Fragment Soumission et usage de la raison n° 11 / 23 – Papier original : RO 229-3
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Soumission n° 232 p. 81 v° / C2 : p. 109
Éditions de Port-Royal : Chap. XXXI - Pensées diverses : 1669 et janv. 1670 p. 327 / 1678 n° 14 p. 322
Éditions savantes : Faugère I, 215, CXXIII / Havet III.17 / Brunschvicg 384 / Tourneur p. 230-1 / Le Guern 166 / Lafuma 177 / Sellier 208
Contradiction est une mauvaise marque de vérité.
Plusieurs choses certaines sont contredites. Plusieurs fausses passent sans contradiction. Ni la contradiction n’est marque de fausseté ni l’incontradiction n’est marque de vérité.
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Le manuscrit met en lumière la progression de la pensée de Pascal. Il part d’une expression paradoxale, qui indique plutôt un problème qu’une affirmation : Contradiction marque de vérité. Il la développe par deux maximes symétriques : des idées certaines sont contredites, des erreurs sont admises sans discussion. Il en conclut que ni la contradiction ni l’absence de contradiction ne peuvent servir de marque univoque de la vérité ou de l’erreur. C’est sans doute après coup qu’il complète le titre, pour le changer en une formule qui résume le tout : Contradiction est une mauvaise marque de vérité.
Mais Pascal n’a pas achevé encore sa réflexion, comme il le fait dans le fragment Soumission 10 (Laf. 176, Sel. 207), où il s’intéresse aux dispositions de ceux qui prétextent de la contradiction pour satisfaire leur haine de la vérité.
Fragments connexes
Soumission 10 (Laf. 176, Sel. 207). Ceux qui n'aiment pas la vérité prennent le prétexte de la contestation et de la multitude de ceux qui la nient, et ainsi leur erreur ne vient que de ce qu'ils n'aiment pas la vérité ou la charité. Et ainsi ils ne s'en sont pas excusés.
Miracles III (Laf. 905, Sel. 450). Pyrrhonisme. Chaque chose est ici vraie en partie, fausse en partie. La vérité essentielle n’est point ainsi, elle est toute pure et toute vraie. Ce mélange la détruit et l’anéantit. Rien n’est purement vrai et ainsi rien n’est vrai en l’entendant du pur vrai. On dira qu’il est vrai que l’homicide est mauvais : oui, car nous connaissons bien le mal et le faux. Mais que dira‑t‑on qui soit bon ? La chasteté ? Je dis que non, car le monde finirait. Le mariage ? non, la continence vaut mieux. De ne point tuer ? non, car les désordres seraient horribles, et les méchants tueraient tous les bons. De tuer ? non, car cela détruit la nature. Nous n’avons ni vrai, ni bien qu’en partie, et mêlé de mal et de faux.
Laf. 964, Sel. 798. Il faut bien, dit le Feuillant, que cela ne soit pas si certain, car la contestation marque l'incertitude.
[…] La contradiction a toujours été laissée pour aveugler les méchants, car tout ce qui choque la vérité ou la charité est mauvais. Voilà le vrai principe.
Mots-clés : Certitude – Contradiction – Fausseté – Marque – Vérité.