Preuves par les Juifs III – Papier original : RO 239 r° / v° et 243 r° / v°
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 50 p. 241 à 243 v° / C2 : p. 455 à 459
Éditions de Port-Royal : Chap. XIX - Que les vrais Chrétiens et les vrais Juifs n’ont qu’une même Religion : 1669 et janvier 1670 p. 145-150 / 1678 n° 1 et 2 p. 144-148
Éditions savantes : Faugère II, 357, XIX / Havet XXI / Michaut 512 / Brunschvicg 610 / Tourneur p. 318-2 / Le Guern 423 / Lafuma 453 (série VIII) / Sellier 693
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Bibliographie ✍
CHÉDOZEAU Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV, I, Les Préfaces de l’Ancien Testament, Paris, Champion, 2013. Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Paris, Cerf, 1993. LHERMET Joseph, Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931. MESNARD Jean, “La théorie des figuratifs dans les Pensées de Pascal”, La culture du XVIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1992, p. 426-453. SELLIER Philippe, “La Bible de Pascal”, Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010, p. 185-210. SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.
Les notes de la Bible de Port-Royal sont toujours utiles pour la compréhension des citations et des références notées par Pascal dans ce fragment. |
✧ Éclaircissements
L. Lafuma (éd. des Pensées, Luxembourg, t. II, p. 80), suivi par M. Le Guern (Œuvres de Pascal, II, Pléiade, p. 1464), estime que certains de ces textes sont traduits selon la version de Vatable. Sur les citations et les traductions de la Bible de Vatable chez Pascal, voir Lhermet Joseph, Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931, p. 211 et p. 284 sq. M. Le Guern ajoute que l’influence de la Bible de Louvain est sensible.
Pour montrer que les vrais Juifs et les vrais chrétiens n’ont qu’une même loi religion.
Pascal a d’abord écrit Loi ; puis il a rayé le mot, et écrit Religion à la ligne suivante. Le mot loi était en effet équivoque : la loi de Moïse a en effet été abolie, alors que la religion juive a trouvé sa vérité dans la religion chrétienne.
Mesnard Jean, “La théorie des figuratifs dans les Pensées de Pascal”, La culture au XVIIe siècle, p. 426 sq. Problème de la loi juive : est-elle admirable ou rejetée ? Cela dépend du contexte ; en tout cas elle n’a pas d’autre rôle que de figurer la religion chrétienne. Voir Loi figurative 22 (Laf. 267, Sel. 298). Moïse a établi la religion juive sur le modèle de la religion chrétienne dont il a eu la révélation au mont Sinaï. Ses institutions sont absurdes et inutiles en elles-mêmes, sans nulle valeur pédagogique. Cette conception est hors de la tradition : Pascal enlève toute portée proprement religieuse à la religion juive et la réduit à l’état de signe. Seuls les spirituels pouvaient voir que la loi n’avait pas sa valeur en elle-même et discerner le seul précepte non figuratif d’aimer Dieu : p. 240.
Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970, p. 506 sq. Cette idée est fondamentale chez saint Augustin. Elle est exprimée dans la Lettre à Deogratias, Épist. 102-49 : « Jadis sous certains noms et signes, maintenant sous d’autres, auparavant plus cachée, en suite plus manifeste, auparavant par un plus petit nombre, maintenant par un plus grand nombre, c’est pourtant une seule et même religion qui se trouve signifiée et observée ». Les anciens justes étaient déjà membres de Jésus-Christ ; Pascal les appelle les « chrétiens de la loi ancienne » : voir Perpétuité 8 (Laf. 286, Sel. 318). Deux sortes d’hommes en chaque religion.
Parmi les païens des adorateurs de bêtes, et les autres adorateurs d’un seul Dieu dans la religion naturelle.
Parmi les juifs les charnels et les spirituels qui étaient les chrétiens de la loi ancienne.
Parmi les chrétiens les grossiers qui sont les Juifs de la loi nouvelle.
Les juifs charnels attendaient un Messie charnel et les chrétiens grossiers croient que le Messie les a dispensés d’aimer Dieu. Les vrais Juifs et les vrais chrétiens adorent un Messie qui leur fait aimer Dieu.
Vrais juifs et vrais chrétiens : l’adjectif commun vrai implique que Pascal entend qu’il s’agit d’une part des Juifs spirituels, savoir principalement les prophètes qui connaissaient le sens figuré des Écritures, et des chrétiens spirituels, par opposition aux charnels. Ce sont eux proprement qui donnent à la religion chrétienne la perpétuité. Entre vrais juifs et vrais chrétiens, la continuité est réelle. En revanche, ce n’est qu’en un sens affaibli que l’on peut dire que juifs et chrétiens ont une même religion : il est vrai que, historiquement parlant, la religion chrétienne est sortie de la religion juive ; mais pour le reste, le lien est essentiellement figuratif, la religion juive n’ayant de vérité que dans la mesure où elle figure la chrétienne.
La continuité qui fait des deux religions une seule, mais dans sa vérité spirituelle seule, est marquée dans plusieurs fragments,
Perpétuité 9 (Laf. 287, Sel. 319). Qui jugera de la religion des Juifs par les grossiers la connaîtra mal. Elle est visible dans les saints livres et dans la tradition des prophètes, qui ont assez fait entendre qu’ils n’entendaient pas la loi à la lettre. Ainsi notre religion est divine dans l’Évangile, les apôtres et la tradition, mais elle est ridicule dans ceux qui la traitent mal. Le Messie selon les Juifs charnels doit être un grand prince temporel. Jésus-Christ selon les chrétiens charnels est venu nous dispenser d’aimer Dieu, et nous donner des sacrements qui opèrent tout sans nous ; ni l’un ni l’autre n’est la religion chrétienne, ni juive. Les vrais juifs et les vrais chrétiens ont toujours attendu un Messie qui les ferait aimer Dieu et par cet amour triompher de leurs ennemis.
Chédozeau Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV, I, p. 357-359. Sur les saints de la vieille Loi et les vrais Juifs. « Il ne faut pas s’imaginer [...] que cette grâce [sc. qui permettait aux Juifs de comprendre le sens spirituel de la Loi] fût alors commune. Elle n’était [...] que pour les Patriarches, pour les prophètes, et quelques Saints qui ont paru ou parmi le peuple de Dieu, ou parmi les Gentils, comme Job, et quelques justes semblables connus de Dieu seul. Cette justice de la foi, dit ce saint [Augustin], qui ne se donne point aux hommes par leur mérite et comme leur étant due, mais seulement par la grâce et la miséricorde de Dieu, n’était point commune à tout ce peuple avant que Jésus-Christ se fît homme et parût sur la terre [...]. Cette grâce, [...] ne regardait que « ce très petit nombre de personnes », [...] « qui étant instruits par une révélation du ciel de ces mystères à venir vivaient tellement de la foi en Jésus-Christ par laquelle ils étaient sauvés, qu’ils ne pouvaient pas néanmoins sauver le peuple » [...]. Ces hommes de Dieu, ajoute saint Augustin, étant éclairés du ciel, comprenaient ce secret mystère de la vieille loi. « Ils savaient que cette grande variété de sacrifices, et d’observations légales était la figure, des grandes choses qui devaient s’accomplir en la personne de Jésus-Christ et dans son Église. Ils observaient ces cérémonies extérieures parce que c’était alors le temps des figures, et ils pénétraient en même temps sous ces voiles, la vérité qui y était cachée dans laquelle leur foi trouvait le salut ; au lieu que cette foule de Juifs, charnels observait seulement ces signes extérieurs sans y rien comprendre » [...]. « Les patriarches, et les prophètes, dit encore le même Saint, pendant le temps de ce premier peuple, pénétraient par la lumière de la foi tout ce qu’ils faisaient dans le culte extérieur qui s’observait alors, et tout ce que Dieu faisait par eux ; et quoiqu’ils proportionnassent leurs actions à l’ancien Testament sous lequel ils vivaient, ils avaient néanmoins toutes leurs espérances dans le nouveau ». Ces Saints donc qui avaient appris de Dieu ce conseil profond de sa justice et de sa sagesse savaient que la grâce, que Dieu leur avait faite de connaître par une secrète révélation l’Incarnation de son Fils, qui ne devait arriver que plusieurs siècles après eux, leur était particulière. »
La religion des Juifs semblait consister essentiellement en la paternité d’Abraham, en la circoncision, aux sacrifices, aux cérémonies, en l’arche, au temple, en Jérusalem, et enfin en la loi et en l’alliance de Moïse.
Je dis qu’elle ne consistait en aucune de ces choses, mais seulement en l’amour de Dieu, et que Dieu réprouvait toutes les autres choses.
Dans les dernières lignes, Pascal a commencé à faire une liste de ce qu’il estimait réprouvé ; mais il s’est interrompu et a inscrit une expression synthétique.
Je dis que… : expression formulaire, que les mathématiciens emploient lorsqu’ils énoncent un théorème ou une proposition. Elle signifie qu’il y a une démonstration à fournir à l’appui.
Perpétuité 8 (Laf. 286, Sel. 318). Deux sortes d’hommes en chaque religion.
Parmi les païens des adorateurs de bêtes, et les autres adorateurs d’un seul Dieu dans la religion naturelle.
Parmi les juifs les charnels et les spirituels qui étaient les chrétiens de la loi ancienne.
Parmi les chrétiens les grossiers qui sont les Juifs de la loi nouvelle.
Les Juifs charnels attendaient un Messie charnel et les chrétiens grossiers croient que le Messie les a dispensés d’aimer Dieu. Les vrais Juifs et les vrais chrétiens adorent un Messie qui leur fait aimer Dieu.
Idée confirmée dans le fragment Perpétuité 9 (Laf. 287, Sel. 319). Qui jugera de la religion des Juifs par les grossiers la connaîtra mal. Elle est visible dans les saints livres et dans la tradition des prophètes, qui ont assez fait entendre qu’ils n’entendaient pas la loi à la lettre. Ainsi notre religion est divine dans l’Évangile, les apôtres et la tradition, mais elle est ridicule dans ceux qui la traitent mal.
Le Messie selon les Juifs charnels doit être un grand prince temporel. Jésus-Christ selon les chrétiens charnels est venu nous dispenser d’aimer Dieu, et nous donner des sacrements qui opèrent tout sans nous ; ni l’un ni l’autre n’est la religion chrétienne, ni juive.
Les vrais juifs et les vrais chrétiens ont toujours attendu un Messie qui les ferait aimer Dieu et par cet amour triompher de leurs ennemis.
Voltaire, Lettres philosophiques, XXV, § XX, éd. Naves, p. 157. Voltaire pense voir une contradiction dans l’affirmation que Dieu réprouvait ce qu’il ordonnait aux Juifs. Il faut dire que la loi de Moïse était déjà la loi d’amour de Dieu. Ramener tout à l’amour de Dieu sent la haine du janséniste envers son prochain Moliniste.
Boullier, Sentiments de M*** sur la critique des Pensées de Pascal par M. Voltaire, § XX, p. 60 sq. Justification de la réprobation par Dieu des cérémonies et annonce de leur abolition : p. 61-62. « C’est ignorer profondément la religion que de trouver étrange que l’on y ramène tout à l’amour de Dieu » : p. 61.
Que Dieu n’acceptait point la parenté d’Abraham.
Les éditions hésitent entre postérité et parenté. L’étude du manuscrit porte à préférer parenté. D’autre part, le mot parenté, qui marque un lien familial étroit, s’accorde bien avec le mot paternité, que Pascal a d’abord écrit un peu plus haut, puis barré. En effet, ce qui fait que les Juifs se croient aimés de Dieu c’est le fait qu’Abraham soit leur père, et non qu’ils appartiennent à sa postérité.
Que les Juifs seront punis de Dieu comme les étrangers s’ils l’offensent.
Deut. IX, 19.
Si vous oubliez Dieu et que vous suiviez des dieux étrangers je vous prédis que vous périrez en la même manière que les nations que Dieu a exterminées devant vous.
Texte écrit dans la marge de droite. Il s’agit donc d’une addition aux parties écrites au centre. Pascal précise après coup l’idée que les étrangers à la religion juive seront reçus de Dieu s’ils l’aiment, alors que les Juifs qui ont oublié Dieu n’en seront pas moins punis.
En fait, il s’agit de Deutéronome VIII, 19. « Sin autem oblitus Domini Dei tui, secutus fueris deos alienos, coluerisque illos et adoraveris, ecce nunc praedico tibi quod omnino dispereris ». Tr. de Port-Royal : « Que si vous oubliez le Seigneur votre Dieu, si vous suivez des dieux étrangers, si vous les servez et si vous les adorez, je vous prédis dès maintenant que vous serez tout à fait détruits ».
Selon J. Lhermet Joseph, Pascal et la Bible, p. 235, la traduction de Pascal est faite d’après la Bible de Louvain, à laquelle Pascal aurait substitué un mot pris dans Vatable. Le Bible de Louvain donne le texte suivant : « Si tu mets en oubli le Seigneur ton Dieu et que tu chemines après les dieux étrangers [...] je te prédis que tu périras totalement tout ainsi que les gentils que le Seigneur a détruits à ton entrée. » L’expression devant vous de Pascal viendrait de Vatable, qui donne « ante vos ».
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Que les étrangers seront reçus de Dieu comme les Juifs s’ils l’aiment.
Is. 56, 3. Que l’étranger ne dise point le Seigneur ne me recevra pas. Les étrangers qui s’attachent à Dieu seront pour le servir et l’aimer. Je les mènerai en ma sainte montagne et recevrai d’eux des sacrifices, car ma maison est la maison d’oraison.
Selon Lafuma, éd. Luxembourg, p. 80, qui suit Lhermet Joseph, Pascal et la Bible, p. 235, la traduction est faite d’après Vatable.
Isaïe, LVI, 3-8. Tr. de Sacy : « Que le fils de l’étranger qui se sera attaché au Seigneur ne dise point : Le Seigneur m’a divisé et m’a séparé d’avec son peuple, et que l’eunuque ne dise point : je ne suis qu’un tronc desséché. 4. Car voici ce que le Seigneur dit aux eunuques : Je donnerai à ceux qui gardent mes jours de sabbat, qui embrassent ce qui me plaît, et qui demeurent fermes dans mon alliance, 5. Je leur donnerai, dis-je, dans ma maison et dans l’enceinte de mes murailles, une place avantageuse et un nom qui leur sera meilleur que des fils et des filles, je leur donnerai un nom éternel qui ne périra point. 6. Et si les enfants des étrangers s’attachent au nom du Seigneur pour l’adorer ; s’ils aiment mon nom pour se donner tout entiers à son service, et si quelqu’un, quel qu’il soit, garde mes jours de sabbat pour ne les point violer, et demeure ferme dans mon alliance, 7. Je les ferai venir sur ma montagne sainte, je les remplirai de joie dans la maison consacrée à me prier ; les holocaustes et les victimes qu’ils m’offriront sur mon autel me seront agréables, parce que ma maison sera appelée la maison de prière pour tous les peuples ».
Pascal a fortement concentré le texte.
Que les vrais Juifs ne considéraient leur mérite que de Dieu et non d’Abraham.
Is. 63, 16. Vous êtes véritablement notre père, et Abraham ne nous a pas connus, et Israël n’a point eu de connaissance de nous, mais c’est vous qui êtes notre père et notre rédempteur.
Isaïe, LXIII, 16. « Tu enim pater noster, et Abraham nescivit nos, et Israël ignoravit nos : tu, Domine, pater noster, redemptor noster, a saeculo nomen tuum ». Tr. de Port-Royal : « Car c’est vous qui êtes notre père ; Abraham ne nous connaît point ; Israël ne sait qui nous sommes, mais vous, Seigneur, vous êtes notre père, vous êtes notre libérateur, vous qui êtes grand pour l’éternité ».
Lhermet, p. 235, renvoie à Vatable. Il n’est pas du tout évident que Lafuma, loc. cit., ait raison d’écrire que cette traduction d’Isaïe rappelle celle de la version de Mons.
Moïse même leur a dit que Dieu n’acceptera point les personnes.
Deut. 10, 17. Dieu dit-il n’accepte point les personnes ni les sacrifices.
Lafuma pense que cette traduction est faite d’après la Bible de Louvain, qui donne le texte suivant : « Car le Seigneur votre Dieu est le Dieu des dieux, et le Seigneur des Seigneurs, le Dieu grand et puissant et terrible, lequel n’accepte point la personne, ni les dons ». La Bible de Port-Royal traduit : Dieu « qui n’a point d’égard à la qualité des personnes, qu’on ne gagne point par les présents ».
Sur l’acception des personnes, voir Vanité 2 (Laf. 14, Sel. 48). Les vrais chrétiens obéissent aux folies néanmoins, non pas qu’ils respectent les folies, mais l’ordre de Dieu qui pour la punition des hommes les a asservis à ces folies. Omnis creatura subjecta est vanitati liberabitur. Ainsi saint Thomas explique le lieu de saint Jacques pour la préférence des riches, que s’ils ne le font dans la vue de Dieu ils sortent de l’ordre de la religion.
Pontas, Dictionnaire des cas de conscience ou décisions, par ordre alphabétique, des plus considérables difficultés touchant la morale et la discipline ecclésiastique, publié par l’abbé Migne, 1847, t. 1, p. 87-88. Acception de personnes. C’est un vice par lequel on donne ou on attribue à une personne, sans juste cause, ce qui est dû par justice à un autre.
Voir le texte de saint Thomas, Somme théologique, IIa IIae Q. LXIII, art. III. Quaestio LXIII. De acceptione personarum, in quaturo articulos divisa.
Le sabbat n’était qu’un signe. Ex. 31, 13,
Il est caractéristique que la partie centrale du manuscrit porte principalement sur l’amour de Dieu, et que les parties inscrites en marge de droite portent sur le sabbat et la circoncision, c’est-à-dire sur les cérémonies, qui touchent l’extérieur. Le lien se fait avec les citations relatives à la circoncision du cœur. Les citations sur la circoncision se poursuivent dans la marge du verso de la p. 239, ce qui montre que Pascal a exploité de manière systématique cette piste de recherche.
Sabbat : septième jour de la semaine, consacré chez les juifs au repos.
Exode, XXXI, 13. « Loquere filiis Israël, et dices ad eos : Videte ut sabbatum meum custodiatis ; quia signum est inter me et vos in generationibus vestris : ut sciatis quia ego Dominus, qui sanctifico vos ». La Bible de Louvain donne la traduction suivante : « Regardez que vous observerez mon sabbath, car c’est le signe entre moi et vous, en vos générations ». Traduction de Port-Royal : « Parlez aux enfants d’Israël, et dites-leur : Ayez grand soin d’observer mon sabbat, parce que c’est la marque que j’ai établie entre moi et vous, et qui doit passer après vous à vos enfants ; afin que vous sachiez que c’est moi qui suis le Seigneur qui vous sanctifie ». Lhermet ne signale pas ce passage.
et en mémoire de la sortie d’Égypte. Deut. 5, 19,
La référence 15. 19. donnée par l’éd. Lafuma est doublement fausse. Il s’agit en fait de Deutéronome V, 15. « Memento quod et ipse servieris in Aegypto, et eduxerit te inde Dominus Deus tuus in manu forti, et brachio extento. Idcirco praecepit tibi ut observares diem sabbati ». Traduction de la Bible de Louvain : « Il te souvienne aussi que toi-même as servi en la terre d’Égypte, et que le Seigneur ton Dieu t’a délivré, et que pour cette cause je le te commande maintenant ». Traduction de la Bible de Port-Royal : « Souvenez-vous que vous avez vous-mêmes été esclaves dans l’Égypte, et que le Seigneur votre Dieu vous en a tiré avec une main forte, et un bras étendu. C’est pourquoi le Seigneur votre Dieu vous a ordonné d’observer le sabbat ». Non relevé par Lhermet.
donc il n’est plus nécessaire puisqu’il faut oublier l’Égypte.
Jérémie, XXIII, 7. « Propter hoc ecce dies veniunt, dicit Dominus, et non dicent ultra : Vivit Dominus, qui eduxit filios Israël de terra Aegypti ». Tr. de la Bible de Port-Royal : « C’est pourquoi le temps vient, dit le Seigneur, qu’on ne dira plus : Vive le Seigneur qui a tiré les enfants d’Israël de l’Égypte ».
Isaïe, XLIII, 16-18. « Haec dicit Dominus, qui dedit in mari viam, et in aquis torrentibus semitam. 17. Qui eduxi quadrigam et equum, agmen et robustum : simul obdormierunt, nec resurgent : contriti sunt quasi linum, et extincti sunt. Ne memineritis priorum, et antiqua ne intueamini ». Traduction de la Bible de Port-Royal : « 16. Voici ce que dit le Seigneur qui a ouvert un chemin au milieu de la mer, et un sentier à travers les abîmes d’eaux ; 17. Qui fit entrer dans la mer Rouge les chariots et les chevaux, les troupes d’Égypte et toutes leurs forces : ils furent tous ensevelis dans un sommeil dont ils ne se réveilleront point : ils furent étouffés et éteints pour jamais, comme on éteindrait la mèche d’une lampe. 18. Mais ne vous souvenez plus des choses passées, ne considérez plus ce qui s’est fait autrefois ».
La circoncision n’était qu’un signe. Gen. 17, 11.
Genèse, XVII, 11. « Et circumcidetis carnem praeputii vestri, ut si in signum foederis inter me et vos ». Traduction de la Bible de Louvain : « Tout mâle de vous sera circoncis, et circoncirez la chair de votre prépuce, afin qu’elle soit en signe d’alliance entre moi et vous ». Traduction de Port-Royal : « Vous circoncirez votre chair, afin que cette circoncision soit la marque de l’alliance que je fais avec vous ».
Et de là vient qu’étant dans le désert ils ne furent point circoncis parce qu’ils ne pouvaient se confondre avec les autres peuples. Et qu’après que Jésus-Christ est venu elle n’est plus nécessaire.
Il faut sans doute renvoyer à Josué, V, 4-6. « Et voici la cause de cette seconde circoncision. Tous les mâles d’entre le peuple qui étaient sortis d’Égypte, qui étaient tous gens de guerre, et qui moururent dans le désert pendant ces longs circuits du chemin qu’ils y firent, avaient tous été circoncis ; 5. mais le peuple qui naquit dans le désert, 6. pendant les quarante années de marche dans cette vaste solitude, n’avait point été circoncis ; Dieu l’ayant ainsi ordonné, jusqu’à ce que ceux qui n’avaient point écouté la voix du Seigneur, et auxquels il avait juré auparavant qu’il ne verraient point voir la terre où coulait le lait et le miel, eussent été entièrement consommés » (tr. de Port-Royal).
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Que la circoncision du cœur est ordonnée.
Deut. 10, 17.
Voir plus haut, ce passage de Deutéronome X, 17, sur l’acception des personnes.
Jér. 4, 3. Soyez circoncis de cœur, retranchez les superfluités de votre cœur, et ne vous endurcissez plus. Car votre Dieu est un Dieu grand, puissant et terrible, qui n’accepte point les personnes.
Référence erronée. Voir Jérémie, IV, 4. « Circumcidimini Domino, et auferte praeputia cordium vestrorum viri Juda, et habitatores Jerusalem : ne forte egrediatur ut ignis indignatio mea, et succendatur, et non sit qui extiguat, propter malitiam cogitationum vestrarum ». Traduction de la Bible de Louvain : « Soyez circoncis au Seigneur, et vous, hommes de Juda, ôtez les incirconcis de vos cœurs, pareillement vous qui demeurez en Jérusalem : à fin que par aventure mon indignation ne ysse comme le feu, et qu’elle ne soit allumée, et qu’il n’y ait personne qui l’éteinde, pour la malice de vos pensées ». Traduction de Port-Royal : « Soyez circoncis de la circoncision du Seigneur, retranchez de vos cœurs ce qu’il y a de charnel, habitants de Juda et de Jérusalem, de peur que mon indignation n’éclate tout d’un coup, et ne s’embrase comme un feu, à cause de la malignité de vos pensées, et que personne ne la puisse éteindre ».
Que Dieu dit qu’il le ferait un jour.
Deut. 30, 6. Dieu te circoncira le cœur et à tes enfants afin que tu l’aimes de tout ton cœur.
Cette note s’étend sur toute la largeur du papier, et se trouve comme prise entre ce qui précède et ce qui suit.
Deutéronome, XXX, 6. « Circumcidet Dominus Deus tuus cor tuum, et cor seminis tui ; ut diligas Dominum tuum in toto corde tuo, et in tota anima tua, ut possis vivere ». Traduction de la Bible de Louvain : « Le Seigneur ton Dieu circoncira ton cœur, et le cœur de ta semence : afin que tu aimes le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, et de toute ton âme, que tu puisses vivre ». Traduction de Port-Royal : « Le Seigneur votre Dieu circoncira votre cœur, et le cœur de vos enfants ; afin que vous aimiez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur et de toute votre âme, et que vous puissiez vivre ». Texte déjà cité plus haut. Commentaire de Sacy : « S. Augustin dit que cette promesse que Dieu leur faisait, de circoncire leur cœur et le cœur de leurs enfants, devait être regardée comme une promesse toute claire de sa grâce. Et S. Cyprien témoigne que cette circoncision du cœur que Moïse leur prédit devait être l’ouvrage de l’incarnation de Jésus-Christ » [August. in Deut. quaest. 53. Cypr. cont. Jud. lib. I cap. 8] ». Voir Lhermet, Pascal et la Bible, p. 235.
Que les incirconcis de cœur seront jugés.
Jér. 9, 26. Car Dieu jugera les peuples incirconcis et tout le peuple d’Israël parce qu’il est incirconcis de cœur.
Jérémie, IX, 25-26. « Ecce dies veniunt, dicit Dominus : et visitabo super omnem qui circumcisum habet praeputium, 26. super Aegyptum, et super Juda, et super Edom, et super filios Ammon, et super Moab, et super omnes qui attonsi sunt in comam, habitantes in deserto : quia omnes gentes habent praeputium, omnis autem domus Israël incircucisi sunt corde ». Traduction de la Bible de Louvain : « Voici les jours qui viendront, dit le Seigneur, que je visiterai tout homme qui a le prépuce circoncis, sur Égypte, et sur Juda, et sur Edom, et sur les fils d’Ammon, et sur Moab, et sur tous ceux qui ont les cheveux tondus, qui demeurent au désert : car tous les gentils sont incirconcis, mais toute la maison d’Israël est incirconcise de cœur ». Traduction de Port-Royal : « Le temps vient, dit le Seigneur, que je visiterai dans ma colère tous ceux qui sont circoncis, 26. l’Égypte, Juda, Édom, les enfants d’Ammon, et Moab, tous ceux qui habitent aux extrémités du monde, et qui demeurent dans le désert, parce que toutes les nations sont incirconcises de corps, mais tous les enfants d’Israël sont incirconcis de cœur ». NB : une partie du texte manque dans la traduction ; une note y supplée : « L’hébreu est capable de ce sens. Lettre. Et tous ceux qui se font couper les cheveux en rond. Il veut marquer par là les Arabes, dont c’était le coutume de se faire ainsi couper les cheveux ». Non signalé par Lhermet.
Que l’extérieur ne sert à rien sans l’intérieur.
Joël 2, 13. Scindite corda vestra, etc.
Joël, II, 13. « Et scindite corda vestra, et non vestimenta vestra ; et convertimini ad Dominum Deum vestrum, quia benignus et misericors est, patiens et multae misericordiae, et praestabilis super malitia ». Tr. de Port-Royal : « Déchirez vos cœurs, et non vos vêtements ; et convertissez-vous au Seigneur votre Dieu, parce qu’il est bon et compatissant, qu’il est patient et riche en miséricorde, et qu’il se peut repentir du mal dont il avait menacé. » Le commentaire de Sacy précise que déchirez vos cœurs signifie rompez les chaînes des passions qui vous lient.
Is. 58, 3-4, etc.
Isaïe, LVIII, 3-4. « Quare jejunavimus, et non aspexistis, humiliavimus animas nostras, et nescisti ? Ecce in die jejunii vestri invenitur voluntas vestra : et omnes debitores vestros repetitis. 4. Ecce ad lites et contentiones jejunatis : et percuitis pugno impie ; Nolite jejunare sicut usque ad hanc diem, ut audiatur in excelso clamor vester ». Tr. de Port-Royal : « Pourquoi avons-nous jeûné, disent-ils, sans que vous nous ayez regardés ? Pourquoi avons-nous humilié nos âmes sans que vous vous en soyez mis en peine ? C’est parce que votre propre volonté se trouve au jour de votre jeûne, et que vous redemandez tout ce qu’on vous doit. 4. Vous jeûnez pour faire des procès et des querelles, et vous frappez vos frères avec une violence impitoyable. Ne jeûnez plus à l’avenir comme vous avez fait jusqu’à cette heure, en faisant retentir l’air de vos cris. »
L’amour de Dieu est recommandé en tout le Deutéronome.
Deut. 30, 19. Je prends à témoins le ciel et la terre que j’ai mis devant vous la mort et la vie afin que vous choisissiez la vie et que vous aimiez Dieu et que vous lui obéissiez. Car c’est Dieu qui est votre vie.
Deutéronome, XXX, 19. « Testes invoco hodie caelum et terram, quod proposuerim vobis vitam et mortem, benedictionem et maledictionem. Elige ergo vitam, ut et tu vivas, et semen tuum ». Signalé par Lhermet, p. 235, comme tiré de la traduction de la Bible de Louvain : « Il prend aujourd’hui le ciel et la terre pour témoigner que je vous ai proposé la vie et le bien, la bénédiction et la malédiction. Élis donc la vie, afin que toi et ta semence vivez ». Traduction de Port-Royal : « Je prends aujourd’hui à témoin le ciel et la terre, que je vous ai proposé la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisissez donc la vie, afin que vous viviez, vous et vos enfants ».
Que les Juifs, manque de cet amour, seraient réprouvés pour leurs crimes et les païens élus en leur place.
Osée 1, 10.
Manque de cet amour est inscrit en marge. La formule établit un lien avec la citation de Jérémie qui se trouve au-dessus, en passant par-dessus la citation du Deutéronome, XXX, 19.
Osée, I, 10. « Et erit numerus filiorum Israël quasi arena maris, quae sine mensura est, et non numerabitur. Et erit : in loco, ubi dicetur eis, Non populus meus vos : dicetur eis, Filii Dei viventis ». Tr. de Port-Royal : « Les enfants d’Israël seront néanmoins un jour comme le sable de la mer, qui ne peut ni se mesurer, ni se compter. Et il arrivera que dans le même lieu où on leur a dit, Vous n’êtes plus mon peuple, on leur dira : Vous êtes les enfants du Dieu vivant. »
Commentaire de Sacy : « Souvent les prophètes passent tout d’un coup des menaces aux promesses, et de la lettre à l’esprit. Ceux qui entendent ces paroles des Israélites selon la chair tâchent de les expliquer de la liberté qui leur fut rendue par Cyrus, croyant qu’alors quelques-unes des dix tribus se joignirent à ceux de Juda, et passèrent tous ensemble de la terre où ils avaient été captifs à Jérusalem sous la conduite de Zorobabel, ce qui souffre beaucoup de difficultés. Mais saint Pierre et saint Paul emploient ces paroles mêmes d’Osée pour prouver l’établissement de l’Église, et pour expliquer la vocation des Gentils : et c’est le saint Esprit qui explique lui-même par la bouche des apôtres, ce qu’il a dit par les prophètes. Car les vrais chrétiens sont les vrais Israélites, Israël Dei, comme dit saint Paul. Et Jésus-Christ a réuni dans son Église un petit nombre de Juifs figurés par la tribu de Juda, et une multitude innombrable de païens marqués par les dix tribus, qui l’ont tous reconnu pour leur chef unique, et pour leur libérateur, qui les ayant tirés de la captivité du péché, les a détachés de la terre pour les élever au ciel. » Ce commentaire est dans l’esprit de Pascal.
Deut. 32, 20. Je me cacherai d’eux dans la vue de leurs derniers crimes. Car c’est une nation méchante et infidèle.
Ils m’ont provoqué à courroux par les choses qui ne sont point des dieux et je les provoquerai à jalousie par un peuple qui n’est point mon peuple, et par une nation sans science et sans intelligence.
Deutéronome XXXII, 20-21. « Et ait : Abscondam faciem meam ab eis, et considerabo novissima eorum ; generatio enim perversa est, et infideles filii. 21. Ipsi me provocaverunt in eo qui non erat Deus, et irrtaverunt in vanitatibus suis. Et ego provocabo eos in eo qui non est populus, et in gente stulta irritabo eos ». Lhermet, p. 235, fait le rapprochement avec la traduction de la Bible de Louvain : « Et a dit, Je cacherai ma face d’eux et considérerai leurs dernières choses, car c’est une génération perverse, et enfants infidèles. Iceux m’ont provoqué en celui qui n’était pas Dieu, et m’ont incité à courroux en leurs vanités : et je le provoquerai en celui qui n’est pas le peuple, et les courroucerai par la gent folle ». Traduction de Port-Royal : « Alors il a dit : Je leur cacherai mon visage, et je considérerai leur fin malheureuse ; car ce peuple est une race corrompue, ce sont des enfants infidèles. 21. Ils m’ont voulu comme piquer de jalousie, en adorant ceux qui n’étaient point dieux, et ils m’ont irrité par leurs vanités sacrilèges. Et moi je les piquerai aussi de jalousie, en aimant ceux qui n’étaient point mon peuple, et je les irriterai en substituant à leur place une nation insensée ». Le verset précédent est cité plus haut.
Comme le signale l’éd. Lafuma, Luxembourg, II, p. 80, Pascal entend différemment l’expression considerabo novissima eorum.
Isaïe 65.
Ce chapitre d’Isaïe oppose les hommes qui ont abandonné la montagne sainte à ceux qui travaillent pour le Seigneur.
Que les biens temporels sont faux et que le vrai bien est d’être uni à Dieu.
Ps. 143, 15.
Voir Psaumes CXLIV, 15 : « Allevat Dominus omnes qui corruunt : et erigit omnes elisos ». Tr. de Port-Royal : « Le Seigneur soutient tous ceux qui sont près de tomber, et il relève tous ceux qui sont brisés ».
Mais on peut aussi renvoyer à Psaumes CXLIII, 18 : « Beatum dixerunt populum, cui haec sunt : beatus populus, cujus Dominus Deus ejus ». Tr. de Port-Royal : « Ils ont appelé heureux le peuple qui possède tous ces biens : mais plutôt qu’heureux est le peuple qui a le Seigneur pour son Dieu ».
Que leurs fêtes déplaisaient à Dieu.
Amos, 5, 21.
Amos, V, 21. « Odi et projeci festivitates vestras : et non capiam odorem coetuum vestrorum ». Traduction de la Bible de Louvain : « J’ai haï et jeté au loin vos fêtes, et ne prendrai pas l’odeur de vos congrégations ». Traduction de Port-Royal : « Je hais vos fêtes, et je les abhorre ; je ne puis souffrir vos assemblées ». Non relevé par Lhermet, p. 235.
Commentaire littéral de Port-Royal : « Vous croyez que m’adorant des lèvres lorsque votre cœur est bien loin de moi, vous m’apaiserez par vos sacrifices. Mais je vous déclare que je hais vos fêtes ». Commentaire spirituel : « Dieu ne hait point les fêtes qu’il avait lui-même approuvées, que Moïse, David et plusieurs autres saints avaient célébrées avec beaucoup de zèle et de piété. Mais en disant Je hais vos fêtes, c’est comme s’il disait, Je hais les fêtes où vous croyez m’honorer, qui ne sont plus à moi, mais à vous, parce que vous les avez rendues toutes extérieures et toutes humaines ; que vous m’offrez les mêmes choses que vous sacrifiez à vos idoles, et qu’en me louant des lèvres votre cœur est bien loin de moi. »
Que les sacrifices des Juifs déplaisent à Dieu.
Is. 66.
Isaïe, LXVI. « 1. Haec dicit Dominus : Cœlum sedes mea, terra autem scabellum pedum meorum : quae est ista domus, quam aedificabitis mihi ? et quis est iste locus quietis meae ? 2. Omnia haec manus mea fecit, et facta sunt universa ista, dicit Dominus : ad quem autem respiciam, nisi ad pauperculum, et contritum spiritu, et trementem sermones meos ? 3. Qui immolabat bovem, quasi qui interficiat virum : qui mactat pecus, quasi qui excerebret canem : qui offert oblationem, quasi qui sanguinem suillum offerat : qui recordatur thuris, quasi qui benedicat idolo. Haec omnia elegerunt in viis suis, et in abominationibus suis anima eorum delectata est ».
Traduction de la Bible de Louvain, : « Ainsi dit le Seigneur. Le ciel est mon siège et la terre est la scabelle de mes pieds. Quelle est cette maison que vous édifierez pour moi, et quel est le lieu de mon repos ? Ma main a fait toutes ces choses ici, et toutes ces choses ont été faites, dit le Seigneur. Mais sur lequel regarderai-je, sinon le paoure et contrit d’esprit, et sur celui qui craint mes paroles ? Celui qui immole le bœuf, est comme si icelui avait tué l’homme ».
Traduction de Port-Royal : « Voici ce que dit le Seigneur : Le ciel est mon trône, et la terre mon marchepied. Quelle maison me bâtirez-vous ? et où me donnerez-vous un lieu de repos ? 2. C’est ma main qui a créé toutes ces choses, et elles sont toutes parce que je les ai faites, dit le Seigneur ; et sur qui jetterai-je les yeux, sinon sur le pauvre, qui a le cœur brisé et humilié, et qui écoute mes paroles avec tremblement ? 3. Celui qui immole un bœuf parmi vous est comme celui qui tuerait un homme ; celui qui sacrifie un agneau ou un chevreau est comme celui qui assommerait un chien ; celui qui fait à Dieu une offrande est comme celui qui lui offrirait le sang d’un pourceau ; et celui qui se souvient de brûler de l’encens est comme celui qui révèrerait une idole. Ils ont pris plaisir et se sont accoutumés à toutes ces choses, et leur âme a fait ses délices de ses abominations. » Commentaire de Port-Royal sur le verset 3 : « Le sacrifice est le grand acte de l’adoration qui est due à Dieu. Mais plus il est grand, plus il doit être offert d’une manière digne de lui. C’est là le reproche que Dieu fait aux Juifs : Vous immolez un bœuf sur mon autel comme si vous égorgiez un homme devait moi pour me le sacrifier ainsi qu’à l’idole de Moloch. Vous me sacrifiez un agneau comme si vous assommiez un chien dans mon temple, ou comme si vous m’offriez le sang d’un pourceau, qui sont des animaux que j’ai en horreur. Vos sacrifices sont des meurtres ; ce sont des actes d’impiété par la disposition criminelle avec laquelle ils me sont offerts, plutôt que des marques du culte sincère que vous me rendez. » Sacy remarque ensuite que le reproche ne tombe pas seulement sur les Juifs, « qui n’ont offert à Dieu que des bêtes mortes », il frappe aussi les chrétiens qui abusent du sacrement de l’Eucharistie.
I, 11.
Isaïe I, 11. « Quo mihi multitudinem victimarum vestrarum, dicit Dominus ? Plenus sum : holocausta arietum, et adipem pinguium, et sanguinem vitulorum, et agnorum, et hircorum colui » ; Tr. de Port-Royal : « Qu’ai-je affaire de cette multitude de victimes que vous m’offrez, dit le Seigneur ? Tout cela m’est à dégoût : je n’aime point les holocaustes de vos béliers, ni la graisse de vos troupeaux, ni le sang des veaux, des agneaux et des boucs ».
Commentaire de Port-Royal : « Dieu dit ici que les victimes lui sont à dégoût, selon ce que David lui dit à lui-même [Ps. 50] : « Vous ne vous plaisez point aux holocaustes ; mais le sacrifice qui vous est agréable est le sacrifice d’un cœur contrit et humilié ». Toute cette suite fait voir que si Dieu n’a pu souffrir un culte purement extérieur dans la loi ancienne, lorsque cette apparence de piété était détruite par des actions criminelles, il le souffrira encore beaucoup moins dans la loi nouvelle, qu’il a gravée lui-même dans le fond du cœur, et dans laquelle il veut être adorré en esprit et en vérité ».
Voir Psaume L (LI), 17. « Parce que si vous aviez souhaité un sacrifice, je n’aurais pas manqué à vous en offrir ; mais vous n’auriez pas les holocaustes pour agréables ».
Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, V, § VIII propose un recueil de textes prouvant que « sacrificia non esse earum rerum in numero quas Deo per se aut primario velit ».
Jér. 6, 20.
Jérémie VI, 20. « Ut quid mihi thus de Saba afferti, et calamum suave olentem de terra longinqua : holocautomata vestra non sunt accepta, et victimae vestrae non placuerunt mihi » ; « Pourquoi m’offrez-vous de l’encens de Saba, et pourquoi me faites-vous venir des parfums des terres les plus éloignées ? Vos holocaustes ne me sont point agréables, vos victimes ne me plaisent point. » Commentaire de Sacy : « Dans cette foule d’Israélites qui s’abandonnaient à l’idolâtrie, il y en avait plusieurs qui ne laissaient pas de reconnaître le Seigneur pour leur Dieu ; quoique cette adoration ne fût pas, comme il l’a marqué auparavant, accompagnée de sincérité. Et même un grand nombre mêlait ensemble par une alliance monstrueuse le culte de Dieu avec celui des idoles. Ainsi c’était justement que Dieu rejetait l’encens venu de Saba, et les parfums les plus excellents, qu’ils lui offraient avec un esprit et un cœur impur, puisque ni les holocaustes, ni les victimes ne peuvent lui plaire, qu’autant que le cœur de ceux qui les offrent lui est agréable. Vous tous donc, leur dit le Seigneur, qui n’observez point ma loi, et qui n’accomplissez point ma volonté, ne vous trompez pas, en vous flattant de le fléchir par vos offrandes, puisque ma justice ne se peut corrompre, et que la seule pureté du cœur est capable de la désarmer ».
David, Miserere.
Le Psaume L commence par le mot Miserere. Il faut ajouter le verset 17 au verset 16 pour comprendre l’intention de Pascal.
Psaume L, 16-17. « Domine, labia mea aperies : et os meume annunciabit maudem tuam. 17. Quoniam si voluisses sacrificium, dedissem utique : holocaustis non delectaberis ». Tr. de Port-Royal : « Vous ouvrirez mes lèvres, Seigneur, et ma bouche publiera vos louanges. Parce que si vous aviez souhaité un sacrifice, je n’aurais pas manqué à vous en offrir : mais vous n’auriez pas les holocaustes pour agréables ».
Expectans.
Sellier renvoie au Psaume XXXIX, 6-8, qui commence par le mot Exspectans. « Beatus vir cujus est nomen Domini spes ejus : et non respexit in vanitates, et insanias falsas. 7. Multa fecisti tu Domine Deus meus mirabilia tua : et cogitationibus tuis non est qui similis sit tibi. 8. Annuntiavi et locutus sum : multiplicati sunt super numerum ». Tr de Port-Royal : « Heureux est l’homme qui a mis son espérance au Seigneur, et qui n’a point arrêté sa vue sur des vanités et sur des objets également pleins d’extravagance et de tromperie. 7. Vous avez fait, Seigneur mon Dieu, un grand nombre d’œuvres admirables ; et il n’y a personne qui vous soit semblable dans vos pensées. Lorsque j’ai voulu les annoncer, leur multitude m’a paru innombrable ».
Mais il y a différentes manières de numéroter les versets, et ceux qui répondent à l’intention de Pascal portent dans la Bible de Port-Royal les numéros 9 et 10.
Psaume XXXIX (XL), 9-10. « Sacrificium et oblationem noluisti ; aures autem perfecisti mihi. 10. Holocaustum et pro peccato non postulasti ; tunc dixi : Ecce, venio » ; « 9. Vous n’avez voulu ni sacrifice ni oblation, mais vous m’avez donné des oreilles parfaites. 10. Vous n’avez point demandé d’holocauste ni de sacrifice pour le péché, et j’ai dit alors : Me voici, je viens. »
Le commentaire de la Bible de Port-Royal distingue le sens littéral de ce passage, qui se rapporte à la personne de David lui-même, conscient de la nécessité de l’obéissance à son Dieu, et le sens spirituel, relatif au fait que « comme il était impossible, selon que saint Paul le déclare [...], que le sang des taureaux ou des boucs ôtât les péchés, et que tous les sacrifices de l’ancienne loi étaient seulement destinés à figurer l’adorable sacrifice de la loi nouvelle, il est vrai de dire que ces anciens sacrifices ne pouvaient point par eux-mêmes agréer à Dieu. Ainsi, dit l’Apôtre, le Fils déclarant à son Père : Me voici, je viens pour faire, mon Dieu, votre volonté, témoigne qu’il abolit ces premiers sacrifices pour établir le second ».
Même de la part des bons.
Ps. 49, 8-9-10-11-12-13 et 14.
Psaume XLIX, 8-14. « Audi populus meus, et loquar, Israël, et testificabor tibi : Deus Deus tuus ego sum. 9. Non in sacrifiis tuis arguam te : holocausta autem tua in conspectu meoi sunt semper. 10. Non accipiam de domo tua vitulos, neque de gregibus tuis hircos ; 11. quoniam mea sunt omnes ferae silvarum, jumenta in montibus et boves. 12. Cognovi omnia volatilia caeli ; et pulchritudo agri mecum est. 13. Si esuriero, non dicam tibi : meus est enim orbis terrae, et plenitudo ejus. 14. Numquid manducabo carnes taurorum, aut sanguinem hircorum potabo ? 15. Immola Deo sacrificum laudis : et redde Altissimo vota tua » ; Tr. de Port-Royal : « Écoutez, mon peuple, et je parlerai ; Israël, écoutez-moi, et je vous attesterai la vérité. C’est moi qui suis Dieu, qui suis votre Dieu. 9. Je ne vous reprendrai point pour vos sacrifices ; car vos holocaustes sont toujours devant moi. 10. Je n’ai pas besoin de prendre des veaux de votre maison, ni des boucs du milieu de vos troupeaux : 11. parce que toutes les bêtes qui sont dans les bois m’appartiennent, aussi bien que celles qui sont répandues sur les montagnes, et les bœufs. 12. Je connais tous les oiseaux du ciel ; et tout ce qui fait la beauté des champs est en ma puissance. 13. Si j’ai faim, je ne vous le dirai pas ; car toute la terre est à moi, avec tout ce qu’elle renferme. 11. Est-ce que je mangerai la chair des taureaux ; ou boirai-je le sang des boucs ? 15. Immolez à Dieu un sacrifice de louanges, et rendez vos vœux au Très-Haut. »
Référence donnée dans Grotius, De veritate religionis christianae, V, VIII.
Voir Loi figurative 14 (Laf. 259, Sel. 290), sur les sacrifices. Il n’était point permis de sacrifier hors de Jérusalem, qui était le lieu que le Seigneur avait choisi, ni même de manger ailleurs les décimes. Deut. 12. 5, etc. - Deut. 14. 23, etc. - 15. 20 - 16. 2, 7, 11, 15.
Osée a prédit qu’il serait sans roi, sans prince, sans sacrifice, etc., sans idole. Ce qui est accompli aujourd’hui, ne pouvant faire sacrifice légitime hors de Jérusalem.
Figure.
Si la loi et les sacrifices sont la vérité, il faut qu’elle plaise à Dieu et qu’elle ne lui déplaise point. S’ils sont figures, il faut qu’ils plaisent et déplaisent.
Or dans toute l’Écriture ils plaisent et déplaisent. Il est dit que la loi sera changée, que le sacrifice sera changé, qu’ils seront sans roi, sans princes et sans sacrifices, qu’il sera fait une nouvelle alliance, que la loi sera renouvelée, que les préceptes qu’ils ont reçus ne sont pas bons, que leurs sacrifices sont abominables, que Dieu n’en a point demandé.
Il est dit au contraire que la loi durera éternellement, que cette alliance sera éternelle, que le sacrifice sera éternel, que le sceptre ne sortira jamais d’avec eux, puisqu’il n’en doit point sortir que le roi éternel n’arrive.
Tous ces passages marquent-ils que ce soit réalité ? Non. Marquent-ils aussi que ce soit figure ? Non, mais que c’est réalité ou figure. Mais les premiers excluant la réalité marquent que ce n’est que figure.
Tous ces passages ensemble ne peuvent être dits de la réalité. Tous peuvent être dits de la figure. Donc Ils ne sont pas dits de la réalité mais de la figure.
Agnus occisus est ab origine mundi. Juge sacrificium.
Qu’il ne les a établis que pour leur dureté.
Michée admirablement, 6.
Michée, VI, 1-16. « Audite quae Dominus loquitur, Surge contende judicio adversum montes, et audiant colles vocem tuam. 2. Audiant montes judicium Domini, et fortia fundamenta terrae : quia judicium Domini cum populo suo, et cum Israël dijudicabitur. 3. Populus meus quid feci tibi ? Aut quid molestus fui tibi ? Responde mihi. 4. Quia eduxi te de terra Aegypti, et de domo servientium liberavi, te et misi ante faciem tuam Moysen et Aaron et Mariam. 5. Populus meus memento quaeso quid cogitaverit Balac rex Moab, et quid responderit ei Balaam filius Beor, de Setim usque ad Galgalam, ut cognosceret justitias Domini. 6. Quid dignum offeram Domino ? Curvabo genu Deo excelso ? Numquid offeram ei holocaustomata, et vitulos anniculos ? 7. Numquid placari potest Dominus in millibus arietum, aut in multis millibus hircorum pinguium : Numquid dabo primogenitum meum pro scelere meo, fructum ventris mei pro peccato animae meae ? 8. Indicabo tibi o homo, quid sit bonum, et quid Dominus requirat a te : Utique facere judicium et diligere misericordiam, et sollicitum ambulare cum Deo tuo. 9. Vox Domini ad civitatem clamat ; et salus erit timentibus nomen tuum. Audite tribus, et quis approbabit illud ? 10. Adhuc ignis in domo impii thesauri iniquitatis, et mensura minor irae plena. 11. Numquid justificabo stateram impiam et saccelli pondera dolosa ? 12. In quibus divites ejus repleti sunt iniquitate. Et habitantes in ea loquebantur mendacium, et lingua eorum fraudulenta in ore eorum. 13. Et ego ergo coepi percutere te perditione super peccatis tuis.14. Tu comedes, et non saturaberis : et humiliatio tua in medio tui : et adprehendes, et non salvabis : et quos salvaveris, in gladium dabo. 15. Tu seminabis et non metes : tu calcabis olivam, et non ungueris oleo : et mustum, et non bibes vinum. 16. Et custodisti praecepta Amri, et omne opus domus Achab, et ambulasti in voluntatibus eorum, ut darem te in perditionem et habitantes in ea in sibilum : et obprobrium populi mei portabitis. »
Traduction de Port-Royal : « Écoutez ce que le Seigneur m’a dit : Allez, soutenez ma cause contre les montagnes, et faites entendre aux collines votre voix. 2. Montagnes, écoutez la défense du Seigneur, écoutez-la, vous qui êtes les fermes fondements de la terre. Car le Seigneur veut entrer en jugement avec son peuple, et se justifier devant Israël. 3. Mon peuple, que vous ai-je fait ? En quoi vous ai-je donné sujet de vous plaindre ? Répondez-moi. 4. Est-ce à cause que je vous ai tiré de l’Égypte, que je vous ai délivré d’une maison d’esclavage, et que j’ai envoyé pour vous conduire Moise, Aaron et Marie ? 5. Mon peuple, souvenez-vous, je vous prie, du dessein malicieux que Balac, roi de Moab, avait formé contre vous, de ce que lui répondit Balaam fils de Béor, et de ce que j’ai fait pour vous, entre Sétim et Galgala ; et reconnaissez combien le Seigneur est juste et plein de bonté. 6. Qu’offrirai-je à Dieu qui soit digne de lui ? Fléchirai-je les genoux devant le Dieu Très-Haut ? Lui offrirai-je des holocaustes et des veaux d’un an ? 7. L’apaiserai-je en lui sacrifiant mille béliers, ou des milliers de boucs engraissés ? Lui sacrifierai-je pour mon crime mon fils aîné, et pour mon péché quelque autre de mes enfants ? 8. Ô homme, je vous dirai ce qui vous est utile, et ce que le Seigneur demande de vous : C’est que vous agissiez selon la justice ; et que vous aimiez la miséricorde, et que vous marchiez en la présence du Seigneur, avec une vigilance pleine d’une crainte respectueuse. 9. Le Seigneur parle à la ville avec une voix puissante. Et ceux qui craindront votre nom, mon Dieu, seront sauvés. Écoutez-le donc, ô tribus ; mais combien peu recevront avec soumission cette parole ? 10. Les trésors de l’iniquité sont encore dans la maison de l’impie comme un feu qui la consume : et la fausse mesure dont il se sert est pleine de la colère de Dieu. 11. Puis-je, dit le Seigneur, ne pas condamner la balance injuste, et le poids trompeur du sac ? 12. C’est par ces moyens que les riches de Jérusalem sont remplis d’iniquité. Ses habitants usent de déguisement et de mensonge, et leur langue est dans leur bouche comme un instrument de tromperie. 13. C’est donc pour cela, c’est pour vos péchés que j’ai commencé à vous frapper d’une plaie mortelle. 14. Vous mangerez, et vous ne serez point rassasié ; vous serez pénétré de confusion et de maux. Vous prendrez entre vos bras vos enfants pour les sauver, et vous ne les sauverez point. Que si vous en sauvez quelques-uns, je les livrerai encore au tranchant de l’épée. 15. Vous sèmerez, et vous ne recueillerez point. Vous presserez les olives, et vous ne vous servirez point d’huile. Vous foulerez les raisins, et vous n’en boirez point le vin. 16. Vous avez gardé avec soin les ordonnances d’Amri. Vous avez imité en toutes choses la maison d’Achab, et vous avez voulu marcher sur leurs traces. C’est pourquoi je vous abandonnerai à ceux qui vous doivent perdre ; je vous rendrai l’objet de la raillerie des hommes, et vous serez couverts de l’opprobre que mérite un peuple de Dieu, rebelle à son Dieu ».
Voir Chédozeau Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV, I, Les Préfaces de l’Ancien Testament, Paris, Champion, 2013, p. 264-264, ce qui touche le livre de Michée.
I R. 15, 22.
Premier livre des Rois, XV, 22. « Et ait Samuel : Numquid vult Dominus holocausta et victimas, et non potius ut obediatur voci Domini ? Melior est enim obedientia quam victimae : et auscultare magis quam offerre adipem arietum ».
Tr de Port-Royal : « Samuel lui répondit : Sont-ce des holocaustes et des victimes que le Seigneur demande, et ne demande-t-il pas plutôt que l’on obéisse à sa voix ? L’obéissance est meilleure que les victimes, et il vaut mieux lui obéir que de lui offrir les béliers les plus gras ». Le commentaire de la Bible de Port-Royal insiste sur la nécessité d’une véritable obéissance : « Tout ce discours de Samuel à Saül fait voir avec quelle solidité il faut servir Dieu. Le plus grand culte qu’il exige de nous, c’est l’obéissance, et c’est être idolâtre que d’être désobéissant, comme dit le prophète, parce que celui qui ne veut obéir qu’à lui-même s’établit lui-même son Dieu, et se fait une idole de sa passion. Que sert d’offrir à Dieu un culte extérieur si l’on ne lui sacrifie pas sa volonté propre ? »
Osée, 6, 6.
Osée, VI, 6. « Quia misericordiam volui, et non sacrificium ; et scientiam Dei, plus quam holocausta ». Tr. de Port-Royal : « Car c’est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice ; et j’aime mieux la connaissance de Dieu que les holocaustes ».
Référence donnée dans Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, V, VIII. « Beneficentiam in homines multo acceptiorem habeo quam sacrificium : de Deo recte sentire supra omnia est holocausta ».
Que les sacrifices des païens seront reçus de Dieu et que Dieu retirera sa volonté des sacrifices des Juifs.
Malachie, I, 11.
Malachie, I, 11. « Ab ortu enim solis usque ad occasum, magnum est nomen meum in gentibus : et in omni loco sacrificatur, et offertur nomini meo oblatio munda : quia magnum nomen meum in gentibus, dicit Dominus exercituum ». Tr. de Port-Royal : « Car depuis le lever du soleil jusqu’au couchant, mon nom est grand parmi les nations ; et l’on me sacrifie en tout lieu, et l’on offre à mon nom une oblation toute pure, parce que mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur des armées. » Non relevé par Lhermet, p. 235.
Commentaire de Port-Royal : « Les Juifs ne doivent sacrifier que dans Jérusalem ; et ils n’offraient à Dieu que des hosties qui n’étaient point pures à l’égard de la sainteté de Dieu, ni dignes de lui, puisqu’ils ne lui offraient que le sang des bêtes, qui n’étaient que l’ombre du sacrifice de la loi nouvelle. Mais présentement l’Église répandue dans toute la terre, offre à Dieu dans tous les temps et dans tous les lieux du monde, une hostie infiniment pure, puisque c’est un Dieu qui s’offre à Dieu, afin que le même sang qu’il a répandu pour la rédemption des âmes, les nourrisse et les guérisse, et les fasse vivre de la vie de Dieu ».
Prophéties VII (Laf. 493, Sel. 736). Malach. I. 11. Le sacrifice des juifs réprouvé et le sacrifice des païens (même hors de Jérusalem) et en tous les lieux.
Que Dieu fera une nouvelle alliance par le Messie et que l’ancienne sera rejetée.
Jér. 31, 31.
Jérémie, XXXI, 31-33. « Ecce dies venient, dicit Dominus, et feriam domui Israël et domui Juda fœdus novum : 32. Non secundum pactum, quod pepigi cum patribus eorum, in die qua apprehendi manum eorum, ut educerem eos de terra Ægipti ; pactum, quod irritum fecerunt, et ego dominatus sum eorum, dicit Dominus. 33. Sed hoc erit pactum, quod feriam cum domo Israël post dies illos, dicit Dominus : Dabo legem meam in visceribus eorum, et in corde eorum scribam eam : et ero eis in Deum, et ipsi erunt mihi in populum ».
Traduction de la Bible de Louvain : « Voici les jours viendront, dit le Seigneur, et je ferai une nouvelle alliance en la maison d’Israël, et à la maison de Juda. 32. Non pas l’alliance que j’ai faite avec leurs pères, au jour que je pris leur main, pour les faire sortir hors de la terre d’Égypte : laquelle alliance ils ont faite vaine, et ai dominé sur eux. 33. Mais cette sera l’alliance que je ferai avec la maison d’Israël. Après ces jours-ci, dit le Seigneur, je donnerai ma loi au milieu d’eux, et l’écrirai en leur cœur ; et je serai leur Dieu, et iceux seront mon peuple ».
Traduction de Port-Royal : « Le temps vient, dit le Seigneur, où je ferai une nouvelle alliance avec la maison d’Israël et la maison de Juda, 32. Non selon l’alliance que je fis avec leurs pères au jour où je les pris par la main pour les faire sortir de l’Égypte, parce qu’ils ont violé cette alliance ; c’est pourquoi je leur ai fait sentir mon pouvoir, dit le Seigneur. 33. Mais voici l’alliance que je ferai avec la maison d’Israël après que ce temps-là sera venu, dit le Seigneur : J’imprimerai ma loi dans leurs entrailles, et je l’écrirai dans leur cœur, et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. » Commentaire de Sacy : « Tout ce qu’il dit [...] touchant cette nouvelle alliance, que Dieu promettait de faire avec Israël et avec Juda, très différente de celle qu’il avait faite avec leurs pères, montre qu’il parle ici principalement du temps de la loi nouvelle, auquel il a, comme il dit, imprimé les lois divines, non plus sur la pierre, mais dans nos entrailles et dans le fond de nos cœurs. Car c’est là le grand privilège des chrétiens, à qui le Seigneur a cessé de commander avec empire comme aux Juifs, parce qu’il les a aimés comme ses amis, comme ses disciples, et comme ses membres, et a répandu en eux par le ministère de son Saint-Esprit, l’amour de la justice de la loi, comme dit saint Augustin, et la charité qui est le vrai caractère de l’Église établie par Jésus-Christ. Saint Paul emploie lui-même ce passage de Jérémie, non seulement pour prouver l’établissement de l’Église, mais encore pour faire voir l’abolition de l’ancienne loi ».
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Mandata non bona. Ezéchiel.
Inscription à part du reste du texte (voir la transcription du manuscrit).
Ezéchiel, XX, 25. « Ergo et ego dedi eis praecepta non bona, et judicia in quibus non vivent » ; « C’est pourquoi je leur ai donné des préceptes imparfaits, et des ordonnances où ils ne trouveront point la vie. » Le texte d’Ézéchiel dans la Vulgate est « praecepta » et non « mandata ». Commentaire de Sacy : Dieu, au lieu de rejeter entièrement les Juifs « comme ils l’avaient mérité, il se contenta de les traiter selon la dureté de leur cœur, en leur donnant des préceptes qui n’étaient pas bons, ou qui étaient imparfaits, et des ordonnances dans lesquelles ils ne trouveraient point la vie. Il ne dit pas que ces préceptes étaient mauvais, mais seulement qu’ils n’étaient point bons, parce qu’ils n’étaient que l’ombre de ceux qui sont vraiment bons, et qui appartiennent à la loi nouvelle de l’Évangile. »
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Que les anciennes choses seront oubliées.
Is. 43, 18-19.
Isaïe, XLIII, 18-19. « Ne memineritis priorum, et antiqua ne intueamini. Ecce ego facio nova, et nunc orientur, utique cognoscetis ea : ponam in deserto viam, et in invio flumina ». Traduction de Port-Royal : « Mais ne vous souvenez plus des choses passées, ne considérez plus ce qui s’est fait autrefois. 19. Je m’en vais faire des miracles tout nouveaux, ils vont paraître, et vous les verrez : je ferai couler des fleuves dans une terre inaccessible ».
65, 17-18.
Isaïe, LXV, 17-18. « Ecce ego creo caelos novos, et terram novam : et non erunt in memoria priora, et non ascendent super cor. 18. Sed gaudebitis, et exultabitis usque in sempiternum, in his quae ego creo : quia ecce ego creo Jerusalem exultationem, et populum ejus gaudium ». Traduction de Port-Royal : « Car je m’en vas créer de nouveaux cieux, et une terre nouvelle : et tout ce qui a été auparavant s’effacera de la mémoire sans qu’il revienne dans l’esprit. 18. Mais vous vous réjouirez, et vous serez éternellement transportés de joie dans les choses que je vas créer ; parce que je m’en vas rendre Jérusalem une ville d’allégresse, et son peuple un peuple de joie. »
Qu’on ne se souviendra plus de l’arche.
Jér. 3, 15-16.
Jérémie, III, 15-16. « Et dabo vobis pastores juxta cor meum, et pascent vos scientia et doctrina. 16. Cumque multiplicati fueritis, et creveritis in terra in diebus illis, ait Dominus : non dicent ultra : Arca testamenti Domini ; neque ascendet super cor, neque recordabuntur illius ; nec visitabitur nec fiet ultra ». Pascal ne paraît pas s’être servi de la traduction de la Bible de Louvain : « Et vous donnerai des pasteurs selon mon cœur, et vous paitront de science et de doctrine. 16. Et quand vous serez multipliés, et que serez augmentés en la terre en ces jours-là, dit le Seigneur, ils ne diront plus, L’arche du testament du Seigneur, et ne leur viendra plus au cœur, et n’auront plus recordation d’icelle, et en sera plus visitée, et ne s’en fera plus d’autre ». Tr. de Port-Royal : « Je vous donnerai des pasteurs selon mon cœur, qui vous donneront la nourriture de la science et de la doctrine. 16. Et lorsque vous vous serez multipliés, et que vous vous serez accrus dans la terre, dit le Seigneur, on ne dira plus : Voici l’arche de l’alliance du Seigneur, elle ne reviendra plus dans l’esprit, on ne s’en souviendra plus, on ne la visitera plus, et il ne se fera plus rien de semblable. »
L’arche en question est évidemment l’arche d’alliance qui contenait les tables de la loi donnée à Moïse (et non pas l’arche de Noé). Le commentaire de la Bible de Port-Royal souligne que c’est « lorsque Jésus-Christ » eut substitué « l’Église à l’arche de l’ancienne loi » qu’il « a été vrai de dire qu’on ne s’est plus souvenu de cette ancienne arche ».
Que le temple serait rejeté.
Jér. 7, 12-13-14.
Jérémie, VII, 12-14. « Ite ad locum meum in Silo, ubi habitavit nomen meum a principio : et videte quae fecerim ei propter malitiam populi mei Israël. 13. Et nunc, quia fecistis omnia opera haec dicit Dominus : et locutus sum ad vos mane consurgens, et loquens, et non audistis : et vocavi vos et non respondistis. 14. Faciam domui huic, in qua invocatum est nomen meum, et in qua vos habetis fiduciam ; et loco quem dedi vobis et patribus vestris, sicut feci Silo ». Tr. de Port-Royal : « Allez à Silo, au lieu qui m’était consacré, où j’avais établi ma gloire dès le commencement, et considérez comment je l’ai traité à cause de la méchanceté de mon peuple d’Israël. 13. Et maintenant parce que vous avez fait toutes ces choses, dit le Seigneur, que je vous ai parlé avec toute sorte d’application, sans que vous m’ayez entendu ; que je vous ai appelés sans que vous m’ayez répondu, 14. je traiterai cette maison où mon nom a été invoqué, en laquelle vous mettez toute votre confiance, et ce lieu que je vous ai donné après l’avoir donné à vos pères, comme j’ai traité Silo ».
La prophétie est véritable du vrai temple. Voir Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, IIe Partie, ch. V, La vie et le ministère prophétique : les jugements de Dieu déclarés par les prophéties, éd. Velat et Champailler, Pléiade, Paris, NRF, Gallimard, 1961, p. 810 sq. « Dieu n’épargna point son sanctuaire. Ce beau temple, l’ornement du monde, qui devait être éternel si les enfants d’Israël eussent persévéré dans la piété, fut consumé par le feu des Assyriens. C’était en vain que les Juifs disaient sans cesse : le temple de Dieu, le temple de Dieu, le temple de Dieu est parmi nous ; comme si ce temple sacré eût dû les protéger tout seul. Dieu avait résolu de leur faire voir qu’il n’était point attaché à un édifice de pierre, mais qu’il voulait trouver des cœurs fidèles. Ainsi il détruisit le temple de Jérusalem ; il en donna le trésor au pillage ; et tant de riches vaisseaux, consacrés par des rois pieux, furent abandonnés à un roi impie ».
Mais elle l’est surtout au sens spirituel, savoir que la religion dont le temple est le lieu sera rejetée et remplacée par la religion chrétienne, dont la religion juive n’était que la figure.
Que les sacrifices seraient rejetés et d’autres sacrifices purs établis.
Mal. I, 11.
Voir ce texte plus haut.
Que l’ordre de la sacrificature d’Aaron serait réprouvé et celle de Melchisédech introduite par le Messie.
Aaron, frère aîné de Moïse, désigné comme le porte-parole de Moïse devant le Pharaon et les Israélites lors de l’exode. Il instaura la prêtrise héréditaire, et il assura la charge de grand prêtre. Voir l’article Aaron du Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Paris, Cerf, 1993.
Melchisédech : est un personnage très brièvement présenté dans la Genèse XIV, 18-20, lors de sa rencontre avec Abraham. « Mais Melchisédech, roi de Salem, offrant du pain et du vin, parce qu’il était prêtre du Dieu très-haut, 19. Bénit Abram, en disant : Qu’Abram soit béni du Dieu très haut, qui a créé le ciel et la terre : 20. Et que le Dieu très haut soit béni, lui qui par sa protection vous a mis vos ennemis entre les mains. Alors Abram lui donna la dîme de tout ce qu’il avait pris. »
Note de la Genèse de la Bible de Port-Royal sur ce passage : « Plusieurs Hébreux croient que Melchisédech était Sem fils de Noé. Il est certain que Sem vivait encore en ce temps-là : mais il est encore plus certain qu’il ne peut avoir été Melchisédech ; puisque saint Paul dit que l’Écriture ne nomme nulle part ni le père ni la mère de Melchisédech, et qu’elle marque expressément le père de Sem. Plusieurs saints Docteurs ont crû au contraire que Melchisédech était Gentil, et de la race des Cananéens, mais adorateur du vrai Dieu, comme a été Job, et quelques autres. Salem, dont il était Roi, est la même ville que Jérusalem, et Josèphe l’en fait le fondateur. Les Hébreux croient que Melchisédech offrit seulement à Abraham du pain et du vin, pour rafraîchir ses gens. Mais le Saint-Esprit parlant par la bouche de saint Paul, fait assez voir que c’est par une lumière du ciel, que l’Église a pris cette oblation si ancienne du pain et du vin, comme la figure du sacrifice qu’elle offre tous les jours à Dieu sur nos autels. »
La note sur le sens spirituel du passage précise le sens que l’on accordait à la figure de Melchisédech, dans la perspective adoptée ici par Pascal :
« v. 18. 19. Mais Melchisédech Roi de Salem, offrant du pain, parce qu’il était Prêtre du très haut, bénit Abraham, en disant : Béni soit Abraham du Dieu très haut qui a créé le ciel et la terre. Dans cette action si singulière de Melchisédech, dit saint Augustin, nous voyons marqué clairement pour la première fois le sacrifice que l’Église de Jésus-Christ offre maintenant à Dieu dans toute la terre. C’est ainsi que s’est accomplie cette prophétie, que David a prononcée de Jésus-Christ tant de siècles avant son Incarnation : Vous êtes le Prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech. Il ne dit pas selon l’ordre d’Aaron : parce que le sacerdoce de l’ancienne loi devait être aboli par celui de Jésus-Christ, lorsque le temps est venu auquel les ombres devaient céder à la vraie lumière qui est Jésus-Christ : Tu es Sacerdos in æternum secundùm ordinem Melchisédech. Non secundum ordinem Aaron : qui ordo fuerat auferendus, illucescentibus rebus, quæ illis umbris prænotabantur.
Et comme le même saint Augustin [...] qu’Abraham est béni par Melchisédech, du sacerdoce duquel saint Paul dans son Épître aux Hébreux, dit beaucoup de choses très grandes et très divines : nous en toucherons certains chefs [...].
Saint Paul écrivant aux Hébreux rapporte le passage de David : Le Seigneur a juré, et son serment demeurera immuable, que vous serez le prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech. De là il conclut que Melchisédech, appelé le Prêtre du Dieu très haut en cet endroit de l’histoire de Moïse, est l’image du Fils de Dieu, comme Prêtre et Pontife éternel.
Premièrement : Parce que le nom même de Melchisédech, signifie dans la langue sainte, Roi de justice, et Salem dont il était Roi, signifie la paix. Or ces deux noms sont donnés à Jésus-Christ en plusieurs endroits de l’Écriture, où il est appelé le Juste par excellence, Dominus justus noster, et le Prince de la paix. Princeps pacis.
Secondement, en ce que l’Écriture ne parle ni du père, ni de la mère, ni de la généalogie de Melchisédech ; pour marquer par ce silence mystérieux qu’il est l’image de celui qui n’a qu’un Père dans le ciel, qui n’en a point eu sur la terre, et dont il est dit, que sa génération est ineffable.
3. En ce que l’Écriture ne marque ni la naissance, ni la fin de la vie de Melchisédech, comme étant la figure de Jésus-Christ, qui est le Prêtre auquel nul ne succède, comme dans la loi les Pontifes succédaient les uns aux autres : parce qu’il est le Prêtre éternel, et qui n’offre point le sacrifice comme les Prêtres de la loi, premièrement pour ses propres péchés, et ensuite pour ceux des autres, parce qu’il est la sainteté même.
4. La grandeur du sacerdoce de Jésus-Christ figuré par celui de Melchisédech, paraît en ce que les autres Prêtres, comme dit saint Paul, ont été établis sans serment ; au lieu que Jésus-Christ l’a été avec serment, Dieu lui ayant dit dans le Psaume : Le Seigneur a juré, et son serment demeurera immuable, que vous serez le Prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech.
Saint Paul conclut encore du sacerdoce de Melchisédech, qui est l’exemple et le modèle de celui de Jésus-Christ, et de ce qui se passa alors entre Melchisédech et Abraham, que la loi Judaïque a été abolie, comme impuissante et inutile, par la loi de Jésus-Christ.
1. Parce que Melchisédech, comme il est représenté dans cette histoire de la Genèse, paraît plus grand qu’Abraham, qui est le chef des Patriarches, puisqu’il bénit Abram, étant indubitable que celui qui est béni est inférieur à celui qui le bénit : et puisqu’il reçoit d’Abraham la dîme des dépouilles qu’Abraham avait remportées, qui est un droit qui appartient proprement aux Prêtres établis de Dieu selon la loi.
Saint Paul ajoute, qu’ainsi que Melchisédech a paru en cela au-dessus d’Abraham, il a eu aussi le même avantage au-dessus de Levi, duquel est sorti Aaron chef de tous les Prêtres de l’ancienne loi, puisque Levi étant alors renfermé en la personne d’Abraham son aïeul, doit être considéré comme ayant rendu à Melchisédech la même soumission qu’Abraham lui a rendue. Puis donc qu’il s’élève un nouveau Prêtre, figuré en la personne de Melchisédech qui paraît plus grand qu’Abraham, que Levi et Aaron, chefs de tous les Pontifes du vieux Testament : Il est visible, dit saint Paul, que Dieu ayant établi ce nouveau Pontife, et le sacerdoce étant changé, il faut nécessairement que la loi soit aussi changée.
2. La même vérité paraît encore, en ce que les Prêtres de l’ancienne loi devaient être nécessairement de la tribu de Levi. Et néanmoins il est certain, dit saint Paul, que Jésus-Christ, appelé par le Saint-Esprit dans ce Psaume de David le Prêtre éternel, n’était point de la tribu de Levi, mais de la tribu de Juda, dont nul n’a jamais servi à l’autel, et qu’ainsi il n’a point été prêtre selon l’ordre d’Aaron, mais selon l’ordre et l’exemple de Melchisédech. D’où l’on doit conclure, selon le même Apôtre, que l’alliance ancienne est abolie aussi bien que le sacerdoce ancien, afin que la figure fasse place à la vérité, et la vieille loi à la nouvelle.
C’est ainsi que saint Paul fait voir en l’explication de cette admirable figure tracée en ce qui se passa alors entre Abraham et Melchisédech, la destruction du Judaïsme, et l’établissement de la Prêtrise et de la Religion de Jésus-Christ.
Il n’explique pas en ce lieu le mystère de nos autels, où Jésus-Christ nous donne son corps et son sang adorable sous les espèces du pain et du vin, selon qu’il fut représenté clairement alors par le pain et le vin que Melchisédech offrit comme étant le Prêtre du Dieu très haut, parce que, selon la remarque d’un savant Interprète, le but de ce saint Apôtre en cette Épître, n’était que de persuader aux Juifs l’impuissance et l’inutilité de leur loi, et l’excellence de la loi de Jésus-Christ que Dieu avait substituée en sa place.
Mais ce même Apôtre explique si clairement et si fortement ailleurs ce même mystère de nos autels, où Jésus-Christ nous donne sous les voiles du pain et du vin la vérité de son sacrement ineffable, qui fut alors figuré par le sacrifice de Melchisédech ; et les saints Docteurs de l’Église conspirent tellement tous ensemble à faire voir la vérité de ce mystère dans l’explication de cette figure si sainte et si ancienne, que les hérétiques de ces derniers temps ont mieux aimé reconnaître et condamner avec une hardiesse pleine d’impiété, ce consentement général et cette tradition de tous les Saints et de tous les siècles, que de la désavouer, ou par une ignorance qui leur a paru honteuse, ou par une opiniâtreté qu’ils ont bien vu être entièrement insoutenable.
Ce mystère donc de nos autels paraît clairement, selon ces Saints, dans ce que fit alors Melchisédech en qualité de Prêtre et de Pontife du très haut à l’égard d’Abraham et des gens de guerre qui le suivaient. Car comme Prêtre, il offrit premièrement à Dieu en sacrifice le pain et le vin, et il en distribua ensuite une grande abondance à toute l’armée d’Abraham.
C’est ainsi que l’Église nous enseigne avec tous les Saints, que le sacrifice de Jésus-Christ est en même temps, et un Sacrifice et un Sacrement, c’est-à-dire, qu’il est un sacrifice d’immolation, et un sacrement de communion. Et qu’après que Jésus-Christ a offert à son Père son corps et son sang réellement présent sous les espèces et les apparences du pain et du vin, il fait part de ce même corps et de ce même sang à tous ceux, qui en qualité d’enfants et de membres de Jésus-Christ, sont dignes de s’asseoir à cette divine table.
Il est remarquable que cette histoire, étant la figure de ce qui se passe dans l’Église, le pain et le vin qui marquaient si clairement le mystère de nos autels, sont donnés à ceux qui suivent Abraham père de tous les fidèles, c’est-à-dire, à ceux qui sont les imitateurs de sa foi. »
Cet extrait du Psaume CIX est inscrit en marge, apportant une confirmation concrète à ce qui est inscrit au centre de la feuille.
Dixit Dominus.
Dixit Dominus : désignation liturgique du Psaume CIX.
Sur l’usage que Pascal fait des Psaumes, voir Sellier Philippe, Pascal et la liturgie, Paris, P. U. F., 1966, rééd. Genève, Slatkine, 1998, p. 52 sq.
Psaumes CIX, 1. « David psalmus dixit Dominus Domino meo : sede a dextris meis ; 2.donec ponam inimicos tuos scabillum pedum tuorum. » Tr. de Port-Royal : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite, 2. Jusqu’à ce que je réduise vos ennemis à vous servir de marchepied. »
Psaumes CIX, 5. « Juravit Dominus et non paenitebit eum : Tu es sacerdos in aeternum secundum ordinem Melchisedech ». Traduction de Port-Royal : « Le Seigneur a juré ; et son serment demeurera immuable : Que vous êtes le prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech. »
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Que cette sacrificature serait éternelle.
Ibid.
Que Jérusalem serait réprouvée et Rome admise.
Dixit Dominus.
Le psaume CIX ne peut évidemment mentionner Rome. Aucun verset ne semble répondre à cette note.
Que le nom des Juifs serait réprouvé et un nouveau nom donné.
Is. 65, 15.
Isaïe, LXV, 15. « Et dimittetis nomen vestrum in juramentum electis meis : et interficiet te Dominus Deus, et servos suos vocabit nomine alio ». Traduction de Port-Royal : « Et vous rendrez votre nom à mes élus un nom d’imprécation : le Seigneur notre Dieu vous fera périr, et il donnera à ses serviteurs un autre nom. »
Que ce dernier nom serait meilleur que celui de Juifs et éternel.
Is. 56, 5.
Isaïe, LV, 5. « Dabo eis in domo mea, et in pluris meis locum, et nomen melius a filiis et filiabus : nomen sempiternum dabo eis, quod non peribit ». Traduction de Port-Royal : « Je leur donnerai dis-je dans ma maison et dans l’enceinte de mes murailles une place avantageuse, et un nom qui leur sera meilleur que des fils et des filles : je leur donnerai un nom éternel qui ne périra jamais ».
Que les Juifs devaient être sans prophètes.
Amos.
Il ne semble pas y avoir de texte qui réponde à cette référence imprécise.
Sans roi, sans prince, sans sacrifice, sans idole.
Sur cette citation tirée du livre d’Osée, voir Loi figurative 14 (Laf. 258-259, Sel. 290). Si la loi et les sacrifices sont la vérité, il faut qu’elle plaise à Dieu et qu’elle ne lui déplaise point. S’ils sont figures, il faut qu’ils plaisent et déplaisent. Or dans toute l’Écriture ils plaisent et déplaisent. Il est dit que la loi sera changée, que le sacrifice sera changé, qu’ils seront sans roi, sans princes et sans sacrifices, qu’il sera fait une nouvelle alliance, que la loi sera renouvelée, que les préceptes qu’ils ont reçus ne sont pas bons, que leurs sacrifices sont abominables, que Dieu n’en a point demandé. Il est dit au contraire que la loi durera éternellement, que cette alliance sera éternelle, que le sacrifice sera éternel, que le sceptre ne sortira jamais d’avec eux, puisqu’il n’en doit point sortir que le roi éternel n’arrive.
Osée, III, 4. Le prophète reprend sa femme. « 1. Le Seigneur me dit : Allez, et aimez encore une femme adultère, qui est aimée d’un autre que de son mari, comme le Seigneur aime les enfants d’Israël, pendant qu’ils mettent leur confiance en des dieux étrangers, et qu’ils aiment le marc du vin, au lieu du vin même. 2. Je donnai donc à cette femme quinze pièces d’argent, et une mesure et demie d’orge. 3. Alors je lui dis : Vous m’attendrez pendant plusieurs jours ; vous ne vous abandonnerez cependant à personne ; vous n’épouserez point un autre mari ; et je vous attendrai aussi moi-même ; 4. C’est l’état où les enfants d’Israël seront pendant un long temps, sans roi, sans prince, sans sacrifice, sans autel, sans éphod, et sans théraphins » (tr. Sacy). Commentaire : « Les nouveaux interprètes croient que le mot de théraphins signifie des idoles en cet endroit aussi bien que dans tous les autres. Et ce sens semble avoir plus de rapport avec ce qui précède, où le prophète dit à la femme que Dieu lui avait ordonné d’épouser pour être la figure de la Synagogue, qu’il ne vivrait point avec elle pendant un longtemps, et qu’elle aussi ne s’abandonnerait point à un autre. Car c’est l’état où sont aujourd’hui les Juifs, et où ils demeureront jusques à la fin du monde, étant en effet sans autel et sans sacrifice, depuis la destruction de Jérusalem, qui est le seul lieu où ils pourraient sacrifier selon la loi, et en même temps sans théraphins, c’est-à-dire sans idoles, puisqu’ils ne conservent toujours une grande aversion de l’idolâtrie. [...] Le prophète dit qu’après cela les enfants d’Israël reviendront à Dieu de tout leur cœur, et le rechercheront, selon quelques-uns, sous la conduite de Zorobabel appelé David, parce qu’il était de sa race. Mais ces paroles s’entendent visiblement de la conversion des Juifs ». Le commentaire de la note sur le sens spirituel de ce passage insiste sur le fait que la prophétie d’Osée, selon saint Augustin, « marque expressément la conversion des Juifs, qui doit arriver à la fin du monde ».
Le mot idole rend le mot theraphin, comme l’indique le commentaire de la Bible de Port-Royal.
Que les Juifs subsisteraient toujours néanmoins en peuple.
Jér. 31, 36.
Jérémie, XXXI, 36. « Si defecerint leges istae coram me, dicit Dominus : tunc et semen Israël deficiet, ut non sit gens coram me cunctis diebus ». Tr. de Port-Royal : « Si ces lois de l’ordre du monde peuvent cesser devant moi, dit le Seigneur, alors la race d’Israël cessera d’être mon peuple pour toujours ». M. Le Guern souligne qu’il s’agit d’une supposition impossible, de sorte que le passage doit être entendu a contrario.