Pensées - page 320
n’y en a point.
7. Ceux qui jugent d’un ouvrage
par règle, sont à l’égard des autres,
comme ceux qui ont une montre à
l’égard de ceux qui n’en ont point.
L’un dit : il y a deux heures que nous
sommes ici. L’autre dit : il n’y a que
trois quarts d’heure. Je regarde ma
montre : je dis à l’un : vous vous ennuyez ;
et à l’autre : le temps ne vous
dure guère ; car il y a une heure et
demie ; et je me moque de ceux qui
disent, que le temps me dure à moi,
et que j’en juge par fantaisie : ils ne
savent pas que j’en juge par ma
montre.
8. Il y a en a qui parlent bien et
qui n’écrivent pas de même. C’est
que le lieu, l’assistance, etc. les
échauffe, et tire de leur esprit plus
qu’ils n’y trouveraient sans cette chaleur.
9. Ce que Montaigne a de bon
ne peut être acquis que difficilement.
Ce qu’il a de mauvais, j’entends hors
les mœurs, eût pu être corrigé en
un moment, si on l’eût averti qu’il
faisait trop d’histoires, et qu’il parlait
trop de soi.
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