Pensées diverses V – Fragment n° 6 / 7 – Papier original : RO 206-1
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 172 p. 403 v° à 405 v° / C2 : p. 379 à 381
Éditions de Port-Royal :
Chap. XXIX - Pensées morales : 1669 et janvier 1670 p. 288-289 / 1678 n° 41 p. 286
Chap. XX - On ne connaît Dieu utilement que par Jésus-Christ : 1669 et janvier 1670 p. 150-153 / 1678 n° 1 p. 148-151
Éditions savantes : Faugère II, 27 ; II, 113, I / Havet VI.33, XXII.2 / Michaut 446 et 447 / Brunschvicg 62 et 242 / Tourneur p. 123-1 / Le Guern 653 / Lafuma 780 et 781 (série XXVII) / Sellier 644
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✧ Éclaircissements
Sommaire
Analyse du texte intitulé Préface de la première partie. Analyse du texte intitulé Préface de la seconde partie.
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Préface de la seconde partie.
Sellier Philippe, “Une préface « retrouvée » de l’Apologie”, in Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., p. 157-170. À qui s’adresse cette seconde préface ?, p. 159. Pascal écrit pour les « personnes destituées de foi et de grâce », en qui la lumière de la grâce « est éteinte », pour lesquelles les preuves métaphysiques sont sans force, et chez lesquelles elles ne peuvent susciter que le mépris : p. 159-160. Pascal veut s’y prendre tout autrement.
Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 62 sq. Les apologistes ignorent l’état d’âme de l’incroyant, et l’obscurité profonde dans laquelle la corruption a plongé l’esprit humain. Ils ignorent la difficulté d’un cheminement qu’ils commettent l’erreur de présenter comme facile. « L’Écriture même condamne implicitement la hardiesse naïve des apologistes qui commencent par prouver Dieu » : p. 63.
Selon Philippe Sellier, il y a quatre thèmes principaux de la seconde partie :
1. la distance entre les incroyants et ceux qui ont la foi vive dans le cœur, et voient Dieu dans ses ouvrages,
2. les trois leçons de l’Écriture :
a. la Bible n’a pas recours aux preuves métaphysiques,
b. les Livres saints assurent que depuis la corruption, Dieu est un Dieu caché,
c. hors de Jésus-Christ, toute communication avec Dieu est ôtée.
Mesnard Jean, “Au cœur de l’apologétique pascalienne : Dieu par Jésus-Christ”, in La culture du XVIIe siècle, p. 414-425.
Parler de ceux qui ont traité de cette matière.
Écho au titre de la « première partie ». Pascal envisage pour la première partie un début analogue, mais sur l’homme : Préface de la première partie. Parler de ceux qui ont traité de la connaissance de soi-même, des divisions de Charron, qui attristent et ennuient. De la confusion de Montaigne, qu’il avait bien senti le défaut d’une droite méthode. Qu’il l’évitait en sautant de sujet en sujet, qu’il cherchait le bon air. Dans les deux cas, il s’agit de montrer que ces prédécesseurs se sont trompés dans leur matière d’aborder le problème, non pas par accident, mais par système. Pour les moralistes, c’est en cherchant à parler de soi ; pour les apologistes, c’est en cherchant à parler de Dieu par la nature. Dans un cas, c’est de la sottise, dans l’autre, de la hardiesse.
Quels apologistes a lus Pascal ? Voir Julien Eymard d’Angers, Pascal et ses précurseurs, p. 45.
Sur les Pères apologistes, voir, outre Gilson Étienne, La philosophie au Moyen Âge, I, p. 16 sq., Simon Marcel et Benoit André, Le judaïsme et le christianisme antique, Nouvelle Clio, Paris, P. U. F., 1968, p. 119 sq., qui fournissent des indications de base.
Busson Henri, La pensée religieuse..., p. 524-525. Pascal sait se choisir ses instruments de travail. Boucher, auteur de l’apologie la plus complète ; Grotius, auteur du manuel classique de l’apologétique, sommaire de la plupart des apologies.
♦ Qui est compétent pour écrire une apologie de la religion chrétienne, et dans quelles circonstances ?
Le fait d’écrire pour la défense de la religion ne va pas de soi : voir Schmitz du Moulin, Blaise Pascal, Assen, Van Gorcum, 1982, p. 9 et p. 27. Bérulle estime que pour pouvoir enseigner légitimement les vérités religieuses, il faut avoir été investi d’une mission spéciale. Mission confiée aux pères pour leurs enfants et aux évêques au moment de la consécration. Les directeurs de conscience constituent un cas spécial. Cela peut-il être assimilé à un droit détenu par la “souveraineté d’esprit” ? En fait, Pascal pense le contraire : Dieu peut se servir de quiconque comme d’un instrument : p. 28.
Gilson Étienne, La philosophie au Moyen Âge, I, p. 15 sq. Les Pères apologistes.
Arnauld Antoine, Réponse à la lettre d’une personne de condition, p. 8 sq. Les Pères n’ont jamais cru devoir écrire d’eux-mêmes sans y être engagés par quelque événement de Providence ou quelque devoir de charité.
Saint Augustin, La cité de Dieu, I, t. 1, Bibliothèque augustinienne, p. 215 sq. Quand doit-on reprendre les païens ? Voir p. 769, sur le devoir de correction fraternelle et de l’enseignement.
Gouhier Henri, L’affaire Saint-Ange, p. 33.
J’admire avec quelle hardiesse ces personnes entreprennent de parler de Dieu.
Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 62. Ce fragment est la partie négative d’un ensemble dont la partie positive est la liasse Excellence. Les apologistes ignorent l’état d’âme de l’incroyant, et la difficulté d’un cheminement qu’ils commettent l’erreur de présenter comme facile.
Sellier Philippe, “Jésus-Christ chez Pascal”, in Port-Royal et la littérature, I, Pascal, Paris, Champion, 1999, p. 284 sq. ✍
Sur les auteurs qui entreprennent de composer des apologies de la religion chrétienne, on peut recourir au livre déjà ancien de Julien Eymard d’Angers, Pascal et ses précurseurs, qui demanderait une mise à jour, mais qui fournit des informations de base.
Busson Henri, La pensée religieuse française de Charron à Pascal, Vrin, Paris, 1933, p. 524-525, estime que Pascal sait choisir ses instruments de travail. Jean Boucher est auteur de l’apologie la plus complète ; Grotius a composé le manuel classique de l’apologétique, sommaire de la plupart des apologies.
Il faut ajouter que la référence au Pugio fidei de Raymond Martin témoigne de sa volonté de ne pas en demeurer aux arguments sommaires.
En adressant leurs discours aux impies, leur premier chapitre est de prouver la divinité par les ouvrages de la nature.
Mesnard Jean, Pascal, coll. Les écrivains devant Dieu, p. 23 sq., sur les preuves de l’existence de Dieu par raison et preuves métaphysiques.
Pascal développe ici un argument partiel qui s’inscrit dans une stratégie complexe. Le présent reproche est double : Pascal pense qu’on ne peut pas efficacement prouver Dieu à des incrédules, mais que il est a fortiori impossible d’y parvenir en invoquant les arguments philosophiques par les ouvrages de la nature.
D’autre part, si ces arguments fondés sur le spectacle de la nature sont inefficaces, il est tout aussi maladroit de prétendre imposer par raison à l’incroyant les dogmes fondamentaux de la religion chrétienne : Preuves par discours III (Laf. 449, Sel. 690). Je n’entreprendrai pas ici de prouver par des raisons naturelles, ou l’existence de Dieu, ou la Trinité, ou l’immortalité de l’âme, ni aucune des choses de cette nature ; non seulement parce que je ne me sentirais pas assez fort pour trouver dans la nature de quoi convaincre des athées endurcis, mais encore parce que cette connaissance, sans Jésus-Christ, est inutile et stérile. La seule voie possible consiste à faire comprendre au lecteur sa corruption, et le conduire au Christ qui seul peut la réparer : voir Preuves par discours III (Laf. 449, Sel. 690) : la religion enseigne donc ensemble aux hommes ces deux vérités : et qu’il y a un Dieu, dont les hommes sont capables, et qu’il y a une corruption dans la nature, qui les en rend indignes.
À quels apologistes Pascal doit-il s’opposer ?
Sellier Philippe, “Une préface « retrouvée » de l’Apologie”, in Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., p. 160. Pascal ne pense pas ici à saint Thomas d’Aquin, dont la Somme théologique s’adresse à des étudiants en théologie, qui n’ont pas besoin d’être convaincus de la vérité de la religion chrétienne. Cependant saint Thomas pense que les vérités de la Nature ont une valeur de préparation par rapport à celles de la grâce : voir la Somme théologique, Ia, Q1, p. 119 : ce sont des praeambula, parce que la grâce perfectionne la nature.
Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, I, chap. 13, éd. Michon, Garnier-Flammarion, p. 175. Preuve qu’il faut que la providence de quelqu’un gouverne le monde par la constatation du fait que les choses de nature diverse s’accordent non pas rarement ou par hasard, mais toujours ou le plus souvent.
Du Vair Guillaume, De la sainte philosophie, éd. Michaux, p. 52. « Lors nous voyons [...] les moindres choses du monde ont en leur constitution une si émerveillable prudence et sagesse [...], il faut de nécessité que nous en allions chercher au ciel l’auteur et le créateur ».
Bodin Jean, Méthode de l’histoire, ch. I, éd. P. Mesnard, p. 282. Bodin déconseille de commencer l’apprentissage de l’histoire par l’histoire sacrée : ceux qui « exposent aux enfants et aux ignorants les questions ardues touchant les choses divines sont déçus dans leur espoir et ils ne feront que détourner le plus grand nombre de cet objet trop élevé. Nous conseillerons donc au contraire à tous ceux qui ont quitté les ténèbres opaques et denses pour marcher vers la lumière, de commencer par admirer la splendeur du soleil à travers les choses terrestres, puis dans les nuées et enfin dans la lune de manière à fortifier suffisamment leur vue, avant que de fixer le soleil en personne. Ainsi en agirons-nous avec les ignorants qui saisiront d’abord dans les choses humaines la bonté et la transcendance divines, pour la percevoir ensuite dans les causes les plus remarquables de la nature, dans les propriétés et la splendeur des corps célestes, enfin dans l’ordre admirable, le mouvement, l’immensité, l’harmonie et la beauté de l’univers : autant de degrés qui nous conduiront enfin à retrouver notre filiation divine, à renouer l’union totale avec notre créateur ». Voir le texte latin, p. 115.
Sur l’apologétique du P. Yves de Paris, voir Julien Eymard d’Angers, Pascal et ses précurseurs, p. 59, et p. 66, le thème de la contemplation du monde, qui va jusqu’à l’expérience de la divinité.
Bremond Henri, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, I, p. 489, cite Yves de Paris, Théologie naturelle, I, p. 74-75 : « J’en atteste la conscience de ces esprits forts et déterminés à ne rien croire ; après avoir employé plus de discours, pour se persuader qu’il n’y a point de Dieu, qu’il n’en faut pour résoudre toutes les questions d’Aristote..., s’il n’est pas vrai qu’au milieu des plus énormes dissolutions, ils ont été piqués jusques au vif d’un grand sentiment de Dieu. Tout d’un coup l’esprit demeure ébloui dans cet éclat, comme l’œil qui au sortir d’un lieu ténébreux reçoit une grande lumière. Toutes les puissances quittent les charmes des choses sensibles pour se tourner devers cet objet ; le cœur en est tout ému ; la conscience criminelle, surprise dedans ses méfaits, tremble devant son juge ; elle répand la tristesse dessus le visage, la négligence au maintien, la langueur dans les actions, de quelque artifice que l’on tâche de divertir ses pensées. Le libertin [...] ne peut non plus échapper à ce sentiment qu’à lui-même. » Voir aussi p. 491, n. 2, extrait de Théologie naturelle, I, p. 592 : « comme les médicaments ne déploient leurs qualités dans nos corps que par le moyen des vertus contraires ou sympathiques qui s’y rencontrent, et de la chaleur naturelle qui leur donne la liberté de l’action, ainsi le raisonnement qui se tire de la considération du monde n’a son effet pour nous persuader un Dieu que par l’entremise du sentiment naturel que nous en portons dans l’âme. » Voir p. 487 sq., sur Yves de Paris, Les morales chrétiennes, III, p. 167, après un passage sur la connaissance de Dieu par le cœur : « Lorsque, dans le calme d’une belle nuit, l’azur des voûtes du monde se montre à la terre et que le silence qu’y gardent les astres en leurs courses, favorise notre attention ; comme nos yeux, de tous les objets, ne voient que le ciel, nos volontés ne ressentent rien de toutes les affections que celles qui surpassent notre nature. Nos pensées doucement confuses s’emportent au-delà du monde, dans je ne sais quelle étendue infinie de lumière qui tient toutes nos puissances en suspension, qui nous fait admirer plus que nous ne voyons et jouir d’une félicité que nous ne connaissons pas. Si nous nous enfonçons dans la profonde solitude d’une forêt, parmi le silence et à l’aspect de ces grands arbres qui portent une certaine majesté dans la hauteur de leurs tiges et les vastes étendues de leurs branches : aussitôt notre esprit se recueille en soi-même, notre cœur sent des émotions inaccoutumées et tout le corps qui frémit d’une crainte respectueuse, nous avertit de la présence d’une grandeur infinie, qui, par ces devoirs que la nature lui rend sans contrainte, nous demande les libres hommages de nos volontés ».
Pascal pense aussi à certains apologistes qui surévaluent les démonstrations par le consentement universel, ou par la nécessité d’une cause première. Le De veritate religionis christianae de Hugo Grotius entre dans cette catégorie. Voir dans le même sens Du Vair Guillaume, De la sainte philosophie, Philosophie morale des stoïques, éd. Michaut, Paris, Vrin, 1946, p. 51 sq. Les œuvres de Dieu et les merveilles admirables de la création sont des « échelles » qu’il nous a dressées « pour monter jusques à lui ».
La preuve de Dieu par l’ordre et l’harmonie du monde chez Mersenne : voir Lenoble Robert, Mersenne ou la naissance du mécanisme, 2e éd., Paris, Vrin, 1971, p. 249. Argument que Mersenne trouve préférable aux deux principales preuves de saint Thomas, la preuve par le mouvement, et la preuve par la nécessité d’une première cause. Elle montre l’existence d’un Dieu providentiel ; c’est une preuve populaire, facilement persuasive. Le thème de l’harmonie du monde permet d’amples digressions de physique, qui conduisent à l’idée que la nature est l’œuvre de la Providence : p. 249.
Mersenne Marin, Quaestiones in Genesim, Paris, Sébastien Cramoisy, 1623, col. 43-44, 115-122, 125-131.
Mersenne Marin, L’impiété des déistes, éd. D. Descotes, Paris, Champion, 2005, p. 73 sq., et le poème p. 102-110.
Mersenne Marin, Questions harmoniques, Épître à M. de Rebours, Paris, Villery, 1634, ou éd. Pessel, Paris, Fayard, 1985, p. 107-108. Résumé de la conférence que Mersenne eut avec « un honnête homme touchant le mouvement de la terre ». Sur « le bel ordre qui est observé entre tous les grands corps du monde, dont les mouvements sont d’autant plus vite qu’ils sont moindres, car la lune fait son cours en 29 jours, Mercure dans 80 jours, Vénus dans 9 mois, le Soleil dans un an, Mars en deux, Jupiter en douze, et Saturne en trente ans, de sorte que le temps des circuits que font ces corps, va toujours s’augmentant à proportion de leurs grandeurs, et conséquemment le Ciel des étoiles doit être immobile, ou se mouvoir très lentement, afin de garder le même ordre des autres Cieux, et de ne rien gâter dans l’harmonie de l’univers : ce qui ne peut arriver si la terre ne se meut en vingt-quatre heures ». Contre l’idée simpliste d’une harmonie musicale de l’Univers conçue à la manière des Pythagoriciens, voir Question I, éd. Pessel, p. 114-115.
Le P. Mersenne amplifie l’argument dans des proportions baroques, dans L’impiété des déistes, I, ch. V, éd. D. Descotes, p. 100 sq.
« Dites-moi, je vous prie est-il possible de se persuader qu’il n’y a point de Dieu ? se peut-il faire que ces beaux lambris célestes, ces 4 éléments, et tout ce que nous voyons, n’ait été fait de personne ? sera-t-il plus facile de croire qu’une oraison de Cicéron, que l’Énéide de Virgile, qu’une maison, ou une ville ne peut être de soi-même, que les étoiles ou les éléments ? Mais je vous prie, pourquoi est-ce que le Ciel n’est plus grand, pourquoi n’est-il carré, ou sexagone, au lieu d’être rond, s’il ne dépend d’aucun ? »
Voir aussi Ch. V, Dedans lequel on continue à prouver que Dieu est, p. 111 sq.
« Bien que les raisons que je vous ai déduites jusques ici, ne soient que trop suffisantes pour faire évanouir l’Athéisme : néanmoins puisque vous prenez plaisir à ce discours, et qu’il semble que vous désirez vous en servir pour désabuser quelques-uns de votre connaissance, j’ajouterai encore quelques raisons, que je prendrai d’entre celles que j’ai plus amplement déduites en la question contre les Athées.
Il est impossible qu’il y ait un tel nombre de Planètes, et d’étoiles, comme il y a, et que les Cieux puissent garder la distance qui se trouve des uns aux autres, s’il n’y a quelqu’un qui leur ait donné ces proportions, et qui les ait faits en ce nombre, plutôt qu’en un autre ; car je vous prie, pourquoi est-ce que la Lune est éloignée de nous de cinquante et six semidiamètres de la terre, lorsqu’elle est en sa moyenne distance ? pourquoi le Soleil se recule-t-il de nous par 1182 semidiamètres, quand il est en son Apogée, lequel se retrouve cette année 1624 au dixième degré de l’Écrevisse ? et pourquoi n’est-il distant que de 1101 semidiamètres, lorsqu’il est en son Périgée, qui se retrouve au signe du _. Qui est-ce qui lui fait faire ce chemin en descendant plus bas en l’un qu’il n’était en l’autre de 81 semidiamètres ?
Je vous en pourrais demander tout autant de Saturne, de Jupiter, et de Mars, et m’enquêter pourquoi ils sont tantôt plus haut, tantôt plus bas, mais je serais trop long : c’est assez que vous voyez clairement qu’il faut nécessairement avouer qu’il y a un être divin réglant tout, et qui n’est réglé de personne.
Car le Soleil n’en serait pas moins Soleil, bien qu’il fût plus près, ou plus éloigné de la terre, aussi bien que les étoiles pourraient encore être étoiles, si elles s’absentaient plus loin de nous que de quatorze mille semidiamètres terrestres. La proportion qui se trouve entre tous les corps du monde, conclut aussi qu’il y a un Dieu, qui a fait tout l’Univers en poids, en nombre, et en mesure : car la terre n’aurait pas une pareille raison avec le Soleil, qu’à 1 à 140, et avec la Lune que quarante avec 1, et ne serait pas en comparaison de toute la solidité Sphérique du monde visible comme un à 2744000000000, (c’est-à-dire qu’elle n’aurait pas la proportion qui est entre l’unité, et deux trillions, sept cent quarante et quatre bilions : ce que d’autres diraient deux mille sept cents quarante et quatre milliards, prenant chaque milliard pour dix cents millions) ; la terre dis-je n’aurait pas cette raison avec les planètes, et avec tout le monde, s’il n’y avait un souverain Architecte, qui leur eût donné ces quantités, ces mesures, ces distances, et ces proportions. »
On trouvera d’autres formes de l’argument par l’ordre de la nature dans Mayaud Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 318. Moléry : « l’astronomie conduit grandement à l’exercice de la théologie sacrée, en sorte que, avec raison, Ptolémée, sans conteste le prince des astronomes, a affirmé que cette science unique est voie et chemin pour connaître le Dieu très haut. En effet, les cieux, par leur beauté, leur grandeur, la diversité de leurs mouvements et influx, et leur stabilité perpétuelle, louent en une manière admirable la bonté, la sagesse et la providence du Dieu glorieux et nous entraîne à le connaître, l’aimer et l’admirer. »
Pascal pense-t-il aussi à Descartes, dont les Méditations proposent au moins deux preuves de l’existence de Dieu ? Voir le propos rapporté dans le Mémoire sur Pascal et sa famille par Marguerite Périer, OC I, p. 1105. « Je ne puis pardonner à Descartes ; il voudrait bien, dans toute sa philosophie, se pouvoir passer de Dieu, mais il n’a pu s’empêcher de lui faire donner une chiquenaude pour mettre le monde en mouvement ; après cela il n’a plus que faire de Dieu. » Cette remarque est toutefois assez injuste, dans la mesure où elle omet la thèse cartésienne de la création continuée. D’autre part, c’est de la notion de Dieu qu’il conclut son existence, et non du spectacle de la nature.
L’argument par l’ordre du monde se retrouve bien après Pascal, chez Bossuet ou Fénelon.
Le Brun Jacques, La spiritualité de Bossuet, Klincksieck, Paris, 1972, p. 103. « C’est un effet admirable de la providence divine, que toutes les créatures, tant vivantes qu’inanimées, portent leur loi en elles-mêmes. Et le ciel, et les astres, et les éléments, et les plantes, et les animaux, enfin toutes les parties de ce grand monde ont reçu leurs lois particulières, qui, ayant toutes leurs secrets rapports avec la loi éternelle qui réside dans le Créateur, font que tout marche en concours et en unité, suivant l’ordre qui est prescrit par sa sagesse » (OO, V, p. 145-146).
Fénelon, Démonstration de l’existence de Dieu, in Œuvres II, éd. J. Le Brun, Pléiade, Paris, Gallimard, 1997. Voir la Première partie, L’art de la nature, p. 507 sq. Fénelon invoque dans le ch. I, les Preuves de l’existence de Dieu, tirées de l’aspect général de l’univers, p. 509 sq., les Preuves de l’existence de Dieu, tirées de la considération des principales merveilles de la nature, p. 513 sq. Sont abordés le spectacle des astres, du Soleil, la régularité de son cours, la perfection de son action, puis le spectacle de la terre et de sa perfection, non seulement physique, mais dans ce que son organisation entraîne du point de vue moral.
Julien Eymard d’Angers, Pascal et ses précurseurs. L’apologétique en France de 1580 à 1670, Nouvelles Éditions Latines, Paris, 1954, p. 66 sq. Les augustiniens ont tendance à utiliser la science pour humilier l’homme, et montrer que c’est une vaine curiosité et un fol désir que la science de ce monde.
Dans cette perspective, c’est plutôt l’argument par la preuve par le désordre du monde qui paraît pertinent. Voir Franklin James, The science of conjecture. Evidence and probability before Pascal, Baltimore and London, The John Hopkins Press, 2001, p. 235 sq. Il a semblé à certains auteurs que le désordre du monde était une meilleure preuve que l’ordre du monde. L’ordre peut toujours être justifié par des arguments de nécessité, alors que le désordre demande qu’on explique pourquoi les choses sont dans tel état particulier plutôt que dans tel autre, ce qui exige une explication virtuellement plus complexe, comme la volonté de Dieu par exemple.
C’est en fait le fond de l’argument des miracles, considérés comme des dérogations extraordinaires à l’ordre normal de l’univers. Conscients de l’impasse où conduisent les preuves naturelles, certains auteurs préfèrent s’appuyer sur les miracles. Voir dans la Bible de Port-Royal, la Préface de Daniel qui propose une défense de l’argument des miracles, pour éviter l’inefficacité des preuves par l’ordre de la nature : « la prophétie est le propre caractère de la divinité, et il est facile de le prouver. Car si un homme, par exemple, entreprend de faire voir l’existence du vrai Dieu par la création de l’univers et par cet ordre admirable qui paraît dans toute la nature, un impie s’élèvera contre lui en lui soutenant que le ciel et la terre sont de toute éternité, sans aucun principe qui les ait produits, et il n’est pas si aisé de le réduire au silence. Mais si l’on convient d’une prophétie, comme de celle de Daniel, et qu’on ne puisse raisonnablement la contester, si l’on demeure d’accord qu’elle a été proposée à tout un peuple plusieurs siècles avant que les choses qui y sont prédites se soient accomplies, et si enfin l’accomplissement de ces choses n’est pas moins incontestable, nul impie qui ne voudra pas renoncer à la raison ne pourra se dispenser de reconnaître qu’il y a nécessairement quelque Être supérieur à tous les corps et à toutes les causes naturelles qui gouverne toutes choses, qui est le maître de toutes les révolutions humaines, à qui les plus grands empires sont absolument soumis, comme ils ne sont devenus grands que par un effet de sa volonté souveraine, et qui connaissant par conséquent avec certitude tout l’avenir, dont il dispose infailliblement par sa providence, peut seul le faire connaître à qui il lui plaît, sans aucune distinction des temps et des siècles parce qu’ils sont tous comme un instant aux yeux de celui à qui toute l’éternité est toujours présente. Or cet Être souverain et éternel est ce que nous appelons le vrai Dieu. » Voir Chédozeau Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, I, Paris, Champion, 2013, p. 595.
Pascal a envisagé d’exploiter l’argument du miracle dans sa défense de la religion chrétienne. Mais ayant pris conscience qu’il n’était pas efficace de s’appuyer sur des miracles particuliers, il a préféré en changer profondément le sens, et concentrer son argumentation sur le miracle que constituent les prophéties. Voir Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, Paris, Nizet, 1977.
Ordre 2 (Laf. 3, Sel. 38). Et quoi ne dites-vous pas vous‑même que le ciel et les oiseaux prouvent Dieu ? Non. Et votre religion ne le dit-elle pas ? Non. Car encore que cela est vrai en un sens pour quelques âmes à qui Dieu donna cette lumière, néanmoins cela est faux à l’égard de la plupart.
Mais Pascal pense surtout que l’apologie doit imiter l’Écriture pour parler de Dieu (voir Preuves de Jésus-Christ 6 (Laf. 303, Sel. 334) : Un artisan qui parle des richesses, un procureur qui parle de la guerre, de la royauté, etc., mais le riche parle bien des richesses, le roi parle froidement d’un grand don qu’il vient de faire, et Dieu parle bien de Dieu.). Elle doit par conséquent emprunter une voie différente :
Preuves par les Juifs VI (Laf. 463, Sel. 702). C’est une chose admirable que jamais auteur canonique ne s’est servi de la nature pour prouver Dieu. Tous tendent à le faire croire. David, Salomon, etc., jamais n’ont dit : « Il n’y a point de vide, donc il y a un Dieu ». Il fallait qu’ils fussent plus habiles que les plus habiles gens qui sont venus depuis, qui s’en sont tous servis. Cela est très considérable.
Arnauld Antoine, Seconde lettre à un duc et pair, p. 232 sq., soutient même que le mieux que puisse faire le spectacle de la nature, c’est de rendre inexcusables ceux qui n’y voient pas l’image de Dieu. Il cite le cardinal Du Perron : la beauté du monde rend les hommes inexcusables si la contemplant ils n’adorent pas le créateur, quoique le péché fasse que cela ne soit possible qu’avec la grâce.
Le refus par Pascal des preuves métaphysiques indignait Cousin Victor, Œuvres, IVe série, Littérature, Blaise Pascal, p. 26. « On voit comment Pascal traite dans les preuves métaphysiques elles-mêmes, ces preuves aussi vieilles que le monde et la raison humaine. Je conviens que son dessein et l’absolu pyrrhonisme exigeaient de lui cela ; mais n’est-ce pas un gratuit et incompréhensible renversement des notions les plus reçues de soutenir, et d’un ton sérieux, que cet ordre de preuves n’étant propre qu’à en faire naître le mépris, jamais auteur canonique n’en a fait usage ! »
Pourquoi les hommes ne reconnaissent-ils pas Dieu dans l’univers ? Arnauld semble être sur une position analogue à celle de Pascal.
Arnauld Antoine, Apologie pour les saints Pères, Œuvres, XVIII, Livre IV, ch. V, p. 332 sq. Pourquoi l’instruction de la nature, donnée généralement à tous les hommes, ne peut servir à sauver personne sans une grâce particulière que Dieu donne à qui il lui plaît. Voir saint Prosper, De la vocation des gentils, II, ch. XVII. Ibid., p. 333 : accord entre ces deux idées, que « la beauté des créatures visibles soit un miroir éclatant, qui représente à tous les hommes l’invisible majesté de leur Auteur, et les invite à l’adorer et à le servir ; et que néanmoins le péché ayant rempli tous les hommes de ténèbres et d’aveuglement, il n’y ait plus personne, depuis la corruption de la nature, qui étant laissé à lui-même, comme l’ont été les païens, selon la parole sainte, se puisse servir de cette considération des créatures pour se porter à Dieu, et à l’aimer plus que toutes choses, comme il est nécessaire pour le salut » : p. 333. Les ennemis de la grâce méconnaissent la gravité de la blessure venue du péché ; ils jugent des choses, non comme elle sont après la chute, mais « comme elles seraient si l’homme était toujours demeuré dans sa première santé et dans son innocence originelle » : p. 333. Avant le péché, la grâce était toujours présente en l’homme sain : il voyait les traits du Créateur « gravés dans toutes les parties du monde » ; voyant Dieu en soi, il le voyait aussi hors de soi. Aujourd’hui, le tableau n’a pas changé, mais le spectateur « n’est plus le même », et il « n’a plus les mêmes yeux pour le voir et le contempler » : p. 333-334. Voir le ch. VIII, p. 348 sq. Passages des Pères prouvant que « la beauté du monde et les biens de la nature sont propres d’eux-mêmes à faire connaître et aimer Dieu ; mais que l’homme, depuis sa chute, ne peut se servir de ces secours extérieurs et naturels, sans une grâce intérieure et surnaturelle, que Dieu ne donne qu’à qui il lui plaît ». Voir p. 352 : « Nul de ceux qui périssent ne peut apporter pour excuse, que la lumière de la vérité ne lui a pas été présentée : Ut nulli pereuntium, excusatio suppetat de abnegato sibi lumine veritatis (De voc. Gent. II, 29). Mais il est constant aussi, que sans une grâce particulière, que Dieu ne fait qu’à qui il lui plaît, tout cela ne peut servir qu’à rendre les hommes inexcusables, et non pas à les rendre meilleurs, ni à leur donner le moyen de se sauver ; ablata est excusatio, non collata salvatio (Fulgent.) ; et que si Dieu ne parle au cœur par la voix intérieure de sa grâce et de son Esprit, qui lui inspire son amour en même temps que sa connaissance, toutes les créatures ont beau crier à tous les hommes, qu’ils sont obligés d’aimer et de servir Dieu, elles crient à des personnes qui n’ont point d’oreilles pour les entendre : Alioquin coelum et terra surdis loquuntur laudes tuas (August.) ».
Nicole, en revanche, a composé un Discours contenant en abrégé les preuves naturelles de l’existence de Dieu, éd. Jourdain, p. 2, où il défend la position suivante : « La raison n’a qu’à suivre son instinct naturel pour se persuader qu’il y a un Dieu créateur de tout ce que nous voyons, lorsqu’elle jette les yeux sur les mouvements si réglés de ces grands corps qui roulent sur nos têtes ; sur cet ordre de la nature qui ne se dément jamais ; sur l’enchaînement admirable de ses diverses parties qui se soutiennent les unes les autres, et qui ne subsistent toutes que par l’aide naturelle qu’elles s’entreprêtent ; sur cette diversité de pierres, de métaux, de plantes ; sur cette structure admirable des corps animés ; sur leur production, leur naissance, leur accroissement, leur mort. Il est impossible qu’en contemplant toutes ces merveilles, l’esprit n’entende cette voix secrète, que tout cela n’est pas l’effet du hasard, mais de quelque cause qui possède en soi toutes les perfections que nos remarquons dans ce grand ouvrage ».
Je ne m’étonnerais pas de leur entreprise s’ils adressaient leurs discours aux fidèles, car il est certain [que ceux] qui ont la foi vive dedans le cœur voient incontinent que tout ce qui est n’est autre chose que l’ouvrage du Dieu qu’ils adorent.
Mesnard Jean, “Au cœur de l’apologétique pascalienne : Dieu par Jésus-Christ”, in La culture du XVIIe siècle, p. 414-425. Vouloir de la création faire remonter au Créateur, prouver Dieu par le cours de la lune et des planètes, par le ciel et les oiseaux, c’est tenir un langage parfaitement valide, mais intelligible seulement à ceux-là qui ont déjà la foi. Les autres, même s’ils semblent d’abord convaincus, ne pourront l’être durablement.
Droz Édouard, Étude sur le scepticisme de Pascal considéré dans le livre des Pensées, p. 77 sq., remarque à juste titre que Pascal accorde une certaine valeur aux preuves physiques ; mais il les déclare propres à persuader les fidèles qui voient incontinent que l’image de Dieu est dans la nature ; mais elles laissent les incrédules à leurs doutes, et ce moyen de connaître Dieu ne va pas jusqu’à faire voir qu’on ne peut connaître Dieu sans médiateur.
Ordre 2 (Laf. 2, Sel. 38). Et quoi ne dites-vous pas vous‑même que le ciel et les oiseaux prouvent Dieu ? Non. Et votre religion ne le dit-elle pas ? Non. Car encore que cela est vrai en un sens pour quelques âmes à qui Dieu donna cette lumière, néanmoins cela est faux à l’égard de la plupart.
Saint Augustin, Sermon 241, De tempore, 143, 2, n. 2, « Ista pulchra mirabilia quis fecit, nisi incommutabilis pulcher ? ».
Julien Eymard d’Angers, Pascal et ses précurseurs, p. 100 sq. Le sentiment de Dieu. Voir p. 116 sq., une comparaison de Pascal avec les autres apologistes sur ce sujet. Abra de Raconis, Jean de Silhon, portés sur l’argument du sentiment : p. 107 sq. Instinct, inclination, sentiment, loi gravée dans l’âme : p. 108. Yves de Paris : illumination, élan joyeux, idées d’infini. Tout cela s’éveille au contact de la nature, qui éveille l’idée de son maître : p. 109.
Donetzkoff Denis, Saint-Cyran épistolier, p. 323, sur Lettre 137, p. 296. « Quand vous irez quelquefois à la promenade, considérez, je vous supplie, que tout ce que vous voyez dans les champs sont des images des excellences de celui que vous aimez, dont une partie se voit dans l’Église et en ce monde, et les autres se verront dans le Ciel. Car tout le monde n’est qu’un tableau, et Dieu, en créant les choses visibles, n’a fait que peindre les invisibles, comme les peintres ne nous représentent que les visibles. ». C’est un moyen de s’entretenir avec Dieu.
Mais pour ceux en qui cette lumière est éteinte et dans lesquels on a dessein de la faire revivre, ces personnes destituées de foi et de grâce, qui, recherchant de toute leur lumière tout ce qu’ils voient dans la nature qui les peut mener à cette connaissance, ne trouvent qu’obscurité et ténèbres.
On peut rapprocher ce passage du discours que Pascal prête à l’incrédule inquiet et malheureux.
Preuves par discours II (Laf. 429, Sel. 682). Voilà ce que je vois et ce qui me trouble. Je regarde de toutes parts, et je ne vois partout qu’obscurité. La nature ne m’offre rien qui ne soit matière de doute et d’inquiétude. Si je n’y voyais rien qui marquât une divinité, je me déterminerais à la négative ; si je voyais partout les marques d’un créateur, je reposerais en paix dans la foi. Mais, voyant trop pour nier et trop peu pour m’assurer, je suis en un état à plaindre, et où j’ai souhaité cent fois que, si un Dieu la soutient, elle le marquât sans équivoque ; et que, si les marques qu’elle en donne sont trompeuses, elle les supprimât tout à fait ; qu’elle dît tout ou rien, afin que je visse quel parti je dois suivre. Au lieu qu’en l’état où je suis, ignorant ce que je suis et ce que je dois faire, je ne connais ni ma condition, ni mon devoir. Mon cœur tend tout entier à connaître où est le vrai bien, pour le suivre ; rien ne me serait trop cher pour l’éternité. Je porte envie à ceux que je vois dans la foi vivre avec tant de négligence, et qui usent si mal d’un don duquel il me semble que je ferais un usage si différent.
Il faut cependant préciser que Pascal fait une grosse différence entre l’incrédule dont il parle dans son projet de Préface, qui ne trouve qu’obscurité et ténèbres, et celui de Preuves par discours II, qui ne voit rien qui ne soit matière de doute, et voit trop pour nier et trop peu pour [s]’assurer.
On ne peut pas assimiler l’incroyant qui voudrait que, si un Dieu la soutient, la nature le marquât sans équivoque, à celui qui blasphème ce qu’il ignore.
Preuves par discours III (Laf. 449, Sel. 690). Ils blasphèment ce qu’ils ignorent. [...] Ils prennent lieu de blasphémer la religion chrétienne, parce qu’ils la connaissent mal. Ils s’imaginent qu’elle consiste simplement en l’adoration d’un Dieu considéré comme grand et puissant et éternel ; ce qui est proprement le déisme, presque aussi éloigné de la religion chrétienne que l’athéisme, qui y est tout à fait contraire. Et de là ils concluent que cette religion n’est pas véritable, parce qu’ils ne voient pas que toutes choses concourent à l’établissement de ce point, que Dieu ne se manifeste pas aux hommes avec toute l’évidence qu’il pourrait faire.
Pascal projette du reste d’appliquer à ces deux types d’incrédules des traitements différents.
D’autre part, du seul fait que l’un et l’autre cherchent, quoiqu’ils ne se trouvent pas au même degré dans la recherche, ils sont sur le seuil de la connaissance de Dieu. C’est un commencement dont on ignore s’il débouchera sur une conversion véritable et complète, mais pour eux comme pour le chrétien converti vaut la parole Console-toi. Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé de la Pensée n° 8H-19T (Laf. 919, Sel. 751).
Dire à ceux‑là qu’ils n’ont qu’à voir la moindre des choses qui les environnent et qu’ils y verront Dieu à découvert, et leur donner pour toute preuve de ce grand et important sujet le cours de la lune et des planètes, et prétendre [ ] avoir achevé sa preuve avec un tel discours
Voir Excellence 2 (Laf. 190, Sel. 222), qui propose aussi un projet de Préface : Préface. Les preuves de Dieu métaphysiques sont si éloignées du raisonnement des hommes et si impliquées, qu’elles frappent peu et quand cela servirait à quelques-unes, cela ne servirait que pendant l’instant qu’ils voient cette démonstration, mais une heure après ils craignent de s’être trompés. Quod curiositate cognoverunt, superbia amiserunt.
et Excellence 3 (Laf. 190, Sel. 223). C’est ce que produit la connaissance de Dieu qui se tire sans J.-C. qui est de communiquer sans médiateur, avec le Dieu qu’on a connu sans médiateur. Au lieu que ceux qui ont connu Dieu par médiateur connaissent leur misère.
Preuves par discours III (Laf. 449, Sel. 690). Je n’entreprendrai pas ici de prouver par des raisons naturelles, ou l’existence de Dieu, ou la Trinité, ou l’immortalité de l’âme, ni aucune des choses de cette nature ; non seulement parce que je ne me sentirais pas assez fort pour trouver dans la nature de quoi convaincre des athées endurcis, mais encore parce que cette connaissance, sans Jésus-Christ, est inutile et stérile. Quand un homme serait persuadé que les proportions des nombres sont des vérités immatérielles, éternelles et dépendantes d’une première vérité en qui elles subsistent, et qu’on appelle Dieu, je ne le trouverais pas beaucoup avancé pour son salut.
c’est leur donner sujet de croire que les preuves de notre religion sont bien faibles, et je vois par raison et par expérience que rien n’est plus propre à leur en faire naître le mépris.
L’emploi d’arguments dépourvus de pertinence par des apologistes maladroits expose la religion au mépris des incrédules. Pascal s’inquiète des conséquences néfastes que les initiatives des demi-habiles peuvent avoir sur la religion chrétienne d’une part, mais aussi sur les incrédules en recherche, auxquels on ne propose que des preuves sans force.
Même souci dans Provinciale XVIII, 33, à propos de l’usage de la raison et de l’autorité en matière d’interprétation. « Que si on voulait en user autrement, ce ne serait pas rendre l’Écriture vénérable, mais ce serait au contraire l’exposer au mépris des infidèles ; parce, comme dit saint Augustin, que, quand ils auraient connu que nous croyons dans l’Écriture des choses qu’ils savent certainement être fausses, ils se riraient de notre crédulité dans les autres choses qui sont plus cachées, comme la résurrection des morts et la vie éternelle. Et ainsi, ajoute saint Thomas, ce serait leur rendre notre religion méprisable, et même leur enfermer l’entrée. »
Pascal suit en l’occurrence Saint Augustin : voir La Genèse au sens littéral, I, XVIII, 39, Bibliothèque augustinienne, 48, p. 137 sq.
« Il arrive assez souvent en effet que, sur la terre, le ciel, les éléments de ce monde, sur le mouvement et la révolution des astres ou encore sur leur grandeur et leur distance, sur les éclipses du soleil et de la lune, sur le cycle des années et des saisons, sur la nature des animaux, des plantes, des pierres et autres choses semblables, un homme même non chrétien ait des connaissances telles qu’il les tienne pour indubitablement établies par la raison et l’expérience. Il est extrêmement choquant et dommageable – et c’est une attitude dont il faut se garder à tout prix – qu’il entende un chrétien tenir sur de tels sujets des propos délirants en ayant l’air de s’appuyer sur les Écritures. En le voyant se tromper, comme on dit, de toute la distance du ciel à la terre, l’incroyant pourra difficilement se retenir de rire. Ce qui est fâcheux, ce n’est pas tellement qu’un homme qui divague prête à rire, mais c’est que, aux yeux des gens qui ne partagent pas notre foi, nos écrivains passent pour avoir professé de telles opinions et, au plus grand dam de ceux dont le salut nous tient à cœur, soient considérés comme des ignares dont il faut critiquer et réfuter les dires. Car lorsque, en des matières qui leur sont parfaitement connues, des incroyants surprennent un chrétien en flagrant délit d’erreur et le voient tenir des propos inconsistants en se réclamant de nos saints livres, comment pourront-ils croire ce que disent ces livres sur la résurrection des morts, de l’espérance de la vie éternelle et du royaume des cieux, s’ils pensent que ces écrits renferment nombre d’erreurs sur des choses qu’on peut dès maintenant connaître par expérience ou prouver par des raisons indubitables ? On ne peut assez dire quelle source d’ennuis et de tristesse sont, pour leurs frères plus sages, ces chrétiens téméraires et présomptueux, lorsque, se voyant repris et convaincus d’erreur, à propos de leurs opinions fausses et erronées, par ceux qui ne reconnaissent pas l’autorité de nos livres saints, ils s’efforcent, pour défendre ce qu’ils avancent avec tant de légèreté téméraire et de flagrante erreur, de faire appel à ces mêmes livres saints pour étayer leurs dires ».
Mayaud Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. II, p. 40 sq. Sur le passage de saint Augustin dans le De Genesi ad litteram. Si on dit des sottises sur le monde naturel, on fera mépriser les dogmes sur la résurrection des morts et la vie éternelle : p. 40.
L’autorité de saint Augustin est invoquée par saint Thomas, dans un passage de la Somme théologique. Voir saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, Ia, q. 68. a. 1. Rép. « Saint Augustin enseigne qu’il y a deux règles à observer dans les questions relatives aux matières de science : 1. Tenir indéfectiblement que l’Écriture sainte est vraie. 2. Quand l’écriture peut être expliquée de plusieurs manières, personne ne doit donner à l’une des interprétations une adhésion tellement absolue, que, dans le cas où il serait établi par raison certaine que cela est faux, on ait la présomption d’affirmer que tel est le sens de l’Écriture : de peur que la sainte Écriture n’en vienne à être tournée en ridicule par les infidèles, et qu’ainsi le chemin de la foi ne leur soit fermé. »
Mayaud Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, t. III, p. 944-945. Voir t. IV-V, p. 444-445, note 7. Dans la citation de Thomas, Pascal substitue notre religion à l’Écriture. Pascal résume de manière drastique la citation de saint Augustin.
Pascal n’est pas le seul à s’inquiéter des conséquences défavorables à l’Église que peuvent avoir les initiatives des demi-habiles, philosophes et théologiens.
Le passage de saint Augustin est cité dans la Lettre à Christine de Lorraine de Galilée : voir le même argument chez Galilée, selon Russo François, “Lettre de Galilée à Christine de Lorraine Grande-Duchesse de Toscane (1615)”, Revue d’histoire des sciences, t. XVII, n° 4, oct.-déc. 1964, p. 331-367, p. 337. Galilée reprend, l’idée qu’on compromet l’Écriture en laissant des auteurs ignares et superficiels parsemer leurs écrits de citations mal interprétées, p. 347 : « Leurs vaines imaginations porteraient atteinte à la majorité et à la dignité des saintes lettres » : p. 359. Saint Augustin se soucie de ne pas donner à rire aux incrédules ; voir Lettre de Galilée à Christine de Lorraine, 1615, in Lo Chiatto Franco et Marconi Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 200. Galilée cite saint Augustin qui souligne à quel point sont nuisibles les présomptueux qui portent préjudice aux Écritures : p. 201.
Le même raisonnement est développé dans Campanella, De sensu rerum et magia, Secundum assertum, Paris, Bechet, 1637, p. 4-5, qui cite saint Augustin d’abord, puis saint Thomas.
Campanella Tommaso, Apologia pro Galileo, Apologie de Galilée, éd. Michel Pierre Lerner, Les Belles Lettres, Paris, 2001, p. XXIV. Campanella attire l’attention du cardinal Bellarmin sur les conséquences néfastes qu’aurait, pour le rayonnement de la foi catholique auprès des réformés, une condamnation de la ratio philosophandi de Galilée. Il faut préserver l’Écriture de la derisio : p. CIV. Erreurs des saints et des théologiens qui ont exposé le texte sacré au ridicule en invoquant son autorité pour soutenir des doctrines qui se sont ensuite révélées fausses : p. CIV. Il y a même péril pour la foi à suivre aveuglément les enseignements d’Aristote : p. CXII. Les catholiques ne peuvent commettre l’erreur de réfuter la doctrine galiléenne, selon Campanella, sans déclencher l’irrision des Allemands qui tiennent pour le système de Copernic, sans du même coup compromettre les chances de la reconquête par Rome des terres passées à la Réforme : p. CXXI. « L’insupportable, ce n’est pas tant qu’il voie un homme se tromper, mais c’est que des gens qui sont hors de l’Église croient que nos auteurs chrétiens ont professé de semblables idées et que pour cette raison ils les critiquent comme des ignorants, pour la grande perte de ceux dont le salut nous préoccupe » : p. 72. « Pour ces raisons, si Galilée finit par triompher, ce n’est pas à une mince dérision que nos théologiens exposeront le foi romaine, auprès des hérétiques, alors qu’aujourd’hui tout le monde a adopté avidement sa théorie et le télescope, en Allemagne, en France, en Angleterre, en Pologne, au Danemark, en Suède, etc. » : p. 78. Sur l’exagération de cette affirmation, voir la note p. 235-236.
Namer émile, L’affaire Galilée, Paris, Gallimard-Julliard, 1975, p. 89 sq. Lettre de Galilée à Castelli du 21 décembre 1613. « Si donc l’Écriture, pour s’adapter à l’entendement de la multitude, doit s’exprimer dans un langage qui, par la signification littérale, s’éloigne de la vérité absolue, et si, au contraire, la nature inexorable et immuable, peu soucieuse que ses raisons cachées et sa manière d’opérer soient ou ne soient pas accessibles à la compréhension des hommes, ne transgresse jamais les lois qui lui ont été imposées, il s’ensuit que les effets naturels, qui résultent des expériences sensibles ou des démonstrations nécessaires, ne doivent en aucun cas être révoqués en doute, sous prétexte que tel passage de l’Écriture aurait une signification contraire, car la parole de l’Écriture n’est pas liée à des obligations aussi sévères que les effets de la nature... » : p. 91.
Ce n’est pas de cette sorte que l’Écriture, qui connaît mieux les choses qui sont de Dieu, en parle. Elle dit au contraire que Dieu est un Dieu caché et que depuis la corruption de la nature il les a laissés dans un aveuglement dont ils ne peuvent sortir que par Jésus-Christ hors duquel toute communication avec Dieu est ôtée :
Voir le dossier thématique sur le Dieu caché.
Fondement 20 (Laf. 242, Sel. 275). Que Dieu s’est voulu cacher. S’il n’y avait qu’une religion Dieu y serait bien manifeste. S’il n’y avait des martyrs qu’en notre religion de même. Dieu étant ainsi caché toute religion qui ne dit pas que Dieu est caché n’est pas véritable, et toute religion qui n’en rend pas la raison n’est pas instruisante. La nôtre fait tout cela. Vere tu es deus absconditus.
Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). Qu’ils apprennent au moins quelle est la religion qu’ils combattent avant que de la combattre. Si cette religion se vantait d’avoir une vue claire de Dieu et de la posséder à découvert et sans voile, ce serait la combattre que de dire qu’on ne voit rien dans le monde qui la montre avec cette évidence. Mais puisqu’elle dit au contraire que les hommes sont dans les ténèbres et dans l’éloignement de Dieu, qu’il s’est caché à leur connaissance, que c’est même le nom qu’il se donne dans les Écritures, Deus absconditus ; et, enfin, si elle travaille également à établir ces deux choses : que Dieu a établi des marques sensibles dans l’Église pour se faire reconnaître à ceux qui le chercheraient sincèrement, et qu’il les a couvertes néanmoins de telle sorte qu’il ne sera aperçu que de ceux qui le cherchent de tout leur cœur, quel avantage peuvent-ils tirer, lorsque dans la négligence où ils font profession d’être de chercher la vérité, ils crient que rien ne la leur montre, puisque cette obscurité où ils sont, et qu’ils objectent à l’Église, ne fait qu’établir une des choses qu’elle soutient sans toucher à l’autre et établit sa doctrine bien loin de la ruiner ?
Isaïe, XLV, 15 : « Vous êtes vraiment le Dieu caché, le Dieu d’Israël, le sauveur ». Explication, p. 388. Voir aussi la Préface de Sacy dans Les Nombres et le Deutéronome.
Voir Lacombe Roger, L’apologétique de Pascal, p. 217 ; Nédoncelle, “Le moi d’après les Pensées”, p. 45. L’échec de l’apologiste semble se transformer en victoire commode : Dieu vous a aveuglé, puisque je ne peux vous convaincre ou vous convertir, ou vous vous aveuglez vous-même. Mais c’est faire bon marché de l’aspect doctrinal. La doctrine de l’occultation est au cœur du christianisme : c’est un corollaire de Jésus-Christ et du péché originel.
Nemo novit Patrem, nisi Filius, et cui Filius voluerit revelare.
Matthieu, 11, 27. « Omnia mihi tradita sunt a Patre meo. Et nemo novit Filium nisi Pater : neque Patrem quis novit nisi Filius, et cui voluerit Filius revelare ». Tr. de Port-Royal : « Mon Père m’a mis toutes choses entre les mains, et nul ne connaît le Fils que le Père : comme nul ne connaît le Père que le Fils, et celui à qui le Fils l’aura voulu révéler ». Le commentaire de Port-Royal sur ce passage précise que cela doit « s’entendre par rapport aux créatures, et non par rapport à la troisième Personne de la très sainte Trinité, qui procédant du Fils en reçoit essentiellement toute la plénitude de la connaissance du Père ».
C’est ce que l’Écriture nous marque quand elle dit en tant d’endroits que ceux qui cherchent Dieu le trouvent. Ce n’est point de cette lumière qu’on parle comme le jour en plein midi. On ne dit point que ceux qui cherchent le jour en plein midi ou de l’eau dans la mer en trouveront.
Voir le dossier thématique sur La recherche de Dieu.
Matthieu, VII, 7-8. « Petite, et dabitur vobis ; quaerite, et invenietis ; pulsate, et aperietur vobis. 8. Omnis enim qui petit, accipit ; et qui quaerit, invenit ; et pulsanti aperietur ». Tr. de Port-Royal : « Demandez, et on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez à la porte, et on vous ouvrira. 8. Car quiconque demande reçoit ; et qui cherche trouve, et on ouvrira à celui qui frappe à la porte ». Commentaire de Port-Royal : Jésus-Christ apprend à ses disciples « que pour pouvoir accomplir ce qu’il leur avait prescrit, ils ne devaient pas se contenter de leurs efforts, mais implorer le secours du ciel, qui leur rendrait tout facile. C’est la raison pour laquelle il leur commande de prier, et leur promet en même temps de les exaucer. Mais il ne veut pas que ces prières soient froides et lâches : car c’est ce qu’il leur témoigne, lorsqu’après leur avoir dit de demander, il leur ordonne aussitôt après de chercher : car celui qui cherche bannit tout de son esprit, dit saint Chrysostome, pour ne s’occuper que de ce qu’il cherche. Et il veut encore que ces prières soient persévérantes ; ce qu’il exprime en leur ordonnant de frapper ». La suite du commentaire cite des passages de saint Augustin et de saint Jean Chrysostome.
C’est un thème des Écrits sur la grâce que la prière est toujours satisfaite lorsqu’elle est sincère : voir Lettre sur la possibilité des commandements, Mouvement initial, 1. Rédaction préliminaire amputée de son début, OC III, éd. J. Mesnard, p. 647. Si les justes « ont le pouvoir de persévérer dans la demande de la justice, ils ont aussi celui de persévérer dans la justice même, puisqu’il est infaillible par les promesses de l’Évangile qu’ils obtiennent ce qu’ils demandent par la grâce ».
Lettre sur la possibilité des commandements, Mouvement initial, 2, Début de la Lettre : rédaction élaborée, OC III, p. 654, § 26. « Les promesses de l’Évangile et de l’Écriture nous assurent d’obtenir infailliblement la justice nécessaire pour le salut, si nous la demandons par l’esprit de la grâce, et comme il faut ».
On ne dit point que ceux qui cherchent le jour en plein midi ou de l’eau dans la mer en trouveront : argument ab inutili sensu. Voir Perelman Ch. et Olbrechts-Tyteca L., Traité de l’argumentation, II, Paris, P. U. F., 1958, p. 375, et Ducrot Oswald, Dire et ne pas dire, Paris, Hermann, 1972, p. 83. On rejette toute interprétation du discours qui rendrait celui-ci ridicule ou inutile ; est ridicule une affirmation ou une inférence où la conclusion ne fait que reprendre les prémisses.
Et ainsi il faut bien que l’évidence de Dieu ne soit pas telle dans la nature. Aussi elle nous dit ailleurs : Vere tu es Deus absconditus.
Isaïe, XLV, 15. « Vraiment tu es un Dieu caché ».
Voir le dossier thématique sur le Dieu caché, et la lettre 4 à Melle de Roannez (env. 29 octobre 1656), OC III, éd. J. Mesnard, p. 1035.
Le refus des preuves par l’ordre de la nature a valu à Pascal de sévères critiques, du côté des catholiques même.
Voir la lettre de Paul Claudel à H. F. Stewart, Œuvres en prose, éd. J. Petit et C. Galpérine, Pléiade, Paris, Gallimard, p. 1414-1416.
Voir le commentaire de Sellier Philippe sur ce reproche, Pascal et saint Augustin, p. 63-64, qui renvoie à la liasse Ordre.