Prophéties VII – Papier original : RO 277-3
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 73 p. 301 à 303 / C2 : p. 523 à 525
Éditions de Port-Royal :
Chap. X - Juifs : 1669 et janvier 1670 p. 89-90 / 1678 n° 22 p. 89
Chap. XIV - Jésus-Christ : 1669 et janvier 1670 p. 110-111 / 1678 n° 3 p. 110-111
Une note a été ajoutée dans l’édition de 1678 : Chap. VIII -Image d’un homme qui s’est lassé de chercher Dieu n° 2 p. 71-72
Éditions savantes : Faugère II, 79, II ; II, 400 ; II, 192 ; II, 189, V (P-R) ; II, 393 ; II, 314 / Havet XXV.27, XV.13, XIV.5 (P-R), XVII.2 / Brunschvicg 439, 721, 714, 641, 630, 715, 792 / Tourneur p. 348 / Le Guern 454 / Lafuma 490 à 499 (série XVIII) / Sellier 736
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Bibliographie ✍
CHÉDOZEAU Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIX. La Bible de Port-Royal, Paris, Champion, 2013. Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Paris, Cerf, 1993. HAVET Ernest, éd. Pensées, II, Delagrave, 1866. SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970. SHIOKAWA Tetsuya, Pascal et les miracles, Nizet, Paris, 1977. |
✧ Éclaircissements
Nature corrompue.
Ce titre et la phrase qui suit sont à part de tout le reste. Ils appartiennent à la veine anthropologique des Pensées. Il ne s’agit pas ici des Juifs, mais de la nature humaine en général, alors que les parties suivantes touchent essentiellement les prophéties d’Israël et la vie du Christ, c’est-à-dire la veine historique.
Philosophes 4 (Laf. 142, Sel. 175). Philosophes. Ils croient que Dieu est seul digne d’être aimé et d’être admiré, et ont désiré d’être aimés et admirés des hommes, et ils ne connaissent pas leur corruption.
Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). Car la foi chrétienne ne va presque qu’à établir ces deux choses : la corruption de la nature, et la rédemption de Jésus-Christ. Or, je soutiens que s’ils ne servent pas à montrer la vérité de la rédemption par la sainteté de leurs mœurs, ils servent au moins admirablement à montrer la corruption de la nature, par des sentiments si dénaturés.
L’homme n’agit point par la raison, qui fait son être.
Pascal a d’abord écrit plus, puis a corrigé par point. La première rédaction signifie que dans l’état de nature corrompue, l’homme a perdu la capacité de suivre sa raison, alors qu’il en jouissait avant la faute. La substitution de point répond peut-être à l’idée qu’au moment où il allait pécher, et où il n’était pas encore corrompu, Adam ne s’est pas vraiment conduit suivant sa raison.
Il ne semble pas que le rapprochement soit pertinent avec le fragment Preuves par discours I (Laf. 423, Sel. 680). Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point ; on le sait en mille choses. Je dis que le cœur aime l’être universel naturellement et soi-même naturellement, selon qu’il s’y adonne, et il se durcit contre l’un ou l’autre à son choix. Vous avez rejeté l’un et conservé l’autre ; est-ce par raison que vous vous aimez ? En effet, quoique les principes du cœur ne sont pas fournis par la raison, il ne s’ensuit pas qu’ils contredisent la raison.
Le rapprochement est plus pertinent avec les textes qui montrent que les puissances trompeuses supplantent souvent la raison et empêchent l’homme de penser et d’agir selon elle. C’est par exemple l’objet du fragment Vanité 31 (Laf. 44, Sel. 78) : Imagination. C’est cette partie dominante dans l’homme, cette maîtresse d’erreur et de fausseté, et d’autant plus fourbe qu’elle ne l’est pas toujours, car elle serait règle infaillible de vérité, si elle l’était infaillible du mensonge. Mais étant le plus souvent fausse elle ne donne aucune marque de sa qualité marquant du même caractère le vrai et le faux. Je ne parle pas des fous, je parle des plus sages, et c’est parmi eux que l’imagination a le grand droit de persuader les hommes. La raison a beau crier, elle ne peut mettre le prix aux choses. [...] L’affection ou la haine, changent la justice de face, et combien un avocat bien payé par avance trouve-t-il plus juste la cause qu’il plaide. Combien son geste hardi la fait-il paraître meilleure aux juges dupés par cette apparence. Plaisante raison qu’un vent manie et à tout sens. Je rapporterais presque toutes les actions des hommes qui ne branlent presque que par ses secousses. Car la raison a été obligée de céder, et la plus sage prend pour ses principes ceux que l’imagination des hommes a témérairement introduits en chaque lieu.
De la même manière, les maladies, l’intérêt et l’amour propre empêchent les hommes de se conduire conformément à leur raison. Cependant, le raisonnement est parfois plus complexe, par exemple pour ce qui touche le divertissement : dans le fragment Divertissement 4 (Laf. 136, Sel. 168), Pascal commence par montrer que le divertissement peut paraître raisonnable au premier abord, puisqu’il permet d’éviter la perspective de la maladie et de la mort, mais déraisonnable au second regard, puisqu’il empêche de recourir aux remèdes adéquats.
Aussi cette constatation peut-elle être interprétée comme le jugement d’un demi habile. Voir le fragment Divertissement 4 (Laf. 136, Sel. 168). Voilà tout ce que les hommes ont pu inventer pour se rendre heureux et ceux qui font sur cela les philosophes et qui croient que le monde est bien peu raisonnable de passer tout le jour à courir après un lièvre qu’ils ne voudraient pas avoir acheté, ne connaissent guère notre nature. Ce lièvre ne nous garantirait pas de la vue de la mort et des misères qui nous en détournent, mais la chasse nous en garantit. Et ainsi le conseil qu’on donnait à Pyrrhus de prendre le repos qu’il allait chercher par tant de fatigues, recevait bien des difficultés.
Mais ce jugement doit être suivi d’une étape supplémentaire, qui consisterait à comprendre pourquoi l’homme ne suit pas la raison.
Ce jugement est toutefois vrai pour ce qui touche la croyance religieuse, par exemple.
Commencement 1 (Laf. 150, Sel. 183). Les impies qui font profession de suivre la raison doivent être étrangement forts en raison. Que disent-ils donc ? Ne voyons-nous pas, disent-ils, mourir et vivre les bêtes comme les hommes, et les Turcs comme les chrétiens ; ils ont leurs cérémonies, leurs prophètes, leurs docteurs, leurs saints, leurs religieux comme nous, etc. Cela est-il contraire à l’Écriture ? ne dit-elle pas tout cela ? Si vous ne vous souciez guère de savoir la vérité, en voilà assez pour vous laisser en repos. Mais si vous désirez de tout votre cœur de la connaître ce n’est pas assez regardé au détail. C’en serait assez pour une question de philosophie, mais ici où il va de tout... Et cependant après une réflexion légère de cette sorte on s’amusera, etc.
Qu’on s’informe de cette religion, même si elle ne rend pas raison de cette obscurité peut-être qu’elle nous l’apprendra.
Cette maxime a des conséquences morales : Preuves par discours I (Laf. 421, Sel. 680). Il est faux que nous soyons dignes que les autres nous aiment. Il est injuste que nous le voulions. Si nous naissions raisonnables et indifférents, et connaissant nous et les autres nous ne donnerions point cette inclination à notre volonté. Nous naissons pourtant avec elle, nous naissons donc injustes. L’homme raisonnable ne devrait pas tenter de se rendre l’objet de l’amour des autres. Mais la concupiscence et l’amour propre le poussent tout de même à se faire le tyran de son entourage.
Sous un autre point de vue, la maxime est vraie dans l’ordre de la foi : comme, selon Preuves par discours I (Laf. 424, Sel. 680), C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison, il semble que la foi ne soit pas une conduite raisonnable. Mais l’incrédulité est tout aussi irrationnelle que la foi :
Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). C’est donc assurément un grand mal que d’être dans ce doute ; mais c’est au moins un devoir indispensable de chercher, quand on est dans ce doute ; et ainsi celui qui doute et qui ne recherche pas est tout ensemble et bien malheureux et bien injuste. Que s’il est avec cela tranquille et satisfait, qu’il en fasse profession, et enfin qu’il en fasse le sujet de sa joie et de sa vanité, je n’ai point de termes pour qualifier une si extravagante créature. Où peut-on prendre ces sentiments ? Quel sujet de joie trouve-t-on à n’attendre plus que des misères sans ressource ? Quel sujet de vanité de se voir dans des obscurités impénétrables, et comment se peut-il faire que ce raisonnement se passe dans un homme raisonnable ? [...] Car il est indubitable que le temps de cette vie n’est qu’un instant, que l’état de la mort est éternel, de quelque nature qu’il puisse être, et qu’ainsi toutes nos actions et nos pensées doivent prendre des routes si différentes selon l’état de cette éternité, qu’il est impossible de faire une démarche avec sens et jugement qu’en la réglant par la vue de ce point qui doit être notre dernier objet.
Il n’y a rien de plus visible que cela et qu’ainsi, selon les principes de la raison, la conduite des hommes est tout à fait déraisonnable, s’ils ne prennent une autre voie. Que l’on juge donc là-dessus de ceux qui vivent sans songer à cette dernière fin de la vie, qui, se laissant conduire à leurs inclinations et à leurs plaisirs sans réflexion et sans inquiétude, et comme s’ils pouvaient anéantir l’éternité en en détournant leur pensée, ne pensent à se rendre heureux que dans cet instant seulement.
L’idée de derrière la tête de Pascal est pourtant que certaines conduites que l’on juge parfois irrationnelles sont en réalité très bien fondées en raison, et que l’on aurait tort de s’y tromper en s’arrêtant à l’apparence d’irrationalité de certaines conduites qui paraissent imprudentes :
Laf. 577, Sel. 480. S’il ne fallait rien faire que pour le certain on ne devrait rien faire pour la religion, car elle n’est pas certaine. Mais combien de choses fait-on pour l’incertain, les voyages sur mer, les batailles. Je dis donc qu’il ne faudrait rien faire du tout, car rien n’est certain. Et qu’il y a plus de certitude à la religion que non pas que nous voyions le jour de demain.
Car il n’est pas certain que nous voyions demain, mais il est certainement possible que nous ne le voyions pas. On n’en peut pas dire autant de la religion. Il n’est pas certain qu’elle soit mais qui osera dire qu’il est certainement possible qu’elle ne soit pas.
Or quand on travaille pour demain et pour l’incertain on agit avec raison, car on doit travailler pour l’incertain par la règle des partis qui est démontrée.
Saint Augustin a vu qu’on travaille pour l’incertain sur mer, en bataille, etc. mais il n’a pas vu la règle des partis qui démontre qu’on le doit. Montaigne a vu qu’on s’offense d’un esprit boiteux et que la coutume peut tout, mais il n’a pas vu la raison de cet effet.
Toutes ces personnes ont vu les effets mais ils n’ont pas vu les causes. Ils sont à l’égard de ceux qui ont découvert les causes comme ceux qui n’ont que les yeux à l’égard de ceux qui ont l’esprit. Car les effets sont comme sensibles et les causes sont visibles seulement à l’esprit. Et quoique ces effets-là se voient par l’esprit, cet esprit est à l’égard de l’esprit qui voit les causes comme les sens corporels à l’égard de l’esprit.
Nous n’avons point de roi que César.
Havet, éd. Pensées, II, Delagrave, 1866, p. 29. Réf. à Jean, XIX, 15. « Nous n’avons point de roi, sinon César » (tr. de la Bible de Louvain). Le Nouveau Testament de Mons traduit « Nous n’avons d’autre roi que César »
Prophéties 19 (Laf. 340, Sel. 372). Non habemus regem nisi Caesarem. Donc J.-C. était le Messie puisqu’ils n’avaient plus de roi qu’un étranger et qu’ils n’en voulaient point d’autre.
Jean, XIX, 15. « Illi autem clamabant : Tolle, tolle, crucifige eum. Dicit eis Pilatus : Regem vestrum crucifigam ? Responderunt Pontifces : non habemus nisi Caesarem » ; « Mais ils se mirent à crier : Ôtez-le, ôtez-le du monde, crucifiez-le. Pilate leur dit : Crucifierai-je votre roi ? Les princes des prêtres lui répondirent : Nous n’avons de roi que César ».
Pascal cite ici l’exclamation des Juifs eux-mêmes, lorsqu’ils ont récusé Jésus comme roi. En déclarant eux-mêmes qu’ils ne reconnaissaient pour roi qu’un étranger, les Juifs auraient dû comprendre que, selon la prophétie de Jacob, le Messie était arrivé, et qu’il ne pouvait être que Jésus-Christ.
Le commentaire de Sacy dans les notes sur Jean, XIX, 15, s’oriente dans une direction différente : « Ce que les princes des prêtres répondirent à Pilate en lui disant : Qu’ils n’avaient de roi que César, était, selon saint Cyrille, un renoncement public au privilège dont ils se glorifiaient, d’avoir Dieu pour roi. Eux qui en parlant à Jésus-Christ même s’étaient vantés de n’avoir jamais été assujettis à qui que ce soit, se font un mérite présentement de reconnaître César pour leur souverain, et de n’en reconnaître point d’autre. Ils attendaient de tout temps le Christ, qui devait être leur chef et leur prince, pour rétablir le royaume d’Israël : mais ils renoncent ici à le reconnaître pour leur roi, n’en voulant point d’autre que César. Ainsi ç’a été très justement, comme disent les saints Pères, qu’Israël ayant rejeté le règne de Dieu, et lui ayant préféré celui de César, il a été dans la suite livré à la puissance de César, pour être détruit d’une manière si funeste ». Pascal s’oriente dans une direction toute différente.
Juifs témoins de Dieu. Is., 43, 9 ;
Isaïe, XLIII, 9. « Que toutes les nations s’amassent et que tous les peuples se rassemblent. Qui de vous autres a jamais annoncé ces vérités, qui a prédit ce qui est arrivé autrefois ? Qu’ils produisent leurs témoins, qu’ils vérifient leurs prophéties et alors on les écoutera, et on leur dira : Vous dites vrai. »
Isaïe, XLIV, 8. « Ne craignez donc point, ne vous épouvantez point : je vous ai fait savoir dès le commencement, et je vous ai annoncé ce que vous voyez maintenant ; vous êtes témoins de ce que je dis. Y a-t-il donc quelque autre Dieu que moi, et un créateur que je ne connaisse pas ? »
Voir Prophéties VIII (Laf. 502, Sel. 738), sur les Juifs témoins non suspects.
Prophéties 10 (Laf. 331, Sel. 363). Au temps du Messie ce peuple se partage. Les spirituels ont embrassé le Messie, les grossiers sont demeurés pour lui servir de témoins.
44, 8.
Isaïe, XLIV, 8. « Ne craignez donc point, ne vous épouvantez point : je vous ai fait savoir dès le commencement ; et je vous ai annoncé ce que vous voyez maintenant : vous êtes témoins de ce que je dis. Y a-t-il donc quelqu’autre Dieu que moi, et un Créateur que je ne connaisse pas ? »
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C’est visiblement un peuple fait exprès pour servir de témoin au Messie. Is., 43, 9 ; 44, 8. Il porte les livres et les aime et ne les entend point. Et tout cela est prédit, que les jugements de Dieu leur sont confiés, mais comme un livre scellé.
Visiblement est une addition.
Voir Prophéties VIII (Laf. 502, Sel. 738), sur les Juifs témoins non suspects.
Prophéties 10 (Laf. 331, Sel. 363). Au temps du Messie ce peuple se partage. Les spirituels ont embrassé le Messie, les grossiers sont demeurés pour lui servir de témoins.
Prophéties VI (Laf. 489, Sel. 735). Et les visions de tous les prophètes seront à votre égard comme un livre scellé, lequel, si on donne à un homme savant et qui le puisse lire il répondra : je ne puis le lire car il est scellé, et quand on le donnera à ceux qui ne savent pas lire, ils diront : je ne connais pas les lettres.
Endurcis leur cœur. Et comment ? En flattant leur concupiscence et leur faisant espérer de l’accomplir.
Isaïe, VI, 10. « Aveuglez le cœur de ce peuple, rendez ses oreilles sourdes, et fermez ses yeux, de peur que ses yeux ne voient, que ses oreilles n’entendent, que son cœur ne comprenne, et qu’il ne se convertisse à moi, et que je ne le guérisse ».
Commentaire de Port-Royal : « Quand Dieu dit à Isaïe : Aveuglez le cœur de ce peuple, ce n’est pas que celui qui est la bonté et la sainteté même, puisse avoir aucune part à la malice de l’homme : mais il prédit l’effet que la prédication de sa parole doit produire dans le cœur des Juifs, comme s’il lui disait : Éclairez ce peuple, faites-lui entendre ma volonté ; mais la lumière que vous lui présenterez ne servira qu’à l’aveugler davantage. Il se bouchera les oreilles, et il fermera les yeux, de peur que ses yeux ne voient, que ses oreilles n’entendent, et que son cœur ne se convertisse. C’est pourquoi l’on peut dire dans ces remontrances, que toute la gloire est due à Dieu, et la confusion à l’homme ; parce que Dieu ne tend qu’à éclairer l’homme et à le guérir, et que l’homme au contraire s’endurcit le cœur par les mêmes choses qui auraient dû le porter à se convertir. Ainsi lorsque l’œil qui est gâté par une mauvaise humeur, s’expose au soleil, il en devient plus malade. Et alors on n’accuse pas le soleil de cet effet si mauvais ; mais on l’attribue à l’indisposition de l’œil ».
Texte repris dans Jean, XII, 40. « Il a aveuglé leurs yeux, et il a endurci leur cœur, de peur qu’ils ne voient des yeux et ne comprennent du cœur, et que venant à se convertir je ne les guérisse ».
Boucher Jean, Les triomphes de la religion chrétienne, II, Q. 45, p. 231 sq. Qu’est-ce qu’aveuglement et obstination ? Explication des termes d’aveuglement et d’obstination. « Ce cœur est dit être endurci quand il n’est pas enclin à aimer et vouloir quelque chose ». Aveuglement se rapporte à l’esprit, endurcissement au cœur. L’aveuglement suppose une vue antérieure. Voir Q. 46, p. 233 sq. Les Juifs ont été aveuglés par la vue de Jésus-Christ ; avant, ils avaient la vraie foi, ils étaient clairvoyants parmi les païens, ils sont aveuglés à l’avènement du Christ. De même pour les impies : ils ont reçu la lumière de la vraie foi ; la vanité les perd. Aveuglement concerne l’esprit ; endurcissement concerne le cœur. Comment se fait l’endurcissement du pécheur ? Il a plusieurs causes : Dieu aveugle et endurcit l’homme en permettant qu’il tombe dans le péché, en le laissant au milieu de la tentation, en endurcissant par soustraction de la grâce et par l’abondance des faveurs dont il abuse.
Truchet Jacques, La prédication de Bossuet, I, p. 181 sq. État du pécheur qui s’est tant abandonné au mal qu’il en est arrivé à se retirer toute possibilité de conversion, donc de salut. Ce n’est pas seulement un phénomène psychologique, explicable par une habitude de pécher si invétérée qu’elle ne peut plus cesser de s’exercer ; c’est une réalité d’ordre spirituel : il vient un moment, impossible à déterminer pour la sagesse humaine, où Dieu décide de retirer sa grâce au coupable ; celui-ci est dès lors perdu sans remède, voué à l’impénitence finale. La permission par laquelle Dieu permet le péché a alors une valeur de châtiment. « Il y a un jour que Dieu sait, après lequel il n’y a plus pour l’âme aucune ressource » (OC VI, p. 100). « Dieu qui nous voit périr, nous avertit qu’il viendra un point où il cessera de pardonner, et auquel à la fin nous tomberons au dernier degré d’endurcissement et à l’impénitence finale » : p. 183 (OC VI, p. 578).
Thomas d’Aquin, Somme théologique, Ia IIae, Q. LXXIX, art. III, p. 599, Utrum Deus sit causa excaecationis et indurationis ; article IV, IV, Utrum excaecatio et obduratio semper ordinentur ad salutem ejus qui excaecatur et obduratur, p. 601 sq.
La sincérité des Juifs.
Le manuscrit montre que Pascal a d’abord tracé une note brève, et leur manière d’écrire. Se sont greffées sur ce premier jet deux notes : l’une est située à droite, relative aux personnages qui témoignent de la sincérité du peuple juif, notamment les Macchabées et les Massorètes ; l’autre, placée plus bas, touche le caractère et apparemment miraculeux de la sincérité dont ces personnes témoignent.
Preuves par les Juifs II (Laf. 452, Sel. 692). Sincérité des Juifs.
Ils portent avec amour et fidélité ce livre où Moïse déclare qu’ils ont été ingrats envers Dieu toute leur vie, qu’il sait qu’ils le seront encore plus après sa mort, mais qu’il appelle le ciel et la terre à témoin contre eux, qu’il le leur a assez.
Il déclare qu’enfin Dieu s’irritant contre eux les dispersera parmi tous les peuples de la terre, que comme ils l’ont irrité en adorant les dieux qui n’étaient point leurs dieux, de même il les provoquera en appelant un peuple qui n’est point son peuple, et veut que toutes ses paroles soient conservées éternellement et que son livre soit mis dans l’arche de l’alliance pour servir à jamais de témoin contre eux.
Un reproche fréquemment adressé par le chrétien aux Juifs était celui de leur perfidie. Il ne s’agit nullement de les taxer d’hypocrisie : Perfidia signifie incrédulité, en ce sens que les Juifs n’ont pas cru que Jésus-Christ était le Messie qu’ils attendaient. Pascal est au contraire conduit par la logique de son argumentation à insister sur la sincérité et la fidélité des Juifs, dont il pense qu’ils sont les témoins irréprochables, quoique involontaires, de la vérité de la Révélation chrétienne. De la sincérité des Juifs dépend en effet la valeur du témoignage involontaire qu’ils apportent en faveur du Christ Messie. L’idée de la sincérité des Juifs n’est donc pas seulement ce que Pascal estime être une réalité historique, mais aussi une pièce indispensable de l’argumentation historique de l’apologie. D’autre part, le motif de la sincérité des Juifs est l’un de ceux qui font à ses yeux la grandeur de ce peuple, le refus du Christ étant la source de sa misère.
Depuis qu’ils n’ont plus de prophètes. Macchabées.
La période prophétique était terminée lorsque les Macchabées se dressèrent contre le roi Antiochos IV pour préserver leur liberté dans le culte de leur Dieu et moururent en martyrs. Pascal veut dire que la sincérité de leur foi éclate dans le fait que leur rébellion n’était soutenue par aucun prophète pour les entraîner dans les voies de Dieu.
Macchabées : voir La Bible, traduction de Lemaître de Sacy, Paris, Robert Laffont, 1990, p. 1195-1196, sur les livres des Maccabées. Judas Macchabée et ses frères, en 167 avant Jésus-Christ, conduisent une révolte contre le roi séleucide Antiochos IV Épiphane, roi de Syrie, qui obligeait les Juifs à adorer les idoles, pour défendre la liberté religieuse des Juifs. Judas Macchabée repoussa les généraux d’Antiochos et purifia le temple des abominations dont les idolâtres l’avaient souillé.
Chédozeau Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIX. La Bible de Port-Royal, I, p. 650 sq. Préface du livre des Macchabées dans la Bible de Port-Royal. Les livres « racontent la reconquête de la liberté religieuse et politique » du peuple juif et sa résistance à l’hellénisation.
L’épopée des Macchabées explique pourquoi Pascal peut écrire « mourant pour cela ».
Depuis Jésus-Christ, Massorètes.
Les massorètes sont des docteurs juifs qui ont établi le texte de l’Ancien Testament, en notant par des points la prononciation des voyelles. Principe des massorètes : tout dans la Bible a un sens.
Masorah : voir Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, p. 714-716. La Massorah est le système de règles et de principes mis en place pour préserver le texte biblique authentique. À l’origine, les textes bibliques ont été écrits sous forme d’une suite continue de lettres. Les massorètes sont les lettrés qui, à partir du VIe siècle, ont cherché à préserver l’authenticité du texte en le divisant en mots, phrases et sections, avec des signes de ponctuation destinés à permettre une lecture précise.
Les Massorètes témoignent de la sincérité de leur foi dans le zèle dont ils ont témoigné dans la préservation de l’Écriture, à une époque où il n’existait plus d’état hébreu ni de prophètes, et surtout à un moment où Jésus-Christ ayant révélé la loi nouvelle, le soin que les docteurs apportaient à l’étude et à la restitution des textes, poussé jusque dans la figure des lettres, était devenu inutile.
Dossier de travail (Laf. 384, Sel. 3). Macchabées, depuis qu’ils n’ont plus de prophètes. Massor depuis Jésus-Christ.
Le fragment semble indiquer que, avant comme après Jésus-Christ, le peuple juif a défendu sa foi et son culte, soit en combattant, soit en préservant soigneusement la lettre des Écritures. L’extinction de la prophétie l’a laissé sans rapport direct avec son Dieu, mais ne l’a pas empêché de résister aux puissances païennes qui cherchaient à en étouffer la religion ; faute de prophètes, le peuple a eu des combattants, les Macchabées qui défendaient sa foi. Après Jésus-Christ, la religion juive ayant perdu sa vérité substantielle avec l’avènement du christianisme, le peuple n’en a pas moins continué à préserver les Écritures prophétiques : les Massorètes en défendaient l’intégrité du texte saint par un travail minutieux d’établissement et de ponctuation du texte sacré.
Pascal pense que ce sont autant de preuves de la « sincérité » persistante des Juifs, qui s’affirme dans les temps où la Synagogue ne périssait point parce qu’elle était la figure, mais tombait dans la servitude, parce qu’elle n’était que la figure (Laf. 573, Sel. 476).
Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, art. Massorah, p. 714-716.
Ce livre vous sera en témoignage.
Isaïe, XXX, 8. « Nunc ego ingressus scribe ei super buxum, et in libro diligenter exara illud, et erit in die novissimo in testimonium usque in aeternum ». Traduction de Port-Royal : « Maintenant donc allez graver ceci sur le buis en leur présence, et écrivez-le avec soin dans un livre, afin qu’au dernier jour il soit comme un monument qui ne périra jamais. »
Les lettres défectueuses et finales.
Pascal fait allusion aux pratiques des rabbins et des cabalistes, qui considèrent que tout dans l’Écriture, jusqu’aux lettres et à la ponctuation, contient des secrets qu’il appartient aux fidèles de déchiffrer. Cette idée se trouve chez Vigenère Blaise de, Traité des chiffres, f. 37 rv. « Les figures des lettres Hébraïques ont signifiance. [...] Ce n’est pas ainsi des chiffres hébreux, qui jamais ne sortent de leurs caractères ; et si il y a toujours quelque sens de grand mystère et importance ; pour raison qu’ils tiennent leurs dits caractères être divins, et formés de la propre main de Dieu même ; Scriptura quoque Dei erat sculpta in tabulis, en Exode 32. Et ce avant la création du monde, comme met Rabbi Moïse Égyptien au 65e chap. du premier livre de son directeur, après le Talmud au livre de Pesah seni pâque seconde ; esquels caractères il n’y a rien de frivole ni d’oisif, et sans quelque occulte signifiance en leurs figures, assemblements, séparations, tortuosités, directions, défaillances, surcroîts, grandeur, petitesse, conformité de similitude, titres, accents, couronnements, cloison, ouverture, suite, valeur, et disposition. Et pource que les Hébreux n’ont point particulièrement de voyelles rangées en ordre de l’alphabet, par quoi il faut que les consonantes en fassent l’office, selon leurs diverses assiettes et concomitances, il ne se trouve guère de suites de lettres en ceste langue, dont il ne se puisse tirer quelque sens, de toutes les sortes qu’on les puisse renverser et tournevirer. »
Vigenère Blaise de, Traité des chiffres, f° 286 v. « Quant aux points et accent, [...] les uns alléguant que ce fut icelui Esdras qui les inventa ; et les autres, ou il y a plus de certitude, les attribuent aux Massorets, qui vinrent quelque temps après saint Jérôme. »
Loi figurative 27 (Laf. 272, Sel. 303). Figures. [...] Il n’est pas permis d’attribuer à l’Écriture des sens qu’elle ne nous a pas révélé qu’elle a. Ainsi de dire que le ח d’Isaïe signifie 600 cela n’est pas révélé. Il n’est pas dit que que les צ et les ה deficientes signifieraient des mystères. Il n’est donc pas permis de le dire. Et encore moins de dire que c’est la manière de la pierre philosophale. Mais nous disons que le sens littéral n’est pas le vrai parce que les prophètes l’ont dit eux-mêmes.
Vois par exemple sur ces modes d’interprétation Zac Sylvain, Spinoza et le problème de l’interprétation, p. 43, n. 1.
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Sincères contre leur honneur
Contre leur honneur, parce que les Écritures prophétiques dont ils se sont faits porteurs et protecteurs contiennent l’annonce de leur condamnation.
et mourant pour cela.
C’est ce que montre l’épopée des Macchabées.
Cela n’a point d’exemple dans le monde ni sa racine dans la nature.
De plusieurs phénomènes, Pascal déclare qu’ils dépassent les forces ordinaires de la nature. En d’autres termes, on y devine l’effet d’une action dont la puissance est miraculeuse.
Cela n’a point d’exemple dans le monde : la constance des Juifs malgré leurs tribulations paraît aussi à Pascal aller contre tous les effets de la Nature, c’est-à-dire approcher du miracle. C’est ainsi qu’il considère que l’inconscience et l’oubli de l’intérêt propre dont témoignent les incrédules porte la marque d’une puissance supérieure qui la suscite :
Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). Rien n’est si important à l’homme que son état ; rien ne lui est si redoutable que l’éternité. Et ainsi, qu’il se trouve des hommes indifférents à la perte de leur être et au péril d’une éternité de misères, cela n’est point naturel. Ils sont tout autres à l’égard de toutes les autres choses : ils craignent jusqu’aux plus légères, ils les prévoient, ils les sentent ; et ce même homme qui passe tant de jours et de nuits dans la rage et dans le désespoir pour la perte d’une charge ou pour quelque offense imaginaire à son honneur, c’est celui-là même qui sait qu’il va tout perdre par la mort, sans inquiétude et sans émotion. C’est une chose monstrueuse de voir dans un même cœur et en même temps cette sensibilité pour les moindres choses et cette étrange insensibilité pour les plus grandes. C’est un enchantement incompréhensible, et un assoupissement surnaturel, qui marque une force toute-puissante qui le cause.
Sur le sens de cette idée, voir Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, p. 144. Pascal n’entend pas que cette puissance est plus forte que toutes les forces de la nature, mais seulement que la puissance qui produit ces effets est supérieure aux possibilités ordinaires des sujets dans lesquels elle se produit. Pascal ne définit pas le miracle en fonction des forces de la nature entière, puisqu’il admet qu’il ne peut les connaître. Mais il ne s’arrête pas à la définition du miracle comme effet qui surpasse toutes les forces de la nature créée, il en propose une autre : le miracle est un effet qui excède la force naturelle des moyens qu’on y emploie : p. 145. La possibilité que Pascal appelle la « force naturelle des moyens qu’on emploie » est connaissable, sans pénétrer l’essence des choses. La définition de Pascal substitue le moyen à la manière : elle suppose donc ce moyen déjà connu ; elle n’a donc pas besoin d’envisager la nature dans sa totalité : il suffit qu’elle considère le rapport qui existe entre le moyen et l’effet : p. 147.
Prophétie.
Votre nom sera en exécration à mes élus et je leur donnerai un autre nom.
Isaïe, LXV, 15. « Et vous rendrez à votre nom à mes élus un nom d’imprécation ; le Seigneur Dieu vous fera périr, et il donnera à ses serviteurs un autre nom. »
Prophéties accomplies.
Plus que la constance et la sincérité des Juifs, l’accomplissement des prophéties paraît à Pascal être le seul miracle vraiment convaincant. Voir Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles.
Ce paragraphe a une unité remarquable : il recueille des cas de prophéties dont les Écritures soulignent elles-mêmes la réalisation.
3, R., 13, 2.
4, R., 23, 16.
Les deux références, 3 R. 13. 2., c’est-à-dire Troisième livre des Rois, XIII, 12 (NB : Le troisième livre des Rois, dans la classification à laquelle se réfère Pascal, tout comme la Bible de Port-Royal, est aujourd’hui intitulé Premier livre des rois.), et 4 R. 23. 16, c’est-à-dire Quatrième livre des Rois, XXIII, 16, sont conjointes. La première référence, Troisième livre des Rois, XIII, 2, renvoie à un passage qui rapporte la manière dont un « prophète envoyé de Dieu prédit à Jéroboam le renversement de son autel et la naissance de Josias ». Le Quatrième livre des Rois, XXIII, 16, indique que ce chapitre rapporte l’accomplissement de la prophétie.
III Rois, XIII, 1-2.
« En même temps un homme envoyé de Dieu vint de Juda à Bethel, lorsque Jeroboam était près de l’autel et qu’il encensait. 2. Et il s’écria contre l’autel en parlant ainsi de la part du Seigneur : Autel, Autel voici ce que dit le Seigneur : Il naîtra un fils dans la maison de David qui s’appellera Josias, et il immolera sur toi les prêtres des hauts lieux, qui t’encensent maintenant, et brûlera sur toi les os d’hommes. 3. Et il ajouta pour preuve de ce qu’il disait : Voici ce que le Seigneur a dit pour preuve de ce que je vous dis ; Cet autel va se rompre présentement, et la cendre qui est dessus se répandra par terre. 4. Le roi ayant entendu ces paroles que l’homme de Dieu avait prononcées à haute voix contre cet autel qui était à Béthel, étendit sa main qu’il avait retirée de l’autel, et dit : Qu’on le prenne. Et en même temps la main qu’il avait étendue contre le prophète, se sécha, et il ne put plus la retirer à lui. 5. L’autel aussitôt se rompit en deux, et la cendre qui était dessus se répandit selon le miracle que l’homme de Dieu avait par le commandement du Seigneur prédit devoir arriver. »
Commentaire de ces versets :
« Saint Jérôme dit que cet homme envoyé de Dieu se nommait Addo [En marge : Hieron. Tradit. Hebraïc. In 2 Paral. C. 10]. Quelques anciens lui ont donné d’autres noms. Mais le sentiment de saint Jérôme est le plus commun ; quoique cet Addo soit visiblement différent de celui qui était aïeul du prophète Zacharie [En marge : Zachar. C. 1. v. 1.], comme ayant vécu longtemps avant lui. Lors donc que Jéroboam par entre prise sacrilège eut changé la religion d’Israël, en exposant deux veaux d’or dans les deux extrémités de son royaume, l’un à Béthel, lieu célèbre dans l’Écriture, où Dieu s’apparut en songe à Jacob [Gen. c. 29. 19.] ; et l’autre à Dan, qui avait déjà été profané par l’idolâtrie d’Israël du temps des Juges [Judic. C. 18. v. 30] ; lorsque de sa propre autorité il établissait des prêtres qui n’étaient point de la race de Lévi ; qu’il faisait des temples dans les haut-lieux ; et qu’il dressait un autel profane dans Béthel, Addo envoyé de Dieu pour le reprendre de l’impiété de sa conduite, y arriva dans le moment que ce prince montait à l’autel, afin d’y offrir lui-même l’encens. Il est remarquable que ce prophète ne s’adressa point à Jéroboam ; mais par une espèce de figure assez ordinaire dans les livres saints, à l’autel même ; ce qu’il fit, selon la pensée des Interprètes, pour frapper plus sensiblement ce roi et son peuple, en leur témoignant que cet autel, tout insensible qu’il était, serait plus flexible qu’eux à la volonté de Dieu ; et parce que cet autel même qu’ils opposaient d’une manière si profane au saint temple de Jérusalem, devait devenir un monument éclatant de l’impiété de leur conduite, par le prodige qui arriverait lorsqu’il se romprait en deux.
Rien n’était aussi plus capable de faire connaître la grandeur de Dieu et sa prescience infinie, que cette prédiction que fait son prophète, lorsqu’il déclare précisément ce qui ne devait arriver que plus de trois cents ans après, savoir qu’il naîtrait de la maison de David un prince qui se nommerait Josias, et que ce prince pour faire une réparation authentique à la gloire du Dieu d’Israël, immolerait sur cet autel même de Jéroboam les prêtres profanes qui succèderaient à ceux que ce roi impie avait établis. Dieu en prédisant ainsi l’avenir avec la même certitude que s’il eût été déjà présent, et en attendant avec une si longue patience à accomplir ses menaces, invitait, selon la remarque des Interprètes, les impies à la pénitence, et amassait, comme dit saint Paul, des charbons ardents sur leurs têtes ; puisqu’il est certain que les menaces de Dieu sont des avis salutaires qu’il donne aux méchants ; et que s’ils refusent de les écouter, elle leur devient un sujet de plus grande condamnation. Car afin que Jéroboam ne pût douter de la vérité de ce qu’on lui prédisait, on lui donne un signe certain, qui est que son autel s’allait rompre présentement. C’est pourquoi il fut tout à fait inexcusable de n’avoir pas reconnu son impiété. »
IV Rois, XXIII, 16. « Josias retournant en ce lieu vit les sépulcres qui étaient sur la montagne, et il envoya prendre les os qui étaient dans ces sépultures, et les brûla sur l’autel, et il le souilla et profana selon la parole du Seigneur qu’avait prononcée l’homme de Dieu qui prédit ces choses ».
Une note de la Bible de Port-Royal au Quatrième livre des Rois, XXIII, 16, indique que ce chapitre rapporte l’accomplissement de la prophétie : voir Quatrième livre des Rois, XXIII, 16. « Josias retournant en ce lieu vit les sépulcres qui étaient sur la montagne, et il envoya prendre les os qui étaient dans ces sépulcres, et les brûla sur l’autel, et il le souilla et profana selon la parole du Seigneur qu’avait prononcée l’homme de Dieu qui prédit ces choses. »
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Jos., 6, 26.
Josué VI, 26. « Maudit soit l’homme devant le Seigneur qui rebâtira la ville de Jéricho. Que son premier né meure lorsqu’il en jettera les fondements, et qu’il perde le dernier de ses enfants lorsqu’il en mettra les portes. » Cette malédiction s’explique, selon le commentaire de la Bible de Port-Royal, par le fait que Jéricho était « selon la remarque d’un ancien Père, la figure de l’orgueil, de l’avarice, de l’envie, de l’impureté et de toutes les cupidités de ce siècle ». « C’était aussi », selon le commentaire du livre de Josué, « une figure par laquelle Dieu menaçait de sa colère ceux qui ayant une fois détruit dans leur cœur par une conversion véritable l’amour du siècle représenté par Jéricho, le rebâtissent, pour le dire ainsi, de nouveau, en s’abandonnant comme auparavant à l’ambition qui paraissait étouffée en eux ». Le passage auquel Pascal fait ici référence rapporte l’accomplissement de cette malédiction : « Pendant son règne [le règne d’Achab] Hiel qui était de Béthel bâtit Jéricho. Il perdit Abiram son fils aîné lorsqu’il en jeta les fondements, et Segub, le dernier de ses fils lorsqu’il en posa les portes, selon que le Seigneur l’avait prédit par Josué, fils de Nun. »
3, R., 16, 34.
III Rois, XVI, 34. « Pendant son règne Hiel qui était de Bethel bâtit Jéricho. Il perdit Abiram son fils aîné lorsqu’il en jeta les fondements, et Ségub le dernier de ses fils lorsqu’il en pose les portes, selon que le Seigneur l’avait prédit par Josué fils de Nun ».
Voir le commentaire p. 315-316.
« Lorsque Jéricho eût été pris d’une manière miraculeuse, selon qu’il est rapporté dans l’histoire de Josué, ce chef du peuple de Dieu fit brûler entièrement cette ville qui était comme une forteresse du paganisme, et en fit ainsi un holocauste à la gloire du Dieu d’Israël. Il prononça dans le même temps par un esprit prophétique une terrible malédiction contre celui qui oserait entreprendre de la rebâtir, parce qu’elle était, selon la remarque d’un ancien Père, la figure de l’orgueil, de l’avarice, de l’envie, de l’impureté et de toutes les cupidités criminelles de ce siècle [August. De temp. Serm. 106. tom. 10. p. 294.], qu’il n’est plus permis à un chrétien de rétablir dans son cœur, après qu’il les a détruites par le baptême et la pénitence.
Ce que Josué prédit dès lors, en disant que celui qui rebâtirait Jéricho perdrait son fils aîné, lorsqu’il en jetterait les fondements, et le dernier de ses fils, lorsqu’il en élèverait les portes, s’accomplit exactement plus de cinq cents ans après en la personne d’un habitant de Bethel, c’est-à-dire d’un impie et d’un idolâtre, nommé Hiel, qui ne craignit point d’entreprendre ce que nul prince n’avait osé faire jusqu’à ce temps, et qui pour plaire sans doute à Achab le plus méchant de tous les rois d’Israël, sacrifia tous ses enfants l’un après l’autre à la colère de Dieu, sans que la mort du premier qui l’avertissait de son crime, pût l’empêcher de violer jusqu’à la fin la défense du Seigneur, et d’achever ce qu’il avait commencé pour la réparation de Jéricho.
Le démon tente présentement d’une manière plus subtile les imitateurs de cet idolâtre. Car en même temps qu’il leur inspire une grande horreur pour l’entreprise si téméraire d’Hiel, qui frappe et qui étonne leur sens, il les engage insensiblement à accomplir la vérité de ce qui n’en était que la figure, en rétablissant au fond de leurs cœurs le règne et comme la citadelle du démon, par l’orgueil et les autres crimes dont il est le père ».
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Deut., 33.
Deutéronome, XXXIII. « Voici les bénédictions que Moïse, homme de Dieu, donna aux enfants d’Israël avant sa mort. 2. Il dit : Le Seigneur est venu de Sinaï ; il s’est levé sur nous de Seir : il a paru sur le mont Pharan, et des millions de saints avec lui. Il porte en sa main droite la loi de feu. 3. Il a aimé les peuples, tous les saints sont dans sa main, et ceux qui se tiennent à ses pieds recevront ses instructions et sa doctrine. 4. Moïse nous a donné une loi comme l’héritage de toute la maison de Jacob. 5. Elle tiendra lieu de roi dans Jacob, tant qu’il aura le cœur droit, que les princes du peuple étant unis avec les tribus d’Israël. 6. Que Ruben vive, et qu’il ne meure pas ; mais qu’il soit en petit nombre. 7. Voici la bénédiction de Juda : Seigneur écoutez la voix de Juda, et donnez-lui parmi son peuple la part que vous lui avez destinée ; ses mains combattront pour Israël, et il sera son protecteur contre ceux qui l’attaqueront. 8. Il dit aussi à Lévi : Ô Dieu, votre perfection et votre doctrine a été donnée au saint homme que vous avez choisi, que vous avez éprouvé dans la tentation, et que vous avez jugé aux Eaux de contradiction. 9. Qui a dit à son père et à sa mère : Je ne vous connais point ; et à ses frères : Je ne sais qui vous êtes ; et ils n’ont point connu leurs propres enfants. Ce sont ceux-là qui ont exécuté votre parole, et qui ont gardé votre alliance. 10. qui ont observé vos ordonnances, ô Jacob, et votre loi, ô Israël. Ce sont ceux-là, Seigneur, qui vous offriront de l’encens pour vous apaiser dans votre fureur, et qui mettront l’holocauste sur votre autel. 11. Bénissez sa force, ô Seigneur, et recevez les ouvrages de ses mains. Transpercez les reins de ses ennemis ; et que ceux qui les haïssent tombent sans pouvoir se relever. 12. Moïse dit aussi à Benjamin : Benjamin est le bien-aimé du Seigneur, il habitera en lui avec confiance. Le Seigneur demeurera avec lui tout le jour comme dans une chambre nuptiale ; et il se reposera entre ses bras. 13. Moïse dit aussi à Joseph : Que la terre de Joseph soit remplie des bénédictions du Seigneur, des influences du ciel, de la rosée, et des sources d’eaux cachées sous la terre ; 14. des fruits nés de la vertu du soleil et de la lune ; 15. des fruits qui croissent sur le haut des montagnes anciennes, et sur les collines éternelles ; 16. de tous les grains, et de toute l’abondance de la terre. Que la bénédiction de celui qui a paru dans le buisson vienne sur la tête de Joseph, sur la tête de celui qui a été comme un Nazaréen entre ses frères. 17. Sa beauté est semblable au premier-né du taureau ; ses cornes sont semblables à celles du rhinocéros ; il enlèvera en l’air tous les peuples jusqu’aux extrémités de la terre. Telles seront les troupes innombrables d’Éphraim, et les millions d’hommes qui composeront la tribu de Manassé. 18. Moïse dit encore à Zabulon : Réjouissez-vous, Zabulon, dans votre sortie, et vous Issachar dans vos tentes. 19. Vos enfants appelleront les peuples sur la montagne, et ils immoleront des victimes de justice. Ils suceront comme le lait les richesses de la mer, et les trésors cachés dans le sable. 20. Moïse dit à Gad : Gad a été comblé de bénédictions ; il s’est reposé comme un lion, il a saisi les bras et la tête de sa proie. 21. Il a reconnu sa principauté en ce que le docteur d’Israël devait être mis dans sa terre. Il a marché avec les Princes de son peuple, et a observé à l’égard d’Israël les lois du Seigneur, et les ordres qu’il lui avait prescrits. 22. Moïse dit ensuite à Dan : Dan est comme un jeune lion. Il se répandra de Basan, et il s’étendra bien loin. 23. Moïse dit encore à Nephthali : Nephthali se verra dans l’abondance de toutes choses, il sera comblé des bénédictions du Seigneur, il possédera la Mer et le Midi. 24. Il dit à Azer : Qu’Azer soit béni entre tous les enfants d’Israël, qu’il soit agréable à ses frères, et qu’il trempe son pieds dans l’huile. 25. Sa chaussure sera de fer et d’airain. Les jours de ta vieillesse, ô Azer, seront comme ceux de votre jeunesse. 26. Il n’y a point d’autre Dieu qui soit comme le Dieu de votre père, qui a eu le cœur si droit. Votre protecteur est celui qui monte au plus haut des cieux ; c’est par sa haute puissance qu’il règle le cours des nuées ; 27. Sa demeure est au plus haut des cieux, d’où son bras éternel gouverne le monde. Il fera fuir devant vous vos ennemis, et il leur dira : Je veux que vous périssiez. 28. Israël habitera sur la terre dans une pleine assurance, et il habitera seul. L’œil de Jacob verra sa terre pleine de blé et de vin ; et l’air sera obscurci par l’eau de la pluie et de la rosée. 29. Vous êtes heureux, ô Israël : qui est semblable à vous, ô peuple qui trouvez votre salut dans le Seigneur ? Le Seigneur est le bouclier qui vous couvre, il est l’épée qui assure votre gloire. Vos ennemis refuseront de vous reconnaître, mais vous foulerez leurs têtes sous tes pieds. »
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Malach., 1, 11. Le sacrifice des Juifs réprouvé et le sacrifice des païens (même hors de Jérusalem) et en tous les lieux.
L’expression est elliptique, et se comprend en remontant à la source : Pascal ne veut pas dire que le sacrifice des païens, selon la loi nouvelle, est réprouvé même quand il a lieu hors de Jérusalem ; il faut entendre que le sacrifice des païens est admis par Dieu dans la loi nouvelle, même lorsqu’il est effectué hors de Jérusalem, alors que dans la loi juive, il est interdit de sacrifier en dehors du Temple.
Malachie, I, 11. « Car depuis le lever du soleil jusqu’au couchant, mon nom est grand parmi les nations ; et l’on me sacrifie en tout lieu, et l’on offre à mon nom une oblation toute pure ; parce que mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur des armées. » Commentaire de Port-Royal : « Les Juifs ne doivent sacrifier que dans Jérusalem ; et ils n’offraient à Dieu que des hosties qui n’étaient point pures à l’égard de la sainteté de Dieu, ni dignes de lui, puisqu’ils ne lui offraient que le sang des bêtes, qui n’étaient que l’ombre du sacrifice de la loi nouvelle. Mais présentement l’Église répandue dans toute la terre, offre à Dieu dans tous les temps et dans tous les lieux du monde, une hostie infiniment pure, puisque c’est un Dieu qui s’offre à Dieu, afin que le même sang qu’il a répandu pour la rédemption des âmes, les nourrisse et les guérisse, et les fasse vivre de la vie de Dieu ».
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Moïse prédit la vocation des gentils avant que de mourir. 32, 21. Et la réprobation des Juifs.
Deutéronome, XXXII, 21. « Ils m’ont voulu comme piquer de jalousie, en servant au lieu de moi, ceux qui n’étaient point dieux, et ils m’ont irrité par la vanité de leurs sacrilèges. Et moi je les piquerai aussi de jalousie, en aimant ceux qui jusqu’alors n’étaient point mon peuple, et je les irriterai par les grâces que j’aurai faites à une nation insensée. »
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Moïse prédit ce qui doit arriver à chaque tribu.
C’est le sens de la référence Deut. XXIII donnée plus haut : chapitre intitulé Moïse bénit les douze tribus, et prédit ce qui leur doit arriver. Le texte a été cité plus haut.
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Prophétie.
Amos et Zacharie. Ils ont vendu le juste et pour cela ne seront jamais rappelés.
Amos, II, 6. « Voici ce que dit le Seigneur : Après les crimes qu'Israël a commis trois et quatre fois, je ne changerai point l'arrêt que j'ai prononcé contre lui ; parce qu'il a vendu le juste pour de l'argent, et le pauvre pour les choses les plus viles. »
Zacharie, XI, 12. « Et je leur dis : si vous jugez qu’il soit juste de me payer, rendez-moi la récompense qui m’est due ; sinon, ne le faites. Ils pesèrent alors trente pièces d’argent qu’ils me donnèrent pour ma récompense ».
Jésus-Christ trahi.
La formule est appelée par la citation d’Amos, II, 6 : le Christ a été trahi et vendu par Judas. Les trente pièces de Zacharie, XI, 12, sont censées annoncer la somme versée à Juda.
On n’aura plus mémoire d’Égypte : voyez Is., 43, 16-17-18-19 ;
Isaïe, XLIII, 16-19. « Voici ce que dit le Seigneur qui a ouvert un chemin au milieu de la mer, et un sentier au travers des abîmes d’eaux, 17. Qui fit entrer dans la mer Rouge les chariots et les chevaux, les troupes d’Égypte, et toutes leurs forces. Ils furent tous ensevelis dans un sommeil dont ils ne se réveilleront point ; ils furent étouffés et éteints pour jamais, comme on éteindrait la mèche d’une lampe. 18. Mais ne vous souvenez plus des choses passées, ne considérez plus ce qui s’est fait autrefois. 19. Je m’en vais faire des miracles tout nouveaux, ils vont paraître, et vous les verrez ; je ferai un chemin dans le désert, je ferai couler des fleuves dans une terre inaccessible. »
L’oubli de l’Égypte, dans le style des prophètes, désigne l’oubli dans lequel le peuple juif est tombé de la manière dont Dieu l’a délivré au moment de l’Exode.
Jérém., 23, 6-7.
Jérémie XXIII, 6-8. « En ce temps-là Juda sera sauvé, Israël habitera dans ses maisons sans rien craindre, et voici le nom qu’ils donneront à ce roi : le Seigneur qui est notre juste. 7. C’est pourquoi le temps vient, dit le Seigneur, où l’on ne dira plus : Vive le Seigneur qui a tiré les enfants d’Israël de l’Égypte, 8. Mais : Vive le Seigneur qui a tiré et qui a ramené les enfants de la maison d’Israël de la terre d’aquilon, et de tous les pays où je les avais chassés, afin qu’ils habitassent de nouveau dans leurs terres. »
Prophétie.
Les Juifs seront répandus partout. Is., 27, 6.
Isaïe, XXVII, 6. « Un jour les racines de Jacob pousseront avec vigueur, Israël fleurira et germera, et ils rempliront de fruits toute la face du monde. »
Loi nouvelle. Jér., 31, 32.
Jérémie, XXXI, 31-32 : « 31. Le temps vient, dit le Seigneur, où je ferai une nouvelle alliance avec la maison d’Israël et la maison de Juda. 32. Non selon l’alliance que je fis avec leurs pères au jour que je les pris par la main pour les faire sortir de l’Égypte, parce qu’ils ont violé cette alliance ; c’est pourquoi je leur ai fait sentir mon pouvoir, dit le Seigneur. »
Le second temple glorieux. Jésus-Christ y viendra. Agg., 2, 7-8-9-10 ;
Aggée est l’un des petits prophètes, qui, à l’époque d’Esdras et du retour du peuple en terre sainte, s’est particulièrement attaché à blâmer la lenteur avec laquelle les Juifs reconstruisaient le Temple de Jérusalem. Il prédit aussi la chute de l’empire perse.
Aggée, II, 7-10. « Car voici ce que dit le Seigneur des armées. Encore un peu de temps, et j’ébranlerai le ciel et la terre, la mer et tout l’univers. 8. J’ébranlerai tous les peuples, et le Désiré de toutes les nations viendra, et je remplirai de gloire cette maison, dit le Seigneur des armées. 9. L’argent est à moi, et l’or est aussi à moi, dit le Seigneur des armées. 10. La gloire de cette dernière maison sera encore plus grande que celle de la première, dit le Seigneur des armées ; et je donnerai la paix en ce lieu, dit le Seigneur des armées. »
Commentaire de Port-Royal : « Tout le monde convient que ces deux versets s’entendent à la lettre de l’avènement du Messie, qui devait naître de la race de Zorobabel cinq cents ans après cette prédiction. Dieu dit que pour faire ce miracle, il ébranlera le ciel et la terre, voulant marquer par cette expression le changement que l’Incarnation de Jésus-Christ devait faire dans tout l’univers, en réconciliant Dieu et les anges avec les hommes, et détruisant sur la terre le règne du démon, pour y établir celui de Dieu. » Sur les trois derniers versets, Je remplirai de gloire cette maison... : « Quelques-uns mettent la gloire de cette seconde maison de Dieu au-dessus de la première, en ce que des rois étrangers et idolâtres y ont envoyé des présents ; ce qui n’est pas arrivé au temple de Salomon. Mais Dieu fait bien voir que ce n’est pas par ces ornements extérieurs que le second temple de Jérusalem a surpassé le premier ».
En réalité, il faut comprendre que le véritable second temple auquel pensent les prophètes est l’Église que fondera le Christ.
Malachie.
Malachie, III, intitulé dans tr. Sacy, La Bible, coll. Bouquins, p. 1192, Avènement du précurseur du Messie et du Messie même. Exhortations, reproches et promesses que Dieu adresse aux enfants de Juda. Le verset 1 répond à l’idée : « Je vais vous envoyer mon ange, qui préparera ma voie devant ma face ; et aussitôt le Dominateur que vous cherchez, et l’Ange de l’alliance si désiré de vous viendra dans son temple. Le voici qui vient, dit le Seigneur des armées. »
Grotius.
L’édition Lafuma Luxembourg, Notes, p. 94, renvoie à De veritate religionis christianae, livre V, 14, qui rapporte ce qu’Aggée dit du temps de la venue du Messie. Il semble plutôt que cela renvoie au § 15 :
« XV. Daniel, à qui le Prophète Ezéchiel a rendu le témoignage d’une piété éminente, n’a pas eu sans doute dessein de nous tromper. Et l’on ne peut pas dire non plus qu’il ait été trompé par l’Ange Gabriel. Or c’est en qualité de disciple de cet ange, qu’il nous dit au Ch. IX de sa Prophétie, que depuis l’Édit en vertu duquel les Juifs rebâtiraient Jérusalem, il s’écoulerait moins de 500 ans, avant que le Messie parût. Depuis cet Édit jusqu’à nôtre siècle plus de 2 000 ans se sont passez. Cependant le Messie que les Juifs attendent n’est pas encore venu : et ils ne peuvent nommer personne qui soit venu en cette qualité dans le temps marqué par Daniel. D’ailleurs, Jésus-Christ est venu si précisément dans ce terme, que Néhumias, Docteur Juif, qui vivait 50 ans avant lui, disait, qu’avant que 50 ans se fussent écoulez, on verrait l’accomplissement de cet Oracle.
Une seconde marque du temps, auquel le Messie devait paraître, et qui s’accorde avec la première, c’est l’établissement que le même Prophète prédit que Dieu ferait d’un Empire universel, après que la Postérité de Séleucus et de Lagus aurait cessé de régner. Or le Royaume d’Égypte, qui finit sous Cléopâtre, la dernière Personne de la race de Lagus, finit un peu avant la naissance de Jésus-Christ. Une troisième marque du temps de l’avènement du Messie, se trouve au Ch. IX. de Daniel, où il est dit, que peu après cet avènement la Ville de Jérusalem serait détruite, et Josèphe même a entendu cet Oracle de cette totale destruction qui arriva de son temps : donc le temps marqué pour cet avènement était alors passé. La dernière marque du temps que nous cherchons, se recueille du Ch. II d’Aggée. Zorobabel Chef des Juifs et Jésus fils de Josédec souverain Sacrificateur ne pouvaient voir sans une extrême affliction que le Temple qu’ils bâtissaient, ne répondît pas à la magnificence du premier. Dieu les console, en leur promettant que la gloire de ce second Temple serait plus grande que celle de l’autre. Or si l’on confronte la description de ce Temple, telle qu’elle se trouve dans l’Histoire sainte de ces temps-là, et dans les Écrits de Josèphe, avec la description que l’Écriture fait du Temple de Salomon ; on verra, que l’avantage du nouveau Temple sur l’ancien ne consistait ni dans la grandeur du bâtiment, ni dans la perfection de l’architecture, ni dans la magnificence des ornements. Les Docteurs Juifs mêmes ont remarqué qu’il manquait au second Temple deux choses très-avantageuses qui se trouvaient dans le premier ; l’une était une lumière éclatante, qui marquait visiblement la présence de la Majesté divine. Mais il n’est pas besoin de sortir du Texte que nous avons cité, pour découvrir en quoi le second Temple devait être plus excellent que l’autre ; puisque Dieu y promet qu’il y affermira sa paix, c’est-à-dire sa grâce et sa bienveillance, comme par une Alliance ferme et perpétuelle.
La même promesse est expliquée un peu plus au long au Ch. III de Malachie, Voici, j’enverrai mon Ange qui préparera mes voies, et aussitôt après, le Seigneur que vous désirez, le messager de l’Alliance, lequel fait votre joie, entrera dans son Temple. Or dans le temps que Malachie vivait, le second Temple était bâti : donc le Messie a dû venir pendant que le second Temple subsistait. Sur quoi il faut remarquer, que lorsque les Juifs désignent le temps par la durée du second Temple, ils entendent par là tout le temps qui a coulé depuis Zorobabel jusqu’à Vespasien. Et la raison de cela est que sous Hérode le Grand, le Temple ne fut pas, à proprement parler, relevé de ses ruines, mais rebâti peu à peu, et partie après partie : ce qui ne devait pas empêcher qu’on ne l’appelât le même Temple. Toutes ces marques qui caractérisaient le temps du Messie, firent tant d’impression sur les Juifs du temps de Jésus-Christ et sur les Peuples voisins, et elles produisirent une attente si ferme et si constante, que plusieurs d’entr’eux regardèrent Hérode comme le Messie, d’autres le crurent voir en la personne de Judas le Gaulonite ; et d’autres tombèrent dans la même erreur à l’égard de quelques autres personnes un peu distinguées. »
Vocation des gentils. Joël, 2, 28 ;
Joël, II, 28. « Après cela, je répandrai mon esprit sur toute chair ; vos fils et vis filles prophétiseront ; vos vieillards seront instruits par des songes, et vos jeunes gens auront des visions. »
Osée, 2, 24 ;
Osée, II, 24. « Et je dirai à celui que j’appelais Non-mon-peuple : Vous êtes mon peuple ; et il me dira : Vous êtes mon Dieu ».
Deut., 32, 21.
Deutéronome, XXXII, 12. « Le Seigneur a été son seul conducteur et il n’y avait point avec lui de dieu étranger ». Entendre : le conducteur du peuple.
Mal., 1, 11.
Malachie, I, 11. « Car depuis le lever du ciel jusqu’au couchant mon nom est grand parmi les nations, et l’on me sacrifie en tout lieu, et l’on offre à mon nom une oblation toute pure, parce que mon nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur des armées ».
Quel homme eut jamais plus d’éclat ?
Cet ensemble touche la carrière du Christ. Il peut être comparé, par exemple, au fragment Laf. 560, Sel. 467, Sépulcre du Christ. C’est d’abord une méditation sur le double aspect d’éclat et de bassesse de sa vie. Conformément à ce que Pascal écrit dans le texte sur les trois ordres, Preuves de Jésus-Christ 11 (Laf. 308, Sel. 339), Il est bien ridicule de se scandaliser de la bassesse de J.-C., comme si cette bassesse était du même ordre duquel est la grandeur qu’il venait faire paraître ». La bassesse du Christ ne trompe que les esprits charnels, car elle ne le touche qu’extérieurement : elle n’est que l’effet de la méconnaissance des hommes. Mais si l’on considère la personne et la mission du Christ, on s’aperçoit que toute l’histoire de l’humanité est centrée sur lui, et que son avènement avait pour fin, non pas son avantage propre, mais le bien et le salut des hommes. Qu’on considère cette grandeur-là dans sa vie, dans sa passion, dans son obscurité, dans sa mort, dans l’élection des siens, dans leur abandonnement, dans sa secrète résurrection et dans le reste. On la verra si grande qu’on n’aura pas sujet de se scandaliser d’une bassesse qui n’y est pas.
Le peuple juif tout entier le prédit avant sa venue.
Le peuple gentil l’adore après sa venue.
Ces deux peuples, gentil et juif, le regardent comme leur centre.
Résumé des deux idées de l’annonce du Messie par les Juifs dans l’Ancien Testament, et de la conversion des Gentils après la mort et la résurrection du Christ.
Dossier de travail (Laf. 388, Sel. 7). Jésus-Christ que les deux Testamentsregardent, l’anciencomme son attente le nouveaucomme son modèle, tous deux comme leur centre.
Preuves par discours III (Laf. 449, Sel. 690). Qu’on examine l’ordre du monde sur cela, et qu’on voie si toutes choses ne tendent pas à l’établissement des deux chefs de notre religion : Jésus-Christ est l’objet de tout, et le centre où tout tend. Qui le connaît connaît la raison de toutes choses.
Laf. 811, Sel. 658. Les deux plus anciens livres du monde sont Moïse et Job.L’un juif l’autre païen qui tous deux regardent Jésus-Christ comme leur centre commun et leur objet, Moïseen rapportant les promesses de Dieu à Abraham, Jacob etc. et ses prophéties, et Job. Quis mihi det ut etc Scio enim quod redemptor meus vivit, etc.
Et cependant, quel homme jouit jamais moins de cet éclat ?
Jouir s’entend au sens du latin frui. Voir plus bas.
De trente-trois ans il en vit trente sans paraître. Dans trois ans il passe pour un imposteur.
Allusion aux paroles que le Christ, suivant Luc, IV, 24, prononça lors de son passage à Nazareth : « aucun prophète n’est bien reçu en son pays. »
Dans trois ans : pendant trois ans, durée de la prédication du Christ.
Les prêtres et les principaux le rejettent. Ses amis et ses plus proches le méprisent.
Enfin il meurt trahi par un des siens,
Il s’agit naturellement de la trahison de Judas Iscariote.
renié par l’autre
Pierre a renié le Christ trois fois. On se rappelle que le reniement de Pierre a été l’un des points qui ont engendré la mise en accusation d’Arnauld en Sorbonne, et de ce fait la polémique des Provinciales. La question de droit était, selon la première Provinciale, la suivante, § 13 : « Il s’agit d’examiner ce que Monsieur Arnauld a dit dans la même Lettre : Que la grâce sans laquelle on ne peut rien, a manqué à S. Pierre, dans sa chute. »
Voir l’Abrégé de la vie de Jésus-Christ :
« Jésus les reprend et leur dit que le plus grand sera le moindre.
Et néanmoins préfère Pierre (peut-être parce qu’il n’est pas de ceux qui aspiraient à la primauté) en s’adressant à lui, disant : “Simon, Simon, voici, Satan a demandé de vous cribler comme le blé, mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point.” - Pour lui faire entendre que sa persévérance en la foi serait un don de Dieu et non un pur effet de sa propre force.
Mais Pierre, plein des sentiments que la nature inspire et n’ayant pas encore reçu le Saint-Esprit, lui dit, s’assurant sur ses propres forces, qu’encore que les autres le quittent, il le suivra partout. Mais Jésus lui prédit son triple reniement. Et ensuite leur ordonne de porter des bourses et des épées, et ensuite prédit encore sa mort.
Pierre et les autres persistent à maintenir leur fidélité.
[...]
Jésus est premièrement mené à Anne.
Puis à Caïphe, et Pierre suivait de loin.
Et Jean suivait aussi, lequel ayant connaissance chez le Pontife, n’eut pas de peine à entrer, et introduisit aussi Pierre.
Aussi Pierre entre et se chauffe, car il faisait froid.
Jésus est interrogé de sa doctrine et de ses disciples.
[...]
Pendant que ces choses se passaient dans le conseil, Pierre était dans la cour, où il fut reconnu, à la lueur du feu, par les domestiques, et renia hautement Jésus.
Le coq chante incontinent, il sort et pleure amèrement. »
et abandonné par tous.
Les disciples ont abandonné Jésus au moment de son arrestation dans le jardin des Oliviers. Voir l’Abrégé de la vie de Jésus-Christ :
« Il vint en un jardin de Gethsémani.
Et laissant ses disciples, fut au mont des Olives à son ordinaire.
Il prend avec soi Pierre, Jacques et Jean, et étant en tristesse, leur dit que son âme est triste jusqu’à la mort.
Il s’éloigne un peu d’eux.
D’environ le jet d’une pierre.
Il prie.
La face en terre.
Trois fois.
À chaque fois, il vient à ses disciples et les trouve dormants.
L’ange le conforte (dans la destitution de toute consolation et divine et humaine, où sa nature humaine était réduite). Et dans cette agonie, il sue le sang.
Judas s’approche, et ses troupes.
Jésus les renverse tous d’une parole.
Judas le baise. Jésus se livre. Pierre coupe l’oreille de Malchus. Jésus l’en reprend.
Et le guérit.
Jésus, en se livrant, prie qu’on laisse aller les siens.
Jésus est amené, et les disciples s’enfuient. Et un jeune homme le suivant nu dans un drap, on le veut prendre. Il quitte son drap et s’enfuit nu. »
Quelle part a-t-il donc à cet éclat ? Jamais homme n’a eu tant d’éclat, jamais homme n’a eu plus d’ignominie. Tout cet éclat n’a servi qu’à nous pour nous le rendre reconnaissable, et il n’en a rien eu pour lui.
Ces lignes précisent la formule précédente quel homme jouit jamais moins de cet éclat ? Le Christ n’est pas mort pour son propre avantage, mais pour le salut des hommes auxquels il s’était rendu semblable. Le verbe jouir se prend ici au sens augustinien : la fin du sacrifice de la croix est placée dans le bonheur des hommes et l’effacement des péchés.