il attaque la Bactriane, la Sogdiane et l’Arachosie, autrement dit le Turkestan et l’Afghanistan, de la mer d’Aral au golfe Persique (545-539) Ensuite il prend la Chaldée et Babylone (538). Cyrus règne sans dureté. Cyrus est celui qui a délivré le peuple de Dieu de la captivité à Babylone par un édit, et qui a autorisé le retour des Juifs en terre d’Israël. Voir ce qu’écrit Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, Partie I, Époque 8 : « Ce fut donc 218 ans après la fondation de Rome, 536 ans avant Jésus-Christ, après les 70 ans de la captivité de Babylone, et la même année que Cyrus fonda l’empire des perses, que ce prince choisi de Dieu pour être le libérateur de son peuple, et le restaurateur de son temple, mit la main à ce grand ouvrage. Incontinent après la publication de son ordonnance, Zorobabel accompagné de Jésus fils de Josedec, souverain pontife, ramena les captifs, qui rebâtirent l’autel, et posèrent les fondements du second temple. Les samaritains jaloux de leur gloire, voulurent prendre part à ce grand ouvrage ; et sous prétexte qu’ils adoraient le Dieu d’Israël, quoiqu’ils en joignissent le culte à celui de leurs faux dieux, ils prièrent Zorobabel de leur permettre de rebâtir avec lui le temple de Dieu. Mais les enfants de Juda qui détestaient leur culte mêlé, rejetèrent leur proposition. Les samaritains irrités traversèrent leur dessein par toute sorte d’artifices et de violences. » Voir LODS, Les prophètes d’Israël, p. 189 sq., sur le règne de Cyrus.

Alexandre : Alexandre a vaincu Darius et unifié un vaste empire. Bossuet, Discours sur l’Histoire universelle, Partie I, Époque 8, résume l’histoire du premier contact d’Alexandre avec les Juifs. « De son temps Manassé, frère de Jaddus souverain pontife, excita des brouilleries parmi les juifs. Il avait épousé la fille de Sanaballat samaritain, que Darius avait fait satrape de ce pays. Plutôt que de répudier cette étrangère, à quoi le conseil de Jérusalem et son frère Jaddus voulaient l’obliger, il embrassa le schisme des samaritains. Plusieurs juifs, pour éviter de pareilles censures, se joignirent à lui. Des lors il résolut de bâtir un temple prés de Samarie sur la montagne de Garizim, que les samaritains croyaient bénite, et de s’en faire le pontife. Son beau-père, très accrédité auprès de Darius, l’assura de la protection de ce prince, et les suites lui furent encore plus favorables. Alexandre s’éleva : Sanaballat quitta son maître, et mena des troupes au victorieux durant le siège de Tyr. Ainsi il obtint tout ce qu’il voulut ; le temple de Garizim fut bâti, et l’ambition de Manassé fut satisfaite. Les juifs cependant toujours fidèles aux perses, refusèrent à Alexandre le secours qu’il leur demandait. Il allait à Jérusalem, résolu de se venger ; mais il fut changé à la vue du souverain pontife, qui vint au-devant de lui avec les sacrificateurs revêtus de leurs habits de cérémonie, et précédés de tout le peuple habillé de blanc. On lui montra des prophéties qui prédisaient ses victoires : c’était celles de Daniel. Il accorda aux juifs toutes leurs demandes, et ils lui gardèrent la même fidélité qu’ils avoient toujours gardée aux rois de Perse. »

Pompée et les Romains : le rôle de Pompée dans l’histoire des Juifs est résumé dans Bossuet, Discours sur l’Histoire universelle, Partie II, chapitre 5 :

« Cependant à la fin des temps, les juifs mêmes qui le connaissaient, et qui étaient les dépositaires de la religion, commencèrent, tant les hommes vont toujours affaiblissant la vérité, non point à oublier le dieu de leurs pères, mais à mêler dans la religion des superstitions indignes de lui. Sous le règne des asmonéens, et dès le temps de Jonathas, la secte des pharisiens commença parmi les juifs. Ils s’acquirent d’abord un grand crédit par la pureté de leur doctrine, et par l’observance exacte de la loi : joint que leur conduite était douce, quoique régulière, et qu’ils vivaient entre eux en grande union. Les récompenses et les châtiments de la vie future qu’ils soutenaient avec zèle, leur attiraient beaucoup d’honneur. À la fin, l’ambition se mit parmi eux. Ils voulurent gouverner, et en effet ils se donnèrent un pouvoir absolu sur le peuple : ils se rendirent les arbitres de la doctrine et de la religion, qu’ils tournèrent insensiblement à des pratiques superstitieuses, utiles à leur intérêt et à la domination qu’ils voulaient établir sur les consciences ; et le vrai esprit de la loi était prêt à se perdre.

À ces maux se joignit un plus grand mal, l’orgueil et la présomption ; mais une présomption qui allait à s’attribuer à soi-même le don de Dieu. Les juifs accoutumés à ses bienfaits, et [p. 260] éclairés depuis tant de siècles de sa connaissance, oublièrent que sa bonté seule les avait séparés des autres peuples, et regardèrent sa grâce comme une dette. Race élue et toujours bénie depuis deux mille ans, ils se jugèrent les seuls dignes de connaître Dieu, et se crurent d’une autre espèce que les autres hommes qu’ils voyaient privés de sa connaissance. Sur ce fondement, ils regardèrent les gentils avec un insupportable dédain. Être sorti d’Abraham selon la chair, leur paraissait une distinction qui les mettait naturellement au-dessus de tous les autres ; et enflés d’une si belle origine, ils se croyaient saints par nature, et non par grâce : erreur qui dure encore parmi eux. Ce fut les pharisiens, qui cherchant à se glorifier de leurs lumières, et de l’exacte observance des cérémonies de la loi, introduisirent cette opinion vers la fin des temps. Comme ils ne songeaient qu’à se distinguer des autres hommes, ils multiplièrent sans bornes les pratiques extérieures, et débitèrent toutes leurs pensées, quelque contraires qu’elles fussent à la loi de Dieu, comme des traditions authentiques.

Encore que ces sentiments n’eussent point passé par décret public en dogme de la synagogue, ils se coulaient insensiblement parmi le peuple, qui devenait inquiet, turbulent, et séditieux. Enfin les divisions qui devaient être selon leurs prophètes le commencement de leur décadence, éclatèrent à l’occasion des brouilleries survenues dans la maison des asmonéens. Il y avait à peine soixante ans jusqu’à Jésus-Christ, quand Hyrcan et Aristobule enfants d’Alexandre Jannée eurent guerre pour le sacerdoce, auquel la royauté était annexée. C’est ici le moment fatal où l’histoire marque la première cause de la ruine des juifs. Pompée, que les deux frères appelèrent pour les régler, les assujettit tous deux, en même temps qu’il déposséda Antiochus surnommé l’asiatique, dernier roi de Syrie. Ces trois princes, dégradés ensemble et comme par un seul coup, furent le signal de la décadence marquée en termes précis par le prophète Zacharie. Il est certain par l’histoire, que ce changement des affaires de la Syrie et de la Judée fut fait en même temps par Pompée, lors qu’après avoir achevé la guerre de Mithridate, prêt à retourner à Rome, il régla les affaires d’Orient. Le prophète n’a remarqué que ce qui faisait à la ruine des juifs, qui de deux frères qu’ils avaient vus rois, en virent l’un prisonnier servir au triomphe de Pompée, et l’autre (c’est le faible Hyrcan) à qui le même Pompée ôta avec le diadème une grande partie de son domaine, ne retenir plus qu’un vain titre d’autorité qu’il perdit bientôt. Ce fut alors que les juifs furent faits tributaires des romains ; et la ruine de la Syrie attira la leur, parce que ce grand royaume réduit en province dans leur voisinage, y augmenta tellement la puissance des romains, qu’il n’y avait plus de salut qu’à leur obéir. Les gouverneurs de Syrie firent de continuelles entreprises sur la Judée : les romains s’y rendirent maitres absolus, et en affaiblirent le gouvernement en beaucoup de choses. Par eux enfin le royaume de Juda passa des mains des asmonéens à qui il s’était soumis, en celles d’Hérode étranger et Iduméen. La politique cruelle et ambitieuse de ce roi, qui ne professait qu’en apparence la religion judaïque, changea les maximes du gouvernement ancien. Ce ne sont plus ces juifs maitres de leur sort sous le vaste empire des perses et des premiers séleucides, où ils n’avoient qu’à vivre en paix. Hérode qui les tient de près asservis sous sa puissance, brouille toutes choses ; confond à son gré la succession des pontifes ; affaiblit le pontificat qu’il rend arbitraire ; énerve l’autorité du conseil de la nation, qui ne peut plus rien : toute la puissance publique passe entre les mains d’Hérode et des romains dont il est l’esclave, et il ébranle les fondements de la république judaïque.

Les pharisiens, et le peuple qui n’écoutait que leurs sentiments, souffraient cet état avec impatience. Plus ils se sentaient pressés du joug des gentils, plus ils conçurent pour eux de dédain et de haine. Ils ne voulurent plus de messie qui ne fût guerrier et redoutable aux puissances qui les captivaient. Ainsi oubliant tant de prophéties qui leur parlaient si expressément de ses humiliations, ils n’eurent plus d’yeux ni d’oreilles que pour celles qui leur annoncent des triomphes, quoique bien différents de ceux qu’ils voulaient. »

Hérode : de quel Hérode parle ici Pascal ? Dans Preuves de Jésus-Christ 22 (Laf. 320, Sel. 351), on trouve une allusion au massacre des innocents, qui s’inscrit parmi les preuves de Jésus-Christ. Macrobe. Des innocents tués par Hérode. Cette allusion trouve place dans la liasse Preuves de Jésus-Christ parce qu’il atteste la réalisation des prophéties messianiques : tuant les innocents, Hérode travaille sans le savoir au triomphe du Messie. Cette histoire, dans la mesure où elle manifeste clairement la manière dont Dieu prépare et met en lumière sa Révélation par le moyen même de ses ennemis.

Mais il est plutôt ici question du roi Hérode sous lequel Jésus a été crucifié. Sur ce roi, voir Bossuet, Discours sur l’Histoire universelle, Partie II, chapitre 6.