Pensées diverses III – Fragment n° 39 / 85 – Papier original : RO 433-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 128 p. 373 v° / C2 : p. 331 v°

Éditions savantes : Faugère I, 201, LXX / Havet XXV.10 / Brunschvicg 368 / Tourneur p. 102-5 / Le Guern 580 / Lafuma 686 (série XXV) / Sellier 565

 

 

 

Quand on dit que le chaud n’est que le mouvement de quelques globules et la lumière le conatus recedendi que nous sentons, cela nous étonne. Quoi ! que le plaisir ne soit autre chose que le ballet des esprits ? Nous en avons conçu une si différente idée et ces sentiments‑là nous semblent si éloignés de ces autres que nous disons être les mêmes que ceux que nous leur comparons. Le sentiment du feu, cette chaleur qui nous affecte d’une manière tout autre que l’attouchement, la réception du son et de la lumière, tout cela nous semble mystérieux, et cependant cela est grossier comme un coup de pierre. Il est vrai que la petitesse des esprits qui entrent dans les pores touche d’autres nerfs, mais ce sont toujours des nerfs touchés.

 

 

Ce fragment exprime moins, de la part de Pascal, une réticence à l’égard de la théorie cartésienne de la chaleur et de la lumière que l’idée de la surprise de homme devant sa propre nature et devant les modèles mécaniques qui prétendent l’expliquer. Pascal a déjà remarqué dans Disproportion de l’homme, Transition 4 (Laf. 199, Sel. 230), que sa propre nature est inconcevable à l’homme.

 

Conatus recedendi : effort pour s’éloigner, force centrifuge.

 

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Fragments connexes

 

Grandeur 4 (Laf. 108, Sel. 140). Qu’est‑ce qui sent du plaisir en nous ? Est‑ce la main, est‑ce le bras, est‑ce la chair, est‑ce le sang ? On verra qu’il faut que ce soit quelque chose d’immatériel.

Transition 4 (Laf. 199, Sel. 230). Et ce qui achève notre impuissance à connaître les choses est qu’elles sont simples en elles-mêmes et que nous sommes composés de deux natures opposées et de divers genres, d’âme et de corps. Car il est impossible que la partie qui raisonne en nous soit autre que spirituelle et quand on prétendrait que nous serions simplement corporels cela nous exclurait bien davantage de la connaissance des choses, n’y ayant rien de si inconcevable que de dire que la matière se connaît soi-même Il ne nous est pas possible de connaître comment elle se connaîtrait.

Et ainsi si nous sommes simples matériels nous ne pouvons rien du tout connaître, et si nous sommes composés d’esprit et de matière nous ne pouvons connaître parfaitement les choses simples spirituelles ou corporelles.

De là vient que presque tous les philosophes confondent les idées des choses et parlent des choses corporelles spirituellement et des spirituelles corporellement, car ils disent hardiment que les corps tendent en bas, qu’ils aspirent à leur centre, qu’ils fuient leur destruction, qu’ils craignent le vide, qu’ils ont des inclinations, des sympathies, des antipathies, toutes choses qui n’appartiennent qu’aux esprits. Et en parlant des esprits ils les considèrent comme en un lieu, et leur attribuent le mouvement d’une place à une autre, qui sont choses qui n’appartiennent qu’aux corps.

 

Mots-clés : Attouchement – Chaleur – EspritÉtonnement – Globule – LumièreMouvement – Nerf – PlaisirSentiment – Son.