Pensées diverses I – Fragment n° 24 / 37 – Papier original : RO 109-2
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 99 p. 339 v° / C2 : p. 293
Éditions de Port-Royal : Chap. XXVIII - Pensées chrestiennes : 1669 et janvier 1670 p. 265-266 /
1678 n° 56 p. 258
Éditions savantes : Faugère II, 232, XXV ; I, 215, CXX (Vallant) / Havet XXIV.34, XXV.118 ter (Vallant) / Brunschvicg 263 / Tourneur p. 79-4 / Le Guern 491 / Lafuma 574 (série XXIII) / Sellier 477
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Bibliographie ✍
ERNST Pol, Les Pensées de Pascal. Géologie et stratigraphie, Paris et Oxford, Universitas et Voltaire Foundation, 1996. GOUHIER Henri, Blaise Pascal. Commentaires, Seconde édition, Paris, Vrin, 1971. GOUHIER Henri, Blaise Pascal. Conversion et apologétique, Paris, Vrin, 1986. LE GUERN Michel, “Expérience et théorie du miracle chez Pascal”, Études sur la vie et les Pensées de Pascal, Paris, Champion, 2015, p. 47-57. LHERMET J., Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931. MESNARD Jean, “Note sur le miracle de la sainte Épine”, OC III, p. 800-808 ; et sur l’Information sur le miracle et les attestations des médecins, p. 891 sq. ORCIBAL Jean, “La signification du miracle et sa place dans l’ecclésiologie pascalienne”, Chroniques de Port-Royal, n° 20-21, 1972, p. 66-82. SHIOKAWA Tetsuya, Pascal et les miracles, Nizet, Paris, 1977, p. 175. |
✧ Éclaircissements
Miracle : manifestation extraordinaire de la volonté divine dans la nature. Événement qui illumine le rapport des ordres de réalité. Les apologistes soutiennent que le miracle manifeste le surnaturel dans l’ordre de la nature. Voir Bouyer Louis, Dictionnaire théologique, p. 435 sq.
Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, p. 175. Analyse et contextualisation de ce fragment, considéré comme une application à la vie quotidienne de ce que Pascal a tiré de la théologie de saint Thomas.
Lhermet J., Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931, p. 480 sq. Nécessité de donner une bonne définition du miracle et de sa portée : p. 481. Pascal aboutit à la définition du miracle comme effet qui excède la force naturelle des moyens qu’on y emploie : p. 481.
Sa définition est donnée dans Miracles III (Laf. 891, Sel. 445). Miracle. C’est un effet qui excède la force naturelle des moyens qu’on y emploie. Et non-miracle est un effet qui n’excède pas la force naturelle des moyens qu’on y emploie. Ainsi ceux qui guérissent par l’invocation du diable ne font pas un miracle. Car cela n’excède pas la force naturelle du diable ; mais...
Sur les miracles, voir les fragments Miracles I (Laf. 830, Sel. 419) (questionnaire envoyé par Pascal à Barcos sur la nature du miracle), à Miracles III (Laf. 903-912, Sel. 450-451).
Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, passim. Voir p. 142 sq., sur la définition proposée dans le questionnaire de Pascal. Modification apportée par Pascal dans la définition traditionnelle du miracle et caractère personnel de cette définition : p. 146-147.
OC III, éd. J. Mesnard, p. 806 sq. Problème de l’essence du miracle, à propos du miracle de la Sainte Épine.
Saint Augustin, La cité de Dieu, XXI, Œuvres, 37, p. 798. Définitions du De utilitate credendi, XVI, 34, et de La cité de Dieu, XVI, V. La première n’insiste que sur l’aspect extraordinaire du fait, la seconde sur son sens : par le miracle, Dieu montre sa présence. Voir De utilitate credendi, XVI, 34, t. 8, Bibliothèque augustinienne, p. 293. On appelle miracle tout événement insolite qui manifestement dépasse l’attente ou les capacités de celui qu’il étonne. Il y a en deux catégories : ceux qui provoquent l’étonnement et ceux qui inspirent, en plus, reconnaissance et sympathie. Voir la note p. 492.
Un miracle, dit‑on, affermirait ma créance. On le dit quand on ne le voit pas.
Le problème du miracle est ici associé à celui de la conversion.
Ernst Pol, Les Pensées de Pascal. Géologie et stratigraphie, p. 199.
Qui est censé présenter cette excuse ? S’il s’agit d’affermir une créance, on doit supposer qu’il s’agit d’un chrétien dont la croyance est faible ou chancelante. Mais on peut l’attribuer aussi à un incrédule hésitant.
Conclusion 2 (Laf. 378, Sel. 410). Si j’avais vu un miracle, disent-ils, je me convertirais. Comment assurent-ils qu’ils feraient ce qu’ils ignorent. Ils s’imaginent que cette conversion consiste en une adoration qui se fait de Dieu comme un commerce et une conversation telle qu’ils se la figurent. La conversion véritable consiste à s’anéantir devant cet être universel qu’on a irrité tant de fois et qui peut vous perdre légitimement à toute heure, à reconnaître qu’on ne peut rien sans lui et qu’on n’a rien mérité de lui que sa disgrâce. Elle consiste à connaître qu’il y a une opposition invincible entre Dieu et nous et que sans un médiateur il ne peut y avoir de commerce. Voir ce même rapprochement dans Pensées, éd. Havet, I, Delagrave 1866, p. 196.
Cette phrase fait sans doute écho à Luc, XVI, 27-31, Le mauvais riche, jeté en enfer, s’adresse à Abraham : « Le riche lui dit : Je vous supplie donc, père Abraham, de l’envoyer dans la maison de mon père, 28. Où j’ai cinq frères ; afin qu’il leur atteste ces choses, et les empêche de venir aussi eux-mêmes dans ce lieu de tourments. 29. Abraham lui repartit : Ils ont Moïse et les Prophètes ; qu’ils les écoutent. 30. Non, dit-il, père Abraham ; mais si quelqu’un des morts va les trouver, ils feront pénitence. 31. Abraham lui répondit : S’ils n’écoutent ni Moïse, ni les prophètes, ils ne croiraient pas non plus, quand même quelqu’un des morts ressusciterait ».
On le dit quand on ne le voit pas : l’excuse fondée sur le manque de signe miraculeux est pour Pascal une « défaite » de mauvaise foi.
Gouhier Henri, Blaise Pascal. Conversion et apologétique, p. 34. Qu’est-ce que voir un miracle ?
Il ne s’agit pas seulement d’être présent lorsque l’événement se produit et de le constater de visu. Voir le miracle, c’est d’abord saisir que l’événement est miraculeux, le voir comme miracle, et non comme événement surpassant les moyens ordinaires qui peuvent produire naturellement l’événement. Ce fut la première attitude des jésuites de nier les faits et de récuser le caractère de miracle à la guérison produite sur la nièce de Pascal par la sainte Épine. C’est ce que rapporte l’écrit de Pontchâteau, Réponse à un écrit publié sur le sujet des miracles qu’il a plu à Dieu de faire à Port-Royal depuis quelques temps par une sainte Épine de la couronne de Notre Seigneur, Paris, fin septembre 1656, p. 6. On a voulu dire que « c’était une fourbe et une supposition », que la guérison n’était pas réelle, que la malade n’était pas guérie, « qu’on produisait sa sœur aînée de la petite fille malade au lieu d’elle », « que sa fistule lacrymale était revenue, et qu’elle en était plus malade que jamais », « que la malignité de l’humeur qui lui causait cet ulcère à l’œil était tombée sur les parties nobles et l’avait réduite aux derniers soupirs », à quoi les médecins ont répondu à chaque fois.
C’est à ce premier aspect du problème que se rapportent l’instruction sur les faits et les vérifications des médecins ; voir sur le déroulement de la vérification du miracle, OC III, éd. J. Mesnard, p. 891 sq., Information sur le miracle de la Sainte Épine et Attestations des médecins et chirurgiens.
En un second sens, voir le miracle, c’est aussi comprendre sa signification, savoir à quelle fin l’événement dont on a compris le caractère miraculeux a été produit par Dieu. Voir sur ce sujet OC III, éd. J. Mesnard, p. 806 sq. : un miracle ne saurait être l’objet d’une constatation proprement scientifique, car il ne suffit pas qu’un événement soit extraordinaire pour qu’il mérite le nom de miracle, il faut aussi qu’il ait un sens, et une valeur de signe. C’est sur ce point que se situe la deuxième résistance opposée par les polémistes jésuites sur le miracle de la sainte Épine, une fois que le caractère miraculeux de la guérison de Marguerite Périer a été constaté et confirmé, de discuter sur la signification de ce miracle, de ne pas admettre qu’il était destiné à montrer que la vérité était du côté de Port-Royal, et de soutenir que Dieu l’avait produit pour pousser les religieuses à abandonner la défense de Jansénius.
Voir ce qu’écrit Jouslin Olivier, “Rien ne nous plaît que le combat”. La campagne des Provinciales de Pascal. Étude d’un dialogue polémique, t. 2, p. 408 sq. Le P. Annat, dans le Rabat-joie des jansénistes d’août 1656, p. 9-10, déclare qu’il est évident « que l’on ne peut tirer aucune conséquence des miracles arrivés au Port-Royal pour la preuve des erreurs de Jansénius, ni pour la justification de ceux qui soutiennent la doctrine, et que tout au contraire, puisque selon la maxime de saint Paul rapportée par ce patriarche, les signes et les miracles sont ordinairement employés pour la conversion de ceux qui n’ont pas la vraie foi, il y a un juste sujet de croire que dans la conjoncture des mauvaises dispositions où se trouvent à présent ces messieurs, Dieu, qui est le père des miséricordes, et qui ne désire point la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive, a voulu faire comme un dernier effort pour toucher plus vivement leurs cœurs, afin que voyant éclater devant leurs yeux la vertu de la passion de Jésus-Christ et considérant que cette sainte Épine qui fait entre leurs mains des miracles a été teinte de ce précieux sang qui a été répandu pour le salut de tout le monde, ils rendent à ce souverain Seigneur la gloire qu’ils lui ont voulu ravir en tâchant d’effacer la plus aimable de toutes ces qualités qui est celle de Rédempteur et Sauveur de tout le monde » ; bref ; l’Épine miraculeuse est « un des instruments de la Passion de Jésus-Christ, pour servir de remède et d’antidote contre une nouvelle hérésie, qui est directement opposée à la vertu et au mérite de la Passion du même Jésus-Christ ».
C’est à cette interprétation, qui est une forme d’aveuglement au miracle, que Pascal fait allusion dans sa lettre du 10 septembre 1656 à Melle de Roannez, OC III, p. 1029 sq. : selon saint Augustin, seuls voient les miracles ceux auxquels les miracles profitent : « je vous dirai sur cela un beau mot de saint Augustin, et bien consolatif pour de certaines personnes ; c’est qu’il dit que ceux-là voient véritablement les miracles auxquels les miracles profitent : car on ne les voit pas si on n’en profite pas. »
La vue du miracle est ainsi directement liée à l’idée de la conversion, comme le souligne H. Gouhier, Blaise Pascal. Conversion et apologétique, p. 34.
Voir sur cette controverse les ouvrages suivants : ✍
Mesnard Jean, “Note sur le miracle de la sainte Épine”, OC III, p. 800-808 ; et sur l’Information sur le miracle et les attestations des médecins, p. 891 sq.
Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, p. 76 sq.
Gouhier Henri, Blaise Pascal. Commentaires, 2e éd., Paris, Vrin, 1971, p. 149-162.
Jouslin Olivier, “Rien ne nous plaît que le combat”. La campagne des Provinciales de Pascal. Étude d’un dialogue polémique, t. 2, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2007, p. 408 sq.
Les raisons qui, étant vues de loin, paraissent borner notre vue, mais quand on y est arrivé on commence à voir encore au‑delà.
Le schéma est comparable à celui du fragment Misère 14 (Laf. 65, Sel. 99). Diversité. La théologie est une science, mais en même temps combien sera-ce de sciences ? Un homme est un suppôt, mais si on l’anatomise, que sera-ce ? la tête, le cœur, l’estomac, les veines, chaque veine, chaque portion de veine, le sang, chaque humeur du sang ? Une ville, une campagne, de loin c’est une ville et une campagne, mais à mesure qu’on s’approche, ce sont des maisons, des arbres, des tuiles, des feuilles, des herbes, des fourmis, des jambes de fourmis, à l’infini. Tout cela s’enveloppe sous le nom de campagne.
Mais ici, le texte s’attache moins au fait que le rapprochement fait voir des choses de plus en plus délicates, que sur le fait que, à mesure qu’on avance, l’horizon recule et l’on voit plus loin. D’autre part, le modèle perspectif est ici directement appliqué, non pas à la vue, mais par métaphore à la pensée.
Rien n’arrête la volubilité de notre esprit.
Volubilité de notre esprit : voir Montaigne, Essais, III, 11, Des boiteux, éd. Balsamo, Pléiade, p. 1078. « Combien plus naturel, que notre entendement soit emporté de sa place, par la volubilité de notre esprit détraqué. »
Il n’y a point, dit‑on, de règle qui n’ait quelque exception, ni de vérité si générale qui n’ait quelque face par où elle manque. Il suffit qu’elle ne soit pas absolument universelle pour nous donner sujet d’appliquer l’exception au sujet présent, et de dire : cela n’est pas toujours vrai, donc il y a des cas où cela n’est pas. Il ne reste plus qu’à montrer que celui‑ci en est et c’est à quoi on est bien maladroit ou bien malheureux si on ne trouve quelque jour.
Sur un autre sujet, Pascal observe aussi la capacité de l’homme de trouver ingénieusement des exceptions à la règle générale pour ne pas voir ce que l’expérience devrait lui faire comprendre clairement, dans le fragment Souverain bien 2 (Laf. 148, Sel. 181). L’exemple nous instruit peu. Il n’est jamais si parfaitement semblable qu’il n’y ait quelque délicate différence et c’est de là que nous attendons que notre attente ne sera pas déçue en cette occasion comme en l’autre, et ainsi le présent ne nous satisfaisant jamais, l’expérience nous pipe, et de malheur en malheur nous mène jusqu’à la mort qui en est un comble éternel.
Sur cet art de trouver des exceptions, Pascal a peut-être en mémoire la manière dont les jésuites jouent des exceptions pour accréditer des nouvelles maximes de morale. Voir par exemple Provinciale X, éd. Cognet, Garnier, p. 181. « Ô mon Père ! lui dis-je, l’obligation de quitter les occasions est bien adoucie, si on en est dispensé aussitôt qu’on en recevrait de l’incommodité ; mais je crois au moins qu’on y est obligé, selon vos Pères, quand il n’y a point de peine ? Oui, dit le Père, quoique toutefois cela ne soit pas sans exception. Car le P. Bauny dit au même lieu : Il est permis à toutes sortes de personnes d’entrer dans des lieux de débauche pour y convertir des femmes perdues, quoiqu’il soit bien vraisemblable qu’on y péchera : comme si on a déjà éprouvé souvent qu’on s’est laissé aller au péché par la vue et les cajoleries de ces femmes. Et encore qu’il y ait des Docteurs qui n’approuvent pas cette opinion et qui croient qu’il n’est pas permis de mettre volontairement son salut en danger pour secourir son prochain, je ne laisse pas d’embrasser très volontiers cette opinion qu’ils combattent. Voilà, mon Père, une nouvelle sorte de prédicateurs. Mais sur quoi se fonde le Père Bauny pour leur donner cette mission ? C’est, me dit-il, sur un de ses principes qu’il donne au même lieu après Basile Ponce. Je vous en ai parlé autrefois, et je crois que vous vous en souvenez. C’est qu’on peut rechercher une occasion directement et par elle-même, primo et per se, pour le bien temporel ou spirituel de soi ou du prochain. »
Pascal a réfléchi sur les manières dont les hommes savent toujours trouver le point de vue pour établir telle vérité qu’ils veulent. Voir Laf. 527, Sel. 454. Les exemples qu’on prend pour prouver d’autres choses, si on voulait prouver les exemples on prendrait les autres choses pour en être les exemples. Car comme on croit toujours que la difficulté est à ce qu’on veut prouver, on trouve les exemples plus clairs et aidants à le montrer. Ainsi quand on veut montrer une chose générale, il faut en donner la règle particulière d’un cas. Mais si on veut montrer un cas particulier, il faudra commencer par la règle [générale]. Car on trouve toujours obscure la chose qu’on veut prouver et claire celle qu’on emploie à la preuve. Car quand on propose une chose à prouver, d’abord on se remplit de cette imagination qu’elle est donc obscure, et au contraire que celle qui la doit prouver est claire, et ainsi on l’entend aisément.
Cela n’est pas toujours vrai, donc il y a des cas où cela n’est pas : les deux expressions ne sont pas équivalentes. Cela n’est pas toujours vrai est une proposition de logique : être vrai concerne une proposition. La proposition Il y a des cas où cela n’est pas porte sur la réalité concrète des faits.
Jour se dit de l’ouverture des portes et des fenêtres par où passe la lumière (Furetière). Le mot doit être ici pris au sens métaphorique de voie par laquelle apparaît la vérité. Certaines éditions proposent joint. Furetière donne pour sens de ce mot joint « la diverse manière des assemblages des pièces de menuiserie et de charpenterie, comme joints carrés, à l’onglet », etc. Cette lecture présente l’intérêt de souligner le caractère de fabrication, voire de bricolage intellectuel qu’enferme le genre de raisonnement qu’évoque ici Pascal. Il semble cependant que le manuscrit et les copies portent à préférer la lecture jour.
Malheureux : se dit de celui à qui tout ce qu’il entreprend succède mal, soit par son peu d’adresse, soit par le hasard, par la mauvaise conjecture des affaires (Furetière). L’emploi voisin du mot maladroit permet de déduire que Pascal entend malheureux au sens de malchanceux.
♦ Argument du miracle et argument de la prophétie
Ces réflexions sur les miracles et la manière dont ils ne donnent pas une véritable assurance, et peuvent être aisément mis en doute et contestés, ont peut-être été inspirées par l’attitude des polémistes jésuites qui ont écrit contre le miracle de la Sainte Épine.
Mais si l’on se place du point de vue de Pascal, au moment où il prépare sa défense de la religion chrétienne, ce fragment ne prend son relief que si on le rapporte à la doctrine du miracle subsistant que constitue l’histoire de la prophétie sur laquelle Pascal recueillait des documents.
Un miracle est nécessairement un simple épisode, qui ne peut être vu que par un nombre toujours restreint de personnes. Il n’est donc jamais persuasif pour tout le monde, et même pour ceux qui y ont assisté il ne reste jamais persuasif longtemps. D’autre part, il peut toujours être interprété comme un phénomène naturel, dont les véritables causes naturelles ne sont pas connues, et ne seront peut-être découvertes que plus tard. C’est la raison pour laquelle Pascal a renoncé à utiliser l’argument du miracle comme preuve de la religion chrétienne, à cause de sa fragilité. Voir sur ce point Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, p. 173 sq., notamment p. 175 sur le présent fragment. En revanche, Pascal aura recours à la preuve par la prophétie, qui est un effet qui n’est pas restreint dans le temps et l’espace, et qui concerne non pas un nombre restreint de témoins, mais les hommes dans l’histoire universelle.