Pensées diverses III – Fragment n° 22 / 85 – Papier original : RO 427-3
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 123 p. 369 v° / C2 : p. 327 v°
Éditions savantes : Faugère I, 248, V / Havet XXIV.95 / Brunschvicg 188 / Tourneur p. 99-3 / Le Guern 563 / Lafuma 669 (série XXV) / Sellier 548
Il faut en tout dialogue et discours qu’on puisse dire [à] ceux qui s’en offensent : De quoi vous plaignez‑vous ?
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Ce fragment peu commenté résume en une règle lapidaire pour former des argumentations capables d’emporter la conviction, ce que Pascal a dû retenir des polémiques qu’il a connues, notamment la querelle des Provinciales.
Fragments connexes
A P. R. 2 (Laf. 149, Sel. 182). Incroyable que Dieu s’unisse à nous.
Cette considération n’est tirée que de la vue de notre bassesse, mais si vous l’avez bien sincère, suivez-la aussi loin que moi et reconnaissez que nous sommes en effet si bas que nous sommes par nous-mêmes incapables de connaître si sa miséricorde ne peut pas nous rendre capables de lui. Car je voudrais savoir d’où cet animal qui se reconnaît si faible a le droit de mesurer la miséricorde de Dieu et d’y mettre les bornes que sa fantaisie lui suggère. Il sait si peu ce que c’est que Dieu qu’il ne sait pas ce qu’il est lui-même. Et tout troublé de la vue de son propre état il ose dire que Dieu ne le peut pas rendre capable de sa communication. Mais je voudrais lui demander si Dieu demande autre chose de lui sinon qu’il l’aime et le connaisse, et pourquoi il croit que Dieu ne peut se rendre connaissable et aimable à lui puisqu’il est naturellement capable d’amour et de connaissance, Il est sans doute qu’il connaît au moins qu’il est et qu’il aime quelque chose. Donc s’il voit quelque chose dans les ténèbres où il est et s’il trouve quelque sujet d’amour parmi les choses de la terre, pourquoi si Dieu lui découvre quelque rayon de son essence, ne sera-t-il pas capable de le connaître et de l’aimer en la manière qu’il lui plaira se communiquer à nous. Il y a donc sans doute une présomption insupportable dans ces sortes de raisonnements, quoiqu’ils paraissent fondés sur une humilité apparente, qui n’est ni sincère, ni raisonnable si elle ne nous fait confesser que ne sachant de nous-mêmes qui nous sommes nous ne pouvons l’apprendre que de Dieu.
Dossier de travail (Laf. 394, Sel. 13). Au lieu de vous plaindre de ce que Dieu s’est caché vous lui rendrez grâces de ce qu’il s’est tant découvert et vous lui rendrez grâces encore de ce qu’il ne s’est pas découvert aux sages superbes indignes de connaître un Dieu si saint.
Preuves par discours I (Laf. 418, Sel. 680). Qui blâmera donc les chrétiens de ne pouvoir rendre raison de leur créance, eux qui professent une religion dont ils ne peuvent rendre raison ? Ils déclarent en l’exposant au monde que c’est une sottise, stultitiam : et puis, vous vous plaignez de ce qu’ils ne la prouvent pas ! S’ils la prouvaient, ils ne tiendraient pas parole. C’est en manquant de preuve qu’ils ne manquent pas de sens. ‑ Oui, mais encore que cela excuse ceux qui l’offrent telle, et que cela les ôte du blâme de la produire sans raison, cela n’excuse pas ceux qui la reçoivent.
Preuves par les Juifs VI (Laf. 472, Sel. 709). Grandeur.
La religion est une chose si grande, qu’il est juste que ceux qui ne voudraient pas prendre la peine de la chercher, si elle est obscure, en soient privés. De quoi se plaint-on donc, si elle est telle qu’on la puisse trouver en la cherchant ?
Pensées diverses (Laf. 650, Sel. 535). N’avez-vous jamais vu des gens qui pour se plaindre du peu d’état que vous faites d’eux vous étalent l’exemple de gens de condition qui les estiment ? Je leur répondrais à cela : montrez-moi le mérite par où vous avez charmé ces personnes et je vous estimerai de même.