Pensées diverses V – Fragment n° 3 / 7 – Papier original : RO 249-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 169 p. 401 v° / C2 : p. 375 v°

Éditions de Port-Royal : Chap. XXIX - Pensées morales : 1669 et janvier 1670 p. 287-288 /

1678 n° 39 p. 285

Éditions savantes : Faugère I, 205, LXXXIII / Havet VI.31 / Michaut 522 / Brunschvicg 135 / Tourneur p. 121-2 / Le Guern 647 / Lafuma 773 (série XXVII) / Sellier 637

 

 

 

Rien ne nous plaît que le combat mais non pas la victoire : on aime à voir les combats des animaux, non le vainqueur acharné sur le vaincu. Que voulait‑on voir sinon la fin de la victoire ? Et dès qu’elle arrive on en est saoul. Ainsi dans le jeu, ainsi dans la recherche de la vérité : on aime à voir dans les disputes le combat des opinions, mais de contempler la vérité trouvée, point du tout. Pour la faire remarquer avec plaisir, il faut la faire voir naître de la dispute. De même dans les passions, il y a du plaisir à voir deux contraires se heurter, mais quand l’une est maîtresse ce n’est plus que brutalité.

Nous ne cherchons jamais les choses, mais la recherche des choses. Ainsi dans les comédies, les scènes contentes sans crainte ne valent rien, ni les extrêmes misères sans espérance, ni les amours brutaux, ni les sévérités âpres.

 

 

Pascal montre dans ce fragment que la forme du combat apparaît dans la plupart des activités humaines, mais il approfondit cette idée en l’associant à la théorie du divertissement : l’homme ne recherche pas la victoire, il ne recherche que la recherche elle-même. Pascal réunit généralement dans cette conception le combat, la recherche de la vérité et la comédie.

 

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Fragments connexes

 

Raisons des effets 19 (Laf. 101, Sel. 134). Le peuple a les opinions très saines. Par exemple :

[...] D’avoir choisi le divertissement, et la chasse plutôt que la prise. Les demi‑savants s’en moquent et triomphent à montrer là‑dessus la folie du monde. Mais par une raison qu’ils ne pénètrent pas on a raison.

Divertissement 4 (Laf. 136, Sel. 168). Raison pourquoi on aime mieux la chasse que la prise.

[...]

Tel homme passe sa vie sans ennui en jouant tous les jours peu de chose. Donnez-lui tous les matins l’argent qu’il peut gagner chaque jour, à la charge qu’il ne joue point, vous le rendez malheureux. On dira peut-être que c’est qu’il recherche l’amusement du jeu et non pas le gain. Faites-le donc jouer pour rien, il ne s’y échauffera pas et s’y ennuiera. Ce n’est donc pas l’amusement seul qu’il recherche. Un amusement languissant et sans passion l’ennuiera. Il faut qu’il s’y échauffe, et qu’il se pipe lui-même en s’imaginant qu’il serait heureux de gagner ce qu’il ne voudrait pas qu’on lui donnât à condition de ne point jouer, afin qu’il se forme un sujet de passion et qu’il excite sur cela son désir, sa colère, sa crainte pour cet objet qu’il s’est formé comme les enfants qui s’effraient du visage qu’ils ont barbouillé.

 

Mots-clés : Amour – Brutalité – Combat – Comédie – Content – Contraire – Crainte – Dispute – JeuMisèreOpinionPassionPlaisirRechercheVérité – Victoire.