Pensées - page 58
ceux qui ont fait un choix ; car vous
ne savez pas s’ils ont tort, et s’ils ont
mal choisi. Non, direz-vous ; mais je
les blâmerai d’avoir fait, non ce choix,
mais un choix : et celui qui prend
croix, et celui qui prend pile ont
tous deux tort : le juste est de ne point
parier.
Oui ; mais il faut parier ; cela n’est
pas volontaire ; vous êtes embarqué ;
et ne parier point que Dieu est, c’est
parier qu’il n’est pas. Lequel prendrez-
vous donc ? Pesons le gain et la
perte en prenant le parti de croire
que Dieu est. Si vous gagnez, vous
gagnez tout ; si vous perdez, vous ne
perdez rien. Pariez donc qu’il est sans
hésiter. Oui, il faut gager. Mais je
gage peut-être trop. Voyons : puisqu’il
y a pareil hasard de gain et de
perte, quand vous n’auriez que deux
vies à gagner, pour une, vous pourriez
encore gager. Et s’il y en avait
dix à gagner, vous seriez imprudent
de ne pas hasarder votre vie pour en
gagner dix à un jeu où il y a pareil hasard
de perte et de gain. Mais il y a
ici une infinité de vies infiniment
heureuses à gagner avec pareil hasard
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