Preuves par discours III - Fragment n° 1 / 10  – Le papier original est perdu

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 38 p. 225 / C2 : p. 437-437 v°

Éditions de Port-Royal : Chap. VIII - Image d’un homme qui s’est lassé de chercher Dieu... : 1669 et janvier 1670 p. 71 / 1678 n° 3 et 4 p. 72

Éditions savantes : Faugère II, 190, VII ; II, 189, V / Havet XIV.6 et 5 / Michaut 906 / Brunschvicg 628 / Le Guern 407 / Lafuma 436 (série V) / Sellier 688

______________________________________________________________________________________

 

 

Transcription savante (origine : Copies C1 et C2)

 

 

 

Antiquité des Juifs. 1

 

Qu’il y a de difference d’un Livre à un autre, Je ne m’estonne pas de ce que les Grecs ont fait l’Iliadeny les Egiptiens & les Chinois leurs histoires.

 

Il ne faut que voir comment cela est né, ces Historiens fabuleux ne sont pas contemporains des choses dont ils escrivent, Homere fait un Roman qu’il donne pour tel & qui est receu pour tel 2, car personne ne doutoit que Troyes & Agamemnon n’avoyent non plus esté que la Pomme d’Or 3, il ne pensoit pas aussy a en faire une histoire mais seulement un divertissement ; Il est le seul qui escrit de son temps, la beauté de l’ouvrage fait durer la chose, tout le monde l’apprend & en parle, il la 4 faut scavoir chacun la scaït par cœur 400. ans apres les tesmoins des choses ne sont plus vivans, personne ne scait plus par sa connoissance si c’est une fable où une histoire, on l’a seulement appris de ses 5 Ancestres, cela peut passer pour vray.

 

Toute histoire qui n’est pas contemporaine est suspecte, ainsy les Livres des Sybilles & de Trismegiste & tant d’autres qui ont eu credit au monde sont faux & se trouvent faux a la suite des temps, il n’en est pas ainsy des Autheurs contemporains.

 

Il y a bien de la difference entre un livre que fait un particulier & qu’il jette dans le peuple, & un livre qui 6 fait luy mesme un peuple, on ne peut douter que le livre ne soit aussy ancien que le peuple. 7

 

 

Notes

 

1 P. Faugère puis E. Havet n’éditent pas ce titre. G. Michaut a corrigé.

2 P. Faugère puis E. Havet omettent cette phrase comme dans l’édition Bossut. G. Michaut a corrigé.

3 L. Brunschvicg propose la phrase car personne ne doutait que Troie et Agamemnon n’avaient non plus été que la pomme d’or entre crochets droits pour signaler qu’elle est barrée sur la Première Copie. Voir la description des Copies C1 et C2.

4 C2 : « l’a ».

5 C2 : « ces » ; tous les éditeurs modernes éditent « ses » comme dans C1 et la copie Périer.

6 L. Brunschvicg puis L. Lafuma : « que ». M. Le Guern a corrigé.

7 P. Faugère inverse les deux derniers paragraphes comme l’édition de Port-Royal. Il les fait précéder de la version Port-Royal du texte issu du fragment Prophéties VII (Laf. 490,  Sel. 736). E. Havet (n° 5) procède de la même façon et les fait précéder du fragment Preuves par les Juifs II (Laf. 452, Sel. 692) qui porte le titre Sincérité des Juifs. G. Michaut a corrigé.

 

Premières éditions et copies des XVIIe - XVIIIe siècles et du début du XIXe

 

Seule une partie du fragment a été retenue dans l’édition de Port-Royal.

Voir cette étude...

 

La copie Périer reproduit les textes non retenus dans l’édition, page 167 : (en rouge : les différences par rapport aux Copies)

Antiquité des Juifs.

Qu’il y a de diférence d’un livre à un autre je ne m’étonne pas de ce que les Grecs ont fait l’Iliade, ni les Egiptiens et les Chinois leurs histoires.

Il ne faut que voir comment cela est né. les historiens fabuleux ne sont pas contemporains des choses dont ils écrivent. Homere fait un Roman, qu’il donne pour tel et qui est reçu pour tel ; Car personne ne doutoit que Troie et Agamemnon, n’avoient non plus été que la pomme d’or ; il ne pensoit pas aussi à en faire une histoire, mais seulement un divertissement ; Il est le seul qui étoit de son tems, la beauté de l’ouvrage fait durer la chose, tout le monde l’apprend, et en parle. Il la faut savoir ; chacun la sait par Cœur. 400 ans après les témoins des choses ne sont plus vivants, personne ne sait plus par sa connoissance si c’est une fable ou une histoire, on l’a seulement appris de ses ancêtres ; cela peut passer pour vrai.

Le père Pierre Nicolas Desmolets (1728), a publié le texte de cette copie p. 312 (sans le titre) :

Qu’il y a de différence d’un livre à un autre. Je ne m’étonne pas de ce que les Grecs ont fait l’Iliade, ni les Egyptiens & les Chinois leurs histoires.

Il ne faut que voir comment cela est né. Ces Historiens fabuleux ne sont pas contemporains des choses dont ils écrivent. Homere fait un roman qu’il donne pour tel, & qui est reçu pour tel. Car personne ne doutoit que Troïe & Agamemnon n’avoient non plus été que la pomme d’or. Il ne pensoit pas aussi à en faire une histoire, mais seulement un divertissement. Son livre est le seul qui étoit de son tems. La beauté de l’ouvrage fait durer la chose. Tout le monde l’apprend, & en parle. Il la faut sçavoir, chacun la sçait par cœur. 400 ans après les témoins des choses ne sont plus vivans. Personne ne sçait plus par sa connoissance si c’est une fable ou une histoire. On l’a seulement appris de ses ancêtres, cela peut passer pour vrai.

Ce texte a été reproduit avec quelques changements par Ch. Bossut (1779) p. 244, t. II, partie II, article VII, n° 3, puis par A. Renouard (1812) p. 72, partie II, article VII, n° 3 :

Qu’il y a de différence d’un livre à un autre ! Je ne m’étonne pas de ce que les Grecs ont fait l’Iliade, ni les Égyptiens et les Chinois leurs histoires.

Il ne faut que voir comment cela est né. Ces historiens fabuleux ne sont pas contemporains des choses dont ils écrivent. Homère fait un roman, qu’il donne pour tel         : car personne ne doutait que Troie et Agamemnon n’avaient non plus été que la pomme d’or. Il ne pensait pas aussi à en faire une histoire, mais seulement un divertissement. Son livre est le seul qui était de son temps, la beauté de l’ouvrage fait durer la chose, tout le monde l’apprend et en parle ; il faut la savoir, chacun la sait par cœur. Quatre cents ans après, les témoins des choses ne sont plus vivants ; personne ne sait plus par sa connaissance si c’est une fable ou une histoire : on l’a seulement apprise de ses ancêtres, cela peut passer pour vrai.

 

Remarque

 

P. Faugère publie le fragment en deux articles : Qu’il y a de différence d’un livre à l’autre [...] cela peut passer pour vrai (art. VII, p. 190 - sans le titre) et Toute histoire [...] que le peuple (art. V, p. 189). Voir la note 7 ci-dessus.

E. Havet découpe aussi le fragment comme P. Faugère (n° 6 et 5).

 

Lire la suite...