Fragment Vanité n° 38 / 38 – Papier original : RO 23-4
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Vanité n° 72 et 73 p. 13 v° / C2 : p. 32
Éditions savantes : Faugère II, 135, XIX / Havet XXV.36 / Michaut 50 / Brunschvicg 388 / Tourneur p. 180-1 / Le Guern 48 / Maeda II p. 199 / Lafuma 52 / Sellier 85
Le bon sens. Ils sont contraints de dire : « Vous n’agissez pas de bonne foi, nous ne dormons pas », etc. Que j’aime à voir cette superbe raison humiliée et suppliante ! Car ce n’est pas là le langage d’un homme à qui on dispute son droit et qui le défend les armes et la force à la main. Il ne s’amuse pas à dire qu’on n’agit pas de bonne foi, mais il punit cette mauvaise foi par la force.
|
La vanité de la raison humaine apparaît dans ce fragment dans le fait que ses défenseurs, les philosophes dogmatistes, se montrent incapables de réfuter leurs adversaires sceptiques et pyrrhoniens, autrement qu’en se plaignant de leur mauvaise foi.
Ce texte doit être envisagé en opposition avec le fragment Grandeur 6 (Laf. 110, Sel. 142), dans lequel Pascal défendait la certitude des principes de l’esprit. L’extrême évidence des principes fait que, par nature, il est impossible de les démontrer. Cela laisse aux sceptiques la possibilité de les mettre en cause et d’en demander démonstration. Mais comme ils sont indémontrables, les dogmatistes ne peuvent satisfaire à cette exigence, et se trouvent réduits à alléguer que ce n’est pas de bonne foi et sincèrement que l’on peut douter des principes. Mais cette plainte a quelque chose de pitoyable : elle montre que les dogmatistes n’ont réellement rien à dire pour la défense de la raison naturelle. Ils sont réduits à user de ce qu’en langue classique on appelle une « défaite », c’est-à-dire une échappatoire destinée à dissimuler leur impuissance.
Nota Bene : Le bon sens : la position de cette expression est difficile à interpréter. Ni alignée sur le reste du texte, ni placée au milieu de la ligne, ni écrite en lettres plus grosses, comme c’est souvent le cas dans les titres, elle ne semble entrer dans aucune catégorie préconçue. La formule ne peut du reste pas être interprétée comme un titre indiquant le contenu du texte. Elle précise seulement au compte de qui doit être mise la phrase qui suit. Il s’agit d’un type de mention qui ne s’inscrit pas dans le couple du titre et du texte dans la typographie ordinaire. Il faut plutôt l’interpréter comme le nom du personnage qui parle dans un texte dramatique, ou encore un mot servant d’indicateur thématique ou comme certaines indications placées en tête des citations des textes préparatoires aux Écrits sur la grâce.
Fragments connexes
Raisons des effets 17 (Laf. 99, Sel. 132). Le boîteux qui dit que nous boîtons.
Grandeur 6 (Laf. 110, Sel. 142). Nous savons que nous ne dormons pas...
Contrariétés 14 (Laf. 131, Sel. 164). De plus que personne n’a d’assurance, hors de la foi, s’il veille ou s’il dort [...]
Preuves de J.-C. 11 (Laf. 308, Sel. 339). Les grands génies ont leur empire, leur éclat, leur grandeur, leur victoire et leur lustre, et n’ont nul besoin des grandeurs charnelles, où elles n’ont pas de rapport. Ils sont vus non des yeux mais des esprits, c’est assez.
Pensées diverses (Laf. 802, Sel. 653). Si nous rêvions toutes les nuits la même chose, [...]
Mots-clés : Droit – Bonne foi – Force – Humiliation – Raison – Bon sens.