|   Pensées - page 59  de perte et de gain ; et ce que vous   jouez est si peu de chose, et de si peu de durée, qu’il y a de la folie à le   ménager en cette occasion.  Car   il ne sert de rien de dire qu’il est   incertain si on gagnera, et qu’il est certain qu’on hasarde ; et que   l’infinie distance qui est entre la certitude de ce qu’on expose et   l’incertitude de ce que l’on gagnera, égale le bien fini qu’on expose certainement,   à l’infini qui est incertain. Cela n’est pas ainsi : tout joueur hasarde   avec certitude, pour gagner avec incertitude ; et néanmoins il hasarde   certainement le fini pour gagner incertainement le fini, sans pécher contre   la raison. Il n’y a pas infinité de distance entre cette certitude de ce   qu’on expose, et l’incertitude du gain ; cela est faux. Il y a à la   vérité infinité entre la certitude de gagner et la certitude de perdre. Mais   l’incertitude de gagner est proportionnée à la certitude de ce qu’on hasarde,   selon la proportion des hasards de gain et de perte : et de là vient que   s’il y a autant de hasards d’un côté que de l’autre, le parti est à jouer   égal contre égal ; et     |