Règle de la créance – Fragment n° 2 / 8 – Papier original : RO 269-2
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 80 p. 313 v° / C2 : p. 405 v°
Éditions savantes : Faugère II, 403 / Brunschvicg 90 / Tourneur p. 61-2 / Le Guern 458 / Lafuma 506 (série XX) / Sellier 673
Quod crebro videt non miratur, etiamsi cur fiat nescit. Quod ante non viderit, id si evenerit, ostentum esse censet. Cic.
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Quod crebro videt non miratur, etiamsi cur fiat nescit. Quod ante non viderit, id si evenerit, ostentum esse censet : « Ce qu’il voit fréquemment ne l’étonne pas, même s’il en ignore la cause. Mais s’il arrive quelque chose qu’il n’a jamais vue, il la regarde comme un prodige. »
Ce fragment et les suivants sont des excerpta tirés de Montaigne. L’originalité de ces notes, que Pascal met sans doute en réserve pour un usage ultérieur, n’est pas immédiatement visible. Lorsqu’un auteur en cite un autre, il lui emprunte en général des formules ou des extraits qui lui sont propres. C’est ce que Pascal a fait par exemple pour composer le dossier qui a donné lieu à l’Entretien avec M. de Sacy. Mais il arrive aussi que Pascal emprunte à un auteur des textes qui ne sont pas de lui : c’est le cas, par exemple de la Sanctorum patrum de gratia Christi et libero arbitrio dimicantium trias de Sinnich, recueil de passages de saint Augustin, saint Prosper et saint Fulgence relatif à différents problèmes de théologie, qui a servi à alimenter la rédaction des Écrits sur la grâce. Dans les Essais, Pascal prélève des citations d’auteurs anciens : les Essais ne lui tiennent donc pas seulement lieu d’un texte reflétant les idées de leur auteur, ils lui servent aussi d’un réservoir d’excerpta propre à lui fournir des citations d’auteurs prestigieux et éloquents. Parmi les citations en question, la plupart n’a pas été intégrée à des textes étoffés, mais certaines d’entre elles ont été utilisées dans d’autres fragments. Quoiqu’ils ne soient assortis d’aucun commentaire, ces extraits présentent donc l’intérêt de nous renseigner sur les techniques de composition de Pascal.
Fragments connexes
Pensées diverses (Laf. 821, Sel. 661). Car il ne faut pas se méconnaître, nous sommes automate autant qu’esprit. Et de là vient que l’instrument par lequel la persuasion se fait n’est pas la seule démonstration. Combien y a-t-il peu de choses démontrées ? Les preuves ne convainquent que l’esprit, la coutume fait nos preuves les plus fortes et les plus crues. Elle incline l’automate qui entraîne l’esprit sans qu’il y pense. Qui a démontré qu’il sera demain jour et que nous mourrons, et qu’y a-t-il de plus cru ? C’est donc la coutume qui nous en persuade.
Miracles III (Laf. 882, Sel. 444). Athées.
Quelle raison ont-ils de dire qu’on ne peut ressusciter ? Quel est plus difficile de naître ou de ressusciter, que ce qui n’a jamais été soit, ou que ce qui a été soit encore ? Est-il plus difficile de venir en être que d’ y revenir. La coutume nous rend l’un facile, le manque de coutume rend l’autre impossible.
Populaire façon de juger.
Pourquoi une vierge ne peut-elle enfanter ? une poule ne fait-elle pas des œufs sans coq ? Quoi les distingue par dehors d’avec les autres ? Et qui nous a dit que la poule n’y peut former ce germe aussi bien que le coq ?