L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 260

soi-même, on se le fait croire. Car

l’homme fait lui seul une conversation

intérieure, qu’il importe de bien

régler ; Corrumpunt bonos mores colloquia

prava. Il faut se tenir en silence

autant qu’on peut, et ne s’entretenir

que de Dieu ; et ainsi on se

le persuade à soi-même.

62.  Quelle différence entre un

soldat et un Chartreux quant à l’obéissance ?

Car ils sont également obéissants,

et dépendants, et dans des exercices

également pénibles. Mais le soldat

espère toujours devenir maître,

et ne le devient jamais ; car les Capitaines

et les Princes mêmes sont toujours

esclaves et dépendants. Mais il

espère toujours l’indépendance, et

travaille toujours à y venir ; au lieu

que le Chartreux fait vœu de n’être

jamais indépendant. Ils ne diffèrent

pas dans la servitude perpétuelle, que

tous deux ont toujours ; mais dans

l’espérance que l’un a toujours, et que

l’autre n’a pas.

63.  La propre volonté ne se satisferait

jamais, quand elle aurait tout

ce qu’elle souhaite. Mais on est satisfait

dès l’instant qu’on y renonce.

 

 

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