Pensées - page 269
voyant point de corps dont on dépende,
l’on croit ne dépendre que de
soi, et l’on veut se faire centre et
corps soi-même. Mais on se trouve
en cet état comme un membre séparé
de son corps, qui n’ayant point en
soi de principe de vie, ne fait que
s’égarer et s’étonner dans l’incertitude
de son être. Enfin quand on commence
à se connaître, l’on est comme
revenu chez soi ; on sent que l’on
n’est pas corps ; on comprend que
l’on n’est qu’un membre du corps universel ;
qu’être membre, est n’avoir
de vie, d’être et de mouvement, que
par l’esprit du corps et pour le corps ;
qu’un membre séparé du corps auquel
il appartient n’a plus qu’un être
périssant et mourant ; qu’ainsi l’on ne
doit s’aimer que pour ce corps, ou
plutôt qu’on ne doit aimer que lui,
parce qu’en l’aimant on s’aime soi-
même, puisqu’on n’a d’être qu’en
lui, par lui, et pour lui.
4. Pour régler l’amour qu’on se
doit à soi-même, il faut s’imaginer un
corps composé de membres pensants ;
car nous sommes membres du tout ;
et voir comment chaque membre devrait |