Pensées - page 324
et qu’on passât tous les jours
en diverses occupations, comme quand
on fait un voyage, on souffrirait
presque autant que si cela était véritable,
et on appréhenderait le dormir,
comme on appréhende le réveil,
quand on craint d’entrer dans de tels
malheurs en effet. Et en effet il ferait
à peu près les mêmes maux que la
réalité. Mais parce que les songes
sont tous différents, et se diversifient,
ce qu’on y voit affecte bien moins
que ce qu’on voit en veillant, à cause
de la continuité, qui n’est pas pourtant
si continue et égale qu’elle ne
change aussi, mais moins brusquement,
si ce n’est rarement, comme
quand on voyage ; et alors on dit : il
me semble que je rêve : car la vie est
un songe un peu moins inconstant.
19. Les Princes et les Rois se
jouent quelquefois. Ils ne sont pas
toujours sur leurs trônes ; ils s’y
ennuieraient. La grandeur a besoin
d’être quittée pour être sentie.
20. Mon humeur ne dépend
guère du temps. J’ai mon brouillard
et mon beau temps au-dedans de moi.
Le bien et le mal de mes affaires même
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