Pensées - page 260
soi-même, on se le fait croire. Car
l’homme fait lui seul une conversation
intérieure, qu’il importe de bien
régler ; Corrumpunt bonos mores colloquia
prava. Il faut se tenir en silence
autant qu’on peut, et ne s’entretenir
que de Dieu ; et ainsi on se
le persuade à soi-même.
62. Quelle différence entre un
soldat et un Chartreux quant à l’obéissance ?
Car ils sont également obéissants,
et dépendants, et dans des exercices
également pénibles. Mais le soldat
espère toujours devenir maître,
et ne le devient jamais ; car les Capitaines
et les Princes mêmes sont toujours
esclaves et dépendants. Mais il
espère toujours l’indépendance, et
travaille toujours à y venir ; au lieu
que le Chartreux fait vœu de n’être
jamais indépendant. Ils ne diffèrent
pas dans la servitude perpétuelle, que
tous deux ont toujours ; mais dans
l’espérance que l’un a toujours, et que
l’autre n’a pas.
63. La propre volonté ne se satisferait
jamais, quand elle aurait tout
ce qu’elle souhaite. Mais on est satisfait
dès l’instant qu’on y renonce.
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