Fragment Grandeur n° 5 / 14 – Papier original : RO 197-1
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Grandeur n° 146-147 p. 37 bis-37 bis v° / C2 : p. 57-58
Éditions de Port-Royal : Chap. XXXI - Pensées diverses : 1669 et janv. 1670 p. 324 / 1678 n° 5 p. 318-319
Éditions savantes : Faugère II, 107, XXVIII / Havet III.15 / Michaut 427 / Brunschvicg 392 / Tourneur p. 194-4 / Le Guern 100 / Lafuma 109 / Sellier 141
(voir aussi un texte mutilé écrit au verso)
Contre le pyrrhonisme.
Nous supposons que tous les conçoivent de même sorte mais nous le supposons bien gratuitement car nous n’en avons aucune preuve. Je vois bien qu’on applique ces mots dans les mêmes occasions. Et que toutes les fois que deux hommes voient un corps changer de place ils expriment tous deux la vue de ce même objet par le même mot, en disant l’un et l’autre, qu’il s’est mû et de cette conformité d’application, on tire une puissante conjecture d’une conformité d’idée. Mais cela n’est pas absolument convaincant de la dernière conviction quoiqu’il y ait bien à parier pour l’affirmative, puisqu’on sait qu’on tire souvent les mêmes conséquences des suppositions différentes. Cela suffit pour embrouiller au moins la matière non que cela éteigne absolument la clarté naturelle qui nous assure de ces choses. Les académiciens auraient gagé, mais cela la ternit et trouble les dogmatistes à la gloire de la cabale pyrrhonienne qui consiste à cette ambiguïté ambiguë, et dans une certaine obscurité douteuse dont nos doutes ne peuvent ôter toute la clarté, ni nos lumières naturelles en chasser toutes les ténèbres.
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Nota bene : la compréhension du premier paragraphe suppose que l’on se reporte aux différentes étapes de la rédaction.
Ce fragment, paradoxalement intitulé Contre le pyrrhonisme, semble tirer des principes formulés dans l’opuscule De l’esprit géométrique des conclusions sur les incertitudes du langage qui paraissent renforcer les thèses des sceptiques pyrrhoniens. L’impossibilité pour l’homme de s’assurer sur le sens des mots du discours ordinaire livre sa condition à une “ambiguïté ambiguë”. Problème : pourquoi Pascal a-t-il placé ce fragment dans la liasse Grandeur ?
Mots-clés : Ambiguïté – Connaissance – Doute – Langage – Lumières naturelles – Pyrrhonisme.