L’édition de Port-Royal de 1678

 

 

 

Pensées - page 59

de perte et de gain ; et ce que

vous jouez est si peu de chose, et de

si peu de durée, qu’il y a de la folie à

le ménager en cette occasion.

Car il ne sert de rien de dire qu’il

est incertain si on gagnera, et qu’il est

certain qu’on hasarde ; et que l’infinie

distance qui est entre la certitude

de ce qu’on expose et l’incertitude de

ce que l’on gagnera, égale le bien fini

qu’on expose certainement, à l’infini

qui est incertain. Cela n’est pas ainsi :

tout joueur hasarde avec certitude,

pour gagner avec incertitude ; et

néanmoins il hasarde certainement

le fini pour gagner incertainement

le fini, sans pécher contre la raison.

Il n’y a pas infinité de distance entre

cette certitude de ce qu’on expose, et

l’incertitude du gain ; cela est faux. Il

y a à la vérité infinité entre la certitude

de gagner et la certitude de perdre.

Mais l’incertitude de gagner est

proportionnée à la certitude de ce

qu’on hasarde, selon la proportion

des hasards de gain et de perte : et

de là vient que s’il y a autant de hasards

d’un côté que de l’autre, le parti

est à jouer égal contre égal ; et

 

 

 

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