Fragment Fondement n° 5 / 21 – Papier original : RO 47-2
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Fondement n° 281’ p. 117-117 v° / C2 : p. 143-144
Éditions de Port-Royal : Chap. XVIII - Dessein de Dieu de se cacher aux uns, et de se découvrir aux autres : 1669 et janvier 1670 p. 141-142 et 144 / 1678 n° 13 p. 140 et n° 19 p. 142
Éditions savantes : Faugère II, 282, XXIV / Havet XX.9 et 10 / Brunschvicg 751 / Tourneur p. 251-1 / Le Guern 213 / Lafuma 228 / Sellier 260
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Bibliographie ✍
ARNAULD Antoine, Nouvelle défense de la traduction du nouveau testament de Mons, Livre IX, ch. VI, Œuvres, VII, p. 667 sq. BOULENGER Abbé, La doctrine catholique, II, La morale, Paris-Lyon, Vitte, 1941. BOULLIER David Renaud, Sentiments de M*** sur la critique des Pensées de Pascal par M. Voltaire, § XVIII, p. 58. FORCE Pierre, Le problème herméneutique chez Pascal, p. 67. ISAIE, VI, 10. Voir Isaïe, traduit en français, Paris, Desprez, 1686 (traduction Le Maître de Sacy). NICOLE Pierre, Essais de morale, VI, VI, Traité du scandale, § II, éd. 1755, p. 89 sq. PONTAS, Dictionnaire des cas de conscience, II, article Scandale, p. 577 sq. VOLTAIRE, Lettres philosophiques, XXV, § XVIII, éd. Ferret et McKenna, Garnier, 2010, p. 175. |
✧ Éclaircissements
Que disent les prophètes de Jésus-Christ ? Qu’il sera évidemment Dieu ? Non, mais qu’il est un Dieu véritablement caché, qu’il sera méconnu, qu’on ne pensera point que ce soit lui,
Sur le Dieu véritablement caché, voir lle dossier thématique Dieu caché, et le fragment Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681).
Les Juifs se sont trompés sur la nature du Messie qui leur était promis : ils attendaient un prince politique puissant, alors que Jésus-Christ, roi de charité, ne voulait pas régner. Il n’a donc pas été reconnu, et l’on n’a pas pensé qu’il fût le Messie. D’autres en revanche sont arrivés à passer pour tels : voir Prophéties 16 (Laf. 337, Sel. 369) : Hérode cru le Messie. Il avait ôté le sceptre de Juda, mais il n’était pas de Juda. Cela fit une secte considérable. Et Barcosba et un autre reçu par les Juifs. Et le bruit qui était partout en ce temps-là.
Fondement 20 (Laf. 242, Sel. 275). Que Dieu s’est voulu cacher.
S’il n’y avait qu’une religion Dieu y serait bien manifeste.
S’il n’y avait des martyrs qu’en notre religion de même.
Dieu étant ainsi caché toute religion qui ne dit pas que Dieu est caché n’est pas véritable, et toute religion qui n’en rend pas la raison n’est pas instruisante. La nôtre fait tout cela. Vere tu es deus absconditus.
Prophéties V (Laf. 487, Sel. 734). Pendant la durée du Messie. [...] Il doit aveugler les sages et les savants. Is. 6. - Is. 8.29. - Is. 29. - Is. 61. et annoncer l’évangile aux pauvres et aux petits, ouvrir les yeux des aveugles et rendre la santé aux infirmes - et mener à la lumière ceux qui languissent dans les ténèbres. Is. 61.
Laf. 781, Sel. 644. Préface de la seconde partie. [...] Ce n’est pas de cette sorte que l’Écriture qui connaît mieux les choses qui sont de Dieu en parle. Elle dit au contraire que Dieu est un Dieu caché et que depuis la corruption de la nature il les a laissés dans un aveuglement dont ils ne peuvent sortir que par J.-C. hors duquel toute communication avec Dieu est ôtée. Nemo novit patrem nisi filius et cui filius voluit revelare.
C’est ce que l’Écriture nous marque quand elle dit en tant d’endroits que ceux qui cherchent Dieu le trouvent. Ce n’est point de cette lumière qu’on parle comme le jour en plein midi. On ne dit point que ceux qui cherchent le jour en plein midi ou de l’eau dans la mer en trouveront et ainsi il faut bien que l’évidence de Dieu ne soit pas telle dans la nature. Aussi elle nous dit ailleurs : vere tu es deus absconditus.
qu’il sera une pierre d’achoppement, à laquelle plusieurs heurteront, etc.
Cette expression de pierre d’achoppement se comprend mieux par le mot plus précis de scandale. Toutefois, comme l’indique Nicole dans son Traité du scandale (Essais de morale VI), le mot ne doit pas être entendu au sens restreint qu’il a pris aujourd’hui, d’horreur causée par une action immorale.
Voir Boulenger Abbé, La doctrine catholique, II, La morale, Paris-Lyon, Vitte, 1941, § 208, p. 84. Scandale : du latin scandalum, pierre d’achoppement. Étymologiquement, c’est un obstacle qu’on rencontre sur son chemin et qui peut causer la chute. Celui qui pose l’obstacle ou occasion de péché, donne le scandale (scandale actif) ; celui qui s’y heurte reçoit le scandale (scandale passif). Voir 215, p. 95 sq. Le scandale, c’est tout acte extérieur qui peut porter le prochain au péché.
Voir aussi Nicole Pierre, Essais de morale, VI, Traité du scandale, § II, éd. 1755, p. 89 sq. « Scandale signifie donc ce qui cause une chute, c’est-à-dire un péché, ou qui est capable d’en causer. Ainsi scandaliser, c’est donner occasion de chute à quelqu’un ».
Pontas, Dictionnaire des cas de conscience, II, article Scandale, p. 577 sq.
Mais le mot ne doit pas être pris au même sens selon qu’il s’agit de l’homme ou de Dieu.
Naturellement, lorsqu’il est question de l’homme, il faut entendre l’action par laquelle un homme est cause de la chute, c’est-à-dire du péché d’un autre.
Boulenger Abbé, op. cit., § 208. Trois conditions sont requises pour qu’il y ait scandale : il faut que l’acte soit extérieur : on peut scandaliser par des paroles contraires à la foi et aux mœurs (blasphèmes, imprécations, paroles licencieuses), soit par des actes qui poussent au mal ceux qui en sont témoins, soit par des écrits, soit par omission d’actes commandés. L’acte doit être mauvais en soi, ou en apparence seulement (celui qui mange en public de la viande un jour défendu scandalise même s’il bénéficie d’une dispense). La troisième condition est que l’acte puisse porter le prochain au péché. Il y a scandale lorsque les trois conditions sont réunies, et il n’est pas alors nécessaire que la chute du prochain s’ensuive. La gravité du scandale vient de ce que le scandaleux travaille à perdre les âmes, et surtout de ce qu’il produit un mal contagieux et le plus souvent difficilement réparable.
Nicole Pierre, Essais de morale, VI, Traité du scandale, § II, éd. 1755, p. 89 sq. « Encore que les actions infâmes, injustes et cruelles qui causent de l’horreur soient effectivement scandaleuses, parce que celui qui les commet porte autant qu’il peut les autres à les imiter, on peut dire néanmoins que ces actions qui portent leur condamnation sur le front, sont en quelque sorte les moins scandaleuses, parce qu’elles font tomber moins de personnes, l’horreur qu’on en conçoit, bien loin d’être un scandale, en est au contraire un remède et un préservatif, puisque c’est ce qui nous empêche d’imiter les actions vicieuses ».
Mais lorsqu’il s’agit de Dieu, il en va autrement. Le Christ, par sa prédication, a suscité de grandes oppositions, notamment de la part des pharisiens, qui ont été pour eux de graves péchés. Il n’en a pas pour autant été responsable de ces fautes, car, selon Miracles II (Laf. 850, Sel. 431), Il y a bien de la différence entre tenter et induire en erreur. Dieu tente mais il n’induit pas en erreur. Tenter est procurer les occasions que n’imposant point de nécessité, si on n’aime pas Dieu, on fera une certaine chose. Induire en erreur est mettre l’homme dans la nécessité de conclure et suivre une fausseté. Or Jésus-Christ n’est pas venu dans une obscurité complète, et par conséquent il ne trompait pas les hommes.
L’idée de scandale entendue en ce sens revient dans plusieurs fragments.
Fondement 14 (Laf. 237, Sel. 269). Si J.-C. n’était venu que pour sanctifier, toute l’Écriture et toutes choses y tendraient et il serait bien aisé de convaincre les infidèles. Si J.-C. n’était venu que pour aveugler toute sa conduite serait confuse et nous n’aurions aucun moyen de convaincre les infidèles, mais comme il est venu In sanctificationem et in scandalum,comme dit Isaïe, nous ne pouvons convaincre les infidèles. Et ils ne peuvent nous convaincre, mais par là même nous les convainquons, puisque nous disons qu’il n’y a point de conviction dans toute sa conduite de part ni d’autre.
Prophéties VIII (Laf. 502, Sel. 738). Raison pourquoi figures. [...] Pour faire réussir tout cela Dieu a choisi ce peuple charnel auquel il a mis en dépôt les prophéties qui prédisent le Messie comme libérateur et dispensateur des biens charnels que ce peuple aimait.
Et ainsi il a eu une ardeur extraordinaire pour ses prophètes et a porté à la vue de tout le monde ces livres qui prédisent leur Messie assurant toutes les nations qu’il devait venir et en la manière prédite dans les livres qu’ils tenaient ouverts à tout le monde. Et ainsi ce peuple déçu par l’avènement ignominieux et pauvre du Messie ont été ses plus cruels ennemis, de sorte que voilà le peuple du monde le moins suspect de nous favoriser et le plus exact et zélé qui se puisse dire pour sa loi et pour ses prophètes qui les porte incorrompus.
De sorte que ceux qui ont rejeté et crucifié J.-C. qui leur a été en scandale sont ceux qui portent les livres qui témoignent de lui et qui disent qu’il sera rejeté et en scandale, de sorte qu’ils ont marqué que c’était lui en le refusant et qu’il a été également prouvé et par les justes juifs qui l’ont reçu et par les injustes qui l’ont rejeté, l’un et l’autre ayant été prédit.
Le point essentiel se trouve dans le mot plusieurs : tous les hommes ne seront pas plongés dans l’obscurité, mais seulement un certain nombre, ceux dont le cœur est mauvais.
Qu’on ne nous reproche donc plus le manque de clarté puisque nous en faisons profession.
Pascal transforme l’objection en argument pour la religion chrétienne. Le reproche de manquer de clarté dans la prophétie et la Révélation est en principe une critique d’ordre supérieur, qui porte sur la forme de la religion : le libertin prétend juger la religion en la considérant dans son ensemble. C’est ce que fera par la suite Voltaire dans les Lettres philosophiques, XXV, § XVIII, éd. Ferret et McKenna, p. 175. « Qu’on ne nous reproche donc plus le manque de clarté, puisque nous en faisons profession ; mais que l’on reconnaisse la vérité de la religion dans l’obscurité même de la religion, dans le peu de lumière que nous en avons, et dans l’indifférence que nous avons de la connaître. Voilà d’étranges marques de vérité qu’apporte Pascal ! Quelles autres marques a donc le mensonge ? Quoi ! il suffirait, pour être cru, de dire : Je suis obscur, je suis inintelligible ! Il serait bien plus sensé de ne présenter aux yeux que les lumières de la foi, au lieu de ces ténèbres d’érudition. » Ou encore dans le Dictionnaire philosophique, éd. Étiemble, Garnier, p. 387-388. « Ce que ma secte enseigne est obscur, je l’avoue, dit un fanatique ; et c’est en vertu de cette obscurité qu’il faut la croire ; car elle dit elle-même qu’elle est pleine d’obscurités. Ma secte est extravagante, donc elle est divine ; car comment ce qui paraît si fou aurait-il été embrassé par tant de peuples, s’il n’y avait pas du divin ? C’est précisément comme l’Alcoran, que les Sonnites disent avoir un visage d’ange et un visage de bête ; ne soyez pas scandalisé du mufle de la bête, et révérez la face de l’ange ». Ainsi parle cet insensé ; mais un fanatique d’une autre secte répond à ce fanatique : « c’est toi qui es la bête, et c’est moi qui suis l’ange. » Or qui jugera ce procès ? Qui décidera entre ces deux énergumènes ? L’homme raisonnable, impartial, savant d’une science qui n’est pas celle des mots ; l’homme dégagé des préjugés et amateur de la vérité et de la justice ; l’homme enfin qui n’est pas bête, et qui ne croit point être ange ».
Pascal répond en argüant que cette obscurité est volontaire, et que c’est à dessein que les prophètes et la prédication du Christ n’ont pas toute la clarté possible : en d’autres termes, il soutient que l’objection ne juge pas la religion, mais qu’elle porte sur un point interne à la doctrine chrétienne : ce n’est pas un caractère de la religion, mais un point dont cette religion même fait profession. Par ce procédé, il fait d’une pierre deux coups : en premier lieu, il réduit une critique qui prétend mettre en cause la religion dans son ensemble en une simple objection portant sur un point particulier ; d’autre part, il réduit cette critique, qui pouvait paraître très forte, en une simple ignoratio elenchi, autrement dit à l’erreur qui consiste, de la part de l’adversaire, à ne pas avoir compris ce qui était en question. Le libertin apparaît dès lors comme un demi-habile qui se croit très fort, alors qu’il n’a pas compris les intention de ceux qu’il attaque.
On retrouve la même tactique dans l’argument du pari, lorsque Pascal défend les chrétiens de ne pas pouvoir rendre raison de leur croyance : voir Preuves par discours I (Laf. 418, Sel. 680) : Qui blâmera donc les chrétiens de ne pouvoir rendre raison de leur créance, eux qui professent une religion dont ils ne peuvent rendre raison ; ils déclarent en l’exposant au monde que c’est une sottise, stultitiam, et puis vous vous plaignez de ce qu’ils ne la prouvent pas. S’ils la prouvaient ils ne tiendraient pas parole. C’est en manquant de preuve qu’ils ne manquent pas de sens.
Une réponse moins décisive sera apportée par Boullier David Renaud, Sentiments de M*** sur la critique des Pensées de Pascal par M. Voltaire, § XVIII, p. 58. L’obscurité de la religion et l’indifférence qu’on a de la connaître sont pour Pascal des caractères de la vérité de la religion. Le faux est de lui-même inintelligible, mais il ne s’ensuit pas que le vrai soit toujours évident. La foi a ses ténèbres comme elle a ses lumières.
Mais, dit-on, il y a des obscurités et sans cela on ne serait pas aheurté à Jésus-Christ.
Mais, dit-on, il y a des obscurités et sans cela on ne serait pas aheurté à J.-C. Et c’est un des desseins formels des prophètes, excaeca est visiblement une addition postérieure au reste du fragment.
Aheurter : verbe neutre, qui ne se dit qu’avec le pronom personnel (s’aheurter), se préoccuper fortement d’une opinion dont on ne nous peut détromper, s’opiniâtrer, s’obstiner. L’homme est si naturellement jaloux de ses sentiments, que quand une fois il s’aheurte à une opinion, on ne le peut guérir de sa préoccupation (Furetière et Dictionnaire de l’Académie).
Ce n’est pas le sens ici. Le verbe aheurter renvoie ici à l’idée de la pierre d’achoppement et du scandale, qui a été envisagée plus haut.
Seconde objection, qui tente de s’opposer à la réponse de Pascal : si la religion n’était pas obscure, elle n’aurait pas eu tant d’adversaires, parce que personne n’aurait été aveuglé. Pascal répond alors que c’est encore une objection qui tombe à côté de la question, car cette obscurité aussi est volontaire.
Et c’est un des desseins formels des prophètes : excaeca.
Voir Havet, éd. Pensées, II, p. 52. ✍
Excaeca : Isaïe, VI, 10. Voir Isaïe, traduit en français, Paris, Desprez, 1686 (traduction Le Maître de Sacy), p. 46. Explication du Chapitre VI : p. 49 sq. Verset 10, « Excaeca cor.. ; », p. 52. « Aveuglez le cœur de ce peuple. Quand Dieu dit à Isaïe Aveuglez le cœur de ce peuple, ce n’est pas que celui qui est la bonté et la sainteté même, puisse avoir aucune part à la malice de l’homme : mais il prédit l’effet que la prédication de sa parole doit produire dans le cœur des Juifs, comme s’il lui disait : Éclairez ce peuple, faites-lui entendre ma volonté ; mais la lumière que vous lui présenterez ne servira qu’à l’aveugler davantage. Il se bouchera les oreilles, et il fermera les yeux, de peur que ses yeux ne voient, que ses oreilles n’entendent, et que son cœur ne se convertisse. C’est pourquoi l’on peut dire dans ces rencontres, que toute gloire est due à Dieu, et la confusion à l’homme ; parce que Dieu ne tend qu’à éclairer l’homme, et à la guérir, et que l’homme au contraire s’endurcit le cœur par les mêmes choses qui auraient dû le porter à se convertir. Ainsi lorsque l’œil qui est gâté par une mauvaise humeur, s’expose au soleil, il en devient encore plus malade. Et alors on n’accuse pas le soleil de cet effet si mauvais, mais on l’attribue à l’indisposition de l’œil. »
Arnauld Antoine, Nouvelle défense de la traduction du nouveau testament de Mons, Livre IX, ch. VI, Œuvres, VII, p. 667 sq. Défense de la traduction de excaecavit.
Chez Pascal, l’idée d’aveuglement est toujours corrélée à celle d’éclaircissement : Jésus est venu à la fois pour aveugler et pour éclairer, pour éclairer ceux qui avaient le cœur bon, alors que leur cœur mauvais aveuglait les autres. Sur la doctrine pascalienne de l’aveuglement, voir Fondement 9 (Laf. 232, Sel. 264). On n’entend rien aux ouvrages de Dieu si on ne prend pour principe qu’il a voulu aveugler les uns et éclaircir les autres.
Les remarques qui suivent sont seulement en rapport avec l’idée de la pierre d’achoppement qui est formulée ci-dessus.
Laf. 594, Sel. 491. Conduite générale du monde envers l’Église. Dieu voulant aveugler et éclairer.
Prophéties V (Laf. 487, Sel. 734). Pendant la durée du Messie. [...] Il doit aveugler les sages et les savants. Is. 6. - Is. 8. 29. - Is. 29. - Is. 61. et annoncer l’évangile aux pauvres et aux petits, ouvrir les yeux des aveugles et rendre la santé aux infirmes - et mener à la lumière ceux qui languissent dans les ténèbres. Is. 61.
Laf. 781, Sel. 644. Préface de la seconde partie. [...] Ce n’est pas de cette sorte que l’Écriture qui connaît mieux les choses qui sont de Dieu en parle. Elle dit au contraire que Dieu est un Dieu caché et que depuis la corruption de la nature il les a laissés dans un aveuglement dont ils ne peuvent sortir que par J.-C. hors duquel toute communication avec Dieu est ôtée. Nemo novit patrem nisi filius et cui filius voluit revelare.
C’est ce que l’Écriture nous marque quand elle dit en tant d’endroits que ceux qui cherchent Dieu le trouvent. Ce n’est point de cette lumière qu’on parle comme le jour en plein midi. On ne dit point que ceux qui cherchent le jour en plein midi ou de l’eau dans la mer en trouveront et ainsi il faut bien que l’évidence de Dieu ne soit pas telle dans la nature. Aussi elle nous dit ailleurs : vere tu es deus absconditus.
Prophéties 26 (Laf. 347, Sel. 379). Prophétie.
Que les Juifs réprouveraient J.-C. et qu’ils seraient réprouvés de Dieu par cette raison ; que la vigne élue ne donnerait que du verjus ; que le peuple choisi serait infidèle, ingrat et incrédule. Populum non caedentem et contradicentem.
Que Dieu les frappera d’aveuglement et qu’ils tâtonneront en plein midi comme des aveugles.
Qu’un précurseur viendrait avant lui.
Preuves par les Juifs VI (Laf. 469, Sel. 706). Dieu a fait servir l’aveuglement de ce peuple au bien des élus.
Dès lors, l’idée de l’aveuglement peut être présentée comme une de ces idées qui témoignent du caractère vénérable de la religion, parce qu’elle a bien connu l’homme (Ordre 10 - Laf. 12, Sel. 46).
Prophéties 23 (Laf. 344, Sel. 376). Que peut-on avoir sinon de la vénération d’un homme qui prédit clairement des choses qui arrivent et qui déclare son dessein et d’aveugler et d’éclaircir et qui mêle des obscurités parmi des choses claires qui arrivent.