Pensées - page 270
s’aimer.
5. Le corps aime la main, et
la main, si elle avait une volonté, devrait
s’aimer de la même sorte que le
corps l’aime. Tout amour qui va au-
delà est injuste.
6. Si les pieds et les mains avaient
une volonté particulière, jamais
ils ne seraient dans leur ordre
qu’en la soumettant à celle du corps :
hors de là ils sont dans le désordre et
dans le malheur : mais en ne voulant
que le bien du corps, ils font leur
propre bien.
7. Les membres de notre
corps ne sentent pas le bonheur de
leur union, de leur admirable intelligence,
du soin que la nature a d’y
influer les esprits, de les faire croître
et durer. S’ils étaient capables de le
connaître, et qu’ils se servissent de cette
connaissance pour retenir en eux-
mêmes la nourriture qu’ils reçoivent,
sans la laisser passer aux autres membres,
ils seraient non seulement injustes,
mais encore misérables, et se
haïraient plutôt que de s’aimer, leur
béatitude aussi bien que leur devoir
consistant à consentir à la conduite |