L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 58

ceux qui ont fait un choix ; car vous

ne savez pas s’ils ont tort, et s’ils ont

mal choisi. Non, direz-vous ; mais je

les blâmerai d’avoir fait, non ce choix,

mais un choix : et celui qui prend

croix, et celui qui prend pile ont

tous deux tort : le juste est de ne point

parier.

Oui ; mais il faut parier ; cela n’est

pas volontaire ; vous êtes embarqué ;

et ne parier point que Dieu est, c’est

parier qu’il n’est pas. Lequel prendrez-

vous donc ? Pesons le gain et la

perte en prenant le parti de croire

que Dieu est. Si vous gagnez, vous

gagnez tout ; si vous perdez, vous ne

perdez rien. Pariez donc qu’il est sans

hésiter. Oui, il faut gager. Mais je

gage peut-être trop. Voyons : puisqu’il

y a pareil hasard de gain et de

perte, quand vous n’auriez que deux

vies à gagner, pour une, vous pourriez

encore gager. Et s’il y en avait

dix à gagner, vous seriez imprudent

de ne pas hasarder votre vie pour en

gagner dix à un jeu où il y a pareil hasard

de perte et de gain. Mais il y a

ici une infinité de vies infiniment

heureuses à gagner avec pareil hasard

 

 

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