Prophéties V  – Papier original : RO 222-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 71 p. 285-285 v°  / C2 : p. 507 à 509 et 399 v° (Copie de Pierre Guerrier)

Éditions de Port-Royal : Chap. XV - Preuves de Jésus-Christ par les prophéties : 1669 et janvier 1670 p. 121-126  / 1678 n° 8, 9 et 16 p. 120-126

Éditions savantes : Faugère II, 278, XXI ; II, 325, XXVI / Havet XVIII.13 et 14, XXV.166 / Brunschvicg 727 et 761 / Tourneur p. 339 / Le Guern 452 / Lafuma 487 et 488 (série XVI) / Sellier 734

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Bibliographie

 

 

CHÉDOZEAU Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, I, Paris, Champion, 2013.

DELASSAULT Geneviève, Le Maistre de Saci et son temps, Paris, Nizet, 1957.

HAVET Ernest, éd. des Pensées, II, Paris, Delagrave, 1866.

KOLAKOWSKI Leszek, Dieu ne nous doit rien, Brève remarque sur la religion de Pascal et l’esprit du jansénisme, Paris, Albin Michel, 1997.

LERMET Joseph, Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931, p. 556 sq.

MESNARD Jean, “Sur une « nouvelle pensée » de Pascal, authentique ou fabriquée ?”, Courrier du Centre International Blaise Pascal, n° 28, 2006, p. 27-36.

Port-Royal et le peuple d’Israël, Chroniques de Port-Royal, 53, Paris, Bibliothèque Mazarine, 2004.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

SELLIER Philippe, Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010, p. 485-510.

SELLIER Philippe, “La lumière immobile. L’univers biblique d’un catholique sous Louis XIV”, in Port-Royal et la littérature, II, Paris, Champion, 2012, p. 187-210.

THIROUIN Laurent, PÉROUSE Marie et PROUST Gilles, “Une « nouvelle » pensée de Pascal”, Courrier du Centre International Blaise Pascal, n° 27, 2005, p. 3-6.

 

 

Éclaircissements

 

Pendant la durée du Messie.

 

Havet, éd. Pensées, II, Delagrave, 1866, p. 27, note que cette formule figure en titre du fragment. Ce titre, selon Havet, semble signifier pendant l’attente du Messie ; il s’agit sans doute des signes qui ont été donnés de lui pendant qu’il tardait, ou comme l’indique le texte, qu’il durait à venir.

 

Aenigmatiza. Ézech. 17.

 

Havet, éd. Pensées, II, Delagrave, 1866, p. 25. En énigmes. La forme aenigmatis n’est nulle part dans la Vulgate ; mais I Cor., XIII, 12, donne videmus nunc per speculum in aenigmate tunc autem facie ad faciem...

La Bible de Louvain donne aenigma dans le verset 2 d’Ézéchiel XVII : « Fili hominis propone aenigma, et narra parabolam ad domum Israël ». Traduction de Louvain : « Fils de l’homme, proposez la parole obscure, et récitez la parabole à la maison d’Israël ». Traduction de Port-Royal : « Fils de l’homme, proposez cette énigme, et rapportez cette parabole à la maison d’Israël ».

Ce verset précède une parabole quelque peu énigmatique sur deux aigles plantant chacun une vigne (XVII, v. 3-10). Il n’y a pas de commentaire dans la Bible de Port-Royal sur ce verset. Mais on trouve des indications dans la Préface : « Si ce lui est une chose commune avec plusieurs des autres prophètes de parler par énigmes et d’user d’expressions figurées, [Ézéchiel] a ceci de particulier qu’il ne parle presque jamais d’une autre manière, et qu’il tient par là son lecteur toujours en suspens et en admiration pour le rendre plus attentif aux vérités qu’il lui annonce et le presser davantage de demander humblement à Dieu l’intelligence de ces vérités qui lui paraissent voilées sous ces énigmes pleines de mystères. Cependant cette même obscurité dont il semblait que l’Esprit de Dieu n’avait couvert les paroles d’Ezéchiel qu’afin de porter le peuple juif à en rechercher l’explication avec plus d’ardeur, produisit ensuite un effet tout opposé, puisque saint Jérôme nous apprend que c’était une tradition parmi les Hébreux qu’il n’était permis de lire le commencement et la fin de ce prophète qu’après avoir atteint l’âge nécessaire pour exercer les fonctions sacerdotales, c’est-à-dire l’âge de trente ans. » Voir la suite de ce passage dans Chédozeau Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, I, p. 620 sq.

 

Son précurseur. Malachie, 2.

 

Havet, éd. Pensées, II, Delagrave, 1866, p. 25 donne III (1). Il s’agit en effet de Malachie, III, 1. Le chapitre III est intitulé, dans la Bible de Port-Royal Prédiction de la venue du Précurseur. Jugement du Seigneur. Exhortation à la pénitence. Injustice du peuple. Son retour à Dieu.

Malachie, III, 1. « Ecce ego mitto Angelum meum, et praeparabit viam ante faciem meam. Et statim veniet ad templum suum Dominator quem vos vultis : et Angelus testamenti, quem vos vultis. Ecce venit dicit Dominus exercituum ». Traduction de Port-Royal : « Je vas vous envoyer mon ange qui préparera ma voie devant ma face ; et aussitôt le Dominateur que vous cherchez, et l’ange de l’alliance, si désiré de vous, viendra dans son temple. Le voici qui vient, dit le Seigneur des armées. »

Commentaire de Port-Royal : « Jésus-Christ a expliqué lui-même ces paroles dans l’Évangile [Matth. XII, 10], lorsqu’il a dit que cet ange qu’il avait envoyé pour lui préparer la voie était Jean-Baptiste. Ainsi ce Dominateur que les Juifs attendaient depuis si longtemps, n’est autre que Jésus-Christ même, qui devait venir dans son temple ou dans sa chair sainte qu’il a appelée lui-même son temple, ou dans le temple de Jérusalem dans lequel il a enseigné pendant sa vie mortelle. Le nom d’ange qui lui est donné dans ces paroles signifie ambassadeur ou envoyé ; et il est appelé particulièrement l’ange de l’alliance, parce qu’il a été envoyé de Dieu pour annoncer aux hommes cette alliance que Dieu devait faire avec eux, et dont il devait être lui-même le médiateur par son sang. »

 

Il naîtra enfant. Is., 9.

 

Isaïe, IX, 6 : « Parvulus enim natus est nobis, filius datus est nobis, et factus est principatus super humerum ejus et vocabitur nomen ejus Admirabilis, Consiliarius, Deus, Fortis Pater, futuri saeculi, Princeps pacis ». Traduction de Port-Royal : « Car un petit enfant nous est né, et un fils nous a été donné ; il portera sur son épaule la marque de sa principauté, et il sera appelé l’Admirable, le Conseiller, Dieu, le Fort, le Père du siècle futur, et le Prince de la paix. »

 

Il naîtra de la ville de Bethléem. Mich., 5.

Il paraîtra principalement en Jérusalem et naîtra de la famille de Juda et de David.

 

Michée, V, 2 : « Et tu Bethleem, Ephrata parvulus es in millibus Juda : ex te mihi egredietur qui sit dominator in Israël et egressus ejus ab initio, a diebus aeternitatis ». Traduction de Port-Royal : « Et vous, Bethléhem, appelée Éphrata ; vous êtes petite entre les villes de Juda, mais c’est de vous que sortira celui qui doit régner dans Israël, dont la génération est dès le commencement, dès l’éternité ».

Havet donne aussi les références suivantes pour la famille de Juda et de David :

Gen. XLIX, 10 : c’est le passage que Pascal invoque à plusieurs reprises dans les Pensées : « Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu’à ce que celui qui doit être envoyé soit venu ; et c’est lui qui sera l’attente des nations ». Voir Loi figurative 14 (Laf. 259, Sel. 290), Loi figurative 18 (Laf. 263, Sel. 294), Preuves de Jésus-Christ 16 (Laf. 314, Sel. 345), Loi figurative 21 (Laf. 266, Sel. 297), Prophéties 16 (Laf. 337, Sel. 369), Prophéties 18 (Laf. 339, Sel. 371), et Prophéties I (Laf. 483, Sel. 718).

Isaïe, VII, 13, 14 : « Et dixit : Audite ergo, domus David : Numquid parum vobis est, molestos esse hominibus, quia molesti estis et Deo meo ? 14. Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum. Ecce virgo concipiet, et pariet filium, et vocabitur nomen ejus Emmanuel ». Traduction de Port-Royal : « Et Isaïe dit : Écoutez donc, maison de David : Ne vous suffit-il pas de lasser la patience des hommes, sans lasser encore celle de mon Dieu ? 14. C’est pourquoi le Seigneur vous donnera lui-même un prodige. Une vierge concevra, et elle enfantera un fils qui sera appelé Emmanuel ».

 

Il doit aveugler les sages et les savants Is., 6 ; Is., 8 ; 29 ;

et annoncer l’Évangile aux pauvres et aux petits, ouvrir les yeux des aveugles Is., 29 ; Is., 61 ;

et rendre la santé aux infirmes et mener à la lumière ceux qui languissent dans les ténèbres.  Is., 61.

 

Isaïe, VI, 10. « Aveuglez le cœur de ce peuple, rendez ses oreilles sourdes, et fermez ses yeux, de peur que ses yeux ne voient, que ses oreilles n’entendent, que son cœur ne comprenne, et qu’il ne se convertisse à moi, et que je ne le guérisse. »

Isaïe, VIII, 29 n’existe pas. Sellier renvoie à Isaïe VIII, 14-15. On peut plutôt renvoyer à Isaïe, VIII, 19 : « Et lorsqu’ils vous diront : Consultez les magiciens et les devins qui parlent tout bas dans leurs enchantements, répondez-leur : Chaque peuple ne consulte-t-il pas son Dieu, et va-t-on parler aux morts de ce qui regarde les vivants ? 20. C’est plutôt à la loi de Dieu qu’il faut recourir, et au témoignage qu’il rend de lui-même. Que s’ils ne parlent point de cette sorte, la lumière du matin ne luira point pour eux. 21. Ils seront vagabonds sur la terre, ils tomberont, ils souffriront la faim ; et dans cette faim, ils se mettront en colère, ils maudiront leur roi et leur Dieu, ils jetteront leurs yeux tantôt au ciel. 22. Et tantôt sur la terre ; et ils ne verront partout qu’affliction, que ténèbres, qu’abattements et que serrements de cœur, et qu’une nuit sombre qui les persécutera sans qu’ils puissent s’échapper de cet abîme de maux ».

Isaïe, XXIX, 18. « En ce temps-là les sourds entendront les paroles de ce livre, et les yeux des aveugles sortant de leur nuit passeront des ténèbres à la lumière. 19. Ceux qui sont doux et humbles se réjouiront de plus en plus dans le Seigneur, et les pauvres trouveront dans le Saint d’Israël un ravissement de joie ».

Isaïe, LXI, 1-3. « L’esprit du Seigneur s’est reposé sur moi, parce que le Seigneur m’a rempli de son onction : il m’a envoyé annoncer sa parole à ceux qui sont doux, pour guérir ceux qui ont le cœur brisé ; pour prêcher la grâce aux captifs, et la liberté à ceux qui sont dans les chaînes ; 2. pour publier l’année de la réconciliation du Seigneur, et le jour de la vengeance de mon Dieu ; pour consoler ceux qui pleurent ; 3. pour avoir soin de ceux de Sion qui sont dans les larmes ; pour leur donner une couronne au lieu de la cendre, l’huile de joie au lieu des larmes, et un vêtement de gloire au lieu d’un esprit affligé ; et il y aura dans elle des hommes puissants en justice, qui seront des plantes du Seigneur pour lui rendre gloire. »

Le commentaire de Port-Royal indique que c’est le texte que le Christ a lu à la synagogue de Nazareth, comme le rapporte Luc, IV, 16 sq. Les hommes puissants, selon le commentaire de Port-Royal le sont non selon le monde, mais en justice ; ce sont les ministres de Dieu, qui ont « l’autorité que leur donne leur innocence et la solitude de leur vertu » (Luc, XXIV, 19).

Havet, éd. Pensées, II, Delagrave, 1866, p. 26, renvoie aussi à

Isaïe, XXXV, 5-6. « Alors les yeux des aveugles verront le jour, et les oreilles des sourds seront ouvertes. 6. Le boiteux bondira comme le cerf, et la langue des muets sera déliée ; parce que des sources d’eaux sortiront de terre dans le désert, et que des torrents couleront dans la solitude. »

Isaïe, XLII, 16. « Je conduirai les aveugles dans une voie qui leur était inconnue, et je les ferai marcher dans des sentiers qu’ils avaient ignorés jusques alors : je ferai que les ténèbres devant eux se changent en lumière, et que les chemins tortus seront redressés ; je ferai ces merveilles en leur faveur, et je ne les abandonnerai point ».

 

Il doit enseigner la voie parfaite et être le précepteur des gentils. Is., 55 ; 42, 1-7.

 

Gentils : païens. C’est ainsi que les Juifs appelaient tous ceux qui n’étaient pas de leur religion (Furetière).

Il s’agit sans doute d’Isaïe, LV, 5 : « Je m’en vais le donner pour témoin aux peuples, pour maître et pour chef aux Gentils. »

Isaïe, XLII, 1-7 : « Voici mon serviteur dont je prendrai la défense ; voici mon élu dans lequel mon âme a mis toute son affection : j’ai répandu mon esprit sur lui, et il rendra la justice aux nations. 2. Il ne criera point, il n’aura point égard aux personnes, et on n’entendra point sa voix dans les rues. 3. Il ne brisera point le roseau cassé, et il n’éteindra point la mèche qui fume encore : il jugera dans la vérité. 4. Il ne sera point triste ni précipité, jusqu’à ce qu’il exerce son jugement sur la terre ; et les nations attendront sa loi. 5. Voici ce que dit le Seigneur notre Dieu qui a créé et qui a étendu les cieux ; qui a affermi la terre, et qui en a fait sortir toutes les plantes ; qui donne le souffle et la respiration au peuple qui la remplit, et la vie à ceux qui y marchent. 6. Je suis le Seigneur qui vous ai appelé dans la justice, qui vous ai pris par la main, et vous ai conservé, qui vous ai établi pour être le réconciliateur du peuple et la lumière des nations ; 7. pour ouvrir les yeux des aveugles, pour tirer des fers ceux qui étaient enchaînés, et pour faire sortir de prison ceux qui étaient assis dans les ténèbres. » La Septante donne au v. 1 : « Jacob est mon serviteur ». Mon élu : « Jésus-Christ qui est lui-même l’interprète de ces paroles ».

 

Les prophètes doivent être inintelligibles aux impies. Da., 12 ; mais intelligibles à ceux qui sont bien instruits. Osée, ult. 10.

 

Daniel, XII, 8-10. « J’entendis ce qu’il disait, mais je ne le compris pas, et je lui dis : Mon seigneur, qu’arrivera-t-il après cela ? 9. Et il me dit : Allez, Daniel ; car ces paroles sont fermées et sont scellées jusqu’au temps qui a été marqué. 10. Plusieurs seront élus, seront rendus blancs et purs, et seront éprouvés comme par le feu ; les impies agiront avec impiété, et tous les impies n’auront point l’intelligence : mais ceux qui seront instruits comprendront la vérité des choses. »

Commentaire de Port-Royal : « Dans tous les temps de ces différentes persécutions, tant des Juifs que des chrétiens, il y en aura plusieurs qui étant du nombre des élus de Dieu, seront éprouvés et purifiés par les souffrances, comme l’or l’est par le feu. Mais en même temps que les bons se perfectionneront au milieu des maux dont ils seront accablés, les impies croîtront encore en impiété. Et ayant le cœur impur, ils négligeront de connaître les voies de Dieu, et seront privés de l’intelligence des prophéties, qui est réservée aux personnes spirituelles. Car ceux qui sont savants dans la science du royaume de Dieu en connaîtront la vérité à mesure qu’elles s’accompliront ; et ils en recevront une sensible consolation, pour se soutenir contre toutes les épreuves où leur foi se trouvera exposée, selon la parole de l’Apôtre, qui joint la patience à la consolation qu’on reçoit des Écritures, et qui déclare que l’une et l’autre est le fondement de notre espérance [Rom. XV, 4]. »

Osée, XIV, 10. « Qui est sage pour comprendre ces merveilles ? qui a l’intelligence pour les pénétrer ? car les voies du Seigneur sont droites, et les justes y marcheront sûrement ; mais les violateurs de la loi y périront. » L’abréviation ult signifie que c’est le dernier chapitre d’Osée.

Kolakowski Leszek, Dieu ne nous doit rien, Brève remarque sur la religion de Pascal et l’esprit du jansénisme, p. 188-189.

 

Les prophéties qui le représentent pauvre le représentent maître des nations. Is.,  52. 16, etc. ; 53 ; Zach., 9. 9.

 

Il n’y a pas d’Isaïe LII, 16. Le chapitre LII exalte en effet la puissance du Dieu libérateur, mais le verset 14 le représente pauvre : « Comme vous avez été l’étonnement de plusieurs par votre désolation, il paraîtra aussi sans gloire devant les hommes, et dans une forme méprisable aux yeux des enfants des hommes. »

Commentaire de Port-Royal : ces paroles « s’entendent visiblement du Sauveur. Il est dit de lui qu’il a paru dans une forme méprisable aux hommes, non qu’il ait affecté de paraître difforme, dit saint Jérôme, mais parce qu’il a paru dans un état bas, et dans une vie pauvre et humble ; ce qui a été, et qui sera toujours méprisé des hommes superbes : Contemnistis humilem adventum filii Dein dit saint Augustin, quia non in eo vidistis pompam saeculi [In Psalm. 13]. »

Voir Preuves de Jésus-Christ 11 (Laf. 308, Sel. 339). Il est bien ridicule de se scandaliser de la bassesse de Jésus-Christ, comme si cette bassesse était du même ordre duquel est la grandeur qu’il venait faire paraître. Qu’on considère cette grandeur-là dans sa vie, dans sa passion, dans son obscurité, dans sa mort, dans l’élection des siens, dans leur abandonnement, dans sa secrète résurrection et dans le reste. On la verra si grande qu’on n’aura pas sujet de se scandaliser d’une bassesse qui n’y est pas.

Isaïe, XVI, 5. « Il viendra un roi dans la maison de David, son trône s’établira dans la miséricorde, et il s’y assiéra dans la vérité, il sera un juge équitable ; il s’informera avec soin de toutes choses, et il rendra à tous une prompte et exacte justice. »

Isaïe, LIII, 3-5. « Il nous a paru un objet de mépris, le dernier des hommes, un homme de douleurs, qui sait ce que c’est que souffrir : son visage était comme caché ; il paraissait méprisable, et nous ne l’avons point reconnu. 4. Il a pris véritablement nos langueurs sur lui, et il s’est chargé lui-même de nos douleurs : nous l’avons considéré comme un lépreux, comme un homme frappé de Dieu, et humilié. 5. Et cependant il a été percé de plaies pour nos iniquités, il a été brisé pour nos crimes : le châtiment qui nous devait procurer la paix est tombé sur lui, et nous avons été guéris par ses meurtrissures. »

Zacharie, IX, 9. « Fille de Sion, soyez ravie de joie, fille de Jérusalem poussez des cris d’allégresse : voici votre Roi qui vient à vous, ce Roi juste qui est le Sauveur : il est pauvre : et il est monté sur une ânesse et sur le poulain de l’ânesse. »

Allusion à l’entrée du Christ à Jérusalem monté sur un âne. Voir

Jean, XII, 14-16. « Et Jésus ayant trouvé un ânon, monta dessus, selon qu’il est écrit : 15. Ne craignez point, fille de Sion : voici votre Roi qui vient monté sur le poulain d’une ânesse. 16. Les disciples ne firent point d’abord attention à cela ; mais quand Jésus fut entré dans sa gloire, ils se souvinrent alors que ces choses avaient été écrites de lui, et que ce qu’ils avaient fait à son égard, en était l’accomplissement. »

Matthieu, XXI, 1-9. « Lorsqu’ils approchèrent de Jérusalem, étant arrivés à Bethphagé, près de la montagne des Oliviers, Jésus envoya deux de ses disciples, 2. et leur dit : Allez à ce village qui est devant vous, et vous y trouverez en arrivant une ânesse liée, et son ânon auprès d’elle ; déliez-la, et me l’amenez : 3. si quelqu’un vous dit quelque chose, dites-lui que le Seigneur en a besoin, et aussitôt il les laissera emmener. 4. Or tout ceci s’est fait, afin que cette parole du prophète fût accomplie : 5. Dites à la fille de Sion : Voici votre Roi qui vient à vous, plein de douceur, monté sur une ânesse, et sur l’ânon de celle qui est sous le joug. 6. Les disciples s’en allèrent donc, et firent ce que Jésus leur avait commandé. 7. Et ayant amené l’ânesse et l’ânon, ils les couvrirent de leurs vêtements, et le firent monter dessus. 8. Une grande multitude de peuple étendit aussi ses vêtements le long du chemin ; les autres coupaient des branches d’arbres, et les jetaient par où il passait : 9. et tous ensemble, tant ceux qui allaient devant lui, que ceux qui le suivaient, criaient : Hosanna, salut et gloire, au Fils de David : béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, Hosanna, salut et gloire, lui soit au plus haut des cieux. »

 

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Les prophéties qui prédisent le temps ne le prédisent que maître des gentils et souffrant, et non dans les nuées, ni juge. Et celles qui le représentent ainsi jugeant et glorieux ne marquent point le temps.

 

Havet, éd. Pensées, II, Delagrave, 1866, p. 26. Maître des nations est dans le sens de dominateur ; maître des Gentils dans celui de précepteur. Voir plus loin un endroit où Pascal cite deux textes d’Isaïe ; mais ces textes ne marquent pas le temps.

Pascal pense que, dans les prophéties, il se trouve des passages qui sont intelligibles par la raison, et d’autres qui ne sont compris que par le cœur. Les parties accessibles à la raison sont celles qui touchent le temps de la venue du Messie, car les annonces des prophètes sont suffisamment claires pour que, même avant l’avènement du Messie, les hommes pouvaient compter les années et savoir à quelle époque il devait paraître. Ces prophéties annoncent ce qui sera immédiatement visible : dans le cas présent, c’est la condition humble du Christ et ses souffrances durant la Passion qui sont mentionnées, car ces signes sont assez concrets pour constituer un signe facile à comprendre. En revanche, d’autres parties de la prophétie sont destinées seulement aux cœurs purs, qui les comprendront par sentiment immédiat ; il ne s’agit plus alors du temps de la venue du Messie, parce que, comme on vient de le dire, le temps est calculable par la raison.

En revanche, la part de la prophétie qui s’adresse au cœur annonce la manière dont le Christ doit apparaître. Elle ne dit rien du temps, mais elle annonce la puissance du Messie : or celle-ci ne se voit qu’à travers sa Passion et ses souffrances, dont seul le cœur peut saisir qu’elle est le signe de sa grandeur, comme Pascal l’a dit dans le fragment sur les trois ordres.

Loi figurative 11 (Laf. 255, Sel. 287). Dieu, pour rendre le Messie connaissable aux bons et méconnaissable aux méchants l’a fait prédire en cette sorte, si la manière du Messie eût été prédite clairement il n’y eût point eu d’obscurité même pour les méchants.

Si le temps eût été prédit obscurément il y eût eu obscurité même pour les bons car la bonté de leur cœurne leur eût pas fait entendre que par exemple le ם signifie 600 ans. Mais le temps a été prédit clairement et la manière en figures.

Par ce moyen les méchants prenant les biens promis pour matériels s’égarent malgré le temps prédit clairement et les bons ne s’égarent pas.

Car l’intelligence des biens promis dépend du cœur qui appelle bien ce qu’il aime, mais l’intelligence du temps promis ne dépend point du cœur. Et ainsi la prédiction claire du temps et obscure des biens ne déçoit que les seuls méchants.

Loi figurative 25 (Laf. 270, Sel. 301). Figures.

Les Juifs avaient vieilli dans ces pensées terrestres : que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair et ce qui en sortait, que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples sans souffrir qu’ils s’y mêlassent, que quand ils languissaient dans l’Égypte il les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur, qu’il les nourrit de la manne dans le désert, qu’il les mena dans une terre bien grasse, qu’il leur donna des rois et un temple bien bâti pour y offrir des bêtes, et, par le moyen de l’effusion de leur sang qu’ils seraient purifiés, et qu’il leur devait enfin envoyer le Messie pour les rendre maîtres de tout le monde, et il a prédit le temps de sa venue.

Le monde ayant vieilli dans ces erreurs charnelles, Jésus-Christ est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l’éclat attendu, et ainsi ils n’ont pas pensé que ce fût lui. Après sa mort saint Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étaient arrivées en figure, que le royaume de Dieu ne consistait pas en la chair, mais en l’esprit, que les ennemis des hommes n’étaient pas leurs Babyloniens, mais leurs passions, que Dieu ne se plaisait pas aux temples faits de main, mais en un cœur pur et humilié, que la circoncision du corps était inutile, mais qu’il fallait celle du cœur, que Moïse ne leur avait pas donné le pain du ciel etc. Mais Dieu n’ayant pas voulu découvrir ces choses à ce peuple qui en était indigne et ayant voulu néanmoins les produire afin qu’elles fussent crues, il en a prédit le temps clairement et les a quelquefois exprimées clairement mais abondamment en figures afin que ceux qui aimaient les choses figurantes s’y arrêtassent et que ceux qui aimaient les figurées les y vissent. [...] Les Juifs ont tant aimé les choses figurantes et les ont si bien attendues qu’ils ont méconnu la réalité quand elle est venue dans le temps et en la manière prédite.

Prophéties 12 (Laf. 333, Sel. 365). Prophéties. Le temps prédit par l’état du peuple juif, par l’état du peuple païen, par l’état du temple, par le nombre des années.

Havet, Pensées, II, p. 26, intègre au texte, à cet endroit, les lignes suivantes : « Quand il est parlé du Messie comme grand et glorieux, il est visible que c’est pour juger le monde, et non pour le racheter. » Ces mots sont tirés de la fin du chapitre XV de l’édition de Port-Royal, où ils se trouvent isolés des autres fragments. L’édition GEF signale que « Port-Royal publie à la suite de cette remarque la réflexion » en question ; « elle a été incorporée au texte de Pascal par tous les éditeurs, sauf M. Molinier ; mais ni le manuscrit ni les Copies n’en portent trace ». Condorcet non plus n’a pas retenu ce passage dans son édition. Parmi les éditions modernes, l’édition Lafuma Luxembourg ne retient pas ce texte, et le cite seulement dans le t. 2, Notes, p. 91. Parmi les éditions récentes, celles de Philippe Sellier ; M. Le Guern exclut aussi ce texte de son édition ; mais il le propose à sa place dans l’édition du texte des Pensées de Port-Royal qu’il a annexée aux Pensées dans le second volume de son édition des Œuvres complètes, dans la Pléiade, p. 964. Cette insertion, qui a été redécouverte par Laurent Thirouin, Marie Pérouse et Gilles Proust, qui en ont publié sous le titre “Une « nouvelle » pensée de Pascal”, a fait l’objet d’une étude dans le Courrier du Centre International Blaise Pascal, n° 27, 2005, p. 3-6. Jean Mesnard a publié une discussion sur cette redécouverte dans le même Courrier du Centre International Blaise Pascal, n° 28, 2006, p. 27-36, sous le titre “Sur une « nouvelle pensée » de Pascal, authentique ou fabriquée ?”. Ces deux études contiennent non seulement une discussion de fond sur l’authenticité du texte, mais de très utiles indications sur sa signification de fond. Voir ce fragment.

 

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Qu’il doit être la victime pour les péchés du monde. Ps., 39 ; Is., 53, etc.

 

Le psaume XXXIX est un psaume de remerciement adressé à Dieu pour la délivrance des maux qui affligent les hommes. Mais l’idée que le Christ doit être la « victime pour les péchés du monde » ne paraît pas s’y trouver. L’idée se trouverait plutôt dans le passage d’Isaïe mentionné ensuite : « Et cependant il a été percé de plaies pour nos iniquités, il a été brisé pour nos crimes : le châtiment qui nous devait procurer la paix est tombé sur lui, et nous avons été guéris par ses meurtrissures. »

Havet, éd. Pensées, II, Delagrave, 1866, p. 26. Citation qui paraît inexacte.

Isaïe, LIII, 3-10. « Il nous a paru un objet de mépris, le dernier des hommes, un homme de douleurs, qui sait ce que c’est que souffrir : « son visage était comme caché, il paraissait méprisable, et nous ne l’avons point reconnu. 4. Il a pris véritablement nos langueurs sur lui, et il s’est chargé lui-même de nos douleurs : nous l’avons considéré comme un lépreux, comme un homme frappé de Dieu, et humilié. 5. Et cependant il a été percé de plaies pour nos iniquités, il a été brisé pour nos crimes : le châtiment qui nous devait procurer la paix est tombé sur lui, et nous avons été guéris par ses meurtrissures. 6. Nous nous étions tous égarés comme des brebis errantes, chacun s’était détourné pour suivre sa propre voie : et Dieu l’a chargé lui seul de l’iniquité de nous tous. 7. Il a été offert, parce que lui-même l’a voulu, et il n’a point ouvert la bouche : il sera mené à la mort comme une brebis qu’on va égorger, il demeurera dans le silence sans ouvrir la bouche, comme un agneau est muet devant celui qui le tond. 8. Il est mort au milieu des douleurs, ayant été condamné par des juges. Qui racontera sa génération ? Car il a été retranché de la terre des vivants. Je l’ai frappé à cause des crimes de mon peuple. 9. Et il donnera les impies pour le prix de sa sépulture, et les riches pour la récompense de sa mort : parce qu’il n’a point commis d’iniquité, et que le mensonge n’a jamais été dans sa bouche. 10. Mais le Seigneur l’a voulu briser dans son infirmité : s’il livre son âme pour le péché, il verra sa race durer longtemps, et la volonté de Dieu s’exécutera heureusement par sa conduite. »

Commentaire de Port-Royal : « Tout ce chapitre représente une description si claire et si intelligible de la passion du Sauveur, qu’on y croit voir, selon la parole de saint Jérôme, plutôt un évangéliste qu’un prophète. » « Le Fils de Dieu a pris plaisir à s’abaisser profondément, et comme dit saint Paul, à s’anéantir dans sa passion. Il a souffert les injures, les railleries sanglantes, les souffrances, les crachats ; il est devenu comme un roi de théâtre, et comme le jouet du peuple. Et cette parole du prophète a été accomplie à la lettre : Il sera soûlé d’opprobres : Saturabitur opprobriis [Lament. III, 30]. Ainsi il a voulu que le remède qu’il nous a préparé égalât et surmontât même cette maladie de l’orgueil qui est enracinée si profondément dans le cœur de l’homme ». Sur le verset 5 : « La suite de ces paroles est claire et touchante, combien nous a aimés celui qui s’est haï lui-même en quelque sorte, en permettant aux hommes de le traiter si cruellement, afin que ses plaies refermassent les autres, et que nous fussions guéris par ses meurtrissures, comme saint Pierre le dit après le prophète ».

 

Il doit être la pierre fondamentale et précieuse. Is., 28, 16.

 

Isaïe, XXVIII, 16. « C’est pourquoi, dit le Seigneur notre Dieu, je m’en vais mettre pour fondement de Sion une pierre, une pierre éprouvée, angulaire, précieuse, qui sera un ferme fondement : que celui qui croit attende, et qu’il ne se hâte point. »

 

Il doit être la pierre d’achoppement, de scandale. Is.,  8.

Jérusalem doit heurter contre cette pierre.

 

Isaïe, VIII, 14-15. « Et il deviendra votre sanctification : et il sera une pierre d’achoppement, une pierre de scandale, pour les deux maisons d’Israël ; un piège et un sujet de ruine à ceux qui habitent dans Jérusalem. 15. Plusieurs d’entre eux se heurteront contre cette pierre ; ils tomberont et se briseront ; ils s’engageront dans le filet, et y seront pris. » Une note indique que l’hébreu, pour sanctification, donne sanctuaire, asile.

 

Les édifiants doivent réprouver cette pierre, Ps., 117, 22.

Dieu doit faire de cette pierre le chef du coin.

 

Psaumes, CXVII, 21-22. « La pierre que ceux qui bâtissaient avaient rejetée, a été placée à la tête de l’angle. 22. C’est le Seigneur qui a fait cela ; et c’est ce qui paraît à nos yeux digne d’admiration. »

Commentaire de Port-Royal : « Quelques interprètes continuent d’expliquer ceci de David, en disant : qu’après avoir été rejeté, il fut enfin établi Roi de tout le peuple de Dieu, et comme la principale pierre de l’angle, qui réunit les deux Royaumes auparavant divisé de Juda et d’Israël ; et ils témoignent, qu’il a été en cela la figure de Jésus-Christ. Mais saint Chrysostome qui avait interprété à la lettre, de David, tout ce qui précède, ne craint pas de dire, qu’il est clair que ceci est une prophétie qui regarde uniquement le Sauveur. Et il ajoute, qu’on ne doit point s’étonner, que cette prédiction soit ainsi entremêlée dans ce Psaume, sans dépendance de ce qui précède ; parce qu’il est ordinaire à l’Écriture d’en user de cette sorte ».

Le chef du coin : Havet, éd. Pensées, II, Delagrave, 1866, p. 26. Même psaume que plus haut. Pascal traduit mot à mot l’expression latine, caput anguli, la tête de l’angle, la pierre angulaire.

La Bible de Louvain traduit : « La pierre laquelle les édifiants ont réprouvée, icelle a été faite pour le chef de l’anglet ». Le Dictionnaire de Nicot donne le mot anglet, au sens de « coing de toutes choses ».

 

Et cette pierre doit croître en une immense montagne et doit remplir toute la terre. Dan., 2.

 

Daniel, II, 35. « Alors le fer, l’argile, l’airain, l’argent et l’or se brisèrent tout ensemble, et devinrent comme la menue paille que le vent emporte hors de l’aire pendant l’été, et ils disparurent sans trouver plus aucun lieu : mais la pierre qui avait frappé la statue, devint une grande montagne qui remplit toute la terre. »

 C’est un passage du rêve de Nabuchodonosor, dont Daniel a donné l’interprétation. Voir Prophéties III (Laf. 485, Sel. 720).

 

Qu’ainsi il doit être rejeté, méconnu, trahi. [Ps.] 108, 8 ; vendu. Zach., 11, 12 ; craché, souffleté, moqué, affligé en une infinité de manières,

abreuvé de fiel. Ps., 68 ;

 

Psaumes, CVIII, 8. Havet remarque que l’on « ne voit pas que ce verset contienne précisément l’équivalent du mot rejeté. ». Mais il renvoie au verset qui porte dans la Bible de Port-Royal, comme dans la Bible de Jérusalem, le numéro 8 (dans le Psaume 109), « Fiant dies ejus pauci, et episcopatum ejus accipiat alter ». En revanche, dans la Bible de Port-Royal ce verset porte le n° 7 (« Que ses jours soient abrégés, et qu’un autre reçoive son épiscopat »). Le verset n° 8 est le suivant : « Que ses enfants deviennent orphelins ; et que sa femme devienne veuve »). Cependant, comme Havet le remarque lui-même, ces malédictions, qui dans ce psaume sont censées accabler un fidèle, peuvent être appliquées au Christ.

L’édition Le Guern préfère renvoyer au verset 3 : « Au lieu qu’ils devaient m’aimer, ils me déchiraient par leurs médisances : mais pour moi, je me contentais de prier ».

Zacharie, XI, 12. « Et je leur dis, Si vous jugez qu’il soit juste de me payer, rendez-moi la récompense qui m’est due ; sinon, ne le faites pas. Ils pesèrent alors trente pièces d’argent, qu’ils me donnèrent pour ma récompense. »

Commentaire de Port-Royal : « Zacharie, après avoir gouverné le peuple juif, selon l’ordre qu’il en avait reçu, lui demande la récompense de ses soins, comme un berger qui demande le paiement de son travail, laissant néanmoins à leur liberté de le payer ou de ne le pas payer. Il reçut alors trente pièces d’argent, qui était une somme beaucoup en dessous de celle qui lui aurait été due avec justice. Et Dieu lui commanda d’aller porter cet argent dans le temple, et de le mettre entre les mains d’un potier, se plaignant de ce que son peuple avait mis à si vil prix toutes les grâces qu’il lui avait faites. Car comme c’était lui qui les avait gouvernés par son prophète, c’était aussi sur lui que retombait l’outrage qu’ils lui faisaient par un traitement si indigne ». Ce récit est « tout ensemble, sous des regards différents, et l’image d’une chose présente, et la prophétie d’un événement futur ». L’interprétation présente montre que Dieu demandait aux Juifs « l’amour et l’observation de ses commandements », que le peuple lui refuse. Mais d’autre part, « tous les chrétiens savent maintenant que ces trente pièces d’argent sont le prix que Judas reçut des Juifs pour leur livrer Jésus-Christ ; que reconnaissant son crime, il rapporta cet argent dans le temple ; et que les prêtres ne voulant pas mettre cet argent dans le trésor, le donnèrent à un potier, dont ils achetèrent le champ pour y ensevelir les étrangers. Il n’est point nécessaire de chercher d’autre sens à toutes ces circonstances, après que l’Évangile nous en a parlé si clairement, lorsqu’il dit : Ainsi fut accomplie cette parole du prophète, Ils ont reçu les trente pièces d’argent qui étaient le prix de celui qui a été mis à pris, et ils les ont donnés pour le champ d’un potier, comme le Seigneur me l’a ordonné ».

Affligé en une infinité de manières : voir Havet, éd. Pensées, II, Delagrave, 1866, p. 27. Les éditions renvoient au Psaume LXVIII, 27 (v. 31 dans la Bible de Port-Royal), sans doute aux paroles : super dolorem vulnerum meorum addiderunt, « Parce qu’ils ont persécuté celui que vous avez frappé, et qu’ils ont ajouté à la douleur de mes plaies des douleurs nouvelles ».

Abreuvé de fiel : dans la Vulgate et la Bible de Louvain, la référence est exacte. Louvain donne : « Et ils m’ont donné fiel pour ma viande : et m’ont abreuvé de vinaigre pour ma soif ». Mais dans la Bible de Port-Royal, il faut renvoyer au verset 26 : « Et ils m’ont donné du fiel pour ma nourriture, et dans ma soif ils m’ont présenté du vinaigre à boire ».

 

transpercé. Zach., 12, 10 ; les pieds et les mains percés, tué et ses habits jetés au sort.

 

Zacharie, XII, 10. « Et je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem, un esprit de grâce et de prières. Ils jetteront les yeux sur moi qu’ils auront percé de plaies ; ils pleureront avec des larmes et des soupirs celui qu’ils auront blessé, comme on pleure un fils unique ; et ils seront pénétrés de douleur, comme l’est une mère à la mort d’un fils aîné. »

Commentaire de Port-Royal : « Quelques-uns expliquent ces paroles : Je répandrai sur les Juifs mon Esprit qui les remettra en grâce avec moi ; qui leur inspirera des sentiments de componction pour implorer ma miséricorde, et qui leur fera lever les yeux vers moi qu’ils ont percé, c’est-à-dire qu’ils ont offensé par tant de crimes, afin d’obtenir par une sincère pénitence le pardon de tant d’outrages qu’ils m’ont faits.

Mais quelque vraisemblable que paraisse cette explication, saint Jean nous apprend dans son Évangile et dans son Apocalypse [Apoc. I, v. 7], que le sens principal de ces paroles, Ils verront celui qu’ils ont percé, regarde Jésus-Christ, percé d’une lance sur la croix.

Cette prophétie a été donc entièrement accomplie le jour de la Pentecôte, lorsque Dieu répandit sur la véritable maison de David, c’est-à-dire sur son Église qui était assemblée à Jérusalem, le Saint-Esprit qu’il avait promis aux Apôtres, qui était vraiment un Esprit de grâce et de prière, puisque remplissant les cœurs de sa grâce pour leur faire faire le bien avec une charité ardente, il les pénétra en même temps du sentiment et de la connaissance de leur faiblesse, et du besoin qu’ils avaient de la prière, pour invoquer sans cesse le secours de celui sans la grâce duquel ils ne pouvaient rien.

Dieu répandit encore le même jour de la Pentecôte sur les Juifs qui entendirent la prédication de saint Pierre, cet esprit de grâce et de prière, qui toucha leur cœur, qui leur fit avoir recours à lui, et qui leur fit reconnaître pour leur Sauveur et leur Dieu, celui qu’ils avaient percé et attaché à une croix ».

les pieds et les mains percés : Psaumes, XXI, 18. « Ils ont percé mes mains et les pieds : et ils ont compté tous mes os ».

tué : Daniel, IX, 26. « Et après soixante et deux semaines le Christ sera mis à mort ; et le peuple qui le doit renoncer ne sera point son peuple. Un peuple avec son chef qui doit venir, détruira la ville et le Sanctuaire : elle finira par une ruine entière, et la désolation qui lui a été prédite arrivera après la fin de la guerre. » Une note indique que, dans la Bible hébraïque, le peuple qui le doit renoncer ne sera point son peuple doit se comprendre il sera abandonné de tout le monde.

et ses habits jetés au sort : Psaumes, XXI, 19. « Ils se sont appliqués à me regarder et à me considérer : ils ont partagé entre eux mes habits, et ils ont jeté le sort sur ma robe. » Le commentaire de la Bible de Port-Royal note que ce Psaume décrit la passion du Christ « avec la même clarté qu’on la lit dans l’Évangile ».

 

Les Juifs, en le tuant pour ne le point recevoir pour Messie, lui ont donné la dernière marque de Messie.

Et en continuant à le méconnaître, ils se sont rendus témoins irréprochables.

Et en le tuant et continuant à le renier, ils ont accompli les prophéties.

 

Les Juifs sont, pour Pascal tout à la fois les ennemis de la religion chrétienne parce qu’ils ont refusé Jésus-Christ, et la meilleure preuve de la religion chrétienne, parce que leur conduite à son égard ont accompli les prophéties dont ils ont toujours été jalousement porteurs, sans les comprendre pour autant.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 485 sq. Un témoignage non suspect. Le peuple juif, charnel de nature, a eu une « ardeur extraordinaire pour ses prophètes » : voir Prophéties VIII (Laf. 502, Sel. 738). Il fallait que pour donner foi au Messie il y eût eu des prophéties précédentes et qu’elles fussent portées par des gens non suspects et d’une diligence et fidélité et d’un zèle extraordinaire et connu de toute la terre. Pour faire réussir tout cela Dieu a choisi ce peuple charnel auquel il a mis en dépôt les prophéties qui prédisent le Messie comme libérateur et dispensateur des biens charnels que ce peuple aimait. Et ainsi il a eu une ardeur extraordinaire pour ses prophètes et a porté à la vue de tout le monde ces livres qui prédisent leur Messie assurant toutes les nations qu’il devait venir et en la manière prédite dans les livres qu’ils tenaient ouverts à tout le monde. Et ainsi ce peuple déçu par l’avènement ignominieux et pauvre du Messie ont été ses plus cruels ennemis, de sorte que voilà le peuple du monde le moins suspect de nous favoriser et le plus exact et zélé qui se puisse dire pour sa loi et pour ses prophètes qui les porte incorrompus. De sorte que ceux qui ont rejeté et crucifié Jésus-Christ qui leur a été en scandale  sont ceux qui portent les livres qui témoignent de lui et qui disent qu’il sera rejeté et en scandale, de sorte qu’ils ont marqué que c’était lui en le refusant et qu’il a été également prouvé et par les justes juifs qui l’ont reçu et par les injustes qui l’ont rejeté, l’un et l’autre ayant été prédits. C’est pour cela que les prophéties ont un sens caché, le spirituel, dont ce peuple était ennemi, sous le charnel dont il était ami. Si le sens spirituel eut été découvert ils n’étaient pas capables de l’aimer et ne pouvant le porter ils n’eussent point eu le zèle pour la conservation de leurs livres et de leurs cérémonies et s’ils avaient aimé ces promesses spirituelles et qu’ils les eussent conservées incorrompues jusqu’au Messie leur témoignage n’eût point eu de force puisqu’ils en eussent été amis. Les Juifs ont conservé avec soin les textes prophétiques : p. 486. Les Juifs sont ennemis des chrétiens, et ne sont donc pas suspects de vouloir les favoriser : p. 486 sq.

Sellier Philippe, “La lumière immobile. L’univers biblique d’un catholique sous Louis XIV”, in Port-Royal et la littérature, II, p. 187-210.

L’expression témoins irréprochables se trouve dès avril 1645, chez Arnauld Antoine, Seconde apologie pour Monsieur Jansénius, Œuvres, XVII, p. 1-637 Livre II, ch. V, Proposition VII. Les Juifs sont « témoins irréprochables » et servent au salut des vrais chrétiens : p. 118.

La Genèse, tr. Sacy, Ie partie, Préface, § V.

« Il est important d’ajouter ici quelques réflexions sur l’état présent des Juifs, parce qu’ils sont une des marques les plus claires de la vérité de notre foi. [...]  Ceci nous fait voir combien il est vrai que Dieu est le maître et l’arbitre de tout ce qui se passe sur la terre : et que le cours du monde n’a point d’autre loi que son ordre souverain, et l’accomplissement de ses desseins éternels. Car qui n’admirera, selon la réflexion très judicieuse de saint Augustin, les marques de la sagesse et de la toute-puissance de Dieu, qui éclatent sensiblement dans toute la manière dont il a conduit le peuple Juif ? Il choisit ce peuple quinze siècles avant Jésus-Christ. Il lui donne sa loi. Il le rend dépositaire de sa parole et de ses promesses. Et il fait que tout ce peuple devient comme un grand Prophète : Magnus quidam Propheta, dit saint Augustin [August. contra Faust. lib. 19. cap. 22] ; en sorte que dans son élévation, dans son abaissement, dans ses victoires, dans ses défaites, dans son sacerdoce, dans ses sacrifices, dans son temple, dans ses Juges, dans ses Rois, dans ses prophéties ; et enfin dans tout ce qui lui arrive, selon ce qui vient d’être cité de saint Paul, il est la figure vivante et animée de tout ce qui devait arriver à Jésus-Christ et à son Église. Et après que Jésus-Christ a paru dans le monde, et que ces mêmes Juifs qui mettaient toute leur gloire à attendre le Messie, l’ont rejeté, et l’ont fait mourir cruellement, Dieu les a rejetés aussi par une très grande justice. Mais en même temps il a fait que leur réprobation est devenue plus utile à l’Église, que n’aurait été leur conversion. Car s’ils avoient embrassé la foi, ils auraient pu être suspects aux Gentils, auxquels ils devaient apprendre la vérité des prophéties, puisqu’il est aisé que les Chrétiens soutiennent tout ce qui favorise Jésus-Christ [August. De cons. Ev. l. 1. c. 14.]. « Au lieu que maintenant Dieu les a dispersés, et les fait subsister depuis dix-sept siècles dans toute la terre, comme des témoins irréprochables qui déposent en tous lieux en faveur de Jésus-Christ et de sa Religion au même temps qu’ils détestent l’un et l’autre ; et qui conservant avec un grand respect l’Écriture sainte, à la lettre de laquelle ils s’attachent inviolablement, présentent cette même Écriture en tous lieux, afin que tous les hommes y lisent en des termes très-clairs et très convaincants la justification de notre foi, et la condamnation de leur perfidie » [August. De cons. Evang. lib. 1. cap. 26.] : Gens Judeorum, dit saint Augustin, reproba per infidelitatem, à sedibus extirpata per mundum usquequaque dispergitur, ut ubique portet codices sanctos : Ac sic prophetiæ testimonium, quâ Christus et Ecclesia prœnuntiata est, ne ad tempus à nobis fictum existimaretur, ab ipsis adversariis proferatur ; ubi etiam ipsos prædictum est non fuisse credituros » [August. epist. 3. ad Volusian].

Isaïe, traduit en français, Paris, Desprez, 1686, tr. Le Maître de Sacy, Préface, p. 1. I. Que l’autorité des prophètes est la preuve la plus assurée de la religion chrétienne. Même les païens admettaient la clarté des prophéties, et n’ont pu y résister « qu’en disant qu’elles avaient été feintes après que les choses étaient arrivées » : p. 1. Les chrétiens ne répondent pas d’eux-mêmes : ils renvoient aux Juifs : « nous ne voulons point en être crus ; mais nous nous en rapportons à ce que les Juifs vous en pourront dire ». Cela est juste, car ils ont été les dépositaires des prophéties, et « que c’est en leur langue qu’elles ont été écrites » : p. 3. Et « leur témoignage aussi ne vous doit pas être suspect, car nous prenons en ceci nos parties mêmes pour juges », qui sont « les ennemis irréconciliables de notre religion ».

Delassault Geneviève, Le maître de Sacy et son temps, p. 184. La haine manifestée par les Juifs pour le Christ, leur attachement à la Loi, le refus de croire en ont fait des témoins irréprochables, selon Sacy. Preuve déjà employée par Cl. Morel, Démonstration de la vérité, 1651, ch. IV, p. 99, et J. Macé, L’économie de la vraie religion, t. 1, ch. II, p. 228. Ils citent saint Augustin, De Cons. Evang., livre I, ch. IV et XXVI. Voir p. 194, n. 210 : Sacy insiste beaucoup sur la véracité des prophéties prouvées par le témoignage des Juifs non suspects.

Dans sa traduction de Saint Augustin, De Cons. Evang. I, c. 26, Sacy use de l’expression témoins irréprochables.

Boucher Jean, Les triomphes de la religion chrétienne, II, Q. 4, p. 160. « Nous avons pris ces Écritures de la main des Juifs, qui sont nos ennemis capitaux, lesquels en l’état où ils sont maintenant, ne diront, ni ne feront jamais rien volontairement qui soit à notre avantage ».

Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, éd. Pléiade, p. 858. L’Écriture a été mise entre des mains non suspectes.

Laf. 592, Sel. 492. Si les Juifs eussent été tous convertis par Jésus-Christ nous n’aurions plus que des témoins suspects. Et s’ils avaient été exterminés, nous n’en aurions point du tout.

 

Qu’il ressusciterait. Ps., 15 ; le troisième jour. Os., 6, 3.

 

Le Psaume XV, v. 10, auquel renvoient les commentateurs, de E. Havet (éd. Pensées, II, Delagrave, 1866, p. 35) à Ph. Sellier, ne paraît pas visiblement faire allusion à la résurrection : « Parce que vous ne laisserez point mon âme dans l’enfer, et ne souffrirez point que votre saint soit sujet à la corruption ». Cependant le commentaire de la Bible de Port-Royal propose l’éclaircissement suivant : « Saint Pierre et saint Paul ayant expliqué tous deux cet endroit de Jésus-Christ même, nous devons comme eux regarder ces paroles du roi David comme une vraie prophétie de la résurrection du Sauveur, qu’il envisageait dès lors par la lumière de la foi ». Jésus-Christ est censé parler dans ce passage « comme homme ».

Symbole des Apôtres (Credo) : « Le troisième jour est ressuscité des morts ».

Osée, VI, 1-3. « Dans l’excès de leur affliction, ils se hâteront d’avoir recours à moi. Venez, diront-ils, retournons au Seigneur, 2. parce que c’est lui-même qui nous a faits captifs, et qui nous délivrera ; qui nous a blessés, et qui nous guérira. 3. Il nous rendra la vie dans deux jours ; le troisième jour il nous ressuscitera ; et nous vivrons en sa présence. Nous entrerons dans la science du Seigneur, et nous le suivrons afin de le connaître de plus en plus. Son lever sera semblable à celui de l’aurore, et il descendra sur nous, comme les pluies de l’automne et du printemps viennent sur la terre. »

 

Qu’il monterait au ciel pour s’asseoir à la droite. Ps., 110.

 

Psaume CIX (CX), 1. « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite ».

Laf. 624, Sel. 517. Prophéties. Que Jésus-Christ sera à la droite pendant que Dieu lui assujettira ses ennemis. Donc il ne les assujettira pas lui-même.

Loi figurative 27 (Laf. 272, Sel. 303). Figures. Quand la parole de Dieu qui est véritable est fausse littéralement elle est vraie spirituellement. Sede a dextris meis : cela est faux littéralement, donc cela est vrai spirituellement. En ces expressions il est parlé de Dieu à la manière des hommes. Et cela ne signifie autre chose sinon que l’intention que les hommes ont en faisant asseoir à leur droite Dieu l’aura aussi. C’est donc une marque de l’intention de Dieu, non de sa manière de l’exécuter.

Symbole des Apôtres (Credo) : « Est monté aux cieux, Est assis à la droite de Dieu ».

 

Que les rois s’armeraient contre lui. Ps., al. 2.

 

Psaume II, 2. « Pourquoi les nations se sont-elles soulevées avec un grand bruit, et les peuples ont-ils formé de vains desseins ? » La Bible de Port-Royal souligne dans son commentaire qu’après la libération de saint Pierre et de saint Jean, les disciples dirent : « C’est vous, Seigneur, qui avez dit par le Saint-Esprit parlant par la bouche de notre père David votre serviteur : Pourquoi les nations se sont-elles soulevées avec un grand bruit, et les peuples ont-ils formé de vains desseins ? Les rois de la terre se sont élevés, et les princes se sont assemblés contre le Seigneur, et contre son Christ et son Oint. Car nous voyons véritablement qu’Hérode et Ponce Pilate avec les Gentils et le peuple d’Israël se sont unis ensemble contre votre saint fils Jésus que vous avez consacré par votre sainte onction. On vit donc au commencement de l’Église l’accomplissement de cette prophétie du roi David, à qui l’Esprit Saint fit voir si longtemps devant ce qui arriva alors ».

 

Qu’étant à la droite du Père il serait victorieux de ses ennemis.

 

Voir plus haut sur le Credo.

 

Que les rois de la terre et tous les peuples l’adoreraient. Is., 60.

 

Isaïe, LX, 14. « Les enfants de ceux qui vous avaient humiliée viendront se prosterner devant vous, et tous ceux qui vous décriaient adoreront les traces de vos pas, et vous appelleront la Cité du Seigneur, la Sion du saint d’Israël ».

Havet, éd. Pensées, II, Delagrave, 1866, p. 27, donne l’adoreraient. En note : cette indication, conservée par Port-Royal, a été supprimée depuis, sans doute parce que ce verset parle de Jérusalem et non du Messie. On y a substitué Ps. LXXI, 11.

 

Que les Juifs subsisteront en nation. Jér.

 

Havet renvoie à Jérémie, XXXI, 36. « Si ces lois de l’ordre du monde peuvent cesser devant moi, dit le Seigneur, alors la race d’Israël cessera d’être mon peuple pour toujours. »

 

Qu’ils seront errants, sans rois, etc. Os., 3.

 

Osée, III, 4. « C’est l’état où les enfants d’Israël seront pendant un long temps, sans roi, sans prince, sans sacrifice, sans autel, sans éphod, et sans théraphins ».

Le commentaire de la Bible de Port-Royal indique que « le mot de théraphins est fort obscur. Saint Jérôme dit qu’il signifie des figures et des statues ; mais qu’en ce seul endroit il peut signifier les chérubins et les autres ornements du Temple ; ou, selon les Septante, les pierres précieuses du Rational, par lesquelles Dieu faisait connaître les choses cachées ». Mais « les nouveaux interprètes croient que le mot de théraphins signifie les idoles en cet endroit aussi bien que dans tous les autres. Et ce sens semble avoir plus de rapport avec ce qui précède, où le poète dit à la femme que Dieu lui avait ordonné d’épouser pour être la figure de la Synagogue, qu’il ne vivrait point avec elle pendant un longtemps, et qu’elle aussi ne s’abandonnerait point à un autre. Car c’est l’état où sont aujourd’hui les Juifs, et où ils demeureront jusques à la fin du monde, étant en effet sans autel et sans sacrifice, depuis la destruction de Jérusalem ; qui est le seul lieu où ils pourraient sacrifier selon la loi, et en même temps sans théraphins, c’est-à-dire sans idoles, puisqu’ils conservent toujours une grande aversion de l’idolâtrie. » Voir Loi figurative 14 (Laf. 258, Sel. 290) : Osée a prédit qu’il serait sans roi, sans prince, sans sacrifice, etc., sans idole. Ce qui est accompli aujourd’hui, ne pouvant faire sacrifice légitime hors de Jérusalem.

Éphod : vêtement sacerdotal chez les Juifs. Voir dans le Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme l’article Prêtres, vêtements des, p. 903-904. Ces vêtements étaient revêtus dans le Sanctuaire et ne devaient pas sortir du Temple. Ils avaient une signification rituelle sacrée. Les éléments les plus somptueux étaient réservés au grand prêtre. Voir une description dans Ézéchiel, XLIV, 17-18.

Sur le sort du peuple juif tel qu’il était conçu à Port-Royal, voir Port-Royal et le peuple d’Israël, Chroniques de Port-Royal, 53, Paris, Bibliothèque Mazarine, 2004.

 

Sans prophètes, Amos.

 

Havet, éd. Pensées, II, Delagrave, 1866, p. 27, note : les éditions suppriment la citation d’Amos, pensant qu’elle n’est pas à sa place, et qu’elle se rapporte aux mots qu’ils seront errants. Havet propose pourtant de renvoyer à Amos, VIII, 12 : « ab Aquilone usque ad Orientem circumibunt quaerentes verbum Domini et non invenient » ; « Ils seront dans le trouble depuis une mer jusqu’à l’autre, et depuis l’Aquilon jusqu’à l’Orient. Ils iront chercher de tous côtés la parole du Seigneur, et ils ne la trouveront point. » Amos entend la mer Morte à l’orient et le Méditerranée à l’occident (Commentaire de Port-Royal).

 

Attendant le salut et ne le trouvant point. Is.

 

Isaïe, LIX, 9. « C’est pour cela que l’équité s’est éloignée de nous, et que la justice ne vient point jusqu’à nous ; nous attendions la lumière, et nous voilà dans les ténèbres ; nous espérions un grand jour, et nous marchons dans une nuit sombre. »

Commentaire de Port-Royal : « Après que le prophète a représenté ceux dont il vient de nous tracer l’image, comme des hommes injustes et violents, il les fait parler eux-mêmes ; et il paraît dans ce qu’ils disent, qu’ils reconnaissent enfin leur égarement, et qu’ils le déplorent. Après que le voile dont la passion leur avait couvert les yeux a été rompu, ils avouent qu’ils n’étaient que des aveugles ; et que ce qui leur paraissait une lumière, était une nuit profonde. Ils admirent qu’ils aient été tout ensemble et si malheureux et si cruels [...]. Rien n’est plus clair ni plus touchant que cette manière dont ils expriment eux-mêmes leur aveuglement, et le regret que Dieu leur en donne ».

 

Voc. des gentils par Jésus-Christ. Is., 52, 15.

 

Isaïe, LII, 15. « Il arrosera beaucoup de nations, les rois se tiendront devant lui dans le silence, parce que ceux auxquels il n’avait point été annoncé l’ont vu, et ceux qui n’avaient point entendu parler de lui le contempleront. » NB. : le latin donne contemplati sunt, qu’il est difficile de traduire par un futur. Note de Port-Royal : il arrosera de son sang. Commentaire de Port-Royal : « Le Fils de Dieu a arrosé de son sang la multitude des Gentils qu’il a appelés à son Église, parce qu’ils ont été élus, dit saint Pierre [I Petr. I, 2], selon la prédestination de Dieu le Père, pour recevoir la sanctification du Saint-Esprit, pour obéir à la foi, et pour être arrosés du sang de Jésus-Christ ». « Les Gentils auxquels le Seigneur n’avait point été annoncé par les prophètes, comme il l’avait été aux Juifs, l’ont vu des yeux du cœur, quoiqu’ils ne l’aient point vu des yeux du corps ; et les Juifs au contraire, qui l’avaient vu de leurs yeux, et parmi lesquels il avait fait une infinité de miracles, l’ont crucifié, et sont demeurés la plupart dans un endurcissement qui n’a pu être fléchi par l’ardente charité de saint Pierre et de saint Paul. »

 

Is., 55.

 

Havet renvoie au verset 5 du chapitre LV d’Isaïe. « Vous appellerez une nation qui vous était inconnue ; et les peuples qui ne vous connaissaient point accourront à vous, à cause du Seigneur votre Dieu, et du Saint d’Israël, qui vous aura rempli de sa gloire. » En fait, tout le chapitre proclame que « tout le monde [est] appelé à la foi ».

 

Is., 60.

 

Havet renvoie aux versets 4 et suivants d’Isaïe LX ; on peut citer les versets 3-5 : « Les nations marcheront à la lueur de votre lumière [sc. de Jérusalem], et les rois à la splendeur qui se lèvera sur vous. 4. Levez vos yeux, et regardez autour de vous : tous ceux que vous voyez assemblés ici viennent pour vous : vos fils viendront de bien loin, et vos filles viendront vous trouver de tous côtés. 5. Alors vous verrez, vous serez dans une abondance de joie, votre cœur s’étonnera et se répandra hors de lui, lorsque vous serez comblée des richesses de la mer, et que tout ce qu’il y a de grand dans les nations viendra se donner à vous. »

 

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Ps., 71.

 

Les éditions de Havet et de Sellier renvoient aux versets 11 à 18 du Psaume 70 : « Et tous les rois de la terre l’adoreront [sc. le roi des Juifs, en l’occurrence Salomon, fils de David, qui représente symboliquement le Christ lui-même] : toutes les nations lui seront assujetties ; 12. parce qu’il délivrera le pauvre des mains du puissant ; le pauvre qui n’avait personne qui l’assistât. 13. Il aura compassion de celui qui est pauvre et dans l’indigence ; et il sauvera les âmes des pauvres. 14. Il rachètera leurs âmes des usures et de l’iniquité ; et leur nom sera en honneur devant lui. 15. Et il vivra ; et on lui donnera de l’or de l’Arabie : On sera dans de perpétuelles adorations sur son sujet ; et les peuples le béniront durant tout le jour. 16. Et l’on verra le froment semé dans la terre sur le haut des montagnes pousser son fruit, qui s’élèvera plus haut que les cèdres du Liban ; et la cité sainte produira une multitude de peuples semblable à l’herbe de la terre. 17. Que son nom soit béni dans tous les siècles : son nom subsiste avant le soleil. 18. Et tous les peuples de la terre seront bénis en lui : toutes les nations rendront gloire à sa grandeur. » Une note sur le v. 15 indique que l’on « priera continuellement pour lui, i. e. pour son corps, qui est l’Église ».

 

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Os., 1, 9.

Vous ne serez plus mon peuple et je ne serai plus votre Dieu. Après que vous serez multiplié de la dispersion, les lieux où l’on [l’]appelle point mon peuple, je l’appellerai mon peuple.

 

L’épisode du livre d’Osée rapporte la manière dont la prostituée qu’Osée a épousée lui a donné trois enfants : un premier fils, que Dieu ordonne à Osée d’appeler Yizréel, c’est à dire Dieu sème, puis une fille qui s’appelle Lo-Ruhamah, c’est-à-dire « Non aimée » ou « Celle dont on n’a pas pitié ». Le troisième enfant est le fils dont il est question dans ce passage.

Osée, I, 9-10. « Et dixit : Voca nomen ejus Non-populus-meus, quia vos non populus meus, et ego non ero vester. 10. Et erit numerus filiorum Israël quasi arena maris, quae sine mensura est, et non numerabitur. Et erit : in loco, ubi dicetur eis, Non populus meus vo : dicetur eis, Filii Dei viventis ». « Et le Seigneur dit à Osée : Appelez cet enfant Non-mon-peuple ; parce que vous n’êtes plus mon peuple, et que je ne serai plus votre Dieu. 10. Les enfants d’Israël seront néanmoins un jour comme le sable de la mer, qui ne peut ni se mesurer, ni se compter. Et il arrivera que dans le même lieu où on leur a dit, Vous n’êtes plus mon peuple, on leur dira : Vous êtes les enfants du Dieu vivant. »

Vatable donne pour texte « Et dixit : Voca nomen ejus : LO-AMMI, id est non populus meus : quia vos non populus meus, et ego non ero vester. 10. Et erit numerus filiorum Israël sicut arena maris quae non menusratur, et non numeratur : et erit, in loco in quo [en marge : dicunt] dicebatur eis : Non populus meus vos : dicetur eis : Filii Dei viventis ».

La Bible de Louvain donne la traduction suivante : « Et il lui dit : Appelle son nom, Peuple qui n’est pas à moi : car vous n’êtes point mon peuple, et je ne serai pas vôtre. 10. Et le nombre des enfants d’Israël sera comme le sablon de la mer quo est sans mesure, et ne sera point nombré. Et adviendra qu’au lieu là où on leur dira, Vous n’êtes pas mon peuple, on leur dira, Vous êtes les enfants du Dieu vivant ».

La traduction annotée de la Bible de Jérusalem tente d’apporter un peu de lumière. Le nom de Lo-Ammi signifie « Pas mon peuple », et le texte est traduit en ces termes : « Yahvé dit : « Appelle le du nom de Lo-Ammi, car vous n’êtes pas mon peuple, et moi je n’existe pas pour vous » ; cette traduction rend une expression qui signifie « Et moi, pas « Je suis » pour vous », ce qui constitue une allusion à la manière dont le nom de Yahvé a été révélé à Moïse (Exode, III, 14). La traduction du texte fourni par quelques manuscrits grecs, « Je ne suis pas votre Dieu » est considérée comme une lectio facilior. La suite est traduite ainsi : « Le nombre des enfants d’Israël sera comme le sable de la mer, qu’on ne peut ni mesurer ni compter ; au lieu même où on leur disait « Vous n’êtes pas mon peuple », on leur dira « Fils du Dieu vivant ». »

Pascal a indiscutablement écrit « les lieux où l’on n’appelle point mon peuple, je l’appellerai mon peuple ». La référence à Osée montre que Pascal voulait sans doute écrire « Les lieux où l’on l’appelle point mon peuple, je l’appellerai mon peuple ». Philippe Sellier corrige en ce sens.

Le sens du passage est pour Pascal le suivant : le peuple juif cessera d’être le peuple de Dieu, et les Gentils, qui auparavant reniaient Dieu, seront les récepteurs de la véritable religion de Dieu. Voici le commentaire de la Bible de Port-Royal pour le verset 10 : « Souvent les prophètes passent tout d’un coup des menaces aux promesses, et de la lettre à l’esprit. Ceux qui entendent ces paroles des Israélites selon la chair, tâchent de les expliquer de la liberté qui leur fut rendue par Cyrus, croyant qu’alors quelques-uns des dix tribus se joignirent à ceux de Juda, et passèrent tous ensemble de la terre où ils avaient été captifs, à Jérusalem sous la conduite de Zorobabel, ce qui souffre beaucoup de difficultés. Mais saint Pierre et saint Paul emploient ces paroles mêmes d’Osée pour prouver l’établissement de l’Église, et pour expliquer la vocation des Gentils : et c’est le Saint-Esprit qui explique lui-même par la bouche des Apôtres, ce qu’il a dit par celle des prophètes. Car les vrais chrétiens sont les vrais Israélites, Israël Dei, comme dit saint Paul [Gal. 6, 16]. Et Jésus-Christ a réuni dans son Église un petit nombre de Juifs figurés par la tribu de Juda, et une multitude innombrable de païens marqués par les dix tribus, qui l’on tous reconnu pour leur chef unique, et pour leur libérateur, qui les ayant tirés de la captivité du péché, les a détachés de la terre pour les élever au ciel. »